Dyslexie, dysorthographie, dyscalculie : Bilan des données scientifiques

2008


→ Aller vers ANALYSE
Recommandations
Le présent travail d'analyse de la littérature scientifique et de synthèse réalisé par le groupe d'experts réunis sous l'égide de l'Inserm avait pour objectif de faire le point sur les avancées des connaissances concernant les troubles spécifiques des apprentissages scolaires qui touchent environ un quart des enfants ayant des difficultés dans les apprentissages.
Au terme de son travail d'analyse et de synthèse, le groupe d'experts est parvenu à un certain nombre de constats essentiels.
Il existe actuellement, au sein de la communauté scientifique, un consensus quasiment unanime sur la nature des troubles spécifiques qui provoquent l'incapacité pour les enfants qui en sont atteints d'entrer dans les apprentissages, en particulier celui de la lecture. On reconnaît notamment aujourd'hui que ce sont essentiellement des déficits (probablement très précoces et pour une partie d'entre eux à composante génétique) de certains processus langagiers (en particulier phonologiques), qui sont à l'origine des troubles spécifiques d'apprentissage de la lecture.
La diffusion la plus large possible des avancées scientifiques est importante auprès de tous les professionnels, médicaux, paramédicaux et de l'Éducation nationale, qui ont en charge les enfants présentant des troubles spécifiques d'apprentissage, afin d'assurer tout à la fois le dépistage le plus précoce des enfants à risque et permettre la mise en place, sans tarder, de mesures visant à réduire leur déficit et à minimiser ses conséquences sur le devenir scolaire des enfants.
La mise en œuvre des mesures nécessite d'être graduée en fonction de la sévérité des troubles, mais doit comporter impérativement une étape d'évaluation à l'aide d'outils validés et étalonnés pour l'âge de l'enfant, et conduire systématiquement à des aménagements pédagogiques adaptés aux types de difficultés rencontrées par chacun de ces enfants.
On dispose aujourd'hui de données partielles sur les conditions d'efficacité d'un certain nombre de méthodes de rééducation et d'entraînement spécifiques aux fonctions cognitives perturbées, mais une grande partie de ces méthodes doivent encore faire l'objet d'études de validation. Leur grande variété incite à la plus grande vigilance de la part des prescripteurs comme des utilisateurs. La coordination entre les différents partenaires (scolaires et extra-scolaires) apparaît comme indispensable et devant permettre une réflexion adaptée à chaque cas.
Les domaines d'apprentissages autres que la lecture, peuvent également faire l'objet de troubles spécifiques qui requièrent tout autant que pour les troubles de la lecture, une démarche scientifique dans l'étude de leurs mécanismes et une prise en charge adaptée à chaque cas. Leur coexistence avec le trouble de la lecture accroît la sévérité du tableau clinique et justifie le recours à une équipe pluridisciplinaire (centre de référence), éventuellement organisée en réseaux régionaux. L'accès du plus grand nombre à l'ensemble des professionnels compétents est en effet un objectif à obtenir.
Les troubles psycho-affectifs sont fréquents chez les enfants présentant des troubles spécifiques d'apprentissage. Leur présence peut conduire à s'interroger sur la priorité des prises en charge. Ces troubles peuvent apparaître comme la conséquence du trouble spécifique des apprentissages, ou comme une co-morbidité qui va en aggraver les manifestations et justifier, dans ce cas, de ne pas négliger les rééducations spécifiques aux troubles des apprentissages.
Parmi les nombreux domaines restant encore à explorer sur le thème de l'expertise, celui de la fréquence des différents types de troubles spécifiques et de leur association à l'échelle de la population reste une thématique prioritaire, ne serait-ce que pour mesurer, de manière plus précise qu'actuellement, l'impact des troubles spécifiques des apprentissages en terme de santé publique.
Le Plan national d'action pour les enfants atteints d'un trouble spécifique du langage arrêté en 20011 a défini cinq axes prioritaires qui recoupent en partie ceux présentés ci-dessous. Les propositions du groupe d'experts s'inscrivent dans une démarche scientifique susceptible d'éclairer, à partir des données récentes, certains aspects des actions à engager, déjà engagées ou encore à évaluer. Lorsque ces propositions d'action concernent un domaine nouveau comme celui évoqué pour la prévention, elles doivent être expérimentées, évaluées et confrontées à d'autres approches avant une large diffusion. Pour les recommandations déjà mises en œuvre dans le cadre du plan national, l'objectif de la présente expertise collective ne visait pas à en évaluer l'application.
Au cours de l'expertise, des rencontres avec les associations de patients et de parents, avec les professionnels du champ éducatif, médical et para-médical (orthophonistes, neuropsychologues, psychologues...) ont mis en lumière une volonté de partager et faire converger connaissances, expériences et savoir-faire sous une forme si possible institutionnalisée d'échanges.

