Réduction des dommages associés à la consommation d’alcool
I. Consommations d’alcool : les risques, les dommages et leur environnement

2021


ANALYSE

7-

Marketing des produits alcoolisés

1
Ce chapitre présente les recherches menées sur le marketing des industriels de l’alcool. Il en détaille les formes, les effets, puis les régulations mises en place dans certains pays pour protéger les populations vulnérables de la publicité pro-alcool, en particulier les jeunes.
Il est scindé en deux parties : la première est consacrée au marketing et à la publicité des boissons alcooliques et la seconde se focalise sur le marketing digital de ces produits (via l’usage d’internet et des réseaux sociaux).

Marketing des industriels de l’alcool

Définition, contenu et cibles

Selon un ouvrage de référence en marketing, le Mercator (Baynast et coll., 2017renvoi vers), le marketing « est un moyen d’action qu’utilisent les organisations pour influencer en leur faveur le comportement des publics dont elles dépendent ». Comme toutes les entreprises, les producteurs d’alcool mobilisent le marketing pour créer de la valeur aux yeux des consommateurs et les attirer vers leurs produits et leurs marques. Différentes techniques sont déployées pour atteindre ces objectifs : des campagnes publicitaires, des produits et packagings attractifs, des publicités dans les points de vente et de consommation (bars, etc.), du sponsoring d’événements culturels et sportifs, une présence des marques sur internet et sur les réseaux sociaux, un placement de produits alcoolisés dans les films et les séries, etc. (Inserm, 2014renvoi vers).
Le tableau 7.Irenvoi vers détaille les principaux outils marketing (traditionnellement nommés les 4 « P ») mobilisés par les producteurs d’alcool et les illustre par des exemples observés sur le marché français.

Tableau 7.I Marketing des boissons alcooliques : définitions et exemples

Outils marketing
Définition, description
Exemples – illustrations (France)*
Le « P »
PRODUIT
Concevoir un produit susceptible de plaire à la cible à atteindre pour l’inciter à acheter.
Produits conçus pour des jeunes : whisky William Peel au goût
cola dans un emballage format « compote à boire », rhum Saint
James mojito fraise et « impérial », bière Belzebuth pink
framboise (2,8°) ou blanche (4,5°), vins Sucette rosé (goût
mandarine) et rouge (goût cola)
Les composants du P « produit » sont le goût, le nom, le packaging, le format du contenant, le degré d’alcool, etc.
Produits conçus pour des femmes : teintes roses, produits
aromatisés, référence à l’univers de la mode (nom de marque
« Gloss », coffret champagne rouge à lèvres)
Ces différents éléments sont adaptés à la cible visée (les jeunes, les femmes, etc.).
Produits aux degrés d’alcool variés pour toucher différentes
cibles : bière Koenigsbier (marque premier prix de Carrefour**)
disponible à 4,2° (en 33 ou 50 cl), à 7° ou à 10°
Produits à faible teneur en alcool, 0° et « light » (moins de
calories) proposés comme une alternative à l’alcool dans
certaines situations (grossesse, conduite, etc.), pour ne pas
perdre le lien avec les consommateurs et pour cibler les femmes.
Le « P »
PRIX
Proposer des prix adaptés au budget de la cible visée, en lien avec l’image et le positionnement souhaités pour le produit (par exemple : un prix élevé pour une meilleure image de marque).
Prix bas pour cibler les jeunes : produits vendus à l’unité ou
en petit conditionnement : 50 cl de bière Blonde : 50 centimes
d’euros, 20 cl de vodka Poliakov : 4,49 euros
La politique de prix consiste à réfléchir au « bon » prix, à proposer des promotions (magasins, sites de vente en ligne, bons de réduction sur l’emballage, etc.).
Promotions sur les prix dans les grandes surfaces, sur le
packaging, sur internet, Tweet promotionnel foire aux vins***
Le « P »
PLACE
Faciliter l’accès et la
disponibilité du produit
dans de nombreux endroits.
Vente de boissons alcoolisées :
1/ dans de nombreux points de vente (supérettes, hypermarchés, supermarchés, etc.) et dans les magasins aux horaires d’ouverture larges ;
2/ sur internet (nicolas.com, lepetitballon.com, Ventealapropriete.com, etc.) ;
3/ dans des festivals de musique, lors d’événements sportifs, etc. ;
4/ livraison à domicile pour « aller » vers les consommateurs (www.aperoflashrennes.com, www.aperocube.fr, etc.)
(ACCÈS)
Valoriser la
présentation de la
marque dans les lieux
de vente pour faciliter et
inciter à l’acte d’achat (merchandising).
Le « P »
PUBLICITÉ
Rendre le produit/la marque attractif/ve, augmenter sa notoriété et donner envie d’acheter grâce à la publicité (en sélectionnant les médias et les contenus de publicité les plus pertinents par rapport à la cible).
 
Supports publicitaires protéiformes : affichage, presse, internet, sponsoring, placement de produit dans les films, mécénat, publicité sur le lieu de vente, etc.
Page Instagram Absolut vodka, bannière publicitaire Desperado sur Skyrock, spot vidéo Grimbergen sur internet, publicité pour la bière et la vodka dans des magazines et dans la rue, sponsoring Kronenbourg, publicité Skoll dans les magasins

* Pour d’autres exemples, voir les fiches décryptages de l’ANPAA sur le marketing de l’alcool (https://www.anpaa.asso.fr/sinformer/dossier-loi-evin/decryptage-loi-evin), et le Flash Alcoolator d’Avenir Santé (https://www.avenir-sante.com/2019/flash-alcoolator-janvier-2019/) (consultés le 3 avril 2020).
** https://www.bcmelaboiteboisson.com/news_boite/une-nouvelle-recette-de-biere-plus-forte-que-forte/1664 (consulté le 3 avril 2020).
*** https://twitter.com/Monoprix/status/1039393100895055873 (consulté le 3 avril 2020).

Les outils marketing présentés dans ce tableau 7.Irenvoi vers sont une forme de « concurrence » aux acteurs de la santé publique, dans le sens où ils influencent positivement les représentations et l’envie de boire de l’alcool et, dans le même temps, ils contrecarrent les campagnes de prévention menées pour réduire la consommation de ce produit (Gallopel-Morvan, 2018renvoi vers).
L’ampleur des budgets et des moyens consacrés au marketing et à la publicité par les producteurs d’alcool en France est difficile à évaluer. Ce serait important de les connaître car une étude récente a montré une corrélation entre les sommes investies par les alcooliers dans la publicité et la connaissance des marques d’alcool, les préférences, la consommation puis l’envie de commencer à boire de jeunes âgés de 7 à 12 ans (Gentile et coll., 2019renvoi vers).
Les chiffres disponibles en France concernent une partie des dépenses publicitaires des producteurs d’alcool (encadré 7.1).

