Réduction des dommages associés à la consommation d’alcool
I. Consommations d’alcool : les risques, les dommages et leur environnement

2021


ANALYSE

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Lobbying de la filière alcool

Ce chapitre présente les recherches menées sur le lobbying des industriels de l’alcool, c’est-à-dire les techniques qu’ils mobilisent pour influencer les décideurs. Plus précisément, le lobbying consiste à « procéder à des interventions destinées à influencer directement ou indirectement l’élaboration, l’application ou l’interprétation de mesures législatives, normes, règlements et plus généralement, toute intervention ou décision des pouvoirs publics » (Farnel, 1994renvoi vers). Les termes de relations publiques, relations d’affaires, relations extérieures sont également utilisés pour qualifier ces interventions.
Les travaux menés sur le lobbying de la filière alcool ont débuté dans les années 2000, quand les industriels de l’alcool ont commencé à se concentrer au sein de groupes transnationaux (Jernigan, 2009renvoi vers). Ces fusions et rachats ont alors rendu ces compagnies plus puissantes, ce qui leur a permis de mettre en place des stratégies de lobbying sophistiquées pour influencer les politiques publiques (Hawkins et McCambridge, 2014renvoi vers), à l’instar de l’industrie du tabac. Les exemples ci-dessous illustrent la puissance et la taille importante de certains producteurs d’alcool en 2020 :
• Diageo1 , firme britannique, est la plus grande entreprise mondiale sur le marché des alcools et spiritueux : elle possède plus de 200 marques dont Guinness, Gordon’s, Captain Morgan, Smirnoff, Johnnie Walker, J&B, des whiskys écossais – Lagavulin, Oban, Talisker, etc. –, Baileys, elle emploie 28 400 employés, elle présente un profit opérationnel de 4 042 millions de livres en 2019 ;
• Anheuser-Busch InBev (AB InBev)2 , groupe belgo-brésilien qui a racheté SABMiller en 2015, aujourd’hui le plus grand groupe brassicole au monde : plus de 500 marques dont Budweiser, Hoegaarden, Leffe, Corona, Stella Artois, etc., 22 080 millions de dollars d’EBITDA (« earnings before interest, taxes, depreciation, and amortization » : bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements), 75 000 employés ;
• Pernod-Ricard3 , groupe français, no 2 mondial des vins et spiritueux : Absolut, Chivas, Mumm, Malibu, Ricard, Kenwood, Campo Viejo – vins –, etc., 19 140 employés, 1 654 millions d’euros de résultat net courant ;
• Castel4 , groupe français, un des plus gros producteurs de vins français au monde (avec LVMH et Pernod Ricard), très présent en Afrique pour la fabrication et la commercialisation de bières, également caviste : Baron de Lestac, Roche Mazet, Vieux Papes, plusieurs marques de rosés, etc., les magasins Nicolas, 800 millions d’euros de chiffre d’affaire, 16 bouteilles vendues par seconde en 2017.
Par ailleurs, le lobbying des alcooliers s’est également particulièrement développé lorsque des initiatives de l’Organisation mondiale de la santé et de certains gouvernements ont vu le jour afin de lutter contre les problèmes dus à la consommation de l’alcool. Certaines de ces initiatives menaçaient clairement l’activité commerciale des alcooliers (Babor et coll., 2013renvoi vers). Ces derniers ont alors mis en place des stratégies dont l’objectif est d’empêcher, d’atténuer, de retarder ou de retirer des mesures adoptées ou envisagées par des gouvernements, mesures qui vont à l’encontre de leurs ventes et profits : la hausse des taxes, le prix minimum par unité d’alcool, la restriction de la publicité, la restriction de l’accès aux produits alcooliques (horaires d’ouverture réduits des établissements, vente dans certains réseaux de distribution, etc.). Ces politiques sont des menaces pour la filière, comme le précise le rapport financier de Diageo en 2019 : l’augmentation des taxes, la régulation du marketing et de l’accès à l’alcool et les barrières commerciales représentent des risques politiques qu’il faut endiguer grâce des observatoires, des analyses et du plaidoyer (« advocacy »)5 .
Les organisations qui mènent des actions de lobbying en faveur de l’alcool sont les structures qui promeuvent, protègent et représentent les intérêts de leurs membres, parfois de manière indépendante les unes des autres (Anderson, 2004renvoi vers ; Babor, 2009renvoi vers ; Miller et coll., 2011renvoi vers ; McCambridge et coll., 2014arenvoi vers ; Hilton et coll., 2017renvoi vers ; McCambridge et coll., 2019arenvoi vers ; McCambridge et coll., 2019brenvoi vers). Il s’agit des producteurs d’alcool qui ont une taille suffisante pour développer une stratégie de lobbying (AB InBev, Diageo, Heineken, Pernod Ricard, etc.), des associations professionnelles (syndicats, représentants de filière comme en France : Vin & Société, brasseurs de France, fédération française des vins d’apéritif, etc.), des organismes de relations publiques à caractère « social » financés par l’industrie de l’alcool (les « SAPRO » en anglais : Social Aspects and Public Relations Organisations) dont les missions affichées sont de mener des campagnes de prévention et de promouvoir la consommation responsable d’alcool (Drinkaware au Royaume-Uni, Drinkwise en Australie, European Forum on Responsible Drinking, Canada Èduc’alcool, Avec Modération puis Prévention et Modération en France), des distributeurs d’alcool (grossistes et détaillants) et de tout autre acteur (dans le secteur de l’hospitalité, les médias, agences de publicité, de marketing, etc.) qui, à court, moyen ou long terme, s’associe à la filière alcool pour empêcher la mise en place d’une réglementation.