Pour mieux repérer, dépister, prévenir

Les connaissances acquises sur les troubles des apprentissages devraient être mises à disposition du public, notamment des parents et des professionnels concernés. Elles contribuent à faciliter le repérage des enfants en difficulté d'apprentissage.
Dans le cadre de l'école, les enseignants sont les premiers et les mieux placés pour identifier les enfants qui présentent des difficultés dans les apprentissages. Les connaissances relatives à la nature des troubles spécifiques des apprentissages et à leurs manifestations devraient faire partie maintenant d'une véritable formation initiale des enseignants de même que l'intégration de nouvelles connaissances aux pratiques éducatives.

Informer les professionnels et le public sur les troubles spécifiques des apprentissages et leur prise en charge

Par définition, les troubles spécifiques des apprentissages ne peuvent être attribués ni à un retard intellectuel, ni à un handicap sensoriel, ni à un trouble psychiatrique avéré. Ces troubles sont donc inattendus compte tenu des autres aspects du développement. Ils persistent le plus souvent jusqu'à l'âge adulte. Par exemple, la dyslexie est un trouble durable et persistant de l'acquisition de la lecture qui se manifeste même chez des élèves ayant un bon niveau intellectuel et une bonne perception visuelle et auditive et pour lesquels aucun facteur d'ordre socioéconomique, médical ou éducatif ne peut expliquer les difficultés qu'ils rencontrent. Une information sur les troubles spécifiques des apprentissages doit être communiquée aux parents et au public en général afin d'éviter les inquiétudes ou les errances diagnostiques. Cette information doit permettre de comprendre comment se font les acquisitions scolaires (lecture, orthographe, calcul) et de mieux appréhender les premiers signes de difficultés.
On connaît aujourd'hui un certain nombre de signes précoces des troubles spécifiques des apprentissages. Même si certains de ces signes peuvent être recherchés avant même le début de tout apprentissage explicite de la lecture, aucun signe susceptible d'être mis en évidence en maternelle n'est à coup sûr indicateur d'un futur déficit spécifique des apprentissages de la lecture, de l'orthographe ou du calcul. Ce sont l'accumulation et la persistance de différents indices qui devront être prises en compte et conduiront à poser un diagnostic. Aussi, l'absence de trouble avant le CP n'implique pas que l'enfant ne rencontrera pas de difficultés d'apprentissage.

Former les enseignants à mieux connaître et reconnaître les troubles spécifiques des apprentissages

Une formation sur la chronologie des acquisitions donnerait la possibilité aux enseignants de porter une attention particulière aux enfants qui en maternelle présentent des facteurs de risque de troubles spécifiques des apprentissages de la lecture (confusion perceptive entre sons proches, déformation des mots, difficultés à répéter les comptines, difficultés de mémorisation de mots inventés, non connaissance du nom des lettres...) et du calcul (retards dans l'acquisition des nombres et le dénombrement).
De fait, les déficits précoces de segmentation et de discrimination des phonèmes (sons élémentaires du langage oral) sont parmi les indicateurs les plus fiables des futures difficultés de lecture, tout comme la présence d'un déficit des capacités de mémoire à court terme phonologique (évaluées, par exemple, par la répétition de mots inventés) de même qu'un déficit dans la connaissance des lettres. Après les débuts du CP, la principale manifestation des difficultés d'apprentissage de la lecture est l'absence de maîtrise des correspondances entre les lettres ou groupes de lettres (graphèmes) et les sons (phonèmes).
Une formation sur les fonctions impliquées dans l'apprentissage de la lecture (segmentation et discrimination phonémiques, mémoire à court terme phonologique, connaissance des lettres...) permettrait aux enseignants de repérer dès le début ou au cours du CP les enfants qui présentent des difficultés et ainsi de pouvoir mettre en place rapidement des entraînements pédagogiques en classe.
Les différentes activités numériques menées dès la maternelle permettent aux enfants de maîtriser les procédures de dénombrement par pointage et comptage sur les doigts. Les enfants acquièrent ces capacités généralement avant la fin de la maternelle. L'entrée au CP se traduit par l'enseignement systématique d'un nouveau code – le code indo-arabe – et des algorithmes qui lui sont associés et qui donnent à la résolution des opérations une puissance que le code verbal ne peut assurer. Le passage de l'oral au code indo-arabe ou l'inverse, s'appuie initialement sur les connaissances verbales, ce qui explique que, par exemple en français, la transcription de quantités telles que soixante quinze puisse donner lieu à des erreurs telles que 6015 que l'on rencontre dans la seconde partie du CP.
Une formation sur les fonctions sollicitées pour l'apprentissage du calcul pourrait permettre aux enseignants de reconnaître chez les enfants les premiers signes de la dyscalculie comme une mauvaise compréhension des principes de dénombrement, l'utilisation de stratégies primitives de comptage sur les doigts et plus tard une difficulté anormale et persistante à mémoriser les résultats des additions et multiplications les plus simples.
Il faut souligner également la nécessité de former les enseignants du second degré car nombre d'enfants ont des troubles persistants au collège et au lycée et ce malgré les rééducations prodiguées. Sans formation sur le sujet, les professeurs peuvent considérer ces élèves comme atteints d'un retard ou d'un trouble mental et estimer que ces élèves n'ont pas leur place dans l'enseignement ordinaire.

