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Med Sci (Paris). 37(6-7): 625–631.
doi: 10.1051/medsci/2021091.

Les approches thérapeutiques de modulation de l’épissage
Avancées et perspectives

Amel Saoudi1,2 and Aurélie Goyenvalle1,3*

1Université Paris-Saclay, UVSQ, Inserm, END-ICAP, Handicap neuromusculaire - physiopathologie, biothérapie et pharmacologie appliquées , 78000Versailles , France
2Université Paris-Saclay, CNRS, Institut des neurosciences Paris Saclay , 91190Gif-sur-Yvette , France
3Laboratoire international associé Biothérapies appliquées aux handicaps neuromusculaires (LIA BAHN), Centre scientifique de Monaco , Monaco
Corresponding author.
 

Vignette (Photo © Theresinha Evangelista).

Les stratégies thérapeutiques fondées sur la modulation de l’épissage de l’ARN messager (ARNm) sont actuellement en pleine expansion, notamment grâce à de récents succès dans le traitement de certaines maladies neuromusculaires. Au cours de la dernière décennie, plusieurs molécules ont obtenu des autorisations de mise sur le marché (AMM) pour le traitement de la dystrophie musculaire de Duchenne (DMD) et de l’amyotrophie spinale (SMA), et de nouvelles générations de molécules sont désormais en cours de développement. La possibilité d’agir sur l’épissage des ARN pré-messagers (pré-ARNm) présente un intérêt majeur pour de nombreuses maladies génétiques causées par des mutations affectant l’épissage. La modulation de l’ARN repose sur l’utilisation de divers outils moléculaires, tels que des petites molécules actives, au premier rang desquelles les oligonucléotides antisens (ASO), qui peuvent être administrés directement ou véhiculés par des vecteurs viraux. Les ASO sont des oligonucléotides synthétiques de 12 à 30 nucléotides conçus pour se lier à un ARNm ou à un ARN non codant par appariement de bases Watson-Crick (guanine-cytosine et adénine-uracile), dans le but de moduler l’expression de ces ARN. Les ASO ont été utilisés pour la première fois en 1978 par Zamecnik et Stephenson afin d’inactiver l’expression des gènes [ 1 ], mais la technique a rapidement évolué, notamment grâce aux progrès faits en termes de modifications chimiques, ce qui a permis d’élargir considérablement les champs d’applications possibles. Alors que les premiers ASO, de type phosphodiester (PO) non modifiés, étaient rapidement dégradés dans la circulation sanguine, diverses modifications ont progressivement été introduites dans leur squelette/structure chimique afin d’augmenter leur stabilité et leur affinité pour l’ARN [ 2 ]. L’une des premières modifications a été le remplacement d’un des atomes d’oxygène du groupement phosphate PO 4 par un atome de soufre, créant ainsi des liens phosphorothioate (ou thiophosphate) (PS). Cette substitution a non seulement permis d’améliorer la résistance endogène des ASO aux nucléases, mais a aussi offert un avantage significatif en termes de pharmacocinétique. En effet, les ASO-PS (ASO de type phosphorothioate) présentent une affinité accrue pour de nombreuses protéines [ 3 , 4 ], ce qui facilite leur distribution et leur absorption cellulaires par rapport à leurs homologues phosphodiester. Cependant, les modifications de type PS sont également connues pour être à l’origine d’effets indésirables dus à leur affinité pour certaines protéines plasmatiques, conférant parfois aux ASO-PS un profil toxicologique indésirable [ 5 ]. Afin d’améliorer leur résistance aux nucléases et leur affinité pour les ARNm ciblés, des ASO de deuxième génération ont été alors développés, avec l’introduction de modifications chimiques en position 2’ du ribose, telles que les 2’O-méthyl (2’OMe) et 2’O-méthoxyéthyl (2’MOE) [ 6 ], ou par des changements substantiels dans la structure du sucre, conduisant à une grande variété de molécules, comme les morpholinos (ou PMO pour phosphoroamidate morpholino oligomer ) [ 7 ] et les oligonucléotides de type contraint (LNA pour locked nucleic acid [ 8 ] et cEt pour 2’-4’-constrained ethyl [ 9 ]).

