Le nombre de projets de vaccins dirigés contre le SARS-CoV-2 en développement augmente actuellement de manière exponentielle. Plus de 321 projets sont aujourd’hui recensés, pour 120 projets dénombrés au mois d’avril 2020, soit une augmentation de plus de 2,5 fois en 4 mois [
11
]. Parmi ces projets, 32 candidats vaccins sont en cours d’essais cliniques, avec des objectifs de recrutement de plus de 280 000 participants provenant d’au moins 470 centres d’inclusion dans 34 pays différents. Au 1
er
octobre 2020, au moins six laboratoires avaient publié des résultats d’essais de phase I et II de vaccins dirigés contre le SARS-CoV-2, avec la promesse de l’induction d’une immunité au moins immédiate et, chez l’homme, la production d’anticorps neutralisants. Trois essais portaient sur des plateformes vaccinale adénovirus : les laboratoires de l’Institut Jenner de l’université d’Oxford au Royaume-Uni, soutenus par
AstraZenaca
, avec un vaccin fondé sur l’utilisation d’un adénovirus de chimpanzé ChAdOx1 nCoV19 [
12
] ;
CanSino Biologics
à Wuhan en République populaire de Chine utilisant un adénovirus de type 5 non réplicatif [
13
] ; et en Fédération de Russie, l’approche du vaccin « Spoutnik V » de l’Institut Gamaleya annoncée directement par le président russe début août 2020 avec un vaccin non réplicatif d’adénovirus humains de type 26 et de type 5 utilisés en stratégie «
prime-boost
» (avec nécessité d’un rappel) [
14
]. Depuis, des suspicions de fraudes ont été émises sur les résultats publiés par l’institut Gamaleya, laissant planer des doutes sur la fiabilité des résultats [
15
]. Un essai développé par
Novavax
aux États-Unis qui reposait sur l’utilisation de la protéine Spike virale native, sous forme recombinante et comprenant le domaine transmembranaire de la protéine associé à des nanoparticules, et à un adjuvant à base de saponine, appelé Matrix M1, a aussi donné une immunité dite neutralisante (car induisant des anticorps neutralisant le virus) [
16
].
Enfin, aux États-Unis également, une approche très novatrice développée par la firme
Moderna
portait sur un vaccin à base de l’ARNm1273 codant la protéine S du virus [
17
,
18
] (
→
). En Allemagne, l’université de Mainz, avec le soutien du laboratoire Pfizer, a testé différentes doses de l’ARNm BNT162b1 encapsidé dans des lipides codant la protéine S du virus dans un essai de phase I/II. Cette stratégie semble induire une immunité humorale et cellulaire [
19
,
20
].
(→) Voir la Nouvelle de B. Pitard,
m/s
n° 10, octobre 2019, page 749
Ces six approches sont toutes fondées sur l’induction d’une immunité dirigée contre la glycoprotéine de surface Spike du SARS-CoV-2, comme la majorité des vaccins actuellement en développement.
En plus de ces résultats encourageants concernant l’induction d’une réponse immunitaire potentiellement protectrice [
21
], les efforts en recherche et développement ne tarissent pas puisque tous les grands acteurs en matière de production de vaccins annoncent des travaux dans ce domaine hautement concurrentiel. Les candidats vaccins validés en phase I/II sont tous entrés en phase III d’essais cliniques de validation de leur efficacité protectrice et les fabricants de vaccins se préparent tous à une production vaccinale de masse. Le plus grand fabricant de vaccins au monde, le
Serum Institute of India
à Pune, a conclu un accord pour fabriquer un milliard de doses d’un vaccin contre le coronavirus développé par
AstraZeneca
, s’il est approuvé pour son utilisation. Le 9 septembre 2020,
AstraZeneca
a cependant annoncé avoir suspendu son essai de phase III suite à la survenue d’un effet indésirable grave chez un patient en Angleterre. Cet incident, heureusement transitoire, car l’essai a très rapidement repris, rappelle la grande difficulté d’un développement accéléré et sûr d’un vaccin. Si, néanmoins, ce vaccin fonctionne, le
Serum Institute
et le gouvernement indien se sont engagés à réserver une moitié du stock de vaccin à l’Inde et à en fournir une autre moitié aux pays à faibles revenus, par le biais de la fondation
Global Alliance for Vaccines and Immunization
(GAVI)
3
[
22
].