Promouvoir une utilisation appropriée des outils dans le cadre du dépistage

Les outils de dépistage des troubles spécifiques des apprentissages ne peuvent être proposés que lorsque l'enfant a commencé ses apprentissages scolaires (lecture, écriture, calcul) c'est-à-dire après 6 ans. Il existe par ailleurs des outils qui permettent de dépister avant 6 ans des facteurs de risque de troubles des apprentissages en explorant le langage oral, les capacités non verbales, l'attention, la mémoire...
Dans le contexte d'un dépistage individuel après 6 ans, il existe plusieurs outils ou tests pour rechercher si un enfant présentant des difficultés d'apprentissage de la lecture par exemple est susceptible d'avoir un trouble spécifique (dyslexie). Ces outils étalonnés en France ont des objectifs spécifiques pour lesquels la sensibilité et la spécificité ont été déterminées. Explorant des fonctions et capacités différentes, ces outils peuvent être utilisés de manière complémentaire lors d'un premier bilan. Ils peuvent permettre d'identifier les enfants nécessitant une approche pédagogique différenciée, ceux devant être suivis ou adressés à un professionnel spécialisé pour effectuer un diagnostic.
Dans le cadre du bilan de santé obligatoire de 6 ans pour l'entrée dans l'enseignement élémentaire (article L.2325.1 du code de la santé publique), les outils de dépistage de facteurs de risque s'inspirant des résultats des études longitudinales doivent être utilisés. Toutefois, l'intérêt de ce repérage précoce ne peut se concevoir que si des actions préventives ayant fait la preuve de leur efficacité dans le cadre d'évaluations rigoureuses peuvent être mises en place.
Il faut signaler qu'une commission d'experts mise en place (arrêté du 8 février 2002) pour élaborer au niveau national des recommandations sur les outils à usage des professionnels de l'enfance dans le cadre du plan d'action pour les enfants atteints d'un trouble spécifique du langage a rédigé un rapport rendu public en 20062 .

Développer et évaluer des entraînements pédagogiques en adaptant les modèles efficaces à l'étranger