Ces avancées en matière de modifications chimiques ont incontestablement contribué au succès de certains ASO. Le domaine de la modulation d’épissage a cependant connu plusieurs tentatives infructueuses, mettant en évidence les limites des outils actuels.

Nous proposons ici de faire le point sur l’état actuel des thérapies fondées sur la modulation d’épissage et de mettre en perspectives leurs progrès récents à travers les développements précliniques et cliniques réalisés pour deux maladies : la dystrophie musculaire de Duchenne et l’amyotrophie spinale.

Le saut d’exon thérapeutique pour la dystrophie musculaire de Duchenne

La première approche de modulation de l’épissage à avoir été évaluée en clinique fut le saut d’exon thérapeutique développé pour traiter la dystrophie musculaire de Duchenne (DMD). La DMD est une maladie neuromusculaire sévère liée au chromosome X et affectant 1 naissance sur 5 000 naissances d’enfants de sexe masculin. Elle se caractérise par une faiblesse musculaire progressive et une dégénérescence des muscles, dues à des mutations dans le gène DMD, qui modifient le cadre de lecture et empêchent la production de la dystrophine, une protéine qui joue un rôle mécanique et signalétique entre le cytosquelette d’actine et la matrice extracellulaire. L’approche du saut d’exon thérapeutique pour la DMD vise à éliminer un exon lors de l’épissage, en utilisant des ASO masquant les sites d’épissage, afin de restaurer le cadre de lecture originel, ce qui permet la production d’une dystrophine, parfois nommée quasi-dystrophine, qui, bien que légèrement tronquée, reste fonctionnelle ( Figure 1 ) . Plusieurs chimies d’ASO ont été développées pour la DMD dans le but d’augmenter la stabilité des ASO et leur affinité pour l’ARN cible. Parmi celles-là, le 2’OMe chargé (ou drisapersen) et le PMO non chargé (ou étéplirsen) ont été les premiers ASO utilisés pour cibler l’exon 51 du gène DMD . Malgré des résultats encourageants dans les études cliniques initiales [ 10 ], un grand essai de phase III évaluant l’administration par voie sous-cutanée du drisapersen n’a pas démontré d’avantages cliniques significatifs ni d’augmentation évidente de la dystrophine [ 11 ]. Ces résultats décevants, ainsi que l’observation de certains effets secondaires, tels qu’une protéinurie et des réactions au niveau du site d’injection, ont conduit la Food and Drugs Administration (FDA) des États-Unis à rejeter le drisapersen, conduisant ainsi à l’arrêt de tous les programmes cliniques utilisant des 2’OMe pour la DMD, y compris ceux ciblant d’autres exons (les exons 45, 44 et 53).

En revanche, l’injection du PMO (étéplirsen) par voie intraveineuse a conduit à des niveaux de production faibles mais significatifs de la dystrophine, ce qui lui a permis d’obtenir en décembre 2016, non sans controverse, une autorisation de mise sur le marché de la FDA, l’étéplirsen devenant ainsi le premier ASO modulateur d’épissage à être approuvé aux États-Unis [ 12 ]. D’autres ASO de type PMO, ciblant l’exon 53 ont, par la suite, été approuvés par la FDA en décembre 2019 (golodirsen) et en août 2020 (viltolarsen) sur la base d’une faible restauration de dystrophine (en moyenne 1 % pour le golodirsen et 2,8 % pour le viltolarsen chez les patients traités par 80 mg/kg de PMO) [ 13 , 14 ]. Un autre PMO ciblant l’exon 45 (le casimersen) vient également d’être approuvé par la FDA en février 2021 sur la base d’une restauration de dystrophine de 1,7 % 1, chez les patients traités par 30 mg/kg de PMO. En dépit de ces apparents succès, les niveaux de dystrophine restauré dans les biopsies de patients traités par ces PMO restent extrêmement faibles et, en 2018, l’Agence européenne des médicaments (AEM) a émis un avis négatif concernant l’étéplirsen [ 12 ], jugeant que le rapport bénéfice-risque actuel n’était pas positif et que l’utilisation de la dystrophine comme biomarqueur était encore prématurée. Afin de fournir des preuves concluantes de l’efficacité clinique de ces molécules, de vastes études de phase III contrôlées contre placebo sont en cours avec l’étéplirsen, le golodirsen et le casimersen.