Cadre général d’analyse des stratégies de lobbying
de la filière alcool

La revue systématique réalisée par McCambridge et coll. (McCambridge et Mialon, 2018renvoi vers) propose un état des lieux de la façon dont les acteurs de la filière alcool ont tenté d’influencer les décisions politiques. Les critères d’inclusion retenus par ces chercheurs étaient les suivants : articles publiés entre 1980 et 2016 en anglais dans des revues académiques (la littérature grise, les commentaires et les éditos sont exclus), dont la méthodologie était clairement décrite et qui distinguaient les stratégies de l’alcool si d’autres industries étaient également analysées.
Au total, 20 articles (issus de 15 études) publiés entre 2004 et 2016 ont été retenus dans cette synthèse : 7 recherches concernent la Grande-Bretagne, 2 les États-Unis, 2 l’Australie, une la Nouvelle-Zélande, un groupe de pays d’Afrique (Lesotho, Malawi, Ouganda, Bostwana), Hong-Kong, la Thaïlande et la Pologne. Les méthodologies déployées étaient des études documentaires (une analyse des consultations publiques et des soumissions de l’alcool, des articles médias et des sources gouvernementales, des analyses des sites internet de la filière alcool, etc.), des études de cas (des études documentaires, interviews) et/ou des interviews d’acteurs impliqués dans les décisions publiques.
À partir de cette littérature, McCambridge et coll. ont proposé un cadre général d’analyse : i) des stratégies et des arguments développés par la filière alcool puis ii) des actions déployées pour prendre part à la décision politique.
Concernant les stratégies et arguments, le tableau 8.Irenvoi vers présente les discours officiels de la filière alcool sur le plan de leur positionnement institutionnel, des éléments de cadrage retenus pour décrire les problèmes liés à l’alcool, puis des mesures à mettre en place, de leur point de vue, pour réduire les méfaits de la consommation d’alcool. Nous avons ajouté à ce tableau les articles publiés récemment sur le thème du lobbying de l’alcool. Il est intéressant de remarquer la similarité entre les stratégies et arguments relevés dans la littérature puis ceux adoptés par Vin & Société en France.

Tableau 8.I Discours officiels de la filière alcool (position institutionnelle, problème, mesures)

Questions
Positionnement de la filière alcool dans les discours officiels
Similitude avec le positionnement de « Vin & Société »
Quelle position institutionnelle pour les acteurs de l’alcool ?
Partenaires clefs pour réduire les méfaits liés à l’alcool
 
Acteurs économiques responsables et différents de l’industrie du tabac (Petticrew et coll., 2018arenvoi vers)
 
Partenaires clefs sur le plan économique (emplois, taxes) (Thornton et Hawkins, 2017renvoi vers)
 
Diabolisés à tort par les acteurs de la santé (qui sont des extrémistes et prohibitionnistes guidés par des motivations morales) et certains politiques
« Engagée dans la modération et l’information depuis des années, soucieuse du bon usage du vin par les consommateurs, Vin & Société s’engage et participe à l’élaboration d’actions d’éducation et de prévention à l’intention du grand public et des professionnels. »1
 
Vin & Société représente « 558 000 acteurs de la vigne et du vin ; la viticulture est le 1er secteur agricole français en valeur ; les exportations françaises de vin ont représenté 9,36 milliards d’euros un chiffre d’affaires record »2.
 
« Le Pr Gérard Dubois a relayé à son tour des arguments déjà distillés avec méthode et régularité, depuis des mois, par des entrepreneurs de morale qui, comme lui, au nom de la santé, déploient une véritable stratégie de dénigrement à l’encontre de la filière vitivinicole qui est le 2e fleuron national à l’export, derrière l’aéronautique. »3
Comment positionner le problème de l’alcool ?
Cadrer spécifiquement le problème : dédramatiser les méfaits liés à la consommation d’alcool :
– il concerne une minorité de personnes (la majorité boit modérément et n’est pas à risque)
– l’alcool a des effets bénéfiques sur la santé
« Le vin n’est pas en lui-même un produit nocif. C’est son mode de consommation qui peut l’être, ou sa consommation par des publics fragiles. »4
 
Analyse bibliographique consommation modérée de vin et santé : « Il y a aujourd’hui un consensus indiquant que la consommation modérée de vin aurait un effet bénéfique dans la prévention des maladies cardiovasculaires, du diabète de type 2 et du syndrome métabolique.
 
Toucher uniquement les minorités à risque (pour ne pas pénaliser la majorité qui boit modérément)
Un consensus existe sur les bénéfices d’une consommation modérée de vin sur la survenue du cancer colorectal et sur un effet neutre pour le cancer du pancréas. »5
 
Promouvoir la consommation d’alcool responsable et modérée comme la norme (ce qui est anormal est le mésusage)
« [...], nous pensons qu’il convient de sensibiliser et de protéger plus particulièrement les publics identifiés comme étant à risque (mineurs, femmes enceintes) mais aussi de lutter contre les comportements à risque (binge drinking, alcool au volant). »6
 
« Nous souhaitons valoriser la place du vin dans notre société tout en promouvant un modèle de consommation responsable. Nous pensons que cette voie, fondée sur l’éducation, le plaisir et la modération est la mieux à même de lutter contre les abus. »7
Quelles mesures proposer pour lutter contre le problème de l’alcool ?
Opposer les mesures qui touchent l’ensemble de la population (taxes, régulation du marketing, avertissements obligatoires, etc.) car décrites comme inefficaces, effets contreproductifs et parfois illégales.
 
