Problématiques de santé publique

2007


ANALYSE

20-

Politiques publiques et plans gouvernementaux

Ce chapitre s'appuie en grande partie sur le Rapport d'étude sur la maladie d'Alzheimer et les maladies apparentées (Rapport Gallez) réalisé en juin 2005 pour l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé (Opeps), Chapitres V et VI (Offre de soins et Organisation institutionnelle).
Compte tenu de l'augmentation du nombre de cas de maladie d'Alzheimer dans l'ensemble de l'Europe, les différents pays ont à faire face aux mêmes problèmes. Même si les contextes sociaux et les moyens diffèrent d'un pays à l'autre, les objectifs se rejoignent. Ceux-ci ont été définis en six points principaux dans le rapport de l'OCDE1 en 2004 (tableau 20.Irenvoi vers).

Tableau 20.I Objectifs des politiques de lutte contre la maladie d'Alzheimer en Europe (rapport de l'OCDE 2004)

Maintenir à domicile le plus longtemps possible et retarder l'institutionnalisation
Aider les aidants afin de faciliter le maintien à domicile
Favoriser une participation des patients à leurs soins le plus longtemps possible
Coordonner les services au niveau local
Promouvoir une égalité dans le traitement des besoins
Favoriser le diagnostic précoce

Situation organisationnelle en France

L'organisation du système de santé en France est caractérisée par une grande complexité avec de multiples structures associant un système médical libéral privé surtout ambulatoire et un système public surtout hospitalier, avec des administrations tutélaires séparées pour les aspects sanitaires et les aspects sociaux aux niveaux local, régional et national. Cette complexité explique que les politiques publiques en matière de santé sont fondées sur des plans nationaux relayés par des plans régionaux. Seuls ces plans peuvent impulser et structurer une démarche « volontariste » et cohérente concernant une maladie ou un problème de santé donné, si on considère que ce domaine est une priorité de santé publique et nécessite une action concertée pour progresser dans la résolution des problèmes posés.
La maladie d'Alzheimer et les syndromes apparentés ont été pratiquement ignorés par les décideurs politiques jusqu'à la fin du XXe siècle. Une des preuves les plus remarquables de cette ignorance est le rapport du Haut comité de santé publique de 1998, censé faire le point sur les problèmes majeurs de santé publique de notre pays à cette époque et qui ne mentionnait ni la maladie d'Alzheimer, ni la démence alors que ces affections touchaient déjà au moins 500 000 français.
La prise de conscience de l'importance du problème par les autorités politiques et les administrations de la santé date seulement du début du XXIe siècle en raison du vieillissement plus marqué de la population, notamment après la pause relative liée à la dénatalité de la période de la guerre de 1914-1918, de l'émergence de traitements et de modes de prise en charge de ces maladies, de la médiatisation de certains cas célèbres comme Ronald Reagan, et de l'action des associations de familles de malades réunies dans une seule association nationale, l'Association France Alzheimer.

Plans nationaux

Un premier plan national intitulé « Programme d'actions destiné aux personnes souffrant de maladie d'Alzheimer et de maladies apparentées » a été lancé pour la période 2001-2004 de manière conjointe par les Ministères de la santé, des affaires sociales et le Secrétariat d'État auprès des personnes âgées. Ce plan comportait six objectifs majeurs :
• identifier les premiers symptômes et orienter ;
• structurer l'accès à un diagnostic de qualité ;
• préserver la dignité des personnes ;
• soutenir et informer les personnes malades et leurs familles ;
• améliorer les structures d'hébergement et les renforcer ;
• favoriser les études et la recherche clinique.
Ce premier plan a entraîné la création des premiers Centres mémoire de Ressources et de Recherche (CMRR) à vocation régionale et des Consultations mémoire (CM) à vocation plus locale. Le plan a été conforté par la mise en place de l'Allocation personnalisée autonomie (APA) et des Centres locaux d'information et de coordination gérontologiques (CLIC).
Dans la prolongation de ce premier plan, un deuxième plan national intitulé « Plan Alzheimer et maladies apparentées » a été lancé pour la période 2004-2007 par le Ministère des solidarités, de la santé et de la famille et le Secrétariat d'État aux personnes âgées avec dix objectifs (tableau 20.IIrenvoi vers).