L’une des limitations principales des ASO de première génération demeure leur adressage médiocre aux tissus cibles, comme les muscles squelettiques ou le cœur. Il a notamment été montré que l’absorption musculaire des PMO dépendait de la présence de foyers inflammatoires associés aux lésions dystrophiques, ainsi que de la fusion des myoblastes et des monocytes chargés en PMO au voisinage des fibres musculaires endommagées [ 15 ]. L’amélioration de l’adressage des ASO à leurs tissus cibles représente aujourd’hui un défi majeur dans le domaine de la modulation d’épissage thérapeutique ; de nouvelles générations de molécules antisens visant à relever ce défi sont en cours de développement [ 16 ].

Nouvelles générations d’ASO et alternatives à l’adressage
Des ASO dits « stéréopurs » ont récemment été développés dans le but d’optimiser les propriétés de biodistribution des ASO présentant des liaisons PS ainsi que leur profil toxicologique. Étant donné que le squelette phosphorothioate est chiral, un ASO-PS de 20 nucléotides est en fait un mélange de 2 19 stéréoisomères différents qui ne sont pas tous aussi efficaces, ni bien tolérés. Un ASO « stéréopur » a été ainsi sélectionné en fonction de la chiralité R ou S de chaque phosphate.

Un candidat « stéréopur » optimisé pour le saut de l’exon 51 (suvodirsen) a ainsi démontré une restauration de dystrophine bien supérieure (environ 52 % de restauration versus 1 % obtenu avec les autres types d’ASO) dans des cellules isolées de patients présentant une DMD. Cependant, son évaluation clinique en phase II/III (NCT03907072) n’a montré aucune induction de l’expression de la dystrophine après des administrations intraveineuses, et le développement clinique du suvodirsen pour la DMD a été suspendu.

La recherche de chimies alternatives d’ASO a conduit à l’identification des tricyclo-ADN (tcDNA) comme des ASO prometteurs pour les approches de modulation d’épissage thérapeutiques [ 17 , 18 ]. Les tricyclo-ADN sont des analogues synthétiques de conformation contrainte, ayant notamment démontré des propriétés de biodistribution intéressantes, y compris une capacité à franchir la barrière hémato-encéphalique après une administration par voie générale [ 19 ] ( ).

(→) Voir la Nouvelle de A.Goyenvalle et al ., m/s n° 3, mars 2015, page 253

Cet avantage ouvre des perspectives uniques de pouvoir traiter à la fois la maladie musculaire et les comorbidités de la DMD dues à l’absence de dystrophine dans le cerveau. Un essai clinique de phase I/II est programmé en France pour fin 2021 par la société SQY Therapeutics .

La conjugaison des ASO à des peptides facilitant leur pénétration dans les cellules (appelés CPP pour cell-penetrating peptide ) ou à des anticorps, tels que ceux ciblant le récepteur de la transferrine [ 20 ], est également étudiée pour améliorer une administration ciblée. Les CPP sont de courts peptides cationiques et/ou amphipathiques, qui facilitent la translocation des ASO à travers les membranes cellulaires ainsi que leur sortie des endosomes. Certains de ces ASO conjugués à de tels peptides, tels que les PPMO ( peptide-conjugated phophoroamidate morpholino oligomer ) ont démontré une efficacité très supérieure à leurs homologues non conjugués, permettant notamment une restauration significative de la production de dystrophine dans le cœur de souris modèles de la maladie [ 21 ]. Une étude de phase I/II est actuellement en cours avec un PPMO ciblant l’exon 51, et Sarepta Therapeutics a récemment communiqué des résultats préliminaires encourageants, notamment en comparaison de patients traités par l’étéplirsen (le PMO équivalent, mais non conjugué à un peptide).

