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Med Sci (Paris). 37(5): 500–506.
doi: 10.1051/medsci/2021060.

Le dépistage néonatal de l’hyperplasie congénitale des glandes surrénales

Dulanjalee Kariyawasam,1 Thao Nguyen-Khoa,2 Laura Gonzalez Briceño,1,2 and Michel Polak1,2,3*

1Service d’endocrinologie, diabétologie, gynécologie pédiatriques, Hôpital universitaire Necker-Enfants malades, AP-HP-Centre , 149 rue de Sèvres , 75015Paris , France .
2Centre régional de dépistage néonatal - Île-de-France, AP-HP , 149 rue de Sèvres , 75015Paris , France .
3Université de Paris , Paris , France .
Corresponding author.
 

Vignette (© CNCDN).

L’hyperplasie congénitale des glandes surrénales

L’hyperplasie congénitale des glandes surrénales (HCS) est une maladie génétique, de transmission autosomique récessive, caractérisée par une anomalie enzymatique dans la chaîne de biosynthèse du cortisol et de l’aldostérone à partir du cholestérol. La plupart (95 %) des mutations concernent le gène CYP21A2 , qui code une enzyme, la 21-hydroxylase, appartenant à la famille des enzymes du cytochrome P450. La 21-hydroxylase transforme la 17α-hydroxyprogestérone en 11-désoxycortisol, et la progestérone en désoxy-corticostérone. Cette anomalie a pour conséquence une diminution plus ou moins importante de la production du cortisol et de l’aldostérone par les glandes surrénales ( Figure 1 ) . Le déficit en cortisol entraîne, par rétrocontrôle, une augmentation de l’ACTH ( adrenocorticotropic hormone ) pendant la vie fœtale, inefficace sur la production de l’aldostérone et du cortisol puisque l’anomalie enzymatique rend cette synthèse anormale, mais responsable d’une augmentation de volume des glandes surrénales (d’où le nom attribué à la maladie) et d’une augmentation de la synthèse des androgènes surrénaliens qui, elle, n’est pas affectée par l’anomalie enzymatique.

À la naissance, le déficit en cortisol (qui est produit par la zone fasciculée du cortex surrénalien) peut être la cause d’hypoglycémies sévères ayant potentiellement des conséquences à court et à long termes. Le déficit en aldostérone est, quant à lui, à l’origine d’un syndrome de perte de sel. L’aldostérone est une hormone produite par la zone glomérulée 1, du cortex surrénalien, dont l’action provoque une réabsorption du sodium urinaire et une sécrétion du potassium au niveau des tubes contournés distaux du rein. La sécrétion d’aldostérone répond à la stimulation du système rénine-angiotensine I-angiotensine II, et à l’élévation de la kaliémie. C’est une hormone essentielle pour le maintien de la volémie 2 et de la tension artérielle. Le déficit en aldostérone provoque donc une hypovolémie par déshydratation, une hyponatrémie ainsi qu’une hyperkaliémie, entraînant une augmentation de la rénine plasmatique par rétrocontrôle. Les déficits en cortisol et aldostérone sont responsables de la mortalité liée à l’HCS.

L’absence de 21-hydroxylase provoque également un excès de métabolites intermédiaires en amont de l’enzyme et, par conséquent, une hypersécrétion d’androgènes surrénaliens, dont la testostérone, la delta 4-androstènedione, et la déhydroépiandrostérone sulfatée (DHEAS), responsables de la virilisation des organes génitaux dès la période fœtale. Ces androgènes vont se lier aux récepteurs exprimés au niveau de la peau des organes génitaux externes et de la région génitale. La virilisation entraîne une hypertrophie du clitoris, une fusion des grandes lèvres, une altération du développement normal de la septation du sinus uro-génital, qui se met en place à sept semaines de développement chez le fœtus féminin. Cela mène à une confluence plus ou moins haute entre le vagin et la paroi postérieure de l’urètre. La classification de Prader, allant de I à V, est une stratification clinique selon le degré de virilisation des nouveau-nés de sexe féminin. Chez un nouveau-né de sexe génétique féminin, une virilisation importante peut conduire à une assignation d’un sexe masculin en l’absence de diagnostic. Chez le garçon, on peut retrouver un scrotum hyperpigmenté et strié, mais les signes de virilisation augmentée chez le garçon sont souvent plus subtils à détecter.