Se fonder sur les données scientifiques qui « arrangent » (Cullen et coll., 2019renvoi vers)
 
Proposer des interventions ciblées et éducatives
 
Proposer l’autorégulation des producteurs d’alcool (publicité, avertissements)
 
Plutôt que de proposer de nouvelles lois, faire respecter celles qui existent déjà
« Alors que l’objectif est de lutter contre les pratiques excessives et/ou à risque, le lien entre fiscalité et consommation peine à être démontré et une fiscalité élevée n’est pas le gage d’une baisse des comportements à risque ; les pays fortement taxés sont parmi ceux qui connaissent le plus de phénomènes d’alcoolisation massive. »8
« On voit que les pratiques ont évolué, notamment l’alcoolisme chez les jeunes. Ces pratiques ne sont pas prises en compte par la loi, et surtout pas par les politiques de prévention. »9
« Vin & Société accompagne la mise en œuvre de programmes d’éducation pour permettre aux plus jeunes de découvrir l’univers de la vigne et des terroirs. Cet apprentissage, dès le primaire, favorisera un comportement responsable chez ces adultes avertis de demain. »10
 
« Le 27 juin 2018, Vin & Société a rendu sa contribution au Plan national de santé publique « Priorité Prévention » (PNSP). Les 6 mesures-phares :
- contribuer à la diffusion du message « zéro alcool » pendant la grossesse ;
- faire mieux respecter l’interdiction de vente d’alcool aux mineurs en améliorant la formation des professionnels ;
- intensifier la lutte contre le binge drinking ;
- informer sur les risques liés à la conduite sous l’influence de l’alcool à travers des partenariats locaux (conducteur désigné, etc.) ;
- promouvoir les comportements responsables auprès des consommateurs (attitudes à adopter pour consommer avec modération) ;
- améliorer l’autorégulation en matière de publicité et favoriser les bonnes pratiques. »11

1https://www.vinetsociete.fr/a-propos (consulté le 24 décembre 2019) ; 2https://www.vinetsociete.fr/chiffres-cles (consulté le 24 décembre 2019) ; 3 Déclaration de Joël Forgeau, Président de Vin & Société « À l’attention de l’Académie nationale de médecine, le 30 avril 2019 » ; 4 Rapport d’activités 2018 Vin & Société, page 13 ; 5https://www.vinetsociete.fr/etude-vin-et-sante (consulté le 7 avril 2020) ; 6https://www.vinetsociete.fr/vin-societe-sengage-dans-la-consommation-responsable (consulté le 24 décembre 2019) ; 7 Brochure conçue par Vin et société pour les élections législatives et présidentielle 2017 : « Quelle place pour le vin dans notre société ? » ; 8 Brochure conçue par Vin et société pour les élections législatives et présidentielle 2017 : « Quelle place pour le vin dans notre société ? » ; 9http://revenezmonsieurevin.vinetsociete.fr/esprit-de-la-loi-es-tu-la/la-loi-evin-ne-prend-pas-vraiment-en-compte-le-probleme-de-lalcoolisme conçu pour lutter contre la loi Evin (consulté le 7 avril 2020) ; 10https://www.vinetsociete.fr/education-et-transmission (consulté le 24 décembre 2019) ; 11https://www.vinetsociete.fr/6-mesures-phares-du-plan-national-de-sante-publique-2018 (consulté le 24 décembre 2019).

Concernant les actions déployées pour prendre part à la décision politique, deuxième axe analysé par McCambridge et coll., elles se résument de la façon suivante :
• une participation de la filière alcool à tous les stades de la décision, par le biais de réponses à des consultations publiques, de constitution de comités parlementaires, de création de groupe de travail avec des acteurs impliqués dans la décision (ministres, fonctionnaires, conseillers techniques, parlementaires, députés, etc.). Selon la littérature, cette forme de participation s’est révélée efficace pour influencer la décision politique ;
• une participation sur le long terme (proactive) et sur le court terme (réactive) à la décision politique. Sur le long terme, il s’agit, par des contacts formels et informels avec les décideurs, de façonner l’environnement général : rappeler que l’industrie de l’alcool doit être un partenaire (Hawkins et McCambridge, 2019renvoi vers), réagir dans les débats sur l’alcool, semer le doute sur la littérature scientifique qui lui est défavorable, diffuser les informations en faveur de l’alcool, s’informer sur l’agenda politique pour réagir dès que cela est nécessaire, etc. Concrètement, cette stratégie se traduit par des contacts personnels et réguliers avec les décideurs, le financement de partis politiques et de campagnes et/ou la mise à disposition de rapports et d’informations de la filière pour aider les décisionnaires à se forger un avis sur des sujets en lien avec l’alcool (cf. les exemples dans la partie « Lobbying déployé pour contrer les régulations du marketing » de ce chapitre). Sur le court terme, il s’agit de réagir à des événements particuliers, par exemple la décision d’un gouvernement de mettre en place une loi contre l’alcool (taxes, régulation, etc.). Le cas échéant, des objectifs précis sont fixés (empêcher l’adoption de la loi) et des actions ad hoc sont mises en place pour les atteindre (alliance avec d’autres acteurs pour paraître plus représentatif, arguments légaux, travail avec des avocats, diffusion d’arguments dans les médias pour influencer l’opinion publique, etc.). Les actions menées sur le long terme et le court terme sont importantes pour façonner la décision politique dans le sens souhaité par la filière alcool ;
• une participation aux débats sur l’alcool en créant des formes organisationnelles variées. Au-delà des producteurs et des grandes compagnies, la littérature révèle que l’industrie a mis en place des formes organisationnelles et collaboratives spécifiques pour diffuser les arguments de la filière. Il s’agit des groupes d’intérêt collectifs déployés sur le long terme (syndicats, « SAPRO ») ou de formes collectives innovantes pour multiplier les canaux de diffusion et donner l’impression que les arguments diffusés sont indépendants de l’industrie de l’alcool (par exemple une collaboration avec les médias pour diffuser des informations contre la régulation de la publicité). La filière alcool travaille également avec des « partenaires » : des agences de consulting ou des experts qui l’aident à développer les actions de lobbying : des agences de relations publiques, des think tank (Hawkins et McCambridge, 2014renvoi vers ; Fergie et coll., 2018renvoi vers), etc.
Au-delà des articles généraux sur le lobbying, synthétisés par McCambridge et coll. (McCambridge et coll., 2018renvoi vers), des chercheurs se sont intéressés à des outils spécifiques déployés par les industriels de l’alcool pour servir leur stratégie. L’implication de la filière dans la recherche scientifique est une des tactiques identifiées dans la littérature.