Des études principalement en langue anglaise ont montré l'efficacité de certains entraînements pédagogiques (actions sur fonction cognitive déficitaire) chez des enfants en CP ou CE1 présentant des troubles du décodage. D'après les études, les entraînements doivent proposer un travail spécifique, intensif et explicite. Ce travail doit porter d'une part sur les relations graphème-phonème et ce aussi bien dans des tâches de synthèse (des unités grapho-phonémiques au mot) que d'analyse (du mot aux unités grapho-phonémiques) et d'autre part sur les capacités d'analyse, de discrimination et de fusion phonémique. Ces entraînements doivent être poursuivis jusqu'à la maîtrise de la lecture et amener les enfants à reconnaître, discriminer et écrire des mots de plus en plus rapidement. Une action quotidienne d'une demi-heure à une heure par jour est préconisée en individuel ou en petits groupes à besoin similaire. Une évaluation des bénéfices de l'entraînement peut être effectuée au bout de quelques mois.
Les résultats des études disponibles montrent que ce type d'entraînement en CP a des effets positifs sur l'automatisation de la reconnaissance des mots écrits et la compréhension de texte et à un moindre degré l'orthographe. L'effet sur la vitesse de lecture reste néanmoins à confirmer.
Sur le modèle de ces études, des entraînements pédagogiques devraient être expérimentés dès le début du CP, pour les enfants ayant présenté un trouble du langage oral et dès la deuxième partie du CP pour les faibles décodeurs. De même, l'éventuel bénéfice d'un entraînement, à titre préventif, dès la grande section de maternelle pour les enfants à risque de dyslexie (ayant un trouble du langage oral, de faibles compétences phonologiques ou issus de familles atteintes de dyslexie) devrait être étudié.
De telles actions expérimentales en France permettraient d'évaluer si les entraînements pédagogiques à l'école, limités dans le temps, ne marginalisant pas les enfants, accessibles à tous sont bénéfiques à une partie d'entre eux, leur permettant de récupérer de façon stable et durable un niveau de lecture proche de la normale, sans autre prise en charge. Elles permettraient ainsi de savoir si les enfants avec un « retard en lecture », transitoire, peuvent être différenciés des enfants atteints de dyslexie qui nécessiteront des soins complémentaires en prise en charge individuelle. Cette stratégie de prévention, si elle était validée en France, permettrait donc un accès plus rapide aux centres de références pour les enfants qui ont réellement besoin d'un diagnostic.
Dans le cadre de ces expérimentations d'entraînements pédagogiques en milieu scolaire, une formation des enseignants serait nécessaire pour la prise en charge préventive en grande section de maternelle des enfants présentant des risques pour l'apprentissage de la lecture tout comme pour la prise en charge des enfants en difficulté de lecture en CP.

Promouvoir les aménagements et les adaptations pédagogiques nécessaires pour prévenir d'autres difficultés d'apprentissages

Plusieurs travaux de la littérature abordent les effets positifs des aménagements et adaptations pédagogiques qui permettent à l'enfant présentant un trouble spécifique dans un domaine, d'acquérir les connaissances requises à son niveau de classe dans les autres matières (mathématiques, histoire, sciences de la vie et de la terre...) sans être handicapé par son trouble. Il s'agit par exemple de lui lire les énoncés en mathématiques ou de lui donner un temps supplémentaire pour les lire en cas de dyslexie, ou encore de diminuer la charge d'écriture en cas de troubles de l'orthographe ou du graphisme associés par l'utilisation de l'outil informatique (usage du traitement de texte du correcteur orthographique ou encore, de la dictée vocale dans les cas les plus sévères).
Ces aménagements et adaptations pédagogiques doivent être mis en place et évalués tout au long de la scolarité (primaire, secondaire, supérieur) afin que l'enfant ne soit pas pénalisé par son trouble du langage écrit (lecture, orthographe) et qu'il puisse tirer bénéfice des autres apprentissages. De tels travaux pourraient contribuer à définir les conditions d'intégration en milieu ordinaire d'enfants présentant un trouble spécifique des apprentissages et bénéficiant par ailleurs d'une prise en charge individuelle.
Le décret n°2005-1617 du 21 décembre 2005 relatif aux aménagements des examens et concours de l'enseignement scolaire et supérieur doit s'appliquer aux élèves atteints de ces troubles spécifiques qui, en position de candidat à un examen ou concours, sont en situation de handicap au sens de la nouvelle nomenclature internationales sur les déficiences, incapacités et handicaps. Cependant, les associations de familles signalent une application très disparate des textes d'un département à l'autre. Par ailleurs, étant donné la diversité de la gravité des troubles spécifiques des apprentissages, la notion de handicap reste parfois mal perçue par les parents qui hésitent à avoir recours aux Maisons départementales des personnes handicapées pour bénéficier de ces aménagements.