Encadré 7.1 : Investissements publicitaires des producteurs d’alcool en France en 2016, 2017 et 2018 (Source : pige Kantar Média 2018 réalisée pour Santé publique France)

Une pige des investissements publicitaires des alcooliers a été réalisée par Kantar Média pour Santé publique France. Cette technique consiste à recenser les publicités diffusées dans les médias et à les valoriser financièrement à partir des coûts des achats d’espace commerciaux. Cela permet d’évaluer le montant des investissements publicitaires des annonceurs pigés.
Les médias retenus dans l’observatoire des marques d’alcool en France étaient la télévision (plus de 80 chaînes, spots et parrainage), la radio (29 stations), la presse (plus de 900 titres), la publicité extérieure des principaux afficheurs (Moohnitor, Clear Channel, Médiatransports, etc.), le cinéma (2 régies) et l’internet display (achat d’espace publicitaire sur internet de type bannières, pop-up. Pige sur plus de 600 sites). La pige ne prenait pas en compte le contenu des messages recensés, les publicités sur les réseaux sociaux hors display, la VOL (vidéo en ligne) ni l’achat programmatique (publicités ciblées). Précisons également que les investissements relatifs à l’année 2018 ne concernent qu’une partie de l’année (janvier-août).
En 2016, 2017 et 2018, les budgets publicitaires des alcooliers sont estimés respectivement à 454,6 ; 369,2 et 208,5 millions d’euros.
La baisse constatée depuis 2016 s’explique certainement par un report des investissements des formats publicitaires « classiques » vers des supports interactifs et digitaux qui ont fait l’objet d’une forte croissance publicitaire en France ces dernières années, mais qui ont été peu intégrés dans cet observatoire.
La majorité des budgets publicitaires des alcooliers est consacrée à l’achat d’espace dans la presse et à l’affichage extérieur. La télévision et le cinéma sont absents des médias observés, très certainement du fait de la loi Évin qui en interdit l’accès pour les boissons alcooliques. Deux pics d’investissements sont constatés tous les ans à la période estivale et à Noël, et un pic a été observé en 2016 lors de la coupe d’Europe de football qui a eu lieu en France.
Les catégories et marques d’alcool les plus présentes sur ces 3 ans dans les médias pigés sont :
1. La bière, avec 124 919 euros estimés en 2017 (Heineken est leader, suivi par Kronenbourg, Ab Inv – Cubanisto, Corona, Leffe entre autres –, Bavaria et Karlsbrau). L’affichage est le média le plus utilisé.
2. Les vins, avec 74 973 euros estimés en 2017 (Castel frères est leader suivi du syndicat des producteurs de vin de pays d’Oc, du conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux, des domaines viticoles salins du midi et du groupe Bernard Magrez). La presse est le média le plus utilisé.
3. Le champagne, avec 48 420 euros estimés en 2017 (Moet Hennessy est leader suivi par Laurent Perrier, Kriter, Pernod et Vranken Pommery monopole). La presse est le média le plus utilisé.
Enfin, 33 % des investissements totaux de 2017 ont été réalisés par trois entreprises : Heineken (no 1), Kronenbourg (no 2) et la Martiniquaise (no 3 ; Label 5, Poliakov, Saint James, Porto Cruz, etc.).

Le marketing est beaucoup plus large que la publicité. Ainsi selon la commission fédérale du commerce aux États-Unis, la publicité représentait environ 26 % du budget marketing (3,45 milliards de dollars) des 14 compagnies d’alcool observées en 2011 (Evans et coll., 2014renvoi vers). Pour pouvoir estimer l’ensemble des dépenses marketing de l’alcool en France, il faudrait ajouter les éléments suivants :
• les supports publicitaires non intégrés dans l’observatoire Kantar média : les publicités sur les réseaux sociaux (très courantes aujourd’hui), jeux-concours, sites internet des marques, publicités sur le lieu de vente et de consommation (catalogues promotionnels, mise en avant de la marque dans les magasins, dans les bars, etc.), le sponsoring d’événements sportifs et culturels, foires et salons, les publicités pour les marques d’alcool 0 % (qui font la promotion indirecte des marques d’alcool ; Vasiljevic et coll., 2018renvoi vers) ;
• les autres éléments constitutifs du marketing détaillés dans des ouvrages consacrés au marketing de l’alcool et du vin (Gallo et Charters, 2014renvoi vers ; Rouzet et Seguin, 2017renvoi vers) : l’innovation produits, les bouteilles « éditions limitées », marques, la segmentation, les études de marché pour mieux comprendre les consommateurs, le marketing territorial, les politiques de prix, de promotions et de distribution, les boutiques éphémères, l’e-commerce, le big data (la constitution de base de données des consommateurs afin d’envoyer des messages commerciaux personnalisés), les nouvelles technologies, l’Å“notourisme, le merchandising, la vente, le trade-marketing, category management, les partenariats, relations publiques, le street marketing, etc.2  ;
• les supports pour lesquels il est difficile d’établir un lien commercial avec les producteurs d’alcool mais qui bénéficient à l’image des produits alcooliques et qui peuvent influencer l’envie de consommer (Hanewinkel et coll., 2014renvoi vers ; Mejia et coll., 2019renvoi vers) : les messages pro-alcool émis par des internautes sur les réseaux sociaux (cf. infra, section « Formes, exposition et effet de la présence des marques et des produits alcoolisés sur internet et les réseaux sociaux » de ce chapitre), les marques visibles dans les films, les séries, les clips musicaux, etc. Concernant la France, une étude a montré que les jeunes sont particulièrement exposés à l’alcool dans les productions télévisées : sur les 14 séries les plus regardées par des jeunes (8 séries françaises et 6 américaines, pour un total de 180 épisodes visionnés), l’alcool apparaît dans 87,8 % des épisodes et pendant 7 heures 29 minutes au total (plus souvent dans des séries françaises qu’américaines). Dans les séries françaises en particulier, le vin est particulièrement visible à l’écran (Chapoton et coll., 2019renvoi vers).
Si certains outils marketing déployés par les producteurs d’alcool sont conçus pour toucher une cible large (les promotions sur le prix, l’accès dans de nombreux points de vente et lieux de consommation, les degrés d’alcool variés, etc.), d’autres sont façonnés pour des segments de consommateurs particuliers.
Le déploiement d’une segmentation générationnelle est manifeste. Les jeunes représentant l’avenir de la consommation d’alcool, cette population fait l’objet d’une attention particulière, comme l’attestent les exemples présentés dans le tableau 7.Irenvoi vers et les témoignages de directeurs marketing, de managers, de chercheurs ou de consultants spécialistes en marketing de l’alcool. Des stratégies sont ainsi réfléchies pour attirer les jeunes vers le vin : « la principale difficulté lorsque l’on cherche à cibler les plus jeunes consiste à démystifier le vin, pour que ce dernier s’intègre peu à peu dans leur vie quotidienne, qu’ils soient à l’aise avec ce produit, pour qu’ils le perçoivent comme attractif et ainsi de suite » (Gallo et Charters, 2014renvoi vers). Des produits spécifiques sont également conçus pour eux : « le vin aromatisé permet de sensibiliser de nouveaux consommateurs au vin. Pour les jeunes, c’est une boisson qui aide à faire la transition entre les boissons non-alcoolisées et les autres que boivent les adultes »3 (interview de la directrice du développement de Larraqué Vins International). Dans l’idée de transition, des recettes de cocktails alcoolisés avec des jus de fruit et/ou des sodas sont suggérées par les marques4 comme mode de consommation pour les jeunes adeptes des mélanges.
Les prix des boissons s’adaptent aux budgets limités des jeunes : « ces bouteilles, à moins de 3 euros sur linéaire, seront un tremplin permettant aux néophytes d’accéder aux vins plus classiques. Notamment pour un public plutôt jeune et féminin » (interview de Pierre Jean Larraqué, président du groupe Larraqué, à propos des prix des vins aromatisés « Sucettes »)5  ; « il est indéniable que ces petits prix ont un impact considérable sur les ventes » (interview de Ivana de La Kethulle, à propos du prix de 11,41 euros de la vodka Zubrowka)6 .
Au-delà de la segmentation par âge, une segmentation par sexe est également constatée (European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction, 2008renvoi vers ; Johnston, 2015renvoi vers). Un marketing spécifique est mis en place pour attirer les femmes (Atkinson et coll., 2019renvoi vers) qui se distinguent des hommes sur le goût (par exemple les femmes ont plus tendance que les hommes à boire du vin blanc et pétillant : Bruwer et coll., 2011renvoi vers ; Rodríguez-Donate et coll., 2019renvoi vers), l’odorat des produits alcoolisés, la quantité consommée, les motivations à consommer (la socialisation, l’image, réduire l’anxiété, etc.), les lieux d’approvisionnement (Atkin et coll., 2007renvoi vers), etc. Par ailleurs, les femmes consomment aujourd’hui moins d’alcool que les hommes, et représentent donc un potentiel de marché important à développer (Dutch Institute for Alcohol Policy, 2012renvoi vers).
Pour cibler les femmes, des outils marketing ad hoc sont conçus pour elles : des produits plus légers en alcool, en sucre et en calories (« meilleurs pour la santé »), des arômes variés et fruités (pamplemousse, pêche, etc.), du packaging « girly » (rose), des produits « accessoires de modes », des publicités suggestives, un recours à des leaders d’opinions féminines qui consomment de l’alcool (placements de marque dans les séries, influenceuses sur internet, etc.), etc. (Public Health Advocacy Institute of Western Australia, 2019renvoi vers). Concernant les produits aromatisés, Annick Vincenty, directrice marketing de Heineken France en 2014, explique à propos des femmes qu’« elles sont notre cible prioritaire pour des nouveaux produits comme la gamme Radler, vendue sous la marque Pelforth et déclinée au citron, au pamplemousse rose »7 .
Pour se donner une bonne image auprès de cette cible féminine, certains producteurs d’alcool n’hésitent pas à sponsoriser des événements féminins (l’équipe féminine anglaise de football8 ) ou à s’associer à des causes qui concernent ce public. Le soutien financier à la lutte contre le cancer du sein (alors même que la consommation d’alcool est un facteur de risque du développement de ce cancer ; Winstanley et coll., 2011renvoi vers), à l’association SAF France qui lutte contre les troubles liés à l’alcoolisation fÅ“tale9 (alors que l’industrie crée de la confusion sur ce problème sur leurs sites internet ; Lim et coll., 2019renvoi vers) ou encore à la journée internationale des femmes en 2019 et 2020 (partenariat avec Diageo10 ) en sont des illustrations. Mart et Giesbrecht (2015renvoi vers) parlent ici du « pinkwashing » des compagnies d’alcool.