Implication de la filière alcool dans la recherche :
un outil de lobbying

Un article général de Babor (Babor, 2009renvoi vers) ainsi que la revue systématique de la littérature de McCambridge et Mialon (McCambridge et coll., 2018renvoi vers) présentent une synthèse de l’implication de la filière alcool dans la recherche. Concernant l’état de l’art de McCambridge et Mialon, il rassemble 161 articles publiés sur les liens entre l’industrie de l’alcool et la science (publications dans des revues académiques, commentaires, éditos, etc.).
Ces travaux détaillent la façon dont la filière s’implique dans la recherche.
En premier lieu, des instituts de recherche sont créés et financés par les producteurs d’alcool (Tesler et Malone, 2008renvoi vers ; Babor et coll., 2018renvoi vers). Au niveau international, il existe l’ICAP (International Center for Alcohol Policies) devenu l’IARD en 20156 (International Alliance for Responsible Drinking), ou l’European Foundation for Alcohol Research7 qui a vu le jour en 2003. En France, l’IREB (Institut de Recherche et d’Études sur les Boissons), créé en 1971, est devenu la Fondation pour la Recherche en alcoologie (FRA)8 jusqu’en 2019. Ces organismes ont pour mission de financer des programmes de recherche, des bourses, des prix scientifiques, ils publient des rapports et ouvrages, et sont dotés d’un comité scientifique parfois composé de chercheurs de renom.
Ils se présentent comme des organismes de recherche à but non lucratif indépendants, alors que la question de l’indépendance peut être discutée car des représentants de l’industrie sont présents au sein de leur gouvernance et que leurs financements dépendent des producteurs.
Selon Lemmens (Lemmens, 1997renvoi vers), la réelle motivation de ces organismes à produire des recherches utiles pour la santé publique est peu crédible au vu des montants alloués à ces instituts, très faibles en comparaison avec les budgets des industriels de l’alcool qui les financent.
En second lieu, la filière alcool finance en direct des universités, des chercheurs et de centres de recherche académiques (Mosher, 2012renvoi vers). Par exemple, Portman group (sponsorisé par Carlsberg, Heineken, Pernod Ricard, etc.) a financé des chercheurs de l’université d’Edimbourg pour mettre en place un programme sur l’alcool. De la même façon, Diageo a donné 1,5 millions d’euros à l’université de Dublin (Babor, 2006renvoi vers). En France, ces pratiques sont également constatées : la chaire de recherche et d’enseignement de KEDGE Business School sponsorisée par Vin & Société et créée en 2019 (objectif : « analyser le rôle de l’éducation et de l’information sur la consommation responsable de vin »9 ), la chaire vin et tourisme de l’EM Strasbourg Business School co-financée par le Conseil interprofessionnel d’Alsace10 , la chaire « Qualité et identité des vins » de la Fondation Bordeaux Université co-financée par Château Haut-Bailly, Château Palmer, Château Pichon Baron, Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande, etc.11 .
Au-delà des conflits d’intérêt évidents que ces financements peuvent entraîner par rapport aux chercheurs et aux universités, il est important de signaler que ces budgets peuvent être alloués à des jeunes chercheurs (qui peuvent alors se sentir redevables et dépendants des financements reçus) ou à des chercheurs en sciences sociales peu experts sur le sujet de l’alcool. Ensuite, certaines pratiques posent des questionnements éthiques, à l’instar de chercheurs qui ont été payés par l’alcool pour critiquer les conclusions de rapports émanent d’organismes officiels (OMS par exemple) qui étaient préjudiciables aux activités commerciales de la filière.
En troisième lieu, la filière alcool, parfois en lien avec des sociétés d’études de marché, réalise ses propres recherches internes. Par exemple, un programme de recherche a été lancé dans les années 2000 par le « Brewing Research International » sur les bénéfices de la consommation de bière sur la santé. De telles études sont parfois menées par les organisations syndicales et/ou les sociétés à caractère social (« SAPRO ») financées par l’industrie de l’alcool : des sondages pour analyser les perceptions par rapport à la bière, au vin, à l’alcool, des recherches sur le lien entre consommation modérée d’alcool et les bénéfices pour la santé, etc. Peu d’informations sont disponibles de la part de la filière alcool sur ses activités internes de recherche. On trouve de temps en temps des informations sur ces programmes dans les rapports d’activité. Par exemple, Pernod Ricard décrit dans son rapport financier12 un nouveau programme PRIME : « Avec l’explosion des réseaux sociaux, du digital et le développement des stratégies omnicanales, nos outils de suivi de performance des marques avaient besoin d’être modernisés pour répondre à l’évolution rapide des tendances marketing. PRIME est né de ce constat. [...]. Cette plateforme sur mesure bénéficie de deux fonctionnalités clés : un court questionnaire destiné à un panel en ligne de consommateurs (accessibles via des panels de recherche), qui nous permet d’évaluer la perception de nos marques, et un outil de veille sur les réseaux sociaux (social listening) qui nous aide à mesurer l’intérêt porté à nos marques en collectant des données en temps réel. Celui-ci nous permet en effet de suivre les réseaux sociaux pour capter les mentions directes de nos marques et étudier la perception réelle que les consommateurs en ont, sur la base de leurs commentaires et publications. Il nous aide aussi à suivre nos concurrents, à identifier de nouvelles tendances, à repérer les influenceurs et à relever les pics d’intérêt pour nos marques. ».
En quatrième lieu, l’implication de la filière alcool dans la recherche se traduit également par la diffusion d’informations « scientifiques » dans le but de toucher des cibles variées (politiques, journalistes, acteurs de la santé, grand public, etc.).
Ainsi les organisations financées par l’alcool (instituts de recherche, syndicats, etc.) publient régulièrement des documents disponibles sur leurs sites internet : des rapports, ouvrages, articles dans des journaux académiques sponsorisés par les industriels de l’alcool, etc. Des analyses de ces documents font état de biais méthodologiques et d’échantillonnages qui peuvent conduire à des résultats non représentatifs (c’est le cas de certaines études produites par l’ICAP – aujourd’hui IARD13 ). Par ailleurs, il est constaté que ces publications ne mentionnent pas systématiquement leurs sources de financement (producteurs d’alcool), et qu’elles portent sur les thèmes classiques que l’industrie met en avant dans ses campagnes de lobbying (l’éducation, la prévention des jeunes, les bénéfices de la consommation modérée d’alcool, etc.). Ces documents sont publiés à des périodes clefs dans l’agenda politique et/ou en réponse à des articles publiés dans des revues académiques qui nuisent à l’intérêt commercial de la filière.