Pour mieux prendre en charge

Mettre en place et évaluer différentes modalités de soin individuel pour la dyslexie

Les soins individuels pour la dyslexie doivent s'appuyer sur les connaissances scientifiques acquises ces dernières années. Ils doivent tenir compte de la diversité de chaque cas : la nature précise du trouble cognitif que présente l'enfant, l'environnement dans lequel il évolue.
Des données de plus en plus nombreuses de la littérature sur le développement du langage écrit et ses facteurs prédictifs, ainsi que sur les effets des entraînements spécifiques précisent certaines indications, axes et conditions pratiques d'une prise en charge. Les études mettent en évidence que des programmes de travail intensif (en règle générale d'une demi-heure par jour, quatre jours par semaine) sur des durées relativement courtes à condition qu'ils soient précisément et spécifiquement dirigés vers une fonction cognitive déficitaire, apportent des bénéfices sur cette fonction déficitaire avec une généralisation à la lecture et à l'orthographe.
Une prise en charge orthophonique individuelle d'un trouble spécifique d'acquisition du langage écrit se justifie dès le début du CP s'il persiste un trouble du langage oral, au cours du CP si l'entraînement pédagogique en classe s'est avéré insuffisant ou encore en cas de signes de sévérité comme l'absence totale d'entrée dans le code graphème-phonème au cours de l'apprentissage. Les effets de cette prise en charge doivent faire l'objet d'évaluations régulières quantitatives et qualitatives par des tests étalonnés.
Il serait intéressant d'expérimenter, d'évaluer et de comparer plusieurs modalités de soin en fonction de l'âge, du type de fonction altérée et dans différentes conditions (avec reprise quotidienne en classe et/ou à la maison du programme défini par le professionnel en charge de l'enfant ; harmonisation avec les interventions pédagogiques...) et avec différents modes de compensations (supports visuels et kinesthésiques par exemple). L'objectif est d'optimiser au mieux les modalités de soins en fonction des besoins de l'enfant.
L'utilisation d'outils standardisés (jeux vidéo, enregistrements audiovisuels ludiques) apparaît nécessaire en recherche et en pratique clinique pour contrôler la qualité et la quantité des informations qui sont adressées à l'enfant durant les séances d'entraînement., L'avantage d'outils informatisés (numérisation de la parole par exemple), outre le fait qu'ils exercent spécifiquement l'entrée auditive, est qu'ils permettent de réaliser une progression dans la difficulté des exercices, et éventuellement d'adapter ces exercices à chaque cas en fonction de l'âge, ou encore de la sévérité du déficit phonologique. Les résultats de ces recherches, s'ils sont positifs, pourront être généralisés ultérieurement en pratique clinique.
Cependant, la prolifération d'outils, en particulier informatisés, non contrôlés dans leurs objectifs et leur contenu et non évalués quant à leur efficacité justifie la création d'une instance scientifique indépendante de validation/labellisation des outils de remédiation des troubles des apprentissages. Des travaux comparatifs (sur le modèle d'un essai thérapeutique) de ces différents outils permettraient de connaître leurs effets et leurs limites.
L'évaluation des effets des entraînements utilisant ces outils doit s'appuyer sur une méthodologie permettant d'affirmer un effet spécifique sur la fonction entraînée. Les critères d'efficacité des entraînements sont : l'effet sur la fonction cognitive spécifique entraînée, la généralisation sur les procédures d'identification des mots écrits (précision et temps), sur la compréhension et sur l'orthographe des mots isolés et en contexte.

Promouvoir et évaluer différentes modalités de prise en charge individuelle pour d'autres troubles des apprentissages que la dyslexie

Les modes de prise en charge des troubles associés à l'acquisition du langage écrit doivent faire l'objet d'évaluations.
Les études montrent que les troubles du langage oral ont des répercussions sur l'apprentissage du langage écrit et qu'une rééducation précoce (au plus tard à 5 ans) du langage oral permet d'aborder l'apprentissage du langage écrit dans de meilleures conditions.
Concernant les troubles du graphisme, les résultats quantitatifs et qualitatifs de tests spécifiques permettent de savoir si le trouble touche la coordination gestuelle, la perception et/ou la production visuelle et visuo-spatiale. Des critères pourraient être retenus concernant les âges et les modalités de la prise en charge des troubles du graphisme : en fin de maternelle ou début de primaire si les troubles sont sévères ; avant la fin du CP en cas de trouble persistant, afin d'éviter que des stratégies déviantes d'enchaînement des lettres ne soient fixées. Il est indispensable d'articuler les prises en charge effectuées par le psychomotricien et l'ergothérapeute et les interventions pédagogiques.
Les troubles d'acquisition du code numérique sont souvent associés aux troubles d'acquisition du langage écrit. Les travaux sur les outils et les modes de prises en charge sont encore très peu développés. Une prise en charge dès le début de primaire doit être envisagée, et évaluée dans la mesure où ces troubles associés aggravent la situation d'échec de l'enfant.

