Logo of MSmédecine/sciences : m/s
Med Sci (Paris). 37: 12.
doi: 10.1051/medsci/2021216.

« médecine/sciences » : Axel Kahn le visionnaire

Jean-François Lacronique*, Rédacteur en chef de m/s (1985)

Corresponding author.

MeSH keywords: Humains, Médecine

 

En 1983, deux hommes liés par une vieille amitié avaient exprimé leur souhait de créer ensemble une revue scientifique d’une portée nouvelle. Ils l’appelaient « Médecine et Sciences », suggérant ainsi une alliance plus étroite entre les disciplines du laboratoire de recherche et celles de la clinique. C’est ainsi que « médecine/sciences » ( m/s ) est née, fruit d’une sorte de rêve de Jean Hamburger, néphrologue, et de Henri Flammarion, patron de la maison d’édition éponyme, et dans les mêmes temps d’un groupe de jeunes scientifiques, dont j’étais. Flammarion prenait ainsi des risques, en assumant un financement de démarrage, alors que sa maison d’édition n’avait presque aucune expérience de journaux périodiques. Mais Henri Flammarion disparut quelques mois avant la parution du premier numéro du journal et son successeur, l’un de ses fils, ne poursuivit pas cette expérience ; ainsi, Flammarion médecine n’assura pas le financement du projet.

Un protocole d’accord ayant été signé entre le gouvernement de la France et le gouvernement du Québec, via leurs ministères respectifs, un comité des fondateurs franco-québécois fut créé, qui assura le financement et le suivi de la revue éditée et diffusée par Flammarion médecine. J’ai été le premier rédacteur en chef de médecine/sciences dès son lancement en 1985, et dire qu’Axel Kahn y joua un rôle déterminant est un euphémisme. Lorsque je fus appelé à d’autres fonctions, c’est lui qui prit la suite et qui assura la maturation de la revue, et, notamment, assura la coordination avec l’équipe québécoise. Son mandat dura douze années, pendant lesquelles médecine/sciences gagna des abonnés en nombre suffisant pour assurer sa pérennité et répondre aux vœux des fondateurs, le ministère de la Recherche, l’Inserm, le CNRS en France et la Société de la revue médecine/sciences au Québec.

Grâce à ses rédacteurs en chefs et ses comités éditoriaux successifs « médecine/sciences » a su inventer un style et une relation avec ses auteurs et ses lecteurs qui perdure, plus de 35 ans plus tard. Ses contenus séduisent grâce aux illustrations originales, dont l’exploitation à des fins pédagogiques. Aucune autre personnalité que celle d’Axel Kahn n’aurait pu obtenir de ses auteurs, les meilleurs dans leur domaine, des articles de synthèse de haute qualité, qui méritent un « impact factor » unique pour un journal scientifique français.

Axel Kahn était capable d’exploits exceptionnels : il avait parcouru, à pied, la France dans ses deux diagonales, en 2013 et en 2015 : des Ardennes au Pays basque, puis de la Pointe bretonne à Menton, avec un sac à dos de vingt kilos pour tout bagage. Il disait penser en marchant, ou l’inverse, disait-il, exercice dont il tirait des livres, qui témoignent d’une intelligence assez prodigieuse, mais aussi d’une sensibilité peu commune à la beauté des choses, à la nature et, surtout, au rôle des hommes dans leur propre destin. Médecin avant tout, il avait accepté de présider la Ligue nationale contre le cancer, fonction qui lui valut de participer énergiquement aux débats sur la Covid-19. Il adorait expliquer et convaincre sur des sujets d’une grande complexité, comme la mécanique quantique, l’intelligence artificielle et, surtout, sur l’éthique dans la santé. Son sens de l’humour faisait aussi de lui un redoutable débatteur. Il déclarait ainsi publiquement vouloir « faire de sa vie un chef d’œuvre ». Il en a réussi bien plus qu’un seul…

Jean-François