La diffusion d’informations « scientifiques » se fait aussi par le biais d’organisation de colloques et/ou de présentations dans des conférences. On peut citer le « Nigerian Beer Symposium » financé par Heineken qui réunit en Afrique et depuis 2014 chercheurs, médecins, politiques et publicitaires. En 2015, cette conférence avait pour thème les bénéfices nutritionnels et sur la santé de la consommation de bière (Dumbili, 2018renvoi vers). En France, la FRA a organisé en 2017, en partenariat avec la maison des sciences humaines de Bretagne (MSHB), un colloque sur « Cultures et politiques, toxicologie, addiction, psychiatrie, des jeunes adultes face à l’alcool, comprendre et agir »14 . En lien avec ce dernier sujet, il est étonnant de constater que les mesures identifiées comme efficaces dans la littérature pour réduire la consommation d’alcool des jeunes n’ont pas été abordées (régulation du marketing, restriction de l’accès aux mineurs, etc.). Une ONG française, l’ANPAA (Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie), a dénoncé ce colloque et les risques éthiques qu’il pose pour les organismes qui accueillent de tels événements (Simon et coll., 2018renvoi vers).
La filière alcool diffuse également des informations destinées au grand public. Concernant les données émanant des sites internet de structures financées par l’alcool, des chercheurs ont montré qu’elles prêtent à confusion et ne sont pas toujours de bonne qualité. Ainsi, en comparaison avec des sites d’acteurs publics indépendants (NHS – National Health Service –, des sites gouvernementaux, CDC, des ministères de la santé, etc.), les informations diffusées sur les risques liés à la consommation d’alcool pendant la grossesse sur les sites de 23 organismes liés à la filière alcool (Pernod Ricard, Educ alcool, DISCUSDistilled Spirits Council of the United states –, Dinkaware, Drinkwise, IARD, European forum for responsible alcohol, Wine in moderation, etc.) sont moins nombreuses et utilisent un vocabulaire vague et peu précis qui peut faire naître un doute sur la dangerosité (Lim et coll., 2019renvoi vers). Par ailleurs, il est constaté que les recherches publiées et qui montrent un lien entre la consommation d’alcool et les risques de cancers font régulièrement l’objet de vives critiques et sont omises sur les sites internet et les réseaux sociaux d’organismes financés par l’alcool (Petticrew et coll., 2018brenvoi vers ; Petticrew et coll., 2018arenvoi vers ; Maani Hessari et coll., 2019renvoi vers). Dans le même ordre d’idée, citons le Distilled Spirits Council of the United states (DISCUS, financé par l’industrie de l’alcool) qui a critiqué en 2006 les conclusions d’un article publié dans la revue Archives of Pediatrics and Adolescent Medicine qui montrait le lien entre l’exposition à la publicité pour l’alcool et l’augmentation de la consommation de ces boissons chez les jeunes, ou encore « Avec modération » en France en 2018 qui a critiqué les conclusions de l’étude publiée dans The Lancet qui établissait que les dommages de la consommation d’alcool pour la santé apparaissent dès un verre par jour : « sans se prononcer sur la validité scientifique de l’étude et de sa méthodologie, il faut souligner le décalage entre la recommandation des auteurs de l’étude – la promotion de l’abstinence totale – et la réalité du risque »15 .
La revue systématique de la littérature de McCambridge et Mialon (McCambridge et Mialon, 2018renvoi vers) détaille les motivations sous-jacentes de la filière alcool et les risques qu’entraîne l’implication de ces acteurs dans la recherche.
Étant donné que les résultats des recherches en santé ne sont pas toujours favorables à l’industrie de l’alcool, il est pertinent de financer ses propres travaux via des organismes de recherche pour peser sur les débats sociétaux en confrontant les résultats de travaux défavorables à la filière à ceux de ses « propres » travaux et donner du crédit aux résultats des recherches financées par l’alcool et publiées par des chercheurs, ceci afin de mieux convaincre les gouvernements. Par ailleurs, financer des universités (via des chaires, etc.) ou des colloques académiques est un moyen de pénétrer le monde universitaire, d’inciter les chercheurs à collaborer et d’améliorer l’image de l’industrie auprès de ces publics leaders d’opinion. De manière générale, la filière devient un acteur plus respectable et plus crédible en s’associant à cette communauté scientifique. Enfin, le paiement de numéros spéciaux de revues académiques peut aider à publier sur des sujets que l’industrie de l’alcool veut mettre particulièrement en avant dans les débats publics (sous couvert de la crédibilité scientifique).
À propos des biais et des risques de dérives engendrés par l’implication de l’industrie de l’alcool dans la recherche, la littérature en identifie plusieurs :
• des biais méthodologiques sont relevés dans les documents publiés par les organismes de recherche financés par la filière alcool : la non prise en compte de la littérature passée sur les mesures efficaces pour lutter contre le problème de l’alcool, les méthodologies non clairement explicitées, un « oubli » de mentionner l’industrie de l’alcool en tant que financeur de l’étude publiée, un « oubli » du cadre conceptuel pour positionner la recherche, etc. De plus, le processus d’évaluation des projets de recherche financés par ces organismes est éloigné des processus scientifiques classiques : peu d’informations sont fournies sur la façon dont les projets sont sélectionnés et les formulaires à remplir par les chercheurs pour soumettre des projets sont très succincts (ce qui rend délicat l’évaluation de la qualité des projets). Une des conséquences de ces problèmes est que les résultats dégagés diffèrent souvent selon que la recherche est financée ou non par l’alcool. Par exemple, les conclusions sur les bénéfices de l’alcool sur le risque cardiovasculaire sont plus favorables dès lors qu’elles sont financées par les producteurs. McCambridge et Mialon mentionnent dans leur synthèse que de nombreuses publications (commentaires, éditos, etc.) concernent le débat qui oppose les chercheurs internationaux sur le financement de leur recherche par l’industrie de l’alcool (Gornall, 2013renvoi vers ; Andréasson et McCambridge, 2016renvoi vers) : certains s’y opposent fermement au motif que c’est un outil évident de lobbying, que cela créé des conflits d’intérêts, et qu’il existe un risque majeur d’instrumentalisation, alors que d’autres chercheurs jugent intéressant de nouer des partenariats avec ces acteurs industriels (principes de Dublin, suggérés par l’ICAP) ;
• une orientation des recherches liée à la sélection des thèmes financés ou non est un autre risque constaté. Ainsi les sujets clefs pour la santé publique ne sont pas financés par les industriels de l’alcool, alors que d’autres, moins essentiels pour aider à mettre en place des mesures efficaces, reçoivent des fonds : recherches orientées sur les parcours individuels des personnes ou encore recherches cliniques et biologiques complexes à mobiliser pour la santé publique. En résumé, les travaux financés par la filière alcool sont centrés sur les facteurs individuels de consommation, les vulnérabilités propres à chaque individu, alors que des facteurs environnementaux sont oubliés (effet du prix, de la publicité, du marketing, de la restriction de l’accès à l’alcool, etc.) ;
• le financement de chercheurs peut faire naître un sentiment de réciprocité de leur part et installer une dépendance financière, en particulier auprès des jeunes chercheurs qui ont des difficultés à obtenir des financements publics compétitifs. Il est par ailleurs parfois constaté un manque de transparence des liens entre les travaux publiés par certains chercheurs dans des revues académiques et leur financement par l’industrie de l’alcool.
Des recherches sur le lobbying de l’alcool se sont particulièrement intéressées à la façon dont la filière tente de contrer les régulations du marketing qui se sont considérablement étendues dans le monde ces dernières années.

