L’année 2020 restera définitivement une année entre parenthèses. En France, l’épidémie de la COVID-19 arrivée en mars 2020 a mis en suspens bon nombre de nos activités habituelles, bouleversé nos méthodes de travail ainsi que notre rapport au temps. à l’heure même où nous subissons encore les effets de la deuxième vague, prenons un peu de recul pour faire le bilan de cette année si particulière.
Le premier mouvement serait de procéder à une simple clôture des comptes et celle-ci s’avérerait catastrophique : déprogrammation massive de l’activité clinique spécialisée, suspension partielle des essais thérapeutiques, isolement social des patients, annulation et report de nombreux congrès (en particulier, les JSFM de Saint-Étienne, les Journées neuromusculaires de Marseille, l’École d’Été de Myologie de Paris…), étudiants ballotés entre les réorganisations des services hospitaliers et la fermeture des universités, chercheurs désemparés, remise en cause de la parole scientifique, overdose médiatique favorisée par des effets d’annonce souvent malvenus, etc.
Cependant, ces circonstances exceptionnelles ont aussi prouvé la solidité de notre communauté de cliniciens et de chercheurs quand on fait la somme de toutes les actions menées au cours de cette période et qu’on observe la résilience des acteurs pour continuer à travailler malgré tout.
Pour les patients atteints de maladies neuromusculaires, la Filière FILNEMUS et l’AFM-Téléthon sont restées en lien constant et ont élaboré des textes d’information fréquemment actualisés à destinée des patients, des recommandations de prise en charge à destinée des professionnels et des tutoriels pour l’auto-entretien musculaire. Plusieurs enquêtes ont été lancées, à la fois par FILNEMUS et l’AFM-Téléthon, pour recenser les patients neuromusculaires ayant contracté la COVID-19, le but étant d’identifier des facteurs de risque de développer une forme grave et l’impact de l’infection virale sur la maladie. Au fil des semaines, la nécessité d’assurer le suivi des patients atteints de maladies neuromusculaires a conduit à mettre en œuvre en un temps record des procédures de téléconsultations jusqu’alors très peu utilisées. La transformation numérique accélérée que nous avons connue a permis de belles réussites telles que la tenue de la World Muscle Society , prévue initialement en septembre à Halifax au Canada et transformée en congrès virtuel, à la satisfaction de tous. Gageons que ces expériences nous donneront envie de changer nos façons de travailler ensemble et d’enseigner, nous permettant de toucher un public plus large.
La science ne s’est pas arrêtée en myologie comme ailleurs. La mise en place en urgence du télétravail, les rotations des équipes dans les laboratoires pour favoriser la distanciation, la tenue des réunions et des thèses en webconférence ont permis la poursuite des activités. Et, alors que l’épidémie semble partie pour durer, l’espoir renait de l’arrivée en un temps record de nombreux vaccins candidats contre la COVID-19 dont 48 selon l’OMS en cours d’évaluation clinique.
Cette année nous a aussi permis de prendre conscience du prix que nous accordons dans notre domaine aux rencontres humaines, à la transmission du savoir et aux échanges. C’est dans cet esprit que nous clôturons cette année avec un retour aux racines françaises de l’étude des maladies neuromusculaires par un vibrant hommage à l’un de ses pionniers, Georges Serratrice. Dans ce même numéro, le lecteur pourra se référer à un dossier passionnant sur les dystrophies musculaires des ceintures et leurs actualités thérapeutiques. Enfin, et si vous êtes en manque d’exotisme, nous vous convions à lire les tribulations de deux myologues français en Chine.
« Les arbres aux racines profondes sont ceux qui montent haut. » Frédéric Mistral