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Med Sci (Paris). 37: 6–10.
doi: 10.1051/medsci/2021182.

Identification de nouveaux facteurs entraînant des contractions CTG.CAG dans la dystrophie myotonique de type 1

Laure de Pontual,1* Geneviève Gourdon,1 and Stéphanie Tomé1

1Sorbonne Université, Inserm, Institut de Myologie, Centre de Recherche en Myologie , Paris , France
Corresponding author.
 

© Laure de Pontual

Vignette : image en contraste de phase IncuCyte ZOOM ® (10x) représentant des fibroblastes d’un patient DM1. Fluorescence rouge (noyaux) et verte (cellules en mort cellulaire).

Contexte scientifique et hypothèse

Depuis la découverte en 1991 de la première maladie due à une expansion anormale de triplets répétés (syndrome de l’X fragile), de nombreuses pathologies ont été associées à une expansion anormale d’une séquence répétée de 3 à 12 nucléotides telles que la sclérose latérale amyotrophique (SLA) ou la dystrophie myotonique de type 1 (DM1) [ 1 ]. Avec une prévalence génétique de 1/2 100 aux États-Unis [ 2 ], la DM1 est la maladie musculaire la plus fréquente chez l’adulte. Elle est caractérisée par une extrême variabilité phénotypique ainsi que par un phénomène d’anticipation très marqué. Ce phénomène est défini par une aggravation et une apparition de plus en plus précoce des symptômes au fil des générations [ 3 ]. La DM1 se caractérise par une myotonie, une faiblesse musculaire progressant avec l’âge mais également par des atteintes multi-systémiques affectant aussi bien le système cardiaque, digestif, endocrinien, que neurologique [ 4 , 5 ].

La DM1 est causée par une expansion anormale de triplets répétés CTG localisée en 3’UTR du gène DMPK ( Dystrophy Myotonic Protein Kinase ). Dans la population générale, le nombre de répétitions CTG, compris entre 5 et 37 CTG, est stable et polymorphe. En revanche, chez les patients DM1, le nombre de triplets est supérieur à 50 CTG et augmente généralement au fil des générations (instabilité intergénérationnelle) pouvant atteindre plus de 1 000 répétitions CTG dans la forme la plus grave de la maladie, la forme congénitale. Le nombre de répétitions CTG est corrélé positivement à la sévérité des symptômes et est inversement corrélé à l’âge d’apparition de la maladie. De plus, l’instabilité intergénérationnelle biaisée vers les expansions (augmentation du nombre des répétitions CTG) ainsi que la corrélation entre le nombre de triplets CTG et la gravité de la maladie donnent une explication moléculaire au phénomène d’anticipation observé dans la DM1 [ 3 , 4 ]. Lors de grandes études familiales, une diminution du nombre de triplets CTG (contraction) a été observée au cours des générations avec une fréquence estimée aux alentours de 10 % lors des transmissions paternelles et de 3 % lors des transmissions maternelles [ 6 ]. Chez les patients DM1, la taille des répétitions CTG varie également entre les tissus ou au sein d’un même tissu (instabilité somatique). La mosaïque somatique (nombre de triplets différent entre les cellules d’un même patient) augmente avec l’âge du patient, est biaisée vers les expansions et est corrélée avec la progression des symptômes de la maladie [ 5 , 7 ]. Il est donc important de comprendre l’origine de l’instabilité des triplets CTG dans le but de développer des stratégies thérapeutiques visant à réduire le nombre de triplets répétés CTG et donc à ralentir les symptômes chez les patients atteints de DM1.