Lobbying déployé pour contrer les régulations du marketing

Savell et coll. (2016renvoi vers) ont publié une revue systématique des études réalisées afin d’identifier les stratégies et les arguments déployés par le lobby de l’alcool dans le contexte de la régulation du marketing. Ils ont retenu 17 articles publiés en anglais entre 1990 et 2013 (2 en Grande-Bretagne, 1 aux Pays-Bas, 1 en Irlande, 3 en Amérique du Nord, 3 en Australie, 2 en Afrique, 1 en Asie et 4 dans différents pays). Ces recherches portaient sur les efforts de l’industrie de l’alcool pour influencer les débats politiques concernant les réglementations sur le marketing au sens large (pas seulement la publicité) : produit (emballage, arôme, etc.), prix (promotions, happy hour, prix minimum par unité d’alcool, etc.), publicité (médias autorisés ou non, contenus, affiches près des écoles, sponsoring, etc.), distribution (horaires d’ouverture des points de vente, interdiction de vente aux mineurs, etc.).
Savell et coll. ont identifié cinq axes stratégiques mobilisés dans le cadre des débats liés à la régulation du marketing de l’alcool (tableau 8.IIrenvoi vers).
Au-delà des stratégies mises en lumière par Savell et coll., ces chercheurs puis des études plus récentes ont identifié les arguments mobilisés par l’industrie de l’alcool pour contrer les régulations du marketing.
En premier lieu, la mesure proposée est jugée inutile et redondante. En effet, l’industrie de l’alcool argue du fait qu’en tant qu’acteur responsable, l’autorégulation est suffisante et fonctionne mieux qu’une loi. Or de nombreuses études ont montré le contraire (cf. chapitre « Marketing des produits alcoolisés »). Concernant les avertissements sanitaires, le constat sur les limites de l’autorégulation a été réalisé par Petticrew (Petticrew et coll., 2016renvoi vers) en Grande-Bretagne. Alors que l’industrie promet d’apposer des messages sanitaires clairs et lisibles sur 80 % de ses produits, cet engagement n’est en réalité pas respecté.
En second lieu, la filière estime que les preuves de l’efficacité des régulations marketing pour réduire la consommation d’alcool sont insuffisantes. Des rapports, communiqués, etc. sur le fait que la publicité n’a pas d’impact sur les comportements sont par exemple diffusés pour que les médias s’en emparent (en omettant de citer la littérature scientifique qui montre le contraire). De tels arguments ont été par exemple utilisés en Australie pour contrer la mise en place de la régulation de la publicité (Martino et coll., 2017renvoi vers). De même, en 2012, quelques mois avant que le parlement britannique n’étudie la mise en place du minimum unit pricing (MUP) en Angleterre et au Pays de Galles, trois rapports remettant en cause son efficacité sont sortis sur une période très courte. Ces études, dont certaines étaient commanditées et financées par le producteur de bière SABMiller, omettaient une partie conséquente de la littérature académique sur l’efficacité de cette mesure (Hawkins et McCambridge, 2014renvoi vers).

Tableau 8.II Stratégies de la filière alcool pour contrer les régulations marketing