Tableau 20.II Dix objectifs du plan Alzheimer et maladies apparentées (2004-2007)

Reconnaître la maladie d'Alzheimer et les maladies apparentées comme une maladie à part entière et promouvoir le respect de la personne malade
Anticiper les besoins des malades et des familles et faciliter l'adaptation de l'offre aux besoins
Faciliter le diagnostic précoce et sa qualité afin de ralentir l'évolution de la maladie et de prévenir ses complications
Mettre en place une politique d'accompagnement renforcée pour les malades à un stade précoce et les familles
Mieux accompagner les malades qui vivent à domicile
Adapter les établissements d'hébergement pour personnes âgées pour prendre en compte la spécificité de cette maladie
Développer la formation des professionnels et aider les bénévoles
Faciliter la prise en charge des malades en situation de crise
Prendre en compte la spécificité des patients jeunes
Favoriser les études et la recherche clinique
Ce deuxième plan, doté d'un budget d'environ 200 M€, a permis de conforter l'offre de soins avec la création de 25 CMRR réunis dans une Fédération nationale et de 366 CM2 mises en réseau avec les CMRR. L'objectif d'arriver à une CM pour 15 000 habitants de plus de 75 ans devrait être atteint en 2007. La maladie d'Alzheimer a été identifiée dans les affections de longue durée et une réflexion éthique nationale a été mise en place autour de la maladie d'Alzheimer avec l'organisation de 5 colloques nationaux. Une incitation forte et des moyens ont été affectés pour la création de réseaux de santé, d'accueil de jour (15 500 places prévues en 2007) et de structures d'hébergement temporaire. La volonté de stimuler la recherche neuroscientifique s'est concrétisée par l'annonce en 2006 d'un « Plan sur le cerveau et les maladies du système nerveux » (dans le cadre du plan Solidarité-grand-âge), à l'origine de la création de neuropôles régionaux. Enfin, un appel d'offre « Neurosciences, neurologie et psychiatrie » de l'Agence nationale de la recherche (ANR) a été lancé en 2007, incluant un volet « Alzheimer et syndromes apparentés » ainsi qu'un appel d'offre « Longévité et vieillissement ».

Dispositif d'offre de soins en France

Les données concernant l'offre de soins en France proviennent essentiellement des administrations chargées de la prise en charge des personnes âgées (Dhos, DGAS, Drass), des instituts et services producteurs de données statistiques (Drees, Irdes, Insee, Fnors) et de fédérations (Fédération Médéric Alzheimer, Fédération nationale des CMRR). Un constat a été dressé à l'occasion du rapport de l'Opeps en 20053 et mis à jour pour cette expertise. Cependant, il ne s'agit pas d'une analyse mettant en relation les besoins et les structures existantes.
Les services de prise en charge de la maladie d'Alzheimer sont de trois types : diagnostic, information/coordination et prise en charge médicale et médico-sociale (tableau 20.IIIrenvoi vers).
Un état des lieux 2007 sur les dispositifs de prise en charge et d’accompagnement des personnes malades et de leurs aidants vient d’être publié par la Fondation Médéric Alzheimer4 . Cette nouvelle enquête montre une évolution positive du nombre de dispositifs et activités proposées. Mais elle révèle également la persistance de disparités géographiques régionales et départementales au niveau de l’offre.

Tableau 20.III Types de services et de structures de prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer (2007)

Type de services
Structures
Nombres de structures en France métropolitaine (taux pour 1 000 personnes âgées de plus de 75 ans)
Diagnostic
Consultations mémoire
Centres mémoire de Ressources et de Recherche (CMRR et centres hospitaliers)
Neurologues libéraux
3661


251
7632 (0,97)
Information/coordination
Centres locaux d'information et de coordination (CLIC) labellisés selon l'étendue de leur mission
Réseaux de coordination gérontologiques
Structures d'aide aux aidants


5383

521
237 (0,06)2
Prise en charge médicale, médico-sociale
Médecins de ville (généralistes, psychiatres, neuropsychiatres)
Services de soins infirmiers à domicile
Accueil de jour
Hébergements temporaires
Établissements d'hébergement pour personnes âgées
Ehpa
Ehpad (dépendantes)
Services d'aide à domicile
Hôpitaux