L’HCS peut prendre différentes formes cliniques selon le type de mutation touchant le gène CYP21A2 . Il existe une corrélation entre le type de mutation et le phénotype de la maladie. Deux formes sont distinguées : la forme classique, qui consiste en une perte de sel dès la période néonatale et en une virilisation des organes génitaux (on parle alors de forme classique d’HCS avec perte de sel, ou HCS-SW pour salt wasting ) ; et une forme virilisante simple (HCS-SV pour simple-virilizing ). Dans cette forme non classique, on n’observe ni perte de sel ni virilisation néonatale. Au cours de la vie postnatale de l’enfant, l’excès de sécrétion d’androgènes surrénaliens sera responsable d’une virilisation précoce, avec pilosité, accélération de la croissance et de la maturation osseuse, dont le résultat peut être une petite taille à l’âge adulte.

Le dépistage néonatal (DNN) d’HCS a été mis en place dans 36 pays de manière systématique et dans 17 autres, partiellement. En France, il est réalisé depuis 1996 [ 1 ]. Son objectif est de détecter les formes classiques. Les formes non classiques ne sont normalement pas révélées par le dépistage, mais cette détection n’est pas complètement exclue [ 2 ].

Selon une étude publiée en 2012 portant sur le dépistage néonatal d’HCS, en France, des enfants nés entre 1996 et 2003, l’incidence de la forme classique d’HCS est de 1/15 699 naissances [ 3 ]. L’incidence mondiale varie entre 1/14 000 et 1/18 000 naissances [ 1 ]. En 2019, elle était, en France, de 1/20 641 naissances, soit 37 cas sur 763 702 naissances. Cette incidence est stable depuis 2012 [ 3 ].

Les différentes méthodes du dépistage

Le DNN de l’HCS consiste à doser dans le sang total collecté sur le papier buvard (test de Guthrie) la 17-hydroxyprogestérone (17-OHP), l’une des hormones qui s’accumulent en excès en conséquence du déficit en 21-hydroxylase.

La mesure de 17-OHP peut se faire par dosage fluoro-immunologique sur phase solide à résolution dans le temps 3 , ou par dosage radio-immunologique (ou radioimmunoassay , RIA) [ 4 ]. Ces techniques de détection ont une bonne sensibilité, de 93,5 %, selon les données du dépistage réalisé en France entre 1996 et 2003 [ 3 ]. En revanche, ces méthodes, fondées sur la mesure de la 17-OPH, ont une mauvaise valeur prédictive positive : de 2,3 % pour tout nouveau-né confondu ; de 30,1 % chez les nouveau-nés à terme ; et de 0,4 % chez les prématurés de moins de 37 semaines d’aménorrhée (SA) [ 3 ]. Des valeurs sensiblement équivalentes ont été observées dans une étude suédoise : 25 % pour les nouveau-nés à terme et 1,4 % pour les prématurés de moins de 37 SA [ 5 ]. Le taux de 17-OHP est physiologiquement élevé pendant les 48 premières heures après la naissance. La précision diagnostique du dépistage est donc faible si ce dernier est réalisé durant cette période. Les concentrations plasmatiques de l’hormone varient également selon le terme et le poids de l’enfant, mais aussi en fonction du niveau de stress, tel qu’on l’observe en réanimation néonatale. Ces techniques sont par ailleurs sujettes à conduire à des faux positifs du fait des réactions croisées des anticorps utilisés vis-à-vis d’autres stéroïdes, notamment sulfatés, également présents dans le sang ; la 17-α hydroxyprégnénolone sulfatée serait ainsi l’hormone qui interfèrerait le plus dans ces dosages [ 6 ].

L’analyse des profils stéroïdiens par chromatographie sur phase liquide avec spectrométrie de masse en tandem (LC-MS/MS) est une alternative aux méthodes de dosage classiques par immuno-essais. La LC-MS/MS augmente en effet la spécificité du dépistage de la 17-OHP [ 7 ]. L’utilisation d’un calcul de ratio de dosages par LC/MS-MS, comme le ratio [17OHP+11 désoxycortisol] / cortisol, permettrait également de diminuer le nombre de faux positifs.