Stratégies
Moyens
Actions – Exemples
1. Diffuser
des informations
Rencontres
avec les décideurs
Rencontres avec les décideurs politiques directement ou via des représentants des industriels (« front groups »)
Rédaction de notes techniques pour les aider à rédiger des lois et leur fournir des arguments
Ex. : Aide de SABMiller et d’ICAP pour rédiger le « National Alcohol Policy » au Lesotho, Malawi, Ouganda et Botswana (Bakke et Endal, 2010renvoi vers) ; contact avec les parlementaires au moment de la réforme sur la politique alcool en Finlande (Sama et Hiilamo, 2019renvoi vers).
Collaboration
avec les gouvernements
Se poser en partenaire pour réfléchir ensemble aux lois : création de groupes de travail, conseils techniques, etc.
Ex. : le « Public health responsability deal » a été signé en 2011 entre le département public anglais de la santé et l’industrie de l’alcool. Des recherches ont montré que les actions proposées dans ce partenariat (dont l’autorégulation du marketing) n’ont pas contribué à réduire la consommation d’alcool dans ce pays (Knai et coll., 2015brenvoi vers ; Knai et coll., 2015arenvoi vers).
Publication
d’études
Remettre en cause l’efficacité de la régulation du marketing
Omission/réfutation de la littérature scientifique sur l’efficacité de la régulation du marketing
Ex. : publications de données par l’ICAP sur ce thème (actuel IARD) (Jernigan, 2012renvoi vers).
2. Constituer
des groupes d’intérêts
et des alliances
Groupes internes
à la filière
Création d’associations à vocation sociale (SAPRO), regroupements professionnels (syndicats), pour renforcer le poids des industriels
Ex. : ICAP, Portman group, FACT en Thaïlande (Thamarangsi, 2008renvoi vers), etc.
En Écosse, la « Scotch Whisky Association » était l’acteur phare sur le minimum unit pricing. Ce choix renvoie très certainement à la symbolique nationale du whisky en Écosse et à son poids économique (principal produit d’exportation) (Holden et Hawkins, 2012renvoi vers).
Groupes externes
à la filière
Alliance avec des secteurs susceptibles d’être touchés par la mesure : médias, agences de publicité, hospitalité, tourisme, consommateurs, etc.
Lancement de campagnes de relations publiques avec des agences spécialisées
Ex. : en Lituanie, partenariat avec des acteurs du secteur publicitaire pour annuler la loi interdisant intégralement la publicité pour l’alcool (Paukštė et coll., 2014renvoi vers).
3. Proposer
des mesures alternatives
à la régulation
du marketing
Autorégulation
Règles de bonnes pratiques rédigées et décidées par la filière alcool
La littérature a montré que ces chartes sont peu respectées (cf. chapitre « Marketing des produits alcoolisés » de cette expertise).
Programmes
de responsabilité sociale des entreprises (RSE)
Création d’organismes financés par l’alcool et dédiés à la prévention
Financement et lancement de campagnes d’éducation ciblées (jeunes, femmes enceintes, jeunes au volant)
Ex. : « Responsible Drinking Fund » lancé par Diageo en 2009 : 130 programmes d’éducation lancés dans plus de 40 pays, couvrant l’éducation, la sensibilisation des populations et les pratiques de vente responsables (Mosher, 2012renvoi vers)
Des recherches ont montré que les programmes de RSE mis en place par la filière n’ont pas été efficaces pour réduire les méfaits liés à l’alcool mais servent en réalité aux intérêts commerciaux des producteurs (Pantani et coll., 2012renvoi vers ; Yoon et Lam, 2013renvoi vers ; Kim et Park, 2017renvoi vers ; Babor et coll., 2018renvoi vers ; Mialon et McCambridge, 2018renvoi vers).
4. Mobiliser les lois, les codes
du commerce, les juridictions
Remise en cause de la légalité de la mesure
 
Mobilisation de textes internationaux
Actions en justice, mobilisation des tribunaux
Ex. : en France, la loi Évin a été contestée lors de sa mise en place au motif de la non-conformité avec la Commission européenne. Ce motif n’a pas été jugé valable et la loi a finalement été mise en place (Gould, 2005renvoi vers ; Casswell et Thamarangsi, 2009renvoi vers).
5. Inciter/
dissuader avec des moyens financiers
Arrêt
de financements
Menace d’arrêt des financements de l’industrie de l’alcool dans le sport, œuvres caritatives, etc.
Ex. : en Thaïlande, l’industrie a menacé d’arrêter son sponsoring sportif en réponse à la restriction de la publicité des boissons alcoolisées (Thamarangsi, 2008renvoi vers).
 
Proposition
de financements
Financement de partis politiques hostiles à la régulation du marketing, cadeaux aux décideurs
Ex. : en Lituanie, des partis politiques opposés à l’interdiction de publicité ont reçu jusqu’à 39 000 euros d’un groupe d’investissement lié aux producteurs d’alcool. Un des parlementaires initiateurs de l’annulation de la loi a reçu 16 000 euros de l’industrie. La Lithuanian Brewers Guild a proposé à plusieurs ministres des entrées gratuites pour le championnat d’Europe de basket-ball (Paukštė et coll., 2014renvoi vers).
En troisième lieu, l’industrie de l’alcool met en avant que la mesure proposée va entraîner des conséquences économiques négatives. Dans le cas des débats sur l’augmentation des taxes des produits alcoolisés envisagée par certains pays, l’argument avancé par la filière est que cela va entraîner une baisse de la compétitivité et de l’attractivité économique, que cela va se traduire par une baisse du pouvoir d’achat de milliers de personnes qui travaillent dans le secteur, nuire à l’emploi, et qu’une majorité de personnes qui consomment raisonnablement va être pénalisée par la mesure (Yoon et Lam, 2013renvoi vers ; McCambridge et coll., 2014brenvoi vers). Par ailleurs, alors même que le prix du whisky est peu impacté par le minimum unit pricing mis en place en Écosse, l’industrie a avancé l’argument de son impact négatif sur l’économie écossaise dont le whisky est une forte composante (Katikireddi et coll., 2014renvoi vers ; McCambridge et coll., 2014brenvoi vers). À propos du projet de l’apposition obligatoire des avertissements sanitaires sur les emballages en Australie, les alcooliers ont repoussé la mesure aux motifs que ce dispositif allait nuire à l’information des consommateurs (car ils auront moins en tête les bénéfices liés à une consommation d’alcool modérée), que cela augmentera la culpabilité et l’anxiété des femmes enceintes, et que cela entraînera des coûts supplémentaires de fabrication des packagings qui vont nuire à la productivité de la filière (Mathews et coll., 2013renvoi vers).
En quatrième lieu et comme mentionné dans le tableau 8.IIrenvoi vers, la réglementation du marketing irait à l’encontre de certaines lois et/ou règlementations nationales ou internationales : liberté de parole, propriété intellectuelle, traités de commerce internationaux, etc. À l’appui de ces textes, des litiges sont parfois portés par l’industrie de l’alcool jusqu’aux tribunaux, ce qui permet de retarder de plusieurs années la mise en place d’une mesure, jusqu’à ce qu’une décision juridique définitive soit rendue. C’est ce qui s’est produit en Écosse avec le minimum unit pricing (Meier et coll., 2017renvoi vers) : la justice a été saisie en 2013, l’affaire a été portée devant la Cour Européenne de Justice, la Cour suprême britannique, ce qui a retardé de 5 ans l’adoption de la mesure mise en place en 2018.
Enfin, l’industrie de l’alcool met en avant que la réduction des dommages liés à l’alcool est complexe et ne peut pas se limiter à l’adoption d’une mesure. Le but est de susciter un débat en expliquant que la consommation excessive d’alcool est un processus complexe et que ce problème ne peut pas se résoudre par la régulation du marketing, les taxes ou d’autres politiques trop simplistes. Au lieu de la régulation marketing, la filière plaide pour des approches individuelles et éducatives, l’éducation parentale et le lancement de campagnes pour apprendre à consommer raisonnablement (alors même que ces stratégies n’ont jamais été démontrées comme étant efficaces dans la littérature).
Les différents arguments identifiés par Savell et coll. ont été retrouvés par Hessari et coll. (Hessari et coll., 2018renvoi vers) dans les discours diffusés par la filière alcool au moment où l’Irlande et l’Écosse se posaient la question d’adopter une loi de restriction de la publicité similaire à la loi Évin. Ces chercheurs ont analysé les arguments portés dans les médias britanniques et les documents parlementaires entre 1985-2016. Selon l’industrie, la loi française serait incompatible avec les principes de l’Union européenne, elle n’a pas été efficace pour réduire la consommation excessive d’alcool des jeunes (l’affaiblissement constant depuis 1991 de la loi Évin n’est bien sûr pas mentionné), elle a entraîné des effets négatifs (perte de budgets pour les événements sportifs – alors même que la loi n’est pas respectée sur ce point –, impossibilité de promouvoir les produits locaux tels que le vin – ce qui est faux puisque l’information est autorisée par la loi) et que finalement et au vu de l’échec de la loi française, l’autorégulation reste la meilleure solution.