Effets du marketing et de la publicité pour les marques d’alcool
sur les incitations à consommer des individus

Après avoir défini le marketing des produits alcoolisés, il convient de s’interroger sur ses effets : influence-t-il les croyances, les représentations et les comportements des individus ? De nombreuses recherches ont été menées pour répondre à ces questions, sur les jeunes en particulier. Elles sont résumées dans trois revues de la littérature publiées par : Anderson et coll., 2009arenvoi vers ; Smith et Foxcroft, 2009renvoi vers ; Jernigan et coll., 2017arenvoi vers.
Anderson et coll. (2009brenvoi vers) ont synthétisé les résultats de 13 études longitudinales menées aux États-Unis, en Allemagne, en Nouvelle-Zélande ou en Belgique, portant au total sur plus de 38 000 jeunes. Ces recherches analysent l’association entre l’exposition à la publicité sur l’alcool dans les médias (télévision, presse, affichages publicitaires, radio), la promotion d’alcool puis les comportements déclarés d’alcoolisation chez les jeunes. Douze études sur les 13 font état d’un lien significatif et positif entre l’exposition à la publicité et l’initiation de la consommation d’alcool d’adolescents non buveurs d’une part, puis l’augmentation de la consommation de jeunes déjà buveurs d’autre part. Ainsi plus l’exposition publicitaire est importante plus la consommation d’alcool est élevée. La treizième étude montre que les panneaux publicitaires de marques d’alcool situés à moins de 450 mètres d’établissements scolaires favorisent les intentions de consommation.
Smith et Foxcroft (2009renvoi vers) ont, de la même façon, mené une revue systématique afin d’évaluer si l’exposition à la publicité et au marketing de l’alcool augmente la consommation d’alcool chez les jeunes. Les critères d’inclusion étaient les suivants : des études longitudinales, des supports publicitaires variés étudiés (télévision, radio, journaux, affichages, t-shirts avec marques d’alcool, représentation de l’alcool dans les films, dans les programmes télévisés et spots musicaux, événements sportifs, etc.), une mesure de la consommation d’alcool des jeunes interrogés (quantité, fréquence, marque ou type d’alcool consommés). Au total, 9 articles (7 cohortes différentes aux États-Unis, en Belgique, en Nouvelle-Zélande) correspondaient aux critères d’inclusion, soit 13 255 jeunes de 10 à 26 ans interrogés sur une période allant de 1 an à 30 mois, ont été intégrés dans cette synthèse. Les résultats révèlent, pour les 9 articles, une association significative et positive entre l’exposition au marketing et à la publicité des marques d’alcool puis les comportements d’alcoolisation. En particulier, 3 études montrent un lien significatif entre l’initiation à l’alcool de jeunes non buveurs et leur exposition au marketing et à la publicité.
Ces deux synthèses ont été complétées par une revue systématique publiée en 2017 (Jernigan et coll., 2017arenvoi vers) recensant les études longitudinales publiées entre 2008 et 2016. Les facteurs d’inclusion étaient les suivants : dans l’abstract ou le titre, « association, publicité pour l’alcool, consommation des jeunes » devaient être mentionnées ; des mesures valides de la consommation d’alcool devaient avoir été utilisées au début et au cours de l’étude (initiation à la consommation d’alcool, comportement de binge-drinking, consommation, fréquence et quantité absorbée au cours des 30 derniers jours, problème rencontrés liés à l’alcool) et passées sur au moins 500 participants dont l’âge était inférieur à l’âge légal d’achat d’alcool dans le pays. Les études qui évaluaient seulement les intentions de consommer de l’alcool n’ont pas été intégrées dans cette synthèse. Au total, les auteurs ont retenu 12 recherches publiées dans des revues scientifiques, soit un total de 35 219 jeunes interrogés dans sept pays différents (Allemagne, Italie, Pays-Bas, Pologne, Grande-Bretagne – dont Écosse, Taïwan, États-Unis). Les formes de marketing étudiées différaient selon les études : l’affichage, les publicités dans les magazines, à la radio et à la télévision, sur les réseaux sociaux et sur internet (quand ces dispositifs digitaux étaient conçus par les producteurs d’alcool), le placement des marques d’alcool dans les films, séries et clips, publicités dans les magasins, les promotions sur le prix, les cadeaux promotionnels, le packaging, l’association avec des célébrités, le sponsoring d’événements sportifs et musicaux, etc. Afin d’évaluer le niveau d’exposition à ce marketing, les répondants déclaraient leur perception de l’exposition au marketing de l’alcool et/ou la mémorisation de publicités pour l’alcool et/ou l’appréciation de ces publicités et/ou l’engagement dans les activités marketing des marques d’alcool sur internet (inscription sur un site, etc.) et/ou des mesures populationnelles de l’exposition à la publicité réalisées par des sociétés d’études de marché (à partir des audiences des médias). Les 12 études recensées montrent toutes un lien positif et significatif entre l’exposition au marketing et à la publicité pour des produits alcooliques, les comportements d’alcoolisation déclarés pendant la période d’observation (entre 9 mois et 8 ans selon les articles) et les problèmes vécus liés à la consommation d’alcool.