114 227 (11,83)2

80 643 places (18,25)2
4 085 places1
2 500 places1


666 997 places2
671 000 places2
1Source : DGS, Bilan de la mise en œ uvre du plan Alzheimer pour les dispositifs sanitaires au 31 décembre 2006
2Source : Opeps, Rapport Gallez sur la maladie d'Alzheimer et les maladies apparentées, 2005
3Source : Ministère de la santé et des solidarités, 2006,http://www.personnes-agees.gouv.fr/ [Consulté en 2007]
La plupart de ces services ont largement augmenté leur capacité d'accueil au cours de ces trois dernières années.
La figure 20.1Renvoi vers illustre le parcours du patient et de sa famille au sein de ces différents dispositifs.
Figure 20.1 Dispositif de prise en charge pour les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer

Politiques européennes de prise en charge

Au regard de l'ancienneté des politiques sanitaires ou sociales (cancer, lutte contre les maladies infectieuses), la prise en charge de la démence de type Alzheimer dans sa globalité est un domaine relativement nouveau des politiques publiques. Rares sont les pays de l'OCDE ayant des politiques spécifiques de prise en charge de la maladie d'Alzheimer ou des symptômes apparentés, contrairement par exemple à la lutte contre le cancer5 . Dans la plupart des pays développés, la prise en charge des démences est comprise dans des domaines plus vastes : celui de la prise en charge de la dépendance, comme en Allemagne et dans les pays nordiques, ou celui de la maladie comme en Espagne. Cette différence par rapport à d'autres pathologies peut s'expliquer de deux manières : d'une part la maladie d'Alzheimer touche principalement des personnes âgées et renvoie à la politique du vieillissement ; d'autre part les conséquences de la maladie et leurs prises en charge sont du domaine des services sociaux ou médico-sociaux qui, dans un grand nombre de pays, sont séparés des services de santé et ne font pas l'objet de politiques spécifiques (Leichsenring, 2003renvoi vers).
Concernant la prise en charge des personnes dépendantes, la plupart des pays européens soulignent la nécessité d'une coordination entre les institutions organisationnelles, et nombre d'entre eux s'orientent vers une compensation individualisée et une gestion de proximité.
Une étude des formes d'organisation et de mise en œ uvre des politiques de prise en charge de la perte d'autonomie dans différents pays européens montre un rapprochement sensible des approches sur deux points essentiels : premièrement, la prise en charge de la perte d'autonomie axée sur une réponse individualisée aux besoins et, deuxièmement, la nécessité d'une gestion des systèmes fondée sur la proximité (Brillet et Jamet, 2004renvoi vers).
Un panorama des législations et des pratiques en Europe au regard de la compensation de la perte d'autonomie des personnes âgées dépendantes montre qu'une majorité des pays européens a fait le choix de passer progressivement d'une réponse constituée par des prestations uniformes, standardisées, assises sur des barèmes, des grilles et des taux d'incapacité à une approche plus fondamentalement personnalisée partant d'une évaluation des besoins de la personne dans son environnement de vie et donnant lieu à un plan d'aide concerté. En Europe, les dispositifs sont, dans la majorité des cas, bâtis selon une logique similaire qui part des besoins de la personne (needs lead). Une analyse du panier de biens et de services des personnes âgées dépendantes dans six pays européens (Allemagne, Espagne, Italie, France, Royaume-Uni et Suède) montre que, si le financement, le contenu du plan d'aide, la diversité des réponses et les acteurs peuvent être différents (notamment entre l'Allemagne et les autres pays de l'étude), l'approche est en revanche la même, à savoir une évaluation individualisée des besoins « sur-mesure » faisant intervenir diverses compétences (médicale, sociale, psychologique...) et aboutissant à un plan d'aide qui apporte une réponse globale déclinée en plusieurs actions (Le Bihan-Youinou et Martin, 2003renvoi vers).
Étroitement liée à l'évolution de la philosophie de la prise en charge mettant l'accent sur une compensation individualisée des besoins des personnes, la transformation des modes de gestion et d'organisation des dispositifs connaît dans la plupart des pays européens des points communs fondamentaux, notamment un rapprochement des centres de responsabilité vers le niveau local. Les raisons pour lesquelles cette gestion de proximité a été privilégiée tiennent à la possibilité d'organiser des équipes d'évaluation des besoins des personnes de la façon la plus efficace, de prendre des décisions plus rapidement en raccourcissant les circuits de décision et de mettre en place un suivi adapté sur la base de référents.