Afin de pérenniser l’effet des ASO, et ainsi d’éviter la nécessité d’une administration récurrente (potentiellement à vie), il a été proposé de vectoriser les séquences antisens dans des vecteurs recombinants dérivés des virus adéno-associés (AAV). Pour cela, les séquences antisens sont insérées dans un ARN U7snRNA ( U7 small-nuclear RNA ) optimisé. L’ARN U7snRNA est un petit ARN nucléaire non codant qui est naturellement impliqué dans la maturation des pré-ARNm des histones. Pour en faire un outil de modulation d’épissage, la séquence antisens naturelle du U7snRNA est remplacée par une séquence antisens d’intérêt (ciblant par exemple un exon du gène DMD ). Grâce à cette inclusion dans l’ARN U7snRNA, et sa vectorisation dans un vecteur de type AAV, la séquence antisens est directement adressée et exprimée dans le noyau, de façon continue sous le contrôle du promoteur naturel de l’ARN U7snRNA. Des études précliniques, réalisées dans des modèles murins de DMD [ 19 , 22 ] et chez le chien Golden retriever muscular dystrophy (GRMD) 2 [ 23 , 24 ], ont montré que cette approche permet une localisation subcellulaire appropriée des séquences antisens avec les pré-ARNm, grâce à l’accumulation des particules U7snRNP dans le noyau [ 25 ], ainsi qu’une restauration de l’expression de dystrophine jusqu’à cinq ans post-injection chez le chien GRMD. À la suite de ces résultats encourageants, un essai clinique de phase I/II (NCT04240314) pour le saut de l’exon 2 a été entrepris chez des patients atteints de DMD et présentant une duplication de cet exon. Les duplications d’exon représentent en effet 11 % des mutations touchant le gène DMD , et la duplication de l’exon 2 est la plus commune chez les patients [ 26 ]. Le saut d’exon ciblant les duplications vise à restaurer une dystrophine complète et donc entièrement fonctionnelle, ce qui présente un avantage significatif par rapport aux quasi-dystrophines résultant de l’élimination d’exon(s) interne(s) pour corriger le cadre de lecture ou les mutations non-sens. Les résultats préliminaires de cette étude de phase I/II ont été présentés lors du 25 e congrès de la World Muscle Society (WMS) en octobre 2020 [ 27 ] et ont révélé, chez les 2 patients traités, une diminution de respectivement 95 % et 81 % des niveaux de créatine kinase sérique (typiquement élevés chez les patients atteints de DMD) à trois mois post-injection, et une réexpression respective de 5,8 % et 1,4 % de dystrophine, confirmant le potentiel thérapeutique de cette approche vectorisée.

L’ensemble des données désormais disponibles sur les thérapies de modulation d’épissage pour la DMD suggère que l’adressage ciblé des ASO médicaments représente la limitation majeure qui entrave leur efficacité lorsqu’ils sont administrés par voie générale. En revanche, pour d’autres maladies neuromusculaires, telles que la SMA, pour laquelle les motoneurones sont les principales cellules cibles, ce problème d’adressage a pu être contourné en utilisant une voie d’administration ciblée et a ainsi conduit à des succès beaucoup plus marquants.

La modulation d’épissage pour l’amyotrophie spinale

L’amyotrophie spinale (SMA) est une maladie autosomique récessive du motoneurone avec une incidence de 1/10 000 naissances. Elle est causée par des mutations dans le gène SMN1 ( survival motor neuron 1 ) codant la protéine SMN, impliquée dans la maturation des ARNm via l’assemblage du spliceosome. Les patients atteints de SMA sont classés en 4 groupes (type 1 à 4) selon l’âge de début de la maladie et l’importance du déficit de la force musculaire, mais la variante la plus commune est la SMA de type 1, qui représente 60 % des cas. Elle affecte les nourrissons, qui n’acquièrent jamais la capacité de s’asseoir et survivent rarement au-delà de l’âge de 2 ans. Il existe une copie centromérique du gène, appelée SMN2 , qui ne diffère du gène SMN1 que par quelques nucléotides, dont une substitution C->T qui entraîne un épissage alternatif de l’exon 7 et qui ne permet la production que de 10 % de protéine SMN, une production insuffisante pour contre-balancer le manque de SMN et maintenir la survie et le fonctionnement normal des motoneurones. Diverses thérapies incluant des ASO et des petites molécules ont été mises au point pour moduler l’épissage du gène SMN2 et permettre la ré-inclusion de cet exon 7 afin de produire davantage de protéine SMN ( Figure 2 ) .