Cette technique permet un dosage plus rapide (moins de 12 minutes) [ 810 ], tout en donnant un profil global des différents stéroïdes surrénaliens présents dans l’échantillon, ce qui permet de rendre une évaluation précise des différents métabolites dont le taux est anormalement élevé [ 1 , 11 ]. Cet examen n’est pas encore utilisé à grande échelle dans les laboratoires français, car il nécessite un équipement en spectromètres.

L’étude moléculaire du gène CYP21A2 chez l’enfant et ses parents peut être proposée dans un second temps, mais cette analyse n’entre pas dans le protocole de dépistage d’HCS en France. Cette analyse génétique est plus coûteuse que la LC-MS/MS. Elle est aussi plus longue et nécessite un consentement préalable des parents. Elle peut présenter des difficultés d’interprétation : observation de mutations du gène pas encore connues ; analyse ne permettant pas de distinguer si les mutations trouvées se situent sur un seul des deux allèles ou sur les deux allèles (ce qui nécessite un génotypage parental) [ 12 ]. Le diagnostic d’HCS par blocage enzymatique ne repose pas sur l’analyse génétique, mais sur les dosages hormonaux. Si l’analyse génétique est toutefois effectuée, le génotypage d’au moins un des parents est recommandé pour l’interprétation des résultats, en raison de la complexité du locus [ 1 ].

Stratégie du dépistage en France ( Figure 2 )

En France, le dépistage néonatal de l’HCS est actuellement réalisé par une stratégie en deux étapes sur un même échantillon de sang total déposé sur le papier buvard. La technique de dosage de la 17-OHP est fluoro-immunologique. La durée moyenne de l’analyse est de 4 heures pour la 17-OHP (en utilisant une plaque de 96 puits permettant de doser simultanément de nombreux échantillons). Un contrôle (« retest »), effectué à partir du même échantillon déposé sur le papier buvard, sera réalisé si le résultat du premier test dépasse un certain seuil. Les seuils sont déterminés en fonction du terme de l’enfant lors du prélèvement sur papier buvard (calcul en âge corrigé). Le seuil du test initial est ainsi déterminé pour une concentration de 17-OHP supérieure ou égale à 17 nmol/L pour les enfants de 36 SA ou plus 4 , ou supérieure ou égale à 35 nmol/L pour les enfants entre 34 et 35 SA + 6 jours, ou supérieure ou égale à 60 nmol/L pour les enfants entre 32 et 33 SA + 6 jours. Le « retest » est réalisé par la même technique de dosage immunologique. Le résultat est donné au médecin référent pour l’HCS par le Centre régional de dépistage néonatal (CRDN) lorsque la moyenne des deux tests (test initial et « retest »), réalisés sur le même papier buvard, dépasse un seuil déterminé selon le terme corrigé : supérieure ou égale à 25 nmol/L pour un terme corrigé de plus de 36 SA, 50 nmol/L pour un terme corrigé entre 34 et 35 SA + 6 jours, 90 nmol/L pour un terme corrigé entre 32 et 33 SA + 6 jours.

Les autres stratégies du dépistage d’HCS

En fonction des pays, la stratégie de dépistage d’HCS est variable et comporte une ou deux étapes. Les recommandations de l’ Endocrine Society sont toutefois de réaliser un dépistage en deux étapes : dosage de 17-OHP fluoro-immunologique en première intention, puis par LC-MS/MS dans une deuxième étape [ 1 ].

Lorsqu’il est effectué en une étape sur papier buvard, le dosage de 17-OHP est fluoro-immunologique ou radio-immunologique [ 4 ].

La stratégie de dépistage en deux étapes consiste à réaliser un nouveau dosage de 17-OHP chez les patients ayant eu un premier résultat élevé. Ce nouveau dosage est pratiqué soit sur un nouvel échantillon sur un nouveau papier buvard, prélevé quelques jours plus tard, soit sur un deuxième échantillon du même papier buvard. La technique de ce deuxième dosage consiste soit en un nouveau dosage immunologique, soit en la détermination d’un profil de stéroïdes obtenu par LC-MS/MS [ 8 ].