Dans la plupart des pays européens, on constate un mouvement général de décentralisation et de transferts des compétences relatives à la compensation aux acteurs de proximité mais dans un cadre qui reste cependant national et qui organise des liens étroits entre le niveau central et les collectivités territoriales.
La coordination est un thème récurrent dans le secteur sanitaire et médico-social. Elle est fréquemment évoquée comme un moyen de maillage des territoires pour développer les liens de proximité afin que le malade ainsi que son entourage soient bien à la fois partie prenante et centre de la prise en charge. En second lieu, c'est la question de la coordination entre les services de soins et d'aide à domicile et les établissements qui se pose dans le but d'assurer un service complet. Ceci ne peut se faire que dans le cadre de la mise en place de réseau gérontologique sur un territoire donné.
Les expériences étrangères dans le domaine de la coordination permettent de tirer des enseignements sur la mise en place de soins coordonnés ou intégrés.
Ainsi, différents pays (États-Unis, Allemagne, Angleterre) ont expérimenté des modalités de parcours de soins coordonnés en s'appuyant sur des modèles de prise en charge hiérarchisée en fonction des besoins des malades (annexe 3). Ce type d'approche novatrice fait successivement appel à un « gestionnaire de soins » (disease/care manager) puis à un « gestionnaire de cas » (case manager).
En relais des actions pour la promotion de la santé, les programmes de « gestion des soins » développés initialement pour répondre aux besoins de personnes atteintes de maladie chronique (diabète, insuffisance cardiaque, asthme...) ont pour objectif principal d'encourager l'éducation thérapeutique en favorisant une meilleure prise en charge de leur pathologie par les malades eux-mêmes. Ils visent à améliorer les connaissances des patients, et éventuellement de leur famille, et à développer leurs compétences. Ces programmes tendent également à favoriser la coordination des soins (aide à l'orientation des patients, planification des consultations et des soins...). Concrètement, le modèle d'intervention le plus commun se fonde sur des appels téléphoniques émis par un professionnel de santé. Au-delà de la dimension technique des entretiens, la capacité à développer une relation d'empathie avec le patient est considérée comme essentielle.
Lorsque les besoins de soins s'intensifient et que les risques pour le patient atteignent un certain seuil, un niveau d'action supplémentaire consiste à mettre en place une gestion des soins plus personnalisée par l'intervention d'un gestionnaire de cas. La gestion de cas consiste à développer une fonction d'appui pour la prise en charge individuelle des situations les plus difficiles. Cet appui ne se limite pas au seul champ sanitaire mais englobe le versant social. Ainsi, le gestionnaire de cas − le plus fréquemment une infirmière − constitue un correspondant privilégié et unique, responsable de la prise en charge globale du patient. C'est aussi un interlocuteur direct de la personne, de sa famille et du médecin traitant. Son action est par principe continue dans le temps (y compris dans les situations d'hospitalisation). Ce type d'intervention a été appliqué pour le suivi des personnes âgées dans différents pays et démontre un bon niveau de preuve quant à l'amélioration à l'accessibilité aux aides, de l'utilisation des soins, de l'autonomie et du respect des règles de bonnes pratiques, tout en diminuant le recours à l'institutionnalisation, les hospitalisations et les coûts médico-sociaux. En France, la coordination des soins pour les personnes atteintes de maladie d'Alzheimer par des gestionnaires de cas a été également expérimentée, notamment dans la région Nord – Pas-de-Calais dans le cadre du modèle PRISMA et son évaluation est actuellement en cours.
Comme mentionné précédemment, la prise en charge des personnes est de plus en plus souvent individualisée et elle se met en place dans des territoires restreints (par exemple, les communes au Danemark ou en Suède). Elle nécessite le recours à des personnes spécifiquement formées mandataires des personnes. Elles peuvent être comme dans le cas du Royaume-Uni des membres d'associations ou des personnes membres d'un réseau intégré. Des soins coordonnés ne réduisent pas totalement la charge des familles ou des bénévoles (Leichsenring, 2003renvoi vers). Enfin, dans une revue de la littérature, Johri précise les conditions de succès de la mise en place de soins intégrés aux personnes âgées (Johri et coll., 2003renvoi vers) :