Promouvoir et évaluer des prises en charge multimodales pour des troubles fréquemment associés

La littérature mentionne, dans le cadre des troubles spécifiques des apprentissages, l'association fréquente de troubles émotionnels et comportementaux qui nécessitent un suivi psychothérapique sans négliger pour autant les rééducations spécifiques aux troubles spécifiques des apprentissages. La prise en compte de ces troubles associés, comportementaux et émotionnels, doit être précoce en cas de troubles signalés avant les apprentissages scolaires et s'ils retentissent sur la coopération de l'enfant au projet pédagogique et rééducatif.
Les troubles neuropsychologiques et psychomoteurs associés aux troubles des apprentissages constituent aujourd'hui un large champ de recherche. Ils posent la question de l'offre de soin en terme de techniques rééducatives pouvant varier selon la présence de signes associés tels que des troubles perceptivo-moteurs, visuo-spatiaux, ou encore attentionnels et en terme de professionnels formés et reconnus (tels par exemple les neuropsychologues).
Ces cas plus sévères sont gravement menacés dans leur devenir scolaire et leur adaptation sociale. Ils devraient pouvoir bénéficier quelle que soit leur situation géographique ou socio-économique, dans leur milieu familial et scolaire, des moyens les plus en adéquation avec l'état actuel des connaissances. Le développement de centres de référence3 est un acquis très important et la mise en place de réseaux de santé composés d'équipes multidisciplinaires coordonnées à l'échelle d'une région paraît être également une alternative intéressante.

Promouvoir et expérimenter la mise en place de réseaux coordonnés de diagnostic et de soin

Le diagnostic d'un trouble spécifique des apprentissages, indispensable pour adapter la prise en charge fait souvent appel à une équipe pluridisciplinaire (centre de référence par exemple) justifiant sa coordination par un professionnel référent : l'examen clinique permet d'identifier un trouble avéré et de vérifier son caractère spécifique, sa sévérité et sa persistance ; l'évaluation précise des fonctions altérées est effectuée par le professionnel concerné (orthophoniste, psychomotricien, ergothérapeute, psychologue, neuro-psychologue). Les différentes fonctions cognitives impliquées dans les apprentissages sont évaluées à l'aide d'outils validés. Les tests portent par exemple sur les capacités spécifiques à la lecture qui sont déficitaires chez l'enfant (identification des mots écrits, précision et rapidité) et sur les capacités reliées (capacités d'analyse phonémique, de mémoire à court terme phonologique, capacités d'analyse visuelle...). La confrontation des résultats issus des batteries d'intelligence évaluant le profil cognitif et des tests spécifiques permet d'affirmer la spécificité du trouble. Ces évaluations sont réalisées à l'aide de tests étalonnés pour l'âge de l'enfant. Les résultats doivent être qualitatifs et quantitatifs en précisant le nom du test et en les situant en écart-type ou percentile par rapport aux normes de la population de référence.
La prise en charge d'un trouble des apprentissages nécessite des évaluations régulières de l'évolution de l'enfant. Les effets de la rééducation doivent être évalués au moins tous les six mois, avec un nouveau bilan utilisant des tests comparables à ceux de l'évaluation initiale. Cette évaluation doit permettre d'apprécier quantitativement et qualitativement l'évolution de l'enfant et de réévaluer la prise en charge afin de prendre les décisions pertinentes (poursuite des entraînements, redéfinition des objectifs, infléchissement des orientations, alternance de pauses, arrêt de la rééducation). Le recours à un professionnel différent de celui qui met en œuvre le programme de rééducation est utile si les progrès de l'enfant ou leur généralisation en classe ne sont pas suffisants.
Un travail en réseau formalisé de tous les intervenants travaillant en étroite collaboration (personnels spécialisés de l'Éducation nationale, professionnels de santé...) est expérimenté dans quelques centres et pourrait être évalué en vue d'une généralisation à l'ensemble du territoire. La coordination des soins et l'accompagnement familial peuvent être assurés par un professionnel ayant bénéficié d'une formation adaptée. Il s'agit également de favoriser les réunions régulières entre les rééducateurs et les enseignants pour harmoniser leurs actions réciproques, mettre en place un programme personnalisé de scolarité, prévoir les adaptations et aménagements pédagogiques nécessaires à l'intégration de l'enfant dans la classe et son accès aux divers apprentissages. L'organisation de tels réseaux apparaît a priori comme une réponse particulièrement adaptée aux formes sévères de troubles d'apprentissage, dont la complexité nécessite de manière évidente la confrontation de l'avis de plusieurs praticiens, et qui ne peuvent être efficacement prises en charge qu'à condition d'établir des contacts solides et répétés avec l'enseignant de l'enfant.
Par ailleurs, il conviendrait de réduire les inégalités géographiques en matière d'offre de prise en charge et d'équiper les zones non couvertes, en particulier en matière de ressources de proximité auxquelles peuvent faire appel les enseignants (Rased, Sessad, médecins de l'Éducation nationale). Ces dispositifs permettraient, s'ils étaient en nombre suffisant, de réserver les centres de référence aux évaluations diagnostiques.