Le dépistage néonatal chez les prématurés

La valeur prédictive positive du dépistage par les dosages immunologiques de la 17-OHP est très faible chez les enfants prématurés (0,4 % en France chez les enfants nés avant 37 SA) [ 3 ]. Le nombre de faux positifs varie plus selon le terme et le poids de naissance que selon la méthode de dépistage (LC/MS-MS ou dosages immunologiques) [ 13 ]. Ce trop grand nombre de faux positifs chez les enfants nés prématurément pose bien sûr de nombreux problèmes. C’est d’abord une source d’inquiétude majeure pour les parents, mais aussi une surcharge de travail importante pour les centres de dépistage. Les équipes dans le monde qui travaillent sur le sujet ont essayé de résoudre ce problème. Il faut aussi souligner que ces prématurés appartiennent à une population très médicalisée, et donc surveillée. Par exemple, de 1996 à 2003, 16 cas d’HCS ont été diagnostiqués chez des enfants prématurés nés à moins de 34 SA. Tous ont bien sûr eu un DNN, mais 13 cas avaient déjà été diagnostiqués cliniquement au moment du résultat du dépistage. Pendant la même période, aucun cas n’a été dépisté par le DNN chez les prématurés de moins de 28 SA [ 3 , 13 ]. Afin d’augmenter la valeur prédictive positive du test chez les prématurés, différentes stratégies de modification du seuil d’alerte de la 17-OHP ont été établies en fonction du terme ou du poids de naissance (voir ci-dessus « Stratégie du dépistage en France ») ( Figure 2 ) . Il semble en effet qu’un ajustement en fonction du terme améliore la valeur prédictive positive du dépistage [1, 14, 15]. Il reste cependant difficile d’établir un seuil précis en fonction de chaque âge gestationnel [ 3 ]. En France, il a été décidé de ne plus réaliser de dépistage d’HCS au papier buvard chez les prématurés de moins de 32 SA, non seulement parce que le dépistage est d’une faible sensibilité à ce niveau de prématurité, mais aussi parce que les nouveau-nés de moins de 32 SA sont tous hospitalisés dans des services de néonatologie, où une surveillance rapprochée est déjà réalisée. Un test sera fait lorsque l’enfant sera proche du terme théorique, à la sortie du service de néonatologie.

Ce taux élevé de faux positifs peut s’expliquer par l’immaturité de la glande surrénale chez un nouveau-né prématuré. En effet, la glande surrénale du nouveau-né poursuit sa maturation après la naissance et la zone fœtale du cortex surrénalien (non retrouvée dans les glandes surrénales des adultes) est présente jusque 6 mois après la naissance. La biosynthèse des stéroïdes en est donc modifiée. Comparés à un nouveau-né à terme, les enfants prématurés de moins de 33 SA ont une concentration plasmatique diminuée d’aldostérone, de cortisol et de delta 4-androstenedione [ 16 ]. Certains précurseurs stéroïdiens sont également présents en plus forte concentration (la progestérone, la 11-désoxycorticostérone, la 17-OHP, le 11 désoxycortisol) [ 16 ].

La prise en charge des nouveau-nés dépistés

Le médecin référent convoque le nouveau-né et ses parents pour l’étape de confirmation diagnostique. Il contacte directement les parents du nouveau-né ou le médecin responsable du nouveau-né s’il est encore hospitalisé. L’enfant et ses parents sont convoqués le jour-même, et idéalement avant le 10 e jour après la naissance. Une évaluation clinique est alors effectuée et un dosage de 17-OHP est réalisé pour confirmer le diagnostic. La technique de dosage dépend du laboratoire du centre de référence. Le diagnostic d’HCS est confirmé lorsque la concentration en 17-OHP est supérieure aux normes déterminées selon l’âge de l’enfant. Dans le cas où les résultats de ces dosages se situent dans les limites supérieures, un test de stimulation à l’ACTH 5 peut être alors réalisé pour infirmer ou confirmer le diagnostic. Le diagnostic d’HCS par bloc enzymatique repose sur les dosages hormonaux. L’étude moléculaire du locus du gène CYP21A2 chez l’enfant et ses parents est proposée dans un second temps par certaines équipes, mais il ne fait pas partie du protocole de dépistage en France. Signalons que certains auteurs ont proposé l’analyse de ce gène comme stratégie de dépistage de première intention. Cette approche pose encore de nombreux problèmes techniques et nécessiterait un consentement préalable des parents dans le cas où elle serait pratiquée [ 17 ].