• un référent (gestionnaire de cas) coordonnant les interventions médicales et sociales, responsable du suivi sur le long terme de la coordination des différentes interventions ;
• une prise en charge multidisciplinaire, sociale, médicale et paramédicale, avec des objectifs de prise en charge communs ;
• une porte d'entrée unique et une évaluation multidisciplinaire, avec un outil commun ;
• des incitations financières – positives ou négatives – à la coordination.
Le gestionnaire de cas aurait ainsi comme tâche de dresser un bilan des aides disponibles, que ce soit les aides publiques (en espèce ou en nature), ou celles relevant de l'assurance, afin de mettre en place un plan d'aide cohérent. En France, le réseau mémoire Nord – Pas-de-Calais expérimente actuellement la mise en place d'une infirmière coordinatrice au sein du réseau. De cette expérience innovante, il est possible de dresser un profil de poste pour la coordination des soins (annexe 4).
Les personnes âgées et leur entourage utilisent l'information pour accéder à la détection et à la prise en charge. Ils sont également producteurs de soins et de prise en charge et enfin financeurs des soins. Un des objectifs des politiques est de les mettre au cœ ur du dispositif et de rendre accessible à tous des soins de qualité en privilégiant le maintien à domicile. Ceci suppose qu'il existe une information disponible, mais aussi des institutions de soutien des aidants et des malades. Les associations de malades jouent en partie ce rôle à la fois par l'information qu'elles fournissent et par les soutiens au travers de groupes qu'elles proposent. Par ailleurs, les CLIC, les CMRR et les médecins de ville fournissent également des informations. Si l'information est donc disponible, force est de constater que le soutien aux aidants n'est pas encore totalement réalisé.
Tous les pays d'Europe, ainsi qu'il a été constaté dans de nombreux rapports, sont confrontés à la difficulté de la prise en charge des personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer. Les enquêtes réalisées par Colvez et collaborateurs (2002renvoi vers) permettent de faire le point sur les prises en charge dans différents pays de la communauté européenne. Par ailleurs, les études révèlent des différences notables dans les prestations à domicile et en institutions prévues dans la législation de plusieurs pays européens.
En Europe, quatre types de programmes alternatifs se développent :
• une prise en charge complète à domicile à l'exemple des services sociaux de la ville de Copenhague qui assurent cette prise en charge dans le cadre général des services de soins à domicile. La prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer représente un programme renforcé incluant l'intervention d'infirmières, de psychologues, d'aides à domicile et de médecins ;
• les structures de vie de type group living (Suède) ou le modèle Cantou6 (France) qui sont des habitats spéciaux de type appartement communautaire. Dans ces structures, la prise en charge s'effectue autour d'un espace à vivre commun. Ils comprennent entre 7 et 12 chambres personnelles. La vie est organisée autour des activités domestiques par une maîtresse de maison. La structure n'est pas techniquement médicalisée. C'est une des versions possibles de l'hébergement temporaire ;
• les centres experts (Belgique). Ils sont issus des services médicaux qui, en plus du diagnostic, assurent en consultation externe un suivi de la prise en charge sur les plans médical et social, que la personne soit en institution ou à domicile, selon le modèle des CMRR ;
• les centres de jour assurent, aux personnes qui souhaitent garder le malade à domicile, un soulagement de jour (d'une demi-journée à 6 jours). C'est le modèle de l'accueil de jour en France.
Les différentes évaluations qui ont été faites montrent que :
• quelle que soit la forme d'aide, la charge pour les proches est importante ;
• quel que soit le programme alternatif, il n'y a pas totale substitution entre l'aide formelle et l'aide informelle ;
• les programmes proposés ont tous un impact sur le bien-être des aidants autre que via les contributions budgétaires et temporelles que ces programmes produisent ;
• les unités de vie du type Cantou ou group living ont des effets positifs sur un plus grand nombre de dimensions du bien-être des aidants. Il apparaît donc nécessaire de les développer tout en préservant la liberté des malades et de leurs proches pour d'autres structures.