Il résulte de ces différentes annonces, une visibilité assez floue sur les vaccins qui seront effectivement disponibles, avec des résultats scientifiques qui ne sont, actuellement, pas accessibles, notamment sur l’immunité à long terme et sur la capacité de ces vaccins à bloquer la transmission du virus. Le 1
er
octobre, l’Inserm a annoncé par l’intermédiaire du projet COVIREIVAC rechercher plus de 25 000 volontaires pour participer à l’évaluation des différents vaccins contre la COVID-19 [
23
].
Une des inconnues majeures de l’équation sera la situation épidémiologique au moment de la mise sur le marché des vaccins, puisque l’expérience de l’épidémie de grippe H1N1 de 2009 nous a appris que l’acceptation d’une nouvelle vaccination est aussi très dépendante de la perception du risque épidémique par la population. Une étude récente nous apprend que l’acceptation d’un vaccin contre le SARS-CoV-2 n’est, en effet, pas évidente, puisque 26 % des répondeurs d’un sondage réalisé en France, disent qu’ils ne se feraient pas vacciner si une campagne était lancée [
24
]. Aux États-Unis, ce rejet est un sentiment partagé par 20 % de la population [
25
]. Une majeure partie de la population mondiale reste néanmoins très attentive aux progrès réalisés pour le développement d’un vaccin anti-SARS-CoV-2 et y place beaucoup d’espoir.
À côté de ces hésitants vaccinaux, des initiatives d’apprentis scientifiques pressés, comme l’initiative baptisée
Rapid Deployment Vaccine Collaborative
(RaDVaC), qui prône un vaccin à fabriquer soi-même (le vaccin «
do it yourself
»), hors de tout contrôle scientifique, démontre combien l’irrationnel a envahi le champ de la lutte contre la COVID-19 [
26
].
Malgré lui, le vaccin, comme d’autres approches de thérapie ou de protection anti-virales, est entré dans le champ politique, brouillant souvent le message scientifique. Le président russe a baptisé le vaccin de l’Institut Gamaleya « Spoutnik V » : un nom aux accents de guerre froide dans une déclaration qui sonne comme une démonstration de puissance à usage intérieur autant qu’extérieur. Aux États-Unis, le président, candidat à sa réélection, demande aux gouverneurs des états de l’Union à se tenir prêts à des campagnes de vaccination, dès le premier novembre… Il utilise ainsi le vaccin comme un argument de campagne pour faire oublier sa gestion catastrophique de la crise. De nombreuses voix dans la communauté scientifique appellent à plus de mesure et de réalisme dans le calendrier de mise à disposition d’une vaccination disponible pour tous qui ne s’opérera vraisemblablement pas avant la fin du premier semestre 2021.
Les vaccins feront l’objet d’une mise à disposition progressive. Aussi, en France, deux rapports récents du Conseil scientifique du gouvernement sur la COVID-19 et de la Haute autorité de santé (HAS) tentent de proposer une stratégie globale de vaccination en fonction des données disponibles dans la littérature [
27
,
28
] ; le vaccin sera distribué en priorité aux personnes exposées (personnels soignants notamment) et aux personnes fragiles.
Devant les réticences face à la vaccination, il semble donc qu’un important travail d’information et de conviction reste à réaliser auprès de la population si nous souhaitons pouvoir vivre, à l’avenir, à l’abri des dangers de la COVID-19, mais aussi des autres maladies infectieuses virales qui continuent et continueront de faire des ravages dans de nombreux pays.