Proposer une formation commune à toutes les personnes ressources en plus des formations spécifiques par discipline

Il existe au sein de l'école des professionnels (enseignants spécialisés, psychologues, médecins de l'Éducation nationale) capables d'aider à repérer les difficultés d'apprentissage des élèves, à proposer et mettre en œuvre une réponse adaptée. D'autres professionnels extérieurs à l'école (orthophonistes et autres rééducateurs, psychologues, neuropsychologues, médecins et autres spécialités) sont également très souvent sollicités pour le diagnostic et la remédiation.
La formation initiale et continue de tous ces professionnels doit être envisagée en relation avec les avancées des connaissances scientifiques. Cette formation doit permettre à tous ces professionnels de s'initier à l'utilisation des outils de repérage validés et à l'analyse critique des méthodes de prise en charge proposées.
En plus des formations précises et spécifiques au rôle de chacun, une formation commune à ces différents professionnels leur permettrait de pouvoir travailler en étroite collaboration pour faciliter la mise en œuvre des prises en charge nécessaires aux élèves en difficulté d'apprentissage ou présentant des troubles spécifiques des apprentissages.

Pour approfondir les connaissances sur les apprentissages scolaires et les troubles

Les axes de recherche proposés ont pour objet de développer une meilleure compréhension des apprentissages scolaires (lecture, écriture et calcul...) et de leurs troubles en particulier une meilleure connaissance des causes de la dyslexie ainsi qu'une estimation de la fréquence des différents troubles spécifiques des apprentissages en France.

Approfondir la compréhension des mécanismes de la dyslexie

Il existe actuellement de nombreux modèles théoriques pour expliquer la dyslexie : théorie du déficit phonologique, théorie du traitement auditif temporel, théories visuelles, théorie cérébelleuse, théorie magnocellulaire... Cette diversité est due au fait qu'il existe sans doute plusieurs facteurs explicatifs aux troubles dyslexiques pouvant s'appliquer à des sous-groupes de la population dyslexique. La dyslexie reste en effet un trouble complexe, incluant de nombreux symptômes autres que la lecture et elle est fréquemment associée à d'autres troubles des apprentissages.
La théorie phonologique est celle qui a donné lieu au plus grand nombre de recherches et qui est actuellement la plus largement validée. Pratiquement toutes les études menées auprès d'enfants atteints de dyslexie, quelle que soit leur langue, ont mis en évidence des déficits phonologiques associés. Les déficits objectivés dans trois domaines de compétence reliés à l'activité de lecture (analyse phonémique, mémoire à court terme phonologique, dénomination d'images ou d'objets) contribuent à expliquer le niveau de lecture des enfants. Les performances des enfants dans ces différents domaines demeurent en outre déficitaires même lorsqu'on les compare aux performances d'enfants plus jeunes de même niveau de lecture. Ceci démontre d'une part que l'enfant dyslexique n'a pas la même trajectoire développementale que le normo-lecteur ; d'autre part, que le trouble phonologique est causalement relié aux difficultés d'apprentissage de la lecture, ce qui est confirmé par les études longitudinales : les aptitudes phonologiques évaluées avant l'apprentissage de la lecture sont indicatives du niveau de lecture ultérieur des enfants.
Toutefois, sauf dans de rares études, la théorie phonologique n'a pas été confrontée aux autres théories, alternatives ou associées. Des études longitudinales dans lesquelles les enfants seraient suivis depuis le début de la grande section de maternelle (voire de la moyenne section) jusqu'à la fin du cycle 2 (8 ans) ou 3 (11 ans) seraient très informatives. Ces études devraient évaluer l'implication des capacités phonologiques, visuelles et motrices dans l'apprentissage de la lecture, avec des méthodologies aussi proches que possible (prise en compte de la précision et du temps de réponse, tâches avec ou sans contraintes temporelles...). Il faudrait également encourager des recherches sur les mécanismes cognitifs qui influent spécifiquement sur la vitesse de lecture et sur les interactions vitesse/précision.

