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Med Sci (Paris). 37: 17–18.
doi: 10.1051/medsci/2021219.

AXEL et les fées cachées de m/s

Brigitte Vogler*, Ministère de la Recherche (1980-2014)

Corresponding author.

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Axel, ton séjour sur la Planète bleue s’est achevé le 5 juillet 2021. Même si tu avais pris délicatement et courageusement le soin de nous y préparer médiatiquement, pour toutes celles et ceux qui ont partagé l’intensité de tes parcours, il fut beaucoup trop court.

Le chagrin de celles qui t’ont accompagné sur celui de médecine/sciences ( m/s) ne saurait s’enfuir. En effet, de l’autre côté du miroir de cette prestigieuse revue, il y a, depuis l’origine et selon les dires, des fées : « la mère porteuse et la nourrice ».

Si tu as décrit avec panache dans ton éditorial du numéro de janvier 1998 la préparation du lancement de ce que tu as dénommé le vaisseau amiral, la gestation remonte à novembre 1981 avec le colloque : l’avenir du français dans les publications scientifiques tenu à Montréal en présence de Jean-Pierre Chevènement, nouveau ministre de la Recherche et de la Technologie mais aussi d’Alfred Kastler, prix Nobel de physique. La conséquence de ce colloque fut la décision de la commission permanente de coopération franco-québécoise de créer des revues phares en langue française.

Bien évidemment, le projet de Jean-Hamburger avec Henri Flammarion et celui de la Presse médicale chez Masson, plaidaient en la faveur du domaine médical.Et, comme c’était le rôle de la Mission interministérielle de l’information scientifique et technique (Midist) créée en septembre 1979 de coordonner de tels projets, je me suis retrouvée, toute jeune recrue, en première ligne.

L’Inserm était tout naturellement désigné pour accompagner ce projet. C’est à cette occasion qu’auprès de Philippe Lazar, directeur général de l’Inserm, j’ai fait la connaissance de celle qui allait devenir la deuxième fée : Suzy. Contrairement à la France où une équipe de jeunes chercheurs et de jeunes cliniciens étaient sensibilisés, ce n’était pas le cas dans la Belle Province. Jean-Claude Pechère, premier scientifique sollicité par les politiques a vite abandonné. C’est à la faveur du voyage à Montréal de novembre 1983 avec Jean Hamburger et Claude Matuchansky (alors conseiller de Philippe Lazar) que le projet scientifique a pu être affiné.

Comment imaginer aujourd’hui avec Internet, les portables et visioconférences, que la gestation de m/s est digne de celle d’un éléphant ?

Faire de la moto avec Jean-François Lacronique pour aller taper en pleine nuit, à l’hôpital Henri Mondor, le projet de protocole d’accord intergouvernemental, qui devait impérativement partir le lendemain matin par la valise diplomatique, qui peut le croire !

C’est ainsi que dans ce protocole d’entente signé par les ministres des Affaires étrangères, je suis devenue la présidente du comité des fondateurs franco-québécois de la revue, avec de grands pouvoirs et l’Inserm (donc Suzy) mandataire et ce jusqu’en 2006.

C’est à la faveur du lancement de la revue en mars 1985 que je t’ai connu réellement Axel. Alors que les agendas d’Hubert Curien, ministre de la Recherche, et des fondateurs français étaient bloqués depuis longtemps, le comité scientifique présidé par Jean-François Bach a refusé le seul article québécois à paraitre dans le premier numéro : et cet article traitait de la prostate du chien !

Jean-Hamburger a donc convoqué en urgence le comité de rédaction, le dimanche rue Casimir Delavigne, dans les locaux de Flammarion médecine. Vous avez été tous remarquables, mais, toi Axel, tu m’es apparu certes très brillant, mais d’une grande timidité. Et, en 1986, nommé rédacteur en chef à la suite de Jean-François, tu as été obligé de m’accompagner au Québec pour la réunion du comité des fondateurs.J’ai su après combien tu avais souffert pendant les 6 heures d’avion, car je n’avais pas cessé de « jazzer ». Bien sûr je t’apprenais un peu de Québécois, comme « les grands écoulements de blanc à la verge », « les touages » et autres « dépanneurs »… ; mais ce fût aussi l’occasion de se connaître un peu mieux et de tisser une amitié profonde. Tu as en effet découvert que je travaillais aussi avec ton frère Olivier pour le Nouveau Journal de Chimie.

Sur place, tu as vite mesuré la lourdeur des réunions et la susceptibilité de certains de nos hôtes. Ta force de conviction et de séduction agrémentée de l’emploi du subjonctif t’ont permis d’obtenir ce que tu voulais pour le contenu de m/s .

Jacques Drouin, adjoint de Michel Bergeron (le rédacteur québécois, tellement sûr de son regard andalou) m’a d’ailleurs écrit que tu avais des relations courtoises de gentleman ( Photo 1 ).

Axel Kahn et Michel Bergeron. Réunion du comité des fondateurs, Québec, mai 1992.

Ces négociations sur m/s, bien sûr tu en faisais le retour dès le premier comité de rédaction de l’année à Cochin, nous invitant Suzy et moi. Ce n’était pas seulement pour partager autour de la galette un moment agréable et convivial, mais aussi pour assurer à tous que nos « mamelles » institutionnelles étaient toujours abondantes, car l’éditeur n’assurait aucun financement. C’était aussi l’occasion de nous présenter tes nouvelles recrues comme Marc et Hervé. Nous avons pu mesurer tes exigences, mais aussi le travail d’orfèvre dans l’artisanat que tu effectuais avec François Flori. Néanmoins, il convient de signaler que le contrôle t’a échappé une fois avec le numéro spécial Closeries des Lilas de novembre 1988, surprise de Martine Krief mais aussi preuve que l’humour n’était pas absent de m/s ( Photo 2 , le menu)

Numéro truculent élaboré une soirée à La Closerie des lilas.

Oui Axel, tu as réussi le défi : médecine/sciences est bien la revue phare de nos rêves qui nous a valu d’être médaillés tous les 3 des Arts et Lettres au titre de la revue.Marc, Gérard et Hervé ont poursuivi avec leurs propres orientations ton œuvre.

Ce n’est pas parce que tu avais passé le flambeau que nous nous sommes quittés. Tu as toujours répondu présent à mes fêtes de la science auxquelles Suzy réservait toujours des surprises, veillant bien sûr à ce que je garde t-Shirt et autres gadgets pour tes filles Isabelle et Cécile, mais aussi à donner des conférences dans tous mes centres de cultures scientifiques et techniques et industriels.

Et puis, je t’ai rejoint à la Présidence de Paris Descartes pour le PRES Sorbonne Paris Cité dont tu as été le premier président. Là encore, j’ai pu mesurer combien au-delà de ta rigueur, par ta ronde des mots tu as illuminé, avec la complicité de Claude Charfi, les cœurs et les esprits de « ta Maison commune ».

En 36 ans Axel, les joies et les peines que nous avons partagées ont tissé notre indéfectible amitié et affection. Si tu estimais que j’étais la flamme et la joie faite femme, l’énergie et la volonté, la fidélité et l’amitié, toi c’est certain tu es brillant, pétillant et oh combien humain.

Mon seul regret est que nous n’ayons pas eu avec Suzy les pouvoirs magiques de la fée Clochette pour garder auprès de nous un type bien : AXEL

Brigitte

La Fête de la science en 2002 : Axel Kahn, Brigitte Vogler et une visiteuse.