Dispositifs de protection des populations vulnérables au marketing
et à la publicité pour les marques d’alcool

Au vu des résultats de la littérature scientifique, il est aujourd’hui établi que le marketing et la publicité des produits alcooliques influencent les représentations et les comportements des jeunes. Ainsi, contrairement au discours officiel des industriels de l’alcool selon lequel la publicité est « seulement » utilisée pour inciter les consommateurs à changer de marque, cette dernière influence en réalité l’attitude par rapport à la consommation d’alcool, la banalise, puis accroît la consommation d’alcool et le volume global des ventes (Petticrew et coll., 2017renvoi vers ; Maani Hessari et coll., 2019renvoi vers). En conséquence et afin de protéger les mineurs, les acteurs de la santé recommandent de réguler les pratiques commerciales des producteurs d’alcool (Cour des comptes, 2016renvoi vers ; Pan American Health Organization PAHO, 2017renvoi vers ; Santé publique France, 2017renvoi vers ; Mildeca, 2018renvoi vers ; WHO, 2018renvoi vers ; WHO Europe, 2019renvoi vers...), et en particulier la restriction de l’accès à certains médias et la régulation des créations publicitaires. De telles mesures sont jugées coût-efficaces et bénéfiques pour la santé publique car d’une part, la littérature a montré l’effet de la publicité sur les jeunes et d’autre part, elles ne coûtent rien aux gouvernements (Anderson et coll., 2009arenvoi vers ; Burton et coll., 2017renvoi vers ; Siegfried et Parry, 2019renvoi vers).
Ces dernières décennies, de plus en plus de pays se sont engagés dans la régulation du marketing de l’alcool : l’OMS en recensait environ 50 en 2018 à avoir limité ou interdit la publicité pour l’alcool à la télévision, à la radio, sur internet, dans les points de vente, etc. (WHO Europe, 2019renvoi vers).
Ces mesures de protection des mineurs sont opérationnalisées de différentes manières selon les régions.
Certains pays ont opté pour l’auto-régulation (États-Unis, Australie, etc.) : les producteurs d’alcool et/ou leurs représentants (syndicats, etc.) proposent des codes d’autodiscipline, des chartes déontologiques et de bonne conduite en matière de communication publicitaire envers les mineurs qu’ils s’engagent à suivre. En Australie, l’« Alcohol beverages Advertising Code (ABAC)11  » a été proposé en 2017 par les producteurs d’alcool. En France, l’association Avec modération, financée par Heineken, Pernod Ricard, Bacardi France, Diageo Réunion, etc. demande à tous ses membres de se conformer à son code d’autodiscipline et de déontologie qui intègre, entre autres, la recommandation suivante : « les communications commerciales ne doivent en aucune manière être faites à destination des mineurs » (p. 3)12 . Les principaux groupes alcooliers (Anheuser-Busch InBev, Diageo, Heineken, etc.) disposent également de chartes internes précisant les règles à respecter pour protéger les jeunes de l’effet de leurs campagnes publicitaires. Ainsi Pernod Ricard précise sur son site internet français que « les communications commerciales ne doivent promouvoir les boissons alcoolisées que dans les médias imprimés, numériques, radio-télévisés ou dans le cadre d’événements lorsqu’au moins 70 % de l’audience est raisonnablement susceptible d’être constituée d’adultes ayant l’âge légal requis pour acheter ou consommer de l’alcool ou plus »13 .
Quelle est l’efficacité de l’autorégulation pour protéger les jeunes du marketing et de la publicité des produits alcoolisés ? Il est aujourd’hui établi dans la littérature que cette solution n’est pas fiable pour protéger les mineurs (Hastings et coll., 2010renvoi vers ; Mosher, 2012renvoi vers ; Babor et coll., 2013arenvoi vers ; Babor et coll., 2013brenvoi vers ; Noel et coll., 2017renvoi vers ; Noel et Babor, 2017renvoi vers ; Vendrame, 2017renvoi vers ; Lloyd et coll., 2018renvoi vers ; Pierce et coll., 2019renvoi vers). En effet, ces études menées dans différents pays montrent qu’en dépit de l’augmentation du nombre de codes de bonne conduite émanant des alcooliers, l’exposition des jeunes à la publicité et au marketing des produits alcooliques ne cesse de croître. De plus, étant donné que les producteurs d’alcool choisissent les médias à audience élevée (télévision, affichage dans la rue, magazines, radio, médias digitaux, etc.) pour diffuser leurs publicités, les jeunes, qui font partie de cette audience, y sont alors exposés. Enfin, ces recherches sur l’autorégulation mettent en lumière que les contenus de certaines publicités ne respectent pas les chartes de la profession. Alors que certains thèmes très attractifs pour les mineurs sont déconseillés par la filière alcool, ils sont pourtant utilisés dans les messages commerciaux : l’humour, des personnages de bande dessinée, l’amitié, la masculinité, la relaxation, le sport, le succès sexuel, etc.
L’autorégulation n’étant pas efficace pour protéger les mineurs, de plus en plus de pays optent pour des lois, dont le respect est contrôlé par des organismes indépendants de la filière alcool (États, ONG ; ex. : Suède, Finlande, Norvège, Russie, Roumanie, Estonie, Thaïlande, etc). De plus en plus de pays s’engagent dans ce mouvement : la Lituanie en 2018 a presque totalement interdit la publicité pour l’alcool14 ou l’Irlande qui a proposé la même année une régulation qui, entre autres, restreint les publicités pour l’alcool à la télévision, dans les cinémas, dans les parcs et interdit les affiches dans les lieux publics situés à moins de 200 mètres des écoles ou des crèches (Public Health Alcohol Act, 201815 ). La France est un pays précurseur en matière de régulation des publicités pour les boissons alcooliques avec la loi Évin (République française, 1991) votée dès 1991 (encadré 7.2).
La loi Évin est-elle efficace pour protéger les jeunes français de la publicité des marques d’alcool ?
Le volet marketing de la loi Évin a été très peu évalué. À notre connaissance, seules deux études sur ce thème ont été publiées.
Cogordan et coll. (2014renvoi vers) ont étudié l’impact, sur la consommation d’alcool, des facteurs socio-économiques (niveau des revenus, taux d’emploi des femmes, etc.) et de différentes mesures introduites en France après 1970 (interdiction de la vente d’alcool aux moins de 16 ans, restrictions sur la publicité – loi Évin –, limitation légale de l’alcoolémie à 0,5 g/l pour les conducteurs). Les auteurs concluent qu’en comparaison avec les facteurs socio-économiques, les mesures politiques ne semblent pas avoir eu d’impact majeur sur la baisse de la consommation d’alcool. Toutefois, l’interdiction de la vente d’alcool aux mineurs combinée aux restrictions publicitaires prévues par la loi Évin auraient contribué à une baisse de la consommation d’alcool sur le long terme.