Développer des recherches sur les mécanismes mis en jeu dans l'apprentissage de l'orthographe

Les spécificités de l'orthographe du français, essentiellement en production, font que les connaissances issues de recherches provenant d'autres systèmes orthographiques sont peu transposables. Aussi, en l'absence de données précises portant sur les erreurs produites par l'ensemble des enfants tout-venant ou des adultes, il est difficile de déterminer dans quelle mesure le nombre et la nature des erreurs relèvent de performances normales ou, au contraire, conduisent à prédire un trouble nécessitant une prise en charge spécifique.
Des recherches portant sur les mécanismes impliqués dans l'apprentissage et la mise en œuvre des différentes composantes de l'orthographe mériteraient d'être développées, prenant en compte le type d'enseignement dispensé. Ces travaux devraient aborder la question de l'acquisition de l'orthographe lexicale, les déterminants des réussites et des échecs. Elles devraient aussi traiter de l'apprentissage et de la mise en œuvre des morphologies dérivationnelle (« chat » ; « chatte » ; « grand » ; « grande ») et flexionnelle (participe passé versus infinitif ; accords en genre et en nombre des noms et adjectifs...). Les difficultés rencontrées par les enfants avec l’orthographe du français, plusieurs fois évoquées dans cette expertise, peuvent-elles justifier d’envisager une simplification de l’orthographe de la langue française ? Une réflexion approfondie mériterait d’être menée à ce sujet.

Développer des recherches sur les mécanismes mis en jeu dans l'apprentissage du calcul

Les recherches concernant la dyscalculie et les difficultés en mathématiques sont beaucoup moins nombreuses et moins avancées que ne le sont celles sur la dyslexie, alors que la fréquence et les origines de la dyscalculie sont encore mal connues. Bien que de nombreuses hypothèses aient été avancées, les données sont aujourd'hui insuffisantes pour permettre d'orienter les réponses pédagogiques et rééducatives. Si l'hypothèse d'une atteinte sélective de structures cérébrales dévolues aux traitements numériques est aujourd'hui évoquée, elle mérite cependant d'être plus solidement étayée. Cette carence dans le domaine de la recherche est d'autant plus surprenante que l'apprentissage du calcul et des mathématiques constitue un des objectifs majeurs de la scolarité dans toutes les sociétés technologiquement avancées.
Des recherches sur les relations entre les compétences précoces du petit enfant concernant les quantités et les acquisitions numériques ultérieures, sur la nature, le rythme, les différences interindividuelles de ces acquisitions, leur évolution et leur impact sur l'apprentissage des mathématiques devraient être développées. Les résultats de ces recherches permettraient d'éclairer les principes d'actions pour la remédiation.

Développer des études épidémiologiques en France

En France, il n'y a pas de données épidémiologiques sur les troubles spécifiques des apprentissages, fondées sur des échantillons d'enfants représentatifs de la population générale.
Des études transversales sur des échantillons représentatifs sont donc indispensables pour connaître la prévalence des différents troubles spécifiques des apprentissages. Ces études pourraient évaluer l'influence des différents critères de classification de ces troubles sur leur fréquence, définir des outils et une méthodologie standardisée. Elles permettraient également de cerner le rôle à attribuer au statut social et au niveau éducatif familial.
De même, des études longitudinales de cohortes d'enfants initiées très tôt dans la vie de l'enfant pourraient permettre d'étudier, les déterminants éventuellement impliqués précocement dans le développement cognitif de l'enfant (par exemple dans le contexte de la cohorte Eden et de la cohorte Elfe). Parmi ces facteurs, il s'agira d'identifier ceux qui sont plus particulièrement liés aux troubles spécifiques des apprentissages.
Des études à visée épidémiologique et préventive (recherche-actions), impliquant la structure scolaire et mettant en jeu des équipes mixtes, éducatives et scientifiques, permettant ainsi un partage des informations entre les deux domaines de compétences devraient également être développées.

Copyright © 2008 Inserm