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Med Sci (Paris). 37(3): 283–287.
doi: 10.1051/medsci/2021018.

Adjuvants : un second souffle pour les antibiotiques

Samuel Carien,1*a Maverick Hannoun,1*b Delphine Lefebvre,1*c Audrey Tempier,1*d and Laurent Aussel1e

1Master 2 Microbiologie intégrative et fondamentale, Aix Marseille Université , Marseille , France .
2Aix Marseille Université, CNRS, LCB UMR 7283, IMM , Marseille , France .
Corresponding author.
 

L’actualité scientifique vue par les étudiants du Master 2 de microbiologie d’Aix-Marseille Université (AMU), Parcours Microbiologie intégrative et fondamentale (MIF), Unité d’Enseignement « Rédiger en sciences »

Responsable de l’Unité d’Enseignement

Laurent Aussel

Équipe pédagogique

Amel Latifi - Professeur, Aix-Marseille Université - latifi@imm.cnrs.fr

Laurent Aussel - Maître de conférences, Aix-Marseille Université - aussel@imm.cnrs.fr

Site web https://bio-sciences.univ-amu.fr/master-microbio

Série coordonnée par Sophie Sibéril.

 

L’utilisation abusive et inadaptée d’antibiotiques (AB) dans le traitement de maladies bactériennes a engendré la sélection de bactéries multirésistantes. Il s’agit d’un problème de santé publique à l’échelle mondiale qui ne cesse de s’intensifier. Le rapport O’Neill a ainsi estimé qu’à partir de 2050, 10 millions de décès par an pourraient être liés aux bactéries antibiorésistantes [ 1 ]. Ce phénomène implique notamment des bactéries Gram négatives dites d’urgence critique, comme Acinetobacter baumannii , Pseudomonas aeruginosa ou encore certaines entérobactéries [ 2 ]. Leurs deux membranes, ainsi que leur capacité d’adaptation, peuvent être une contrainte à l’entrée des antibiotiques dans ces bactéries. À ces obstacles s’ajoutent le problème du nombre d’antibiotiques contre les bactéries Gram négatives nettement inférieur à celui destiné aux bactéries Gram positives, ainsi que la difficulté de découvrir de nouveaux antibiotiques. Le développement de stratégies alternatives est donc une priorité. Ces vingt dernières années, une piste prometteuse est apparue : la combinaison d’antibiotiques avec des adjuvants, des composés chimiques améliorant l’efficacité des antibiotiques devenus inefficaces. Mais comment découvrir et identifier un nouvel adjuvant ? Comment caractériser son mode d’action sur les membranes des bactéries Gram négatives ?

L’histoire d’une découverte : les dérivés de polyamino-isoprényle

P. aeruginosa , une bactérie responsable d’infections pulmonaires et cutanées, est particulièrement difficile à traiter, notamment en raison de sa résistance naturelle à plusieurs familles d’antibiotiques. Cette résistance est liée à la présence d’enzymes capables d’inactiver ces derniers, ainsi qu’à une paroi peu perméable et dotée de pompes d’efflux, constituées de protéines membranaires et expulsant les AB. Ces pompes sont à l’origine de la résistance de P. aeruginosa aux cyclines et au chloramphénicol, des AB ciblant la synthèse protéique, ainsi qu’aux quinolones et fluoroquinolones qui ciblent la réplication de l’ADN. Ainsi, les AB peuvent se retrouver expulsés, ce qui limite leur action ( Figure 1A , B) . Cependant, l’association d’une huile essentielle et du chloramphénicol a rendu plus sensible à cet AB une souche de P. aeruginosa communément utilisée en laboratoire [ 3 ]. L’amplification de l’effet (potentialisation) de l’AB était due à un alcool isoprénique présent dans cette huile essentielle, le géraniol. Afin de faciliter l’étude de cette molécule, des analogues plus solubles ont été générés chimiquement : les dérivés de polyamino-isoprényle (DPI). En 2016, l’effet de ces DPI a été testé en association avec la doxycycline, une cycline normalement inefficace contre P. aeruginosa [ 4 ]. Comme pour le chloramphénicol, l’utilisation des DPI a entraîné une sensibilité accrue à la doxycycline chez P. aeruginosa . En effet, certaines combinaisons DPI-doxycycline ont fortement abaissé la concentration d’AB la plus faible permettant d’inhiber la croissance bactérienne (la concentration minimale inhibitrice ou CMI). Les mesures de CMI ont également révélé que l’activité antibactérienne observée provenait de l’AB et non des DPI eux-mêmes, ce qui est caractéristique des adjuvants. De plus, en 2020, il a été montré que l’effet des DPI associés à l’AB dépendait de leurs doses [ 5 ], ce qui est crucial en thérapeutique pour anticiper l’efficacité d’une dose donnée.