Encadré 7.2 : La loi Évin relative aux publicités pour les produits alcoolisés

La loi Évin, qui s’applique à toutes boissons dont le degré alcoolique est supérieur à 1,2 %, impose trois mesures concernant la publicité :
1. Régulation des médias : l’esprit de la loi est d’interdire la publicité en faveur de l’alcool dans les médias ciblant les jeunes et d’autoriser les médias moins intrusifs. Les supports autorisés pour promouvoir les boissons alcooliques sont précisés : la presse écrite adulte, la radio (entre 12 h et 17 h les jours de semaine, entre minuit et 7 h le mercredi), les affichages et enseignes, les publicités en ligne (internet et applications, sauf lorsque les jeunes sont ciblés et sous réserve que la publicité ne soit pas intrusive), les affichettes et objets à l’intérieur des points de vente et magasins (la dimension d’une affichette publicitaire ne peut dépasser 0,35 mètre carré) et lors de dégustations (foires aux vins, etc.), les brochures et mailings commerciaux, les affiches sur les véhicules utilisés pour les opérations de livraison des boissons alcoolisées, les événements spéciaux (foires traditionnelles, etc.), les musées du vin, les cadeaux/objets utilisés pour consommer de l’alcool (verres, etc.). Les supports de communication non listés dans la loi Évin sont interdits : télévision, cinéma, sponsoring d’événements sportifs et culturels, placement de marques d’alcool dans les films, sur les T-shirts, casquettes, etc.
2. Régulation du contenu publicitaire : dans les cas où la publicité est autorisée, les informations diffusées doivent se limiter à des données informatives/factuelles et à des critères de qualité objectifs sur le produit (degré alcoolique, origine, composition et modes d’élaboration). Par conséquent, les publicités attrayantes véhiculant des images et/ou des textes évocateurs positifs associant l’alcool au plaisir, au glamour, au succès social, au sport, au sexe, à la réussite, à des leaders d’opinion, etc., ne sont pas autorisées.
3. Obligation d’information : toutes les publicités en faveur de l’alcool doivent obligatoirement être assorties du message sanitaire « l’abus d’alcool est dangereux pour la santé »49.

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Gallopel-Morvan et coll. (2017renvoi vers) ont analysé l’exposition des mineurs français à la publicité des produits alcooliques. 6 642 lycéens ont été interrogés en 2015 dans le cadre de l’enquête ESPAD (European School Survey Project on Alcohol and other Drugs) dans 198 établissements scolaires par le biais d’un questionnaire auto-administré (moyenne d’âge : 17,3 ans, échantillon représentatif). Les résultats révèlent qu’une majorité des élèves déclare avoir été exposée au moins une fois par mois à des publicités ou présentations promotionnelles en faveur de l’alcool dans les supermarchés (73,2 %), dans les films (66,1 %), dans les magazines et les journaux (59,1 %), sur les affiches dans la rue (54,5 %) et sur internet (54,1 %). Concernant la dernière publicité dont ils se souviennent, 27,8 % se rappellent du type de boisson, 18,2 % de la marque, 13 % ont eu envie de consommer une boisson alcoolisée après l’avoir vue et 19,6 % l’ont trouvée attrayante (les garçons étant nettement plus représentés que les filles sur tous ces indicateurs). Dans le prolongement de cette étude, l’OFDT a mené une enquête auprès de 10 591 Français âgés de 17 ans (Mutatayi et Spilka, 2019renvoi vers). Elle révèle que ces jeunes déclarent avoir été exposés une fois par semaine à tous les jours à des publicités pour l’alcool pour 30,7 % d’entre eux sur internet, 30,2 % à la télévision (probablement via la publicité pour des marques sans alcool ou via la télévision regardée sur internet), 25 % dans les films et les séries, 24 % sur des affiches dans la rue, 19,9 % dans les supermarchés, 16,9 % dans les transports publics, 16,1 % dans les magazines et les journaux, 11,8 % à la radio et 10,3 % lors d’un événement sportif ou un concert.
Ces chiffres interpellent. Ils soulignent que dans sa version actuelle, la loi Évin protège peu les mineurs de l’exposition à la publicité des produits alcoolisés. Plusieurs pistes peuvent être avancées pour expliquer ces résultats.
En premier lieu, il convient de rappeler que la loi Évin n’est pas toujours respectée (Rigaud et coll., 2015renvoi vers). La justice condamne régulièrement des publicités en faveur de l’alcool jugées illégales. Ainsi entre 1991 et 2019, l’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie (ANPAA) a engagé 97 actions judiciaires contre les producteurs d’alcool pour non-respect de la loi Évin. Sur les 73 affaires définitivement jugées, elle en a remporté 85 %. Par ailleurs, les observatoires des associations Avenir Santé (le flash « alcoolator ») et de l’ANPAA (les fiches « décryptages ») font régulièrement état de publicités qui ne respectent pas la loi Évin sur internet, dans les festivals de musique, de sport, sur le packaging, etc. Le contournement de la loi porte sur les médias utilisés par les producteurs d’alcool alors qu’ils sont interdits (sponsoring par exemple) et sur le contenu des publicités et des packagings qui ne respecte pas les caractéristiques autorisées par la loi (encadré 7.3). Le non-respect de la législation concerne également « l’oubli » de la mention obligatoire « l’abus d’alcool est dangereux » sur certaines publicités.
En second lieu, la loi Évin a été considérablement modifiée depuis 1991 sous l’effet du lobbying des producteurs d’alcool (Spach, 2016renvoi vers ; Benyamina et Samitier, 2017renvoi vers ; Benec’h, 2019renvoi vers), ce qui a eu pour conséquence d’affaiblir son impact. Ainsi deux médias très puissants en termes d’audience, interdits en 1991, ont été de nouveau autorisés au fil des années. Il s’agit de l’affichage qui était seulement autorisé en 1991 près des lieux de production et de vente d’alcool. Cette restriction a été levée en 1994. La publicité est aujourd’hui autorisée en tout lieu (rues, métros, bus, etc.), ce qui augmente l’exposition des plus jeunes aux campagnes promotionnelles pour l’alcool. En 2009, sous la pression des alcooliers, la loi Bachelot autorise la publicité en faveur de l’alcool sur internet (à l’exception des sites dédiés aux sports et qui ciblent la jeunesse), alors que ce média est très fréquenté par les jeunes. En 2015, la loi Évin est une nouvelle fois assouplie, malgré l’opposition forte des acteurs de la santé (Reynaud et coll., 2015renvoi vers) : les boissons alcoolisées justifiant d’une appellation de qualité, d’origine et de terroir ou d’un héritage culturel, gastronomique ou régional ne sont désormais plus soumises aux restrictions publicitaires prévues par la loi Évin. Ainsi les producteurs des boissons ayant ces caractéristiques (c’est le cas du cidre, de la bière, du vin, du whisky, de la vodka, etc.) peuvent diffuser leur message commercial sur des médias autrefois interdits (télévision, cinéma) ou soumis à des restrictions (radio, presse, etc.). On a donc vu apparaître à la télévision à partir de 2017 des programmes publicitaires financés par les producteurs (« 1 Minute 1 Vignoble ») sur France Télévision par exemple. Citons enfin le projet visant à établir un fonds spécial utilisant 10 % des dépenses publicitaires de l’alcool pour financer la prévention, projet prévu dans la version 1991 de la loi Évinrenvoi vers. Cette proposition ne s’est finalement jamais concrétisée.