Ces dernières années, plusieurs études réalisées dans différents modèles ont permis de montrer que la réparation, la réplication de l’ADN ou encore la présence de modifications épigénétiques comme la méthylation à proximité des répétitions sont impliquées dans l’instabilité des triplets CTG et plus particulièrement dans la formation des expansions [ 8 ]. Notre laboratoire a ainsi montré que les protéines MSH2 et MSH3, deux protéines du système de réparation des mésappariements de bases (MMR), sont fortement impliquées dans la formation des expansions CTG, in vivo . En effet, la délétion de Msh2 ou de Msh3 dans un modèle murin de la DM1 entraine une quasi-disparition des expansions et favorise la formation de contractions (diminution de la taille des CTG) [ 9 , 10 ]. Si ces différentes études ont permis de mieux comprendre les mécanismes à l’origine des expansions, les mécanismes à l’origine des contractions restent peu connus à ce jour.

Notre projet de thèse consiste à identifier de nouveaux facteurs génétiques et chimiques capables de favoriser la formation de contractions ainsi que les mécanismes par lesquels ils agissent. Différents modèles cellulaires présentant des répétitions CTG instables (formation d’expansions et de contractions) seront utilisés pour mener à bien ce projet. Le criblage génétique, visant à identifier des gènes impliqués dans les mécanismes d’instabilité et en particulier dans la formation des contractions des triplets CTG, est en cours dans un modèle cellulaire HEK293 modifié, en collaboration avec le Pr Vincent Dion (Université de Cardiff, Royaume-Uni) [ 11 ]. Le rôle de l’ensemble des gènes candidats sera étudié dans un modèle cellulaire de la pathologie DM1 dans notre laboratoire. Dans cet article, nous nous concentrerons sur l’aspect chimique du projet dont le but est d’identifier de nouvelles molécules pharmacologiques capables d’induire une réduction des répétitions CTG et de comprendre leur mode d’action.

Méthodologie et résultats préliminaires

Afin d’identifier de nouvelles molécules chimiques capables de moduler l’instabilité des triplets CTG, un criblage de 1 280 molécules provenant de la bibliothèque chimique Prestwick (comprenant des composés chimiques majoritairement approuvés par la FDA [Food and Drug Administration] ou l’EMA [Agence Européenne des Médicaments]) a été réalisé dans un modèle modifié de cellules HEK293 [ 11 , 12 ]. Ce modèle cellulaire, appelé H-GFP89CTG, a été obtenu en transfectant les cellules avec un mini-gène GFP contenant 89 répétitions CTG instables sous contrôle d’un promoteur inductible à la doxycycline ( Figure 1A ). Dans ce modèle, l’expression de la GFP est inversement proportionnelle au nombre de répétitions CTG [ 11 ]. Une augmentation de l’expression de la GFP suggère une augmentation de la fréquence de contractions dans la population cellulaire étudiée tandis qu’une diminution d’expression de la GFP suggère une augmentation de la fréquence des expansions. Une lignée isogénique avec 15 CTG stables (H-GFP15CTG) a également été générée ( Figure 1A ). Comme attendu, l’expression de la GFP dans les cellules H-GFP15CTG est plus forte que l’expression observée dans les H-GFP89CTG ( Figure 1B ). Ces cellules servent de contrôle pour vérifier que la variation d’expression de la GFP observée dans les cellules H-GFP89CTG traitées avec les molécules chimiques, est bien due à une action des molécules sur la dynamique de l’instabilité des triplets et non à une action indirecte sur l’expression de la GFP.

Lors du criblage chimique, chacune des deux lignées cellulaires (H-GFP89CTG et H-GFP15CTG) a été traitée avec la molécule chimique d’intérêt (dissoute dans du diméthylsulfoxyde, DMSO) ou avec le DMSO seul pendant cinq jours, temps nécessaire et suffisant pour observer un changement d’expression de la GFP résultant de la dynamique de l’instabilité des triplets CTG [ 11 ]. La médiane d’intensité de la GFP pour chaque population cellulaire a été déterminée à l’aide d’un logiciel d’analyse des données de cytométrie. Les molécules candidates sélectionnées pour la suite de nos études sont celles qui entraînent une variation significative de l’expression de la GFP uniquement dans les cellules H-GFP89CTG et pas dans les cellules H-GFP15CTG.