Les ASO pour l’amyotrophie spinale
Plusieurs classes d’ASO ont été développées pour interférer avec l’épissage de l’ARNm SMN2 , parmi lesquelles un ASO de type 2’MOE-PS de 18 nucléotides, nommé nusinersen (commercialisé sous le nom de Spinraza®). Celui-ci a démontré des résultats particulièrement prometteurs, initialement dans les modèles murins de SMA [ 28 - 30 ], puis dans les études cliniques. Tout comme les autres ASO utilisés actuellement en clinique, le nusinersen ne traverse pas la barrière hématoencéphalique et nécessite des injections intrathécales directes, administrées sous la forme d’une phase de chargement (4 administrations sur une période de deux mois), suivie d’injections trimestrielles. Plusieurs essais cliniques randomisés ont été réalisés par Ionis pharmaceuticals et Biogen , et ont permis de démontrer l’efficacité du nusinersen chez plusieurs centaines de patients atteints de SMA [ 31 ] ( ).

(→) Voir la Synthèse de E. Gargaun, m/s hors série n° 2, novembre 2019, page 11

Dans l’étude multicentrique ENDEAR de phase III, en double aveugle, la survie et l’acquisition de nouvelles capacités psychomotrices chez des patients SMA de type 1 ont notamment conduit à l’interruption prématurée de l’étude contrôlée contre placebo, permettant ainsi à tous les participants de recevoir le médicament. Le nusinersen a été approuvé par la FDA fin décembre 2016 et par l’AEM en juin 2017. Il représente probablement le plus grand succès de la thérapie à base d’ASO. Toutefois, plusieurs défis demeurent et, bien que le nusinersen induise une amélioration clinique robuste et significative chez les patients atteints de SMA de type 1 (mesurée par une réponse positive significative du test HINE [ Hammersmith Infant Neurological Examination ]), de nombreux enfants conservent un handicap résiduel significatif en raison du stade avancé de la maladie avant le début du traitement. Dans ce cadre, les résultats d’une étude de phase II en cours chez des nourrissons pré-symptomatiques susceptibles de développer une SMA de type 1 ou 2, a fourni des données extrêmement encourageantes sur l’efficacité d’un traitement pré-symptomatique, puisque 88 % des patients traités sont parvenus à marcher de manière indépendante [ 32 ]. Au vu de ces résultats exceptionnels, le dépistage néonatal de la maladie a commencé dans de nombreux pays.

Néanmoins, le mode d’administration actuel par injections intrathécales ne permet pas de traiter l’atteinte d’organes périphériques rapportée dans la SMA, telle que les dysfonctionnements cardiaques, et représente également un risque de lésions tissulaires ou d’infection après de multiples administrations. Des chimies alternatives d’ASO telles que les PPMO [ 33 ] ou les tcDNA [ 18 ] ont démontré leur capacité à franchir la barrière hémato-encéphalique après administration par voie générale, notamment dans des modèles de souris SMA de type 3, permettant d’envisager un bénéfice thérapeutique suite à des injections intraveineuses plutôt qu’intrathécales. Au-delà de ces nouvelles générations d’ASO, de petites molécules très prometteuses ont également été développées pour moduler l’ARNm de SMN2 .