Conclusion

La littérature sur le thème du lobbying de la filière alcool s’est développée à partir des années 2000. Elle analyse les stratégies, techniques et arguments mobilisés pour influencer les décideurs politiques dans un sens favorable aux intérêts commerciaux de ces firmes. Différentes formes d’organisations ont été identifiées comme les acteurs du lobbying en faveur de l’alcool : producteurs d’alcool, associations professionnelles (syndicats, représentants de filières), organismes de relations publiques à caractère « social » financés par l’alcool dont les missions affichées sont de mener des campagnes de prévention et/ou de promouvoir la consommation responsable d’alcool, et tout autre acteur qui s’associe à la filière alcool pour empêcher la mise en place d’une règlementation (secteur de l’hospitalité, médias, etc.).
Une revue de la littérature globale sur le sujet montre que la filière alcool mobilise les tactiques suivantes pour influencer les décisions politiques : positionnement spécifique de ces acteurs, du problème de l’alcool et donc des mesures à mettre en place pour résoudre le problème. Il est intéressant de constater la similarité entre les stratégies identifiées dans la littérature et celles adoptées par les acteurs de la filière alcool en France.
Une partie des travaux recensés sur le lobbying est consacrée à l’implication de la filière alcool dans la recherche scientifique. Les outils identifiés consistent à créer des instituts de recherche financés par les producteurs d’alcool, à financer en direct des chercheurs, à réaliser ses propres recherches puis à diffuser des informations « scientifiques » pour toucher des cibles variées (politiques, journalistes, acteurs de la santé, grand public, etc.). Les motivations à s’immiscer dans le monde académique sont de peser sur les débats sociétaux, de donner du crédit aux recherches financées par l’alcool, de toucher des leaders d’opinion scientifiques et d’améliorer l’image de l’industrie de l’alcool auprès de ces publics. Ces pratiques entraînent des biais et risques de dérives identifiés dans la littérature (méthodologiques, orientation des thèmes financés, etc.).
Des recherches se sont également intéressées à la façon dont la filière alcool tente de contrer les régulations du marketing de l’alcool mises en place ces dernières décennies dans certains pays et préconisées par l’OMS. Elles révèlent l’existence de cinq axes stratégiques mobilisés dans le cadre des débats sur ces restrictions : diffusion d’informations aux décideurs, constitution de groupes d’intérêts et d’alliances pour peser contre la mesure, proposition de mesures alternatives à la régulation, remise en cause de la légalité de la mesure, incitations/dissuasions financières.
Pour clore ce chapitre, il est intéressant de préciser que des similitudes sont constatées entre les tactiques globales de lobbying, de l’implication dans la recherche et de l’opposition aux régulations du marketing de la filière alcool et les stratégies déployées par les compagnies de tabac. Ainsi, à l’instar de l’alcool, l’industrie du tabac a mobilisé les tactiques suivantes pour influencer les décisions politiques : liens directs avec les élus et les gouvernements, financement de partis politiques, financement de chercheurs, dons à des organismes caritatifs, alliance avec des groupes d’intérêt commun, proposition de partenariats avec les gouvernements, développement de campagnes de prévention, programmes de responsabilité sociale des entreprises, proposition de codes de bonne conduite, etc. (Givel et Glantz, 2001renvoi vers ; Bond, 2009renvoi vers ; Holden et Lee, 2009renvoi vers ; Bond, 2010renvoi vers ; Casswell, 2013renvoi vers ; Mathews et coll., 2013renvoi vers ; Savell et coll., 2014renvoi vers ; Savell et coll., 2016renvoi vers ; Martino et coll., 2017renvoi vers ; Hawkins et coll., 2018renvoi vers ; Hawkins et McCambridge, 2018renvoi vers ; McCambridge et coll., 2019arenvoi vers et brenvoi vers).

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