La prise en charge débute dès que le diagnostic d’HCS est confirmé ou lorsqu’il est fortement suspecté (valeur au dépistage très élevée, faisceau d’arguments cliniques : déshydratation clinique, virilisation des organes génitaux chez la fille). Dans le même temps seront réalisés des dosages plasmatiques des androgènes surrénaliens, en plus de la 17-OHP (DHEAS, testostérone, delta 4 androstènedione), de l’ACTH et de la rénine. La durée de l’hospitalisation sera fonction de l’état de l’enfant. Les parents sont alors formés au traitement de la maladie et à ses aléas.

La complexité de l’annonce de la prise en charge au long cours

L’annonce diagnostique est faite par le médecin du centre de référence. Il est alors nécessaire d’expliquer aux parents la maladie de l’enfant, son caractère chronique (elle dure toute la vie), le risque vital, et la nécessité d’un traitement substitutif. Pour les formes virilisées des filles, les particularités de leurs organes génitaux sont expliquées aux parents.

Le compte rendu de l’examen des organes génitaux doit être limité aux personnes qui vont s’occuper de l’enfant pendant l’hospitalisation et plus tard [ 18 ]. Cet aspect de la maladie reste souvent un sujet délicat pour les parents et pour l’enfant lorsqu’il grandit. Il doit donc être abordé dans un contexte le plus serein possible.

Le type de chirurgie réparatrice d’une virilisation, et surtout le moment adéquat pour la réaliser, sont encore controversés. Les parents doivent être informés des différentes options de traitement chirurgical, incluant celle du renoncement en attendant que l’enfant grandisse et puisse participer au choix. Il n’existe pas d’étude randomisée contrôlée évaluant l’âge idéal ou la méthode de chirurgie la plus adéquate [ 1 ].

En France, l’assignation du sexe civil doit légalement se faire dans les cinq jours après la naissance, au moment de l’établissement de l’acte civil de naissance [ 19 ]. Une dérogation peut être obtenue pour différer la déclaration de sexe à l’état civil 6 .

Justification du dépistage néonatal ( Tableau I )

Le dépistage néonatal a pour premier intérêt de diminuer la mortalité liée à une maladie diagnostiquée trop tardivement. Le traitement d’une forme classique d’HCS est vital dès les premières semaines de vie afin d’éviter un collapsus par insuffisance surrénalienne aiguë. Chez le nouveau-né, les signes cliniques d’insuffisance surrénalienne (déshydratation, absence de prise de poids) apparaissent à partir de la seconde semaine après la naissance. En l’absence de DNN, le diagnostic est relativement aisé chez les nouveau-nés de sexe féminin car la virilisation des organes génitaux attire l’attention du clinicien et fait évoquer ce diagnostic. En revanche, le diagnostic peut être retardé chez le nouveau-né garçon [ 20 , 21 ]. Avant la mise en place du DNN, le sexe ratio au diagnostic était en faveur des filles, suggérant une mortalité plus importante des nouveau-nés de sexe masculin, qui n’étaient pas diagnostiqués. La mortalité néonatale était à cette époque variable en fonction des pays (entre 0 et 3 % dans les pays européens et nord-américains) [ 2224 ].

Les résultats du dépistage néonatal d’HCS

L’intérêt du dépistage néonatal a été de réduire le délai diagnostique [ 25 , 26 ], et ainsi de diminuer la morbidité en évitant l’hyponatrémie sévère, notamment chez les garçons [ 25 ]. En France, le DNN a permis un diagnostic précoce (avant diagnostic clinique) chez 45 à 50 % des enfants testés entre 1996 et 2003, essentiellement des formes classiques de nouveau-nés garçons [ 3 ].