Les petites molécules pour l’amyotrophie spinale
Le risdiplam est une petite molécule issue de la recherche du laboratoire PTC Therapeutics et développée par le laboratoire Roche/Genentech , permettant de moduler l’épissage de l’exon 7 du gène SMN2 et ainsi de favoriser son inclusion dans l’ARNm de SMN2 , via le renforcement de l’interaction entre le spliceosome (ou épissosome) et le site d’épissage 5’ (5’SS) de l’exon 7 de SMN2 [ 34 ]. Le ridisplam permet en effet de stabiliser une adénine non hybridée au niveau de la jonction exon-intron, transformant ainsi le 5’SS « faible » de l’exon 7 en un site d’épissage nettement plus fort. Ce type de composés étant capable de traverser la barrière hémato-encéphalique avec une excellente biodistribution [ 35 ], le risdiplam peut être administré par voie orale, ce qui présente un avantage indiscutable pour les patients. Les résultats préliminaires de deux essais internationaux de phase II/III (l’essai FIREFISH dans la SMA de type 1 et l’essai SUNFISH randomisé, en double aveugle contre placebo, dans la SMA de type 2 ou 3) ont confirmé l’efficacité du risdiplam sur les fonctions motrices et respiratoires des patients. Sur la base de ces résultats, la FDA a accordé une AMM au risdiplam le 7 août 2020 pour les SMA de type 1, 2 et 3 aux États-Unis. Il est commercialisé sous le nom de Evrysdi®. En Europe, Roche a déposé une demande d’AMM en août 2020 à l’AEM qui a accepté une évaluation accélérée, ce qui signifie que le processus d’évaluation peut être ramené de 15 à 9 mois. Des essais sont actuellement toujours en cours pour évaluer ce médicament sur un grand groupe de patients atteints de SMA, représentatifs de la population concernée par cette maladie : les essais FIREFISH et SUNFISH se poursuivent ; l’essai JEWELFISH est en cours chez des patients âgés de 6 mois à 60 ans, ayant déjà été traités par d’autres molécules, et l’essai RAINBOWFISH est en cours chez des nourrissons âgés de moins de 6 semaines et pré-symptomatiques.

Une autre molécule modifiant la maturation de l’ARNm SMN2 , le branaplam, a été identifiée par Novartis Pharmaceuticals lors d’un crible à haut débit. Elle permet de stabiliser l’interaction entre l’épissosome et le pré-ARNm SMN2 [ 36 ]. En raison des résultats encourageants obtenus dans un modèle sévère de souris SMA, démontrant une augmentation significative de l’expression de la protéine SMN et de la survie des animaux, le branaplam est actuellement en cours d’évaluation clinique chez des patients SMA de type I (NCT02268552).

Conclusions et perspectives

Les thérapies par modulation d’ARN ont fait des progrès impressionnants au cours des dernières années, comme l’illustrent les récentes autorisations de mise sur le marché de plusieurs médicaments, et le nombre croissant d’essais cliniques évaluant ce type de stratégie. Ces succès récents suscitent optimisme et espoir pour le développement de futures thérapies de modulation d’épissage. Cependant, le bénéfice clinique de ces approches dépend de façon critique du tissu ciblé et de la voie d’administration, notamment dans le cas des oligonucléotides antisens (ASO). En effet, le potentiel thérapeutique des ASO administrés par voie générale est bien loin de celui obtenu avec des ASO injectés localement, comme en témoigne le succès du nusinersen, administré par voie intrathécale, comparé à l’effet beaucoup plus mitigé induit par l’étéplirsen pour la DMD, qui n’a d’ailleurs toujours pas reçu d’AMM en Europe. Cela s’explique par la biodistribution extrêmement limitée des ASO injectés par voie générale : il est estimé que seulement 1 % environ des ASO atteint le compartiment cellulaire ciblé (comme les muscles squelettiques ou cardiaque) après une administration par voies intraveineuse ou sous-cutanée [ 37 ].

L’amélioration de la distribution ciblée (en particulier au système nerveux central ou au muscle cardiaque, dans le cas des maladies neuromusculaires) représente aujourd’hui le principal défi identifié dans le domaine de la modulation d’épissage induite par les ASO. Le développement de chimies alternatives plus performantes ou de nouveaux systèmes d’administration est devenu un axe de recherche très actif ces dernières années [ 16 ]. Le développement récent et la commercialisation d’ASO incorporant des conjugués GalNAc (N-acétylgalactosamine), présentant une supériorité thérapeutique de 20 à 30 fois, ont confirmé la possibilité de créer de meilleurs ASO. Inspirée par le succès des conjugués GalNAc, la conjugaison d’ASO à divers ligands, tels que des peptides, des lipides et des anticorps, est actuellement explorée [ 38 ], et ouvre la voie vers de futures thérapies toujours plus innovantes.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
2 Ce modèle de chien atteint de myopathie de Duchenne présente spontanément une anomalie dans le gène DMD ; il s’agit d’une mutation entraînant la perte de l’exon 7 du gène.
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