En vue d’une utilisation clinique, l’effet bactéricide des DPI avec différents AB a été testé sur des souches de P. aeruginosa résistantes provenant de patients infectés [ 4 ]. À cette fin, la CMI de la doxycycline avec le DPI le moins toxique pour les cellules eucaryotes, a été mesurée sur ces isolats cliniques. Elle a montré que la combinaison était efficace sur les souches cliniques. L’association DPI-doxycycline s’est avérée être tout aussi efficace sur des souches surproduisant des pompes d’efflux (résistance acquise), ce qui est donc très prometteur. Le même effet a été obtenu avec d’autres types d’AB : le chloramphénicol et les β-lactames. Ces derniers inhibent la synthèse de la paroi des bactéries, responsable de leur forme et de leur protection.

Un test de l’échiquier a ensuite été réalisé afin d’évaluer l’efficacité des molécules combinées (DPI et doxycycline), par rapport à leur efficacité individuelle. Ce test consiste à appliquer sur des cultures en microplaque deux gradients inversés : un de doxycycline et un autre de DPI. Il a montré que la hausse de la bactéricidie était due à une forte relation synergique entre l’adjuvant et son AB [ 4 ]. En effet, pour inhiber la croissance bactérienne, il a été possible d’utiliser trois fois moins de DPI que de PAβN (phénylalanine-arginine β-naphthylamide), un adjuvant étudié chez P. aeruginosa et connu pour son efficacité synergique élevée [ 6 ]. Malgré ces résultats très encourageants, une question reste en suspens : comment le DPI potentialise-t-il aussi efficacement l’effet de la doxycycline sur P. aeruginosa ?

Les cibles cellulaires des DPI

La similitude de l’effet des DPI et du PAβN sur la diminution de la résistance des bactéries aux AB, suggère que les DPI ont les mêmes cibles que le PAβN (en particulier les pompes d’efflux). Pour le savoir, la croissance de deux souches de P. aeruginosa a été testée en présence du couple DPI-AB ou de l’AB seul : une souche naturellement résistante, dotée de quelques pompes d’efflux (résistance naturelle), et une souche surproduisant des pompes (résistance acquise) [ 4 ]. Pour les deux souches, la croissance était significativement inhibée en présence du couple DPI-doxycycline tandis qu’elle ne l’était pas sans l’adjuvant. Ainsi, les résistances (naturelle et acquise) issues des pompes d’efflux seraient bloquées par le DPI. Cet effet provient d’une inhibition de l’efflux actif par l’adjuvant ( Figure 1C ) , révélée indirectement par un test d’efflux en temps réel [ 4 ]. Cette technique est fondée sur le transport d’un substrat fluorescent par les pompes d’efflux. Tout d’abord, un état d’épuisement énergétique est instauré chez les bactéries résistantes, surproductrices de pompes d’efflux, afin de limiter l’efflux dépendant de la force proton-motrice (PMF). Le colorant fluorescent est ensuite importé et accumulé dans les bactéries avant l’ajout de glucose qui permet la restauration de la PMF, et donc le déclenchement de l’efflux actif. L’inhibition de cet efflux est suivie via la fluorescence intracellulaire. Des concentrations croissantes de DPI ont entraîné une inhibition dose-dépendante de l’efflux actif supérieure à celle obtenue avec le PAβN, l’inhibiteur d’efflux contrôle.

Par ailleurs, il est connu que le PAβN déstabilise aussi la membrane bactérienne [ 7 ]. Les DPI agissent-ils de manière similaire ? Afin d’étudier la perméabilité de la membrane externe, le taux d’hydrolyse d’un substrat chromogène de la β-lactamase, une enzyme périplasmique dégradant les β-lactames, a été mesuré [ 4 ]. Il a été observé que le DPI perméabilisait la membrane externe plus efficacement que le PAβN. Cette perméabilité entraînerait la fuite des protons du périplasme vers le milieu extérieur ( Figure 1C ) . Par conséquent, cette dissipation du gradient de protons pourrait induire une dépolarisation de la membrane interne. Celle-ci a été testée par la détection de fluorochromes relargués lorsque la membrane est dépolarisée. Une activité dépolarisante du DPI sur la membrane interne a bien été observée.

