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Med Sci (Paris). 37: 34.
doi: 10.1051/medsci/2021226.

« Tu es l’un de mes fils, cher Fabrice, et je t’aime comme tel »…

Fabrice Papillon*, Journaliste, producteur et écrivain, co-auteur avec Axel Kahn de l’ouvrage Copies conformes – Le clonage en question (1998) et longue amitié depuis

Corresponding author.

MeSH keywords: Humains, Amour, Famille nucléaire

 

… ces derniers mots d’Axel Kahn à mon endroit résonnent en moi depuis sa disparition incompréhensible. Incompréhensible car son hygiène de vie irréprochable (jusqu’à son terrain familial favorable) lui promettait de grossir les rangs des centenaires. Mais le destin, le « pas de chance », comme il disait lui-même, en ont décidé autrement. Son courage et sa dignité, dans les dernières semaines, sont une ultime leçon qui nous a tous marqués.

J’ai mille souvenirs mais c’est le début de notre compagnonnage qui me remplit d’émotion (pour ne pas dire de nostalgie). J’étais un journaliste débutant de 23 ans, lorsque je rencontrai Axel pour la première fois, à Europe 1 en 1996. J’étais alors en charge d’une émission d’actualité (sorte d’ancêtre de « C dans l’Air »). Nous venions d’apprendre la naissance de la brebis Dolly, premier mammifère né à partir d’un organisme adulte grâce à la technique du clonage reproductif. Après le reportage que j’avais réalisé pour expliquer cette technique innovante, Axel était venu me féliciter pour sa clarté. Par ces mots, il ouvrit une brèche dans ma vie (à laquelle rien ne me prédestinait) : la vulgarisation scientifique. Son approche du sujet par la bioéthique résonnait avec mes études d’histoire et de philosophie. Parler de science d’un point de vue de l’homme et de son impact sociétal ; voilà ce qu’il me fallait.

Quinze jours plus tard, je retrouvai Axel dans son bureau de l’Institut Cochin et lui proposai d’écrire le premier livre francophone sur le clonage. Il accepta immédiatement, me laissant tout négocier (éditeur, conditions, et même un premier plan de l’ouvrage). Le succès du livre fut phénoménal et je me suis retrouvé, à 24 ans, profondément intimidé, sur le plateau de « Bouillon de culture » de Bernard Pivot, entre Philippe Sollers et Umberto Eco, tout près de mon désormais mentor, Axel Kahn.

Il n’était pas encore l’animal médiatique qu’il est ensuite devenu, et je suis fier d’avoir contribué, à cette époque (1998), à enclencher le cercle vertueux qui lui offrit de devenir le grand vulgarisateur que nous avons tous connu.

Pendant ce temps, j’ai développé ma carrière de journaliste scientifique, et nous sommes restés fidèles l’un à l’autre : au total, trois livres, un film, et de nombreuses conférences.

Puis nous nous sommes un peu perdus de vue (vers 2010), la vie faisant, et ses responsabilités – tout comme sa popularité – s’amplifiant. Axel, à cette époque, a aussi définitivement pris le virage de l’homme « sage » capable de parler de philosophie, d’économie et même de politique, à travers ses essais prolixes et toujours empreints de cet humanisme chevillé au corps.

Son père, avant de se donner la mort en se jetant d’un train, lui avait laissé une lettre se concluant par ces mots : « sois raisonnable et humain ». Cette injonction l’a guidé toute sa vie, et je me souviens encore de ses larmes d’enfant lorsqu’il évoquait cette figure paternelle, devant nos caméras pour le portrait que nous réalisions alors pour France 5, et que nous avons fini par baptiser… « Raisonnable et humain ». Il donnera ce titre, également, à l’un de ses essais les plus émouvants.

Aujourd’hui, que dire de plus sinon que, comme tant d’autres, je me sens investi, très modestement, d’une partie de cet héritage humaniste, et que je m’efforce, moi aussi, dans mes films et mes livres, d’être le plus raisonnable et humain possible.

Tu as été un père (spirituel) pour moi, cher Axel, et je t’ai aimé comme tel.

Fabrice

Fabrice Papillon et Axel Kahn en 2017 (© Eric Raulet).