Réflexion sur les perspectives en France

Le récent plan « Solidarité grand âge » devrait permettre une amélioration de la prise en charge en Ehpad avec une amélioration annoncée du ratio nombre du personnel/nombre de malades, actuellement très inférieur à 1 en France. Le rapport Gallez7 établi par le Parlement en juin 2005 sur la maladie d'Alzheimer et les syndromes apparentés a fait un certain nombre de recommandations pour améliorer la situation des malades et de leur famille. Trois de ces recommandations ont été particulièrement soulignées par les députés et les sénateurs :
• changer l'image de la maladie dans la population par des campagnes d'information, notamment pour promouvoir une détection plus rapide et dédramatiser le vécu de la maladie ;
• aider le médecin généraliste et coordonner l'ensemble des prises en charge par la création d'un interlocuteur unique, le « gestionnaire de cas » (ou case manager) qui serait responsable de la coordination des soins de façon personnalisée ;
• donner un nouvel élan à la recherche clinique et en santé publique, sans oublier la recherche fondamentale par la réalisation d'un appel d'offre ambitieux couvrant tous les aspects de la prise en charge de la maladie.
Le gouvernement semble suivre ces recommandations puisque la maladie d'Alzheimer a été décrétée « grande cause nationale » en 2007, que des expériences de « gestionnaire de cas » sont actuellement en cours, qu'un appel d'offre spécifique de l'ANR est attendu et qu'un effort de soutien sans précédent contre la maladie d'Alzheimer a été annoncé en juin 2007 par le Président de la République, avec un « plan Alzheimer » équivalent au « plan cancer » et un budget annoncé de l'ordre d'un milliard et demi d'euros.

En conclusion,

la prise en charge de la maladie d'Alzheimer concerne un grand nombre d'institutions et se situe dans une problématique sanitaire et médico-sociale. Les personnes atteintes et leurs proches sont des acteurs majeurs de la prise en charge. Ils contribuent lourdement au maintien à domicile et cette contribution est source de grandes difficultés (psychologiques, sanitaires et financières) pour les proches. Si l'APA et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) permettent d'apporter un réel soutien aux proches, il leur reste néanmoins, du fait des caractéristiques de la maladie et en situation de manque d'offres à domicile, une charge importante. La réduction prévisible du nombre des aidants naturels fait que les services de soins et d'assistance à domicile sont un gisement d'emplois non négligeable que la puissance publique devrait promouvoir au même titre que les emplois de services. Ce qui suppose que les formations soient mises en place.
À l'instar de l'ensemble des pays européens, l'objectif principal des politiques est de favoriser des soins de qualité à domicile le plus longtemps possible. Ce qui suppose que soit affirmé que le recours à l'institution est le dernier recours ou un recours temporaire. De ce fait, il est nécessaire de redéployer les ressources matérielles et humaines vers les alternatives qui facilitent le maintien à domicile en prenant comme exemple les pays nordiques. Les exemples étrangers mettent en évidence une nécessaire individualisation des programmes avec une responsabilité des collectivités locales pour la coordination. Mais cette individualisation nécessite que la coordination ne se limite pas au médico-social et qu'elle intègre les partenaires du système de santé dans le cadre de territoires plus petits que le département.
Il est indéniable que les deux premiers plans gouvernementaux (2001-2004 puis 2004-2007) ont permis de prendre la mesure du phénomène et de développer des structures de qualité sur l'ensemble du territoire pour une meilleure prise en charge des malades, pour la recherche et pour l'évaluation. Cependant, de nombreux problèmes restent encore à résoudre, notamment pour la détection plus précoce de la maladie qui reste souvent diagnostiquée à un stade tardif, pour le suivi des malades en raison de l'absence de recommandations officielles, pour l'évaluation des besoins en hôpitaux de jour ou en accueil de jour, pour préciser la place des hébergements temporaires, des foyers logements, des Ehpad.

Bibliographie

[1] brillet r, jamet p. Pour une prise en charge solidaire et responsable de la perte d’autonomie. :Mission de préfiguration de la CNSA : Secrétariat d’Etat aux personnes Handicapées; 2004. Retour vers
[2] colvez a, joël me, miscjlich d. La maladie d’Alzheimer : Quelle place pour les aidants. Paris:Masson; 2002. Retour vers
[3] johri m, beland f, bergman h. International Experiments in integrated care for the elderly: a synthesis of the evidence. Int J Geriatr Psychiatry. 2003; 18:222-235Retour vers
[4] le bihan-youinou b, martin c. Comparer les paniers de biens et de services aux personnes âgées dépendantes en Europe. In: martin c, editors.  : La dépendance des personnes âgées, quelles politiques en Europe. Rennes:ENSP; 2003. p. - Retour vers
[5] leichsenring k. Providing integrated health and social care for older persons - A European Overview: European centre for social welfare policy and resarch. 2003:; . Retour vers

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