Cette altération de la PMF impacte-elle la motilité flagellaire qui en dépend ? La motilité est un facteur important dans la colonisation, notamment chez Bordetella bronchiseptica , une bactérie dont certaines souches antibiorésistantes infectent les voies respiratoires des mammifères. Elle possède deux types de déplacement flagellaire PMF-dépendants : une motilité individuelle, en milieu liquide ( swimming ), une autre de groupe et coordonnée, sur surface solide ( swarming ). Ainsi, cette bactérie permet d’étudier l’impact indirect d’un DPI sur sa motilité en mesurant ces deux déplacements sur des géloses, avec ou sans adjuvant [ 8 ]. Le test a été réalisé avec un DPI qui potentialise l’activité du florfénicol (AB dérivé du chloramphénicol), notamment par une dépolarisation de la membrane interne. Dans cette étude, une inhibition significative du swimming et du swarming de B. bronchiseptica par le DPI a été observée.

DPI : l’avenir des antibiotiques ?

Les DPI possèdent une forte capacité à potentialiser l’effet d’antibiotiques. Toutefois, la compréhension exacte de leurs mécanismes d’action reste incomplète : les DPI agissent-ils en premier lieu sur l’efflux, la stabilité ou la polarisation membranaire ? Actuellement, des recherches sur ce sujet sont en cours.

En parallèle, avant toute application thérapeutique, la toxicité potentielle des DPI sur les cellules eucaryotes doit être analysée. Bien que ces DPI soient toxiques [ 4 ], une nouvelle génération de DPI modifiés chimiquement a montré une meilleure tolérance chez la souris [ 9 ]. Un effet sur le microbiote intestinal est aussi à prendre en compte dans le cas d’un traitement combinatoire DPI-AB. Une administration topique ou pulmonaire pourrait contourner ce problème comme l’a montré une modélisation de thérapie DPI-AB par aérosol contre P. aeruginosa [ 10 ]. Enfin, la synergie du couple DPI-AB pourrait être optimisée en rendant la structure des DPI plus affine pour les membranes bactériennes.

L’utilisation thérapeutique des DPI constituerait un grand progrès dans la lutte contre l’antibiorésistance. Tout d’abord, elle restaurerait l’effet antibactérien d’AB inefficaces ou devenus inefficaces. Ces derniers étant déjà utilisés, le traitement DPI-AB serait plus rapidement mis sur le marché et son usage serait plus sûr par rapport à de nouveaux antibiotiques. De plus, l’utilisation des DPI permettrait de diminuer les doses d’AB nécessaires pour avoir une efficacité thérapeutique, et donc de limiter le rejet de molécules dans l’environnement et la recrudescence de bactéries résistantes. Ainsi, grâce aux DPI, un même arsenal thérapeutique aurait un éventail d’utilisation décuplé. La combinaison DPI-AB pourrait donc être l’une des clés pour lever les verrous de l’antibiorésistance.

Entretien avec Jean-Michel Bolla

Jean-Michel Bolla est directeur de recherche et dirige le laboratoire Membrane et cibles thérapeutiques à Marseille, une unité mixte de recherche de l’Inserm, du Service de Santé des Armées et d’Aix-Marseille Université. Après un post-doctorat à l’Hôpital Necker-Enfants malades (Paris), il a travaillé en tant que chargé de recherche au laboratoire Transporteurs membranaires, chimiorésistance et drug-design (Marseille). Actuellement, il s’intéresse au transport membranaire chez des bactéries résistantes aux antibiotiques. Son équipe, à l’interface entre chimie et microbiologie, a pour objectif de lutter contre l’antibiorésistance en identifiant et développant des molécules thérapeutiques.

Que pensez-vous de la tendance de l’antibiorésistance d’ici 2050 ?

Les prévisions sont alarmistes, mais c’est en train de changer. Il y a une série de mesures qui sont prises pour sensibiliser la population et les prescripteurs. Il y a une vraie volonté de changer les choses. Je ne pense pas qu’en 2050, nous serons dans l’état qu’a annoncé le rapport de Jim O’Neill de 2016, même s’il était très pertinent et intéressant. D’ailleurs, nous nous en servons tous, il a fait du bien, il fallait le faire.