Encadré 7.3 : Exemples de publicités/packagings condamnés/signalés
en France comme non conformes à la loi Évin

(1) Coffret Piper-Heidsieck sorti en 2018 en France. Il a été interdit au titre de la loi Évin (ordonnance de référé rendue le 20 décembre 2018, Tribunal de Grande Instance de Paris). Les références à la féminité, au glamour ne sont pas admises concernant le packaging des boissons alcooliques.
(2) Packaging Carslberg sorti en 2014 en France, lors de la coupe du monde de football au Brésil. Le visuel présente des joueurs officiant dans le championnat de football anglais (Premier League) dont la marque Carlsberg était le sponsor. Cette campagne publicitaire était assortie d’un jeu concours. Le packaging des boissons alcooliques est une forme de publicité devant respecter les limitations de contenu imposées par la loi Évin. C’est à ce titre que cette cannette a été interdite (Cour de cassation, 5 juillet 2017).
(3) Heineken a sorti en 2013 une bouteille en partenariat avec le label musical Ed banger. Il ressort de l’ordonnance de référé (TGI Paris 18 juillet 2013) que les mentions très orientées sur la sensualité, voire la sexualité, ne pouvaient figurer sur le packaging, ce dernier ayant vocation à être un objet publicitaire.
(4) Le 20 mai 2020, la Cour de cassation a rappelé qu’une publicité pour des marques d’alcool doit être strictement informative. Or la campagne publicitaire « Phénix » de Grimbergen ne l’est pas en raison de la référence 1/ à la série Game of Thrones et 2/ au phénix, animal légendaire doté de pouvoirs exceptionnels. Ces deux associations valorisent ainsi la consommation d’alcool auprès d’un public jeune et n’est pas conforme à ce qu’autorise la loi Évin.

Une troisième explication de l’exposition importante des jeunes français aux publicités pour l’alcool peut être proposée : les mineurs ont accès (volontairement ou non) à des médias ciblant les adultes, et à ce titre autorisés par la loi Évin : internet, magazines, journaux, radio. Cela pose la question de la pertinence de la restriction partielle de l’accès à certains médias comme le prévoit actuellement la loi Évin (Siegfried et coll., 2014renvoi vers).

Formes, exposition et effet de la présence des marques
et des produits alcoolisés sur internet et les réseaux sociaux

Un marketing spécifique est déployé par les producteurs d’alcool sur internet (sites de marque, réseaux sociaux, e-mails, etc.), très souvent croisé avec des interventions dans les médias traditionnels (par exemple, incitation à se rendre sur le fil Twitter d’une marque via un mot-clé lors d’une publicité par affiche ou à la radio). Cette tendance à l’utilisation du marketing sur internet a incité des chercheurs à mener des études sur l’exposition aux publicités online et son effet sur la consommation d’alcool des jeunes.

Présence de l’alcool sur internet : de quoi parle-t-on ?

Les chercheurs distinguent les contenus commerciaux qui émanent des producteurs d’alcool et des messages pro-alcool diffusés par des tiers et/ou des internautes.

Messages commerciaux des producteurs d’alcool

Le « basique » de la présence des producteurs d’alcool sur internet est la création d’une page officielle de la marque (site internet, page Facebook, compte Instagram, fil Twitter, etc.). Par exemple, les marques Heineken et Desperado disposent en France d’une page officielle Facebook respectivement suivie et « likée » par 487 458 et 476 670 personnes (Heineken) et par 3 631 391 et 3 639 616 internautes (Desperado)17 .
Des études ont analysé les contenus et les formats de ces sites officiels. Ils sont généralement conçus pour inciter les internautes à s’inscrire (et ainsi récupérer des adresses e-mail) et à interagir via des devinettes, des quizz, des jeux-concours, des compétitions (Nicholls, 2012renvoi vers ; Winpenny et coll., 2014renvoi vers), des « like », des commentaires, des partages, etc. (Carah, 2014renvoi vers).
Les marques d’alcool mobilisent fréquemment sur internet l’humour, l’esprit de camaraderie, des jeux de mots, des tirages au sort et proposent des cadeaux à gagner. Les contenus font souvent référence à des moments de la vie quotidienne, suggèrent des idées de cocktails avec la marque d’alcool promue et/ou invitent les internautes à s’exprimer, à partager, à donner leur avis sur les produits alcoolisés (Carah et coll., 2014renvoi vers ; Winpenny et coll., 2014renvoi vers ; Atkinson et coll., 2016renvoi vers ; Gupta et coll., 2018renvoi vers). Par ces différents procédés, l’objectif est de provoquer une « viralité » maximale des contenus produits pour en augmenter l’audience et d’obtenir un engagement de la part des internautes (Lipsman et coll., 2012renvoi vers ; Carah, 2014renvoi vers).
Bien que ces analyses de contenu des pages officielles des marques d’alcool aient été réalisées dans les pays anglo-saxons, des tendances similaires se dégagent en France :
• sur la page Facebook officielle de la bière « kékette », les internautes sont invités à participer à des concours, à publier et à partager du contenu lié à la marque d’alcool : « partage ta kékette – prends toi en photo avec ta kékette et partage-la sur le kékette’s wall ! »18  ;
• sur les sites internet des marques Vodka Absolut et Bacardi, 469 et 29 recettes de cocktails sont respectivement proposées aux internautes19  ;
• moyennant une inscription gratuite sur le site de la marque Ricard, des bons de réductions à utiliser dans les magasins sont téléchargeables (40 centimes, 3 euros, etc. accompagnés du message « À vous de choisir les bons de réductions qui vous intéressent ! »20 ) ;
• sur le site internet de la marque de bière Belzebuth, des petits diablotins rouges en montgolfière sont associés au texte suivant « Plongez dans le mode des bières Belzébuth. Elles réveilleront vos sens avouables et inavouables. Laissez-vous ensorceler par leurs arômes démoniaques ! »21  ;
Pour les marques d’alcool, une autre manière d’apparaître sur internet est d’acheter de l’espace publicitaire pour diffuser des bannières, des vidéos, des publicités interstitielles, etc. Ces publicités apparaissent sur des sites et/ou des réseaux sociaux choisis par les producteurs d’alcool selon l’audience et les cibles à atteindre (publicité programmatique ciblée). Par exemple, avant ou pendant une vidéo lancée sur internet, un message commercial apparaît, spot qu’il n’est possible de passer (ne plus le visionner) qu’après un délai de quelques secondes. Concernant la France et selon le flash Alcoolator d’Avenir Santé22 , certaines de ces publicités pour l’alcool sur internet ont des formes très intrusives (ce qui est normalement interdit par la loi Évin23 ).
Sur les réseaux sociaux, les messages promotionnels pour l’alcool prennent différents formats. Ils peuvent apparaître dans le « fil d’actualités » des internautes sous formes de publications dites « sponsorisées » (textes, photos, vidéos) et s’insèrent entre les messages de leurs amis, les photos, les comptes suivis, etc. (Mart, 2011renvoi vers ; Carah et coll., 2014renvoi vers ; Jernigan et coll., 2017brenvoi vers). Ils peuvent également s’immiscer dans les « stories »24 des utilisateurs : lorsque des vidéos ou photos de « story » personnelle sont postées, leurs amis qui les visionnent voient apparaître une vidéo supplémentaire qui peut être une publicité pour une marque d’alcool. L’agence de publicité belge (Isobar) en charge d’une campagne de publicité sur les « stories » Instagram en 2017 pour la bière Cubanisto explique l’intérêt de mobiliser ce format très en vogue : « Instagram est un très bon moyen de donner plus de personnalité à la marque. En plaçant la story au milieu des messages des autres utilisateurs Instagram et grâce aux vastes capacités de ciblage, nous sommes à même d’amener ce contenu sans perturber le consommateur. Nous savons qu’en moyenne 70 % des stories sont vues avec le son ce qui nous permet d’être très créatif dans notre manière de transmettre ce message » (Jehtro Calomme, Head of Digital Creation chez Isobar)25 . Les producteurs d’alcool peuvent également créer des « stories » entièrement consacrées à leur marque (encadré 7.4).