Dans certains pays, la durée initiale d’hospitalisation, après le diagnostic, a pu être réduite par une prise en charge précoce, avant la survenue d’une insuffisance surrénalienne sévère [ 22 , 27 ]. Aux Pays-Bas, la durée médiane d’hospitalisation des garçons diagnostiqués en 1998 était de 13 jours dans les régions sans dépistage néonatal, contre 7 jours dans les régions appliquant le DNN [ 27 ].

La durée d’assignation définitive du sexe civil, dans les cas de virilisation des nouveau-nées filles, a également été réduite dans certains pays depuis le dépistage néonatal [ 28 ]. En Suède, la médiane du temps pour l’assignation de sexe est passé de 23 jours avant la mise en place du dépistage (en 1986) à 3 jours après son application [ 22 ].

Quelques études ont démontré une balance bénéfice-coût en faveur du dépistage de l’HCS en comparant le coût moyen de la prise en charge initiale d’un enfant atteint d’HCS avant et après la mise en place du dépistage, avec une diminution de la durée d’hospitalisation et du coût des soins initiaux [ 29 ]. Cependant, ces résultats doivent être pondérés par une possible surestimation de la mortalité en l’absence de dépistage de nos jours, une évaluation approximative de la durée d’hospitalisation, variable d’un centre à un autre, et une variabilité du coût selon la méthode de DNN employée [ 5 , 29 ].

Le dépistage a permis finalement de diminuer la mortalité néonatale due à cette maladie [ 1 ]. En France, la mortalité liée à une insuffisance surrénalienne dans la première année qui suit la naissance a diminué progressivement, passant de 0,09/100 000 naissances entre 1991 et 1995, à 0,07/100 000 naissances entre 1996 et 2001, puis 0,00 sur 100 000 naissances entre 2002 et 2007 [ 3 ]. En 2019, aucun décès lié à une insuffisance surrénalienne dans la première année après la naissance n’a été décrit 7 . Il est toutefois difficile de distinguer si la baisse de la mortalité est directement liée au dépistage néonatal, ou si elle est également en lien avec une meilleure connaissance de l’HCS et de sa prise en charge. En effet, au Royaume-Uni où le dépistage d’HCS n’est pas systématiquement réalisé, il n’a pas été démontré qu’il existait une surmortalité liée à l’absence de dépistage, notamment chez les garçons avec syndrome de perte de sel [ 30 ].

Conclusion

En France, le dépistage néonatal de l’hyperplasie congénitale des glandes surrénales est désormais bien établi. Il permet une prise en charge précoce des nouveau-nés ayant une forme classique de la maladie, démontrant son intérêt. Il reste cependant à améliorer la valeur prédictive positive de ce dépistage, notamment en généralisant la technique de LC-MS/MS pour la deuxième étape. La prématurité reste la cause principale des faux positifs observés lors de ce dépistage. La confirmation diagnostique et la prise en charge initiale ont été l’objet de protocoles nationaux de soins, qui permettent d’assurer une qualité de soins à ces nouveau-nés.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 Les glandes surrénales sont constituées d’une zone médullaire et d’une zone corticale, composée ellemême de trois parties, dont la zone glomérulée, qui synthétise les minéralo-corticoïdes, principalement l’aldostérone.
2 Volume sanguin total.
3 Dosage fluoro-immunologique dans lequel la molécule fluorescente est excitée 1 000 fois par seconde, et où chaque rayonnement de fluorescence émis après chaque excitation est mesuré après un très court temps de latence. La sommation des mesures répétées permet en principe d’atteindre de très basses limites de détection.
4 La prématurité est définie comme étant une naissance avant 37 semaines d’aménorrhée (SA).
5 Le test de stimulation à l’ACTH implique une injection d’hormone synthétique. Il permet de mesurer la quantité de cortisol que les glandes surrénales sécrètent dans la circulation sanguine en réponse à cette injection.
6 Instruction générale relative à l’état civil par le Journal officiel de 1983 n° 1043.
7 Donnée du Centre national de coordination du dépistage néonatal.
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