Pourquoi cette pénurie de découvertes d’antibiotiques ?

Il y a trois raisons. La première est économique. Soigner le diabète ou le cancer est plus rémunérateur que de soigner une infection. Il a fallu qu’on démontre que ces infections coûtent de l’argent pour inverser la balance et pour qu’il y ait des investissements, de l’État français notamment. La deuxième raison vient d’une erreur stratégique des laboratoires pharmaceutiques dans la découverte d’antibiotiques. Pour éviter des effets secondaires, ils ont voulu identifier des cibles présentes uniquement chez les bactéries. À partir de la structure prédite de ces cibles, ils ont testé des milliers d’inhibiteurs. Tout cela a été fait avec de gros investissements par l’industrie pharmaceutique, mais la recherche d’antibiotiques n’a pas abouti car les molécules ne pouvaient pas entrer dans les bactéries. C’est pourquoi, dans notre laboratoire, nous faisons l’inverse : on voit si une molécule fonctionne et nous cherchons ensuite la cible. La troisième raison est que nous avons sous-estimé l’importance de la résistance des bactéries aux antibiotiques depuis leur découverte dans les années 1940.

Que pensez-vous des nouvelles alternatives étudiées comme la phagothérapie ou l’utilisation de peptides antimicrobiens ?

Pour la phagothérapie, l’administration topique (directement au contact de la peau ou des voies respiratoires) me paraît intéressante. À mon avis, cela pourrait être la solution pour traiter les infections opportunistes, notamment à P. aeruginosa chez les grands brûlés. L’ingestion de bactériophages me semble encore un peu risquée. Il y a encore des réticences politico-commerciales pour la mise sur le marché des phages, mais je pense qu’on y arrivera quand même.

Quant aux peptides antimicrobiens, je suis un peu sceptique. Certains sont utilisés dans l’alimentaire comme la nisine, mais en termes de thérapie, les recherches ne sont pas assez avancées. Beaucoup d’entre eux font un trou dans la membrane et agissent comme des harpons, donc cela fait encore peur. Ensuite, c’est compliqué de convaincre la médecine de ville d’utiliser ce type de molécule et de convaincre les laboratoires pharmaceutiques de les mettre sur le marché. Je suis moins sceptique quant aux peptides actuellement développés qui n’agissent pas sur la membrane mais inhibent la traduction des protéines.

Comment avez-vous eu l’idée de chercher un adjuvant dans une huile essentielle puis d’étudier les dérivés de polyamino-isoprényle ?

Il y a une histoire de « corsitude » ! J’ai été professeur contractuel à l’Université de Corse et pendant cette période, nous avons monté un projet sur Campylobacter , une bactérie pathogène à l’origine d’infections alimentaires. Comme en Corse, il y a une grande production d’huiles essentielles, nous les avons testées et nous avons trouvé qu’il y avait une huile active sur Campylobacter , ce qui a fait l’objet d’une thèse. Entre-temps, une collègue de Corse m’a proposé d’encadrer une post-doctorante financée par la collectivité de Corse. Plutôt que de rechercher des activités antibiotiques dans les huiles essentielles, j’ai proposé de rechercher des activités anti-efflux dans les huiles essentielles, et c’est ce qui a été financé. Quand nous avons commencé les essais, nous nous sommes rendus compte qu’il y avait effectivement une huile essentielle qui montrait une activité anti-efflux. Des fractionnements effectués à Corte ont permis d’identifier une fraction particulièrement active qui contenait des alcools. Le géraniol s’est avéré être la molécule active dans notre système d’essai. Le problème était que le géraniol est peu miscible dans l’eau, donc très difficile à manipuler, mais mon collègue chimiste Jean-Michel Brunel, à qui j’ai raconté mon histoire, m’a dit « essaie la géranylamine, si ça marche on pourra faire d’autres choses ». Et la géranylamine a marché ! La suite, vous la connaissez.

Votre équipe a mis au point un système par nébulisation pour traiter les infections pulmonaires par P. aeruginosa . Pouvez-vous nous en dire plus ?

Avant d’en arriver à ce projet, nous voulions traiter, avec nos molécules par voie orale, des poulets touchés par une pathologie générée par Escherichia coli . Nous avions un adjuvant (DPI) actif sur les entérobactéries résistantes comme E. coli , mais arrivé aux derniers tests, celui-là ne passait pas la barrière intestinale. Notre molécule ne se retrouvait donc pas dans le sang pour parvenir sur le lieu de l’infection. On était alors dans une impasse pour ce projet, mais je me suis dit : « si l’adjuvant ne passe pas la barrière intestinale, est-ce que ce serait aussi le cas pour la barrière pulmonaire ? ». Cela pourrait être un avantage pour traiter les infections directement dans les poumons sans que la molécule ne diffuse dans le sang. On pourrait ainsi soigner les infections pulmonaires par P. aeruginosa chez les patients atteints de mucoviscidose. Nous avons pensé à un aérosol pour délivrer et répartir correctement dans les poumons des quantités raisonnables d’adjuvant combiné à un antibiotique. Jean-Michel Brunel, mon collègue chimiste, a donc développé un aérosol classique qui envoie des microgouttes dans les voies pulmonaires. La taille des microgouttes est un élément déterminant pour qu’elles restent dans les voies respiratoires inférieures. Il a donc travaillé jusqu’à trouver une parfaite compatibilité. Ensuite, nous sommes passés à l’expérimentation animale et nous attendons les résultats. En parallèle, Jean-Michel Brunel a travaillé sur un moyen de faciliter la prise de traitement. L’idée est de faire de la poudre avec les deux composés (adjuvant et antibiotique) et de voir si ça se répand correctement dans le poumon, comme pour la Ventoline, un aérosol traitant l’asthme. Si les essais s’avèrent concluants, on passera aux infections.

Le mécanisme d’action de l’adjuvant n’est pas encore bien défini, mais quel est votre avis sur les cibles précises de l’adjuvant ?

Nous avons essayé d’obtenir des bactéries résistantes aux DPI afin de déterminer plus précisément les cibles des adjuvants, et donc le mécanisme d’action des composés. Pour le moment, nous n’y sommes pas parvenus, mais nous avons émis deux hypothèses concernant les mécanismes. La première hypothèse est dérivée de notre démonstration que de faibles concentrations d’adjuvants mènent à la dissipation du gradient de protons et donc à l’inhibition des pompes d’efflux, mais ne tuent pas les bactéries. Or l’ATP synthase, une machinerie essentielle à leur survie, est également alimentée par ce gradient. La première hypothèse que nous avons donc formulée est que les bactéries survivent car l’ATP synthase continue de fonctionner malgré la dissipation du gradient : cette enzyme nécessiterait un gradient de protons inférieur à celui des pompes d’efflux. La deuxième hypothèse que nous avons émise est que les groupements polyamines des DPI pourraient interagir avec des acides aminés des pompes d’efflux, essentiels pour le fonctionnement de celles-ci.

Que diriez-vous à un jeune qui souhaite devenir chercheur ?

Je commencerais par lui dire que la pyramide des âges fait qu’il va y avoir un renouvellement, donc ça vaut peut-être le coup ! Ensuite, je lui dirais ce qu’un immense microbiologiste a dit : « si vous faites de la science, expliquez bien à votre conjoint, que vous avez une maîtresse ou un amant : c’est la science ! ». Ça vous prend la tête tout le temps, mais c’est normal ! Ensuite, je lui dirais qu’il faut être très bon en anglais, c’est indispensable. Il faut aussi avoir une bonne plume. Aujourd’hui, il faut apprendre à écrire des projets, des articles ou des rapports. C’est très important. Une notion capitale est aussi de se créer un réseau, de connaître des gens, d’avoir des projets avec plusieurs personnes. Il faut aussi savoir travailler en équipe. Pour moi, il faut inciter les jeunes à faire de la recherche. Bien sûr qu’il faut être bon, qu’il faut se battre, mais on n’a pas besoin d’être un génie pour faire de la bonne recherche et pour faire carrière dans la recherche. Je ne suis pas excellent, je ne l’ai jamais été. Bien sûr qu’il y a de la frustration et des découragements, mais l’important est qu’il faut être motivé et que ça plaise. La recherche est très satisfaisante, très intéressante. On y rencontre des gens formidables et on est dans un milieu privilégié, multilingue et multiculturel.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

References
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