Encadré 7.4 : Exemple d’extraits de « stories » officielles des marques d’alcool Absolutelyx*, Greenroom# (marque alibi d’Heineken), Piper-Heidsieck et Unepetitemousse

* Reçu le 20 décembre 2019 sur un compte Instagram français à l’occasion des fêtes de Noël.
# Reçu le 8 février 2020 sur un compte Instagram français.
Reçu le 9 février 2020 sur un compte Instagram français. La marque Piper-Heidsieck fait, dans cette story, la promotion de son engagement dans le cinéma (partenariat avec la cérémonie des Oscars aux États-Unis) à travers les bouteilles éditions limitées sorties ces dernières années pour célébrer cet événement.
Reçu le 12 février 2020 sur un compte Instagram français. Campagne promotionnelle « unepetitemousse » pour la Saint-Valentin. La story renvoie vers le site https://unepetitemousse.fr/biere-saint-valentin?popup=1 (consulté le 12 février 2020) qui propose à la vente un coffret « 8 bières et 4 sextoys » (avec 20 % de réduction).

La manière dont les publicités sont insérées dans ces fils d’actualités ou dans les « stories » des internautes est complexe. Les algorithmes des réseaux sociaux se basent sur des informations concernant l’internaute et renseignées lors de son inscription (âge, sexe, lieu de résidence, profession, centres d’intérêts) et sur son activité (historique des actions, interactions, pages « likées », commentaires, intérêts partagés, fréquence et récence des échanges et discussion, etc.). Selon la similarité entre le profil des internautes et celui de la cible à atteindre, une publicité apparaît, ou non, dans les fils d’actualités ou stories des individus.
Le marketing des marques d’alcool sur internet peut également prendre la forme d’un soutien affiché à des événements culturels, sportifs ou festifs (Atkinson et coll., 2016renvoi vers ; Lobstein et coll., 2017renvoi vers). Ceux-ci sont créés par les producteurs d’alcool (la Heineken Champions Cup par exemple26 ), ou sont organisés par des organisations tierces qui bénéficient d’une aide financière en contrepartie de la visibilité de la marque d’alcool sur la communication, le site et les réseaux sociaux liés à l’événement. En France, le sponsoring des marques d’alcool pour soutenir des événements musicaux, festifs, etc. étant interdit par la loi Évin, des marques « alibis » sont créées par les alcooliers. Par exemple, Carlsberg a lancé la marque alibi temporaire « Probably » (aux couleurs et design de la marque mère) pour l’insérer sur les panneaux publicitaires des matchs de football de l’Euro qui se déroulait en France en 2016 (Murray et coll., 2018renvoi vers). Sur internet, Kronenbourg et Heineken ont mis en place les événements Pression Live27 et Green Room28 , plateformes digitales musicales (également physiquement présentes dans les festivals) proposant des interviews d’artistes, des chroniques de disques et des événements musicaux. Aucune référence directe à Kronenbourg et Heineken ne figure sur ces sites événementiels, mais les logos et codes couleurs évoquent de façon flagrante les deux marques d’alcool (tableau 7.IIrenvoi vers).

Tableau 7.II Exemples de marques alibis visibles sur internet et lors d’événements musicaux

Logos officiels des marques « Heineken/Kronenbourg »
Logos « alibis » des événements musicaux « Green Room/Pression Live »
Dans le même ordre d’idée, des « soirées secrètes » « House of Mask » sont organisées depuis 2014 par la marque Cubanisto (en référence au masque tête de mort de la marque). Elles réunissent des designers, des artistes et célébrités de la scène électronique (par exemple le DJ Kavinsky sous la nef du Grand Palais à Paris en juin 2016) et sont relayées sur une page Facebook29 dédiée.
Certaines marques sont moins « discrètes ». C’est le cas du whisky Chivas qui a parrainé et organisé en 2019, dans un hôtel particulier à Paris, les soirées gratuites « Chivas The Blend » placées sous le signe du hip hop et du rap. Ces événements proposaient d’écouter des concerts live d’artistes variés, de « déguster l’ensemble des références Chivas, des cocktails inédits signature et de participer à l’expérience de la Blending Room : créez & repartez avec votre propre Blended Scotch Whisky ! »30 .
Les producteurs d’alcool ont également recours à des célébrités pour promouvoir leur marque en ligne (Lobstein et coll., 2017renvoi vers). Ils rémunèrent des « influenceurs » aux milliers (voire millions) d’abonnés sur les réseaux sociaux, pour qu’ils fassent la promotion de leurs marques. Le rapport annuel 2018/2019 de Pernod Ricard raconte le succès d’un tel dispositif utilisé pour la marque Absolut Vodka : « dépassant les frontières du marché chinois, Hong-sik, influenceur et acteur sud-coréen très populaire, a relayé l’événement (AbsolutNights100) auprès de ses 1,6 million de followers sur Instagram (@hongsick). Une vaste campagne en ligne et sur les médias traditionnels a également été mise en place. L’initiative AbsolutNights100 a porté Absolut à des niveaux record sur les réseaux sociaux. Certaines soirées ont été retransmises en direct sur Yizhibo, principale plateforme de streaming en Chine, enregistrant plus de 61 millions de vues et 52 millions de likes. La marque a ainsi bénéficié d’une couverture médiatique exceptionnelle et a considérablement renforcé sa visibilité. Ces initiatives avaient pour ambition de faire écho aux aspirations et aux attentes des jeunes générations. Plus qu’une marque de vodka, Absolut est devenue une marque à suivre sur les réseaux sociaux, associée à des événements et expériences exceptionnels. »31 .
Des exemples de tels partenariats rémunérés sont visibles en France (malgré leur interdiction dans le cadre de la loi Évin) :
• la marque Cubanisto faisant la promotion, en 2017, d’une édition limitée en partenariat avec le DJ Claptone (« Découvrez les 3 nouvelles éditions limitées Cubanisto by Claptone »), renvoyait les internautes sur la page Facebook de cette célébrité32 et associait de cette façon la marque d’alcool à la fête ;
• un partenariat a été constaté entre « Saveur Bière » et le célèbre Youtubeur Kemar autour de la marque « Kramer », une bière en édition limitée dont les vidéos publicitaires sont visibles sur internet33  ;
• l’association Avenir Santé (Flash Alcoolator novembre 201834 ) a constaté que l’influenceuse @mayadorable (197 000 abonnés), 17 ans, entourée de ses amis, posait sur les réseaux sociaux une bouteille de Cubanisto à la main, action rémunérée par la marque.