Le criblage chimique a permis d’identifier 24 molécules candidates perturbant l’expression de la GFP exclusivement dans les cellules H-GFP89CTG ( Figure 2A ). Par exemple, la molécule A, entraîne une augmentation d’environ 30 % de l’expression de la GFP dans les cellules H-GFP89CTG traitées avec cette molécule par rapport aux cellules traitées avec du DMSO tandis qu’aucune variation d’expression de la GFP n’est observée dans les cellules H-GFP15CTG ( Figure 2B ). De plus, il est intéressant de noter que certaines des 24 molécules candidates identifiées lors du criblage, dont la molécule A, sont connues pour jouer un rôle dans la réparation de l’ADN ou les modifications épigénétiques, deux mécanismes impliqués dans l’instabilité des triplets répétés CTG.

Conclusion et perspectives du projet

Le criblage chimique nous a permis d’identifier des molécules candidates qui altèrent l’expression de la GFP exclusivement dans les cellules H-GFP89CTG suggérant fortement un rôle de ces molécules dans l’instabilité des triplets. Afin de valider leur rôle dans la dynamique de l’instabilité des répétitions CTG, ces composés chimiques candidats seront étudiés dans des fibroblastes DM1, ce qui permettra d’observer leur effet dans un environnement pathologique. Des fibroblastes contenant plusieurs centaines de répétitions CTG seront traités par ces molécules candidates ou du DMSO sur une période de trois mois, temps nécessaire pour observer et quantifier la mosaïque somatique (temps estimé sur la base de nos expériences précédentes). La mosaïque somatique des répétitions CTG dans les différentes cultures cellulaires sera mesurée en utilisant la dernière technologie de séquençage à longue lecture développée par Pacific Biosciences ( Figure 3 ) [ 13 , 14 ] Cette technologie de séquençage permet de mesurer la taille des répétitions molécule par molécule et ainsi d’étudier la distribution de la mosaïque somatique dans les cellules traitées et leurs contrôles respectifs. Parallèlement, la prolifération cellulaire et la cytotoxicité pour différentes doses de drogues seront testées en utilisant un système d’imagerie automatisée qui permet de suivre l’évolution des cellules en temps réel (Incucyte ® , Sartorius). Cette étude permettra de sélectionner, pour la suite des recherches, la dose la plus efficace tout en limitant la cytotoxicité. De plus, une étude longitudinale de l’effet des molécules sur la mosaïque somatique au cours du temps dans les fibroblastes DM1 sera également conduite afin de nous donner une indication sur le temps de traitement nécessaire pour voir les premiers effets sur l’instabilité des triplets CTG. L’ensemble des molécules chimiques diminuant la fréquence des expansions et présentant une faible toxicité dans les cellules seront testées in vivo dans le modèle murin DM1 du laboratoire, seul modèle reproduisant à la fois l’instabilité somatique et intergénérationnelle observée chez les patients atteints de DM1 [ 15 , 16 ].

À ce jour, aucun traitement curatif n’est disponible pour la DM1. L’identification de différents facteurs aussi bien chimiques que génétiques conduisant à une augmentation des contractions des répétitions CTG ou à une diminution des expansions est une étape clé dans la mise en place de nouvelles thérapies chez les patients atteints de DM1. Le but est de favoriser la formation des contractions et donc de stabiliser voire ralentir la progression de la maladie. Les mécanismes d’instabilité des triplets étant communs à plusieurs pathologies liées à une expansion anormale de séquences répétées, les applications découlant de nos travaux de thèse pourront également s’appliquer pour d’autres maladies telle la chorée de Huntington.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Acknowledgments

Laure de Pontual remercie les membres de la SFM pour l’attribution du prix Master 2020, Capucine Trollet et Denis Furling pour les encouragements à candidater à ce prix, ainsi que l’AFM-Téléthon, l’Inserm, Sorbonne Université et l’Institut de Myologie qui soutiennent ce projet.

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