Messages en faveur de l’alcool émis par des tiers et/ou des internautes

Au-delà du marketing et de la publicité émis « officiellement » par les producteurs d’alcool sur internet, des messages pro-alcool sont diffusés via d’autres sources. Par exemple, si on lance la requête « absolut vodka » sur le moteur de recherche d’Instagram, 41 pages apparaissent, dont seulement deux sont officiellement diffusées par le fabricant de la marque (Absolut Vodka Indonésie et Absolut Elyx Vodka)35 . Ainsi les bars, les discothèques, les festivals, les événements sportifs, les internautes ou les groupes d’internautes propagent également des messages sur des marques d’alcool ou sur l’alcool en général (Lobstein et coll., 2017renvoi vers). À titre d’illustration, sur Facebook, la page « Ricard club » se présente comme « une page pour les amateurs, les collectionneurs et les fans du produit Ricard !!!!! à la vôtre !!!! »36 , et le groupe « J’peux pas j’ai Apéro » (138 000 « likes ») publie des contenus pro-alcool, des messages sur des marques et vend des T-shirts qui vantent la consommation excessive d’alcool37 . Sans lien officiel déclaré entre les administrateurs de ces pages et les marques d’alcool, il est impossible de dire si le contenu publié est réalisé dans un cadre strictement personnel ou dans le contexte d’un parrainage rémunéré.
Peu investigué, Atkinson et coll. (2016renvoi vers) ainsi que Moraes et coll. (2013renvoi vers) estiment que ces messages diffusés par des tiers ou des internautes sont largement sous-estimés. Étant donné que les producteurs d’alcool ne portent pas plainte contre ces usages illicites de leur marque, on peut considérer qu’il existe une forme d’approbation tacite de leur part à la propagation de ces messages qui contribuent gratuitement à l’image positive de leurs produits (Cranwell et coll., 2017renvoi vers ; Lobstein et coll., 2017renvoi vers). À ce titre, il est nécessaire de les comptabiliser dans le marketing de l’alcool présent sur internet.
Des chercheurs se sont particulièrement penchés sur les messages « non officiels » en faveur de l’alcool diffusés par les internautes et qui fournissent une publicité gratuite pour les marques d’alcool (Cranwell et coll., 2015renvoi vers ; Primack et coll., 2015renvoi vers ; Cranwell et coll., 2017renvoi vers). Critchlow et coll. (Critchlow et coll., 2015renvoi vers ; Critchlow et coll., 2017renvoi vers ; Critchlow et coll., 2019renvoi vers) en distinguent deux formes :
• la participation de l’utilisateur aux contenus marketing officiels des marques d’alcool (le user-generated branding) : l’internaute interagit aux publications des marques via des commentaires, des partages, des « likes », des inscriptions à des jeux concours, etc. ;
• la diffusion, par l’internaute, de contenus positifs sur la marque et/ou sur l’alcool indépendamment des sites officiels de marques et de tout intérêt commercial (le user-created promotion). Concrètement, cela se traduit par la diffusion de photos, de « mèmes38  », de vidéos où l’internaute s’affiche avec des bouteilles sur les réseaux sociaux en buvant de l’alcool avec ses amis.
Les spécificités d’internet et des réseaux sociaux, très investis par les alcooliers ces dernières années, en font des supports idéaux pour faciliter l’accès aux plus jeunes. Ce sont en effet des supports (et donc des messages publicitaires) : i) qui ont des chances d’être vus étant donné l’hyper connexion des mineurs ; ii) qui offrent la possibilité de coller aux habitudes des cibles visées (la publicité est personnalisée et donc plus efficace) ; et iii) qui permettent d’engager et d’inciter les internautes à diffuser des messages pro-alcool auprès de leurs pairs (Montgomery et Chester, 2009renvoi vers). Concernant ce dernier point, il est établi dans la littérature qu’un des facteurs qui incitent les jeunes à commencer à boire est l’influence des pairs et la consommation des autres jeunes (Borsari et Carey, 2001renvoi vers). Propager des contenus pro-alcool via des internautes qui diffusent ces messages vers leurs pairs est donc certainement plus efficace que des formats publicitaires classiques pour inciter les jeunes à boire (le message devient alors plus crédible, il attire plus l’attention, il est plus apprécié, etc.).

Exposition des jeunes au marketing de l’alcool sur internet

Des recherches ont tenté de mesurer l’exposition des jeunes aux différentes formes de marketing des boissons alcooliques présentées précédemment.
Aux États-Unis, Jernigan et coll. (2017brenvoi vers) ont demandé à 1 192 mineurs (13 à 20 ans) et 1 124 majeurs (21 ans et plus) leur exposition, au cours des 30 derniers jours, à de la publicité pour de l’alcool ou à du contenu promotionnel en faveur des boissons alcooliques sur différents médias. Concernant internet en particulier, les mineurs étaient près de deux fois plus enclins (29,7 %) à rapporter avoir vu de la publicité pour l’alcool que leurs ainés (16,8 %). Parmi les 13-20 ans exposés au cours du mois précédent (29,7 %), 17,3 % ont déclaré voir quotidiennement des messages pro-alcool sur internet.
Étant donné les spécificités du marketing sur internet, Cabrera-Nguyen et coll. (2016renvoi vers) proposent de distinguer l’exposition aux messages pro-alcool selon le caractère actif ou passif des internautes. Les internautes sont dits « actifs » s’ils s’engagent personnellement, c’est-à-dire s’ils tweetent, re-tweetent, « likent », commentent, postent et partagent du contenu pro-alcool sur les réseaux sociaux, sont abonnés à des pages faisant la promotion d’alcool, etc. À l’inverse, les internautes sont dits « passifs » s’ils ne font que recevoir des contenus pro-alcool (via les messages de leurs pairs, des publicités sur leur fil d’actualités, etc.), mais n’interagissent pas avec ces messages. Leur typologie, appliquée à Twitter, est pertinente pour l’ensemble des réseaux sociaux car il est probable qu’en fonction du niveau d’engagement des jeunes, le niveau de persuasion et l’exposition aux messages pro-alcool diffèrent. Li et coll. (2014renvoi vers) puis Niland et coll. (2016renvoi vers) ont en effet montré que l’engagement des internautes et la co-construction des messages altèrent les frontières entre contenu commercial et privé et influencent de façon positive le processus de persuasion.
Des chercheurs ont évalué l’exposition « passive » à des contenus pro-alcool.
C’est le cas de l’étude de Cavazos-Rehg et coll. (2015renvoi vers) menée sur Twitter. En réalisant une recherche par mots-clés entre mars et avril 2014 (« drunk », « beer », « alcohol », etc.), ces chercheurs ont collecté près de 12 millions de tweets relatifs à l’alcool. Parmi ces tweets, 5 000 ont été extraits de pages d’internautes dont l’audience était estimée élevée (elle était mesurée au nombre d’abonnés). Ces messages ont été codés selon le thème et la valence du tweet (pro- ou anti-alcool) puis leur source. Au total, 4 800 (96 %) des tweets étaient relatifs à l’alcool, 3 813 (79 %) d’entre eux étaient pro-alcool, 346 (7 %) anti-alcool, et 641 (13 %) neutres. Concernant la source, 87 % des tweets provenaient d’utilisateurs lambda (sans célébrité) et 10 % des industriels de l’alcool ou d’organisations tierces (bars, restaurants, pages indéterminées faisant la promotion d’alcool). Ce dernier chiffre reflète la présence non négligeable des producteurs parmi les comptes twitter les plus influents (probablement via leur community manager).
Une autre recherche menée sur YouTube a mesuré le nombre de références à l’alcool dans les vidéos populaires, et la proportion de jeunes ayant visionné ces vidéos (Cranwell et coll., 2015renvoi vers). Sur 110 vidéos musicales les plus célèbres au Royaume-Uni, 45 % faisaient au moins une fois référence à l’alcool, et 7 % montraient une marque de boisson alcoolique. Ensuite, 2 068 adolescents britanniques (11-18 ans) étaient interrogés via un questionnaire en ligne. Il s’avère que les 32 clips musicaux les plus populaires (parmi les 110) et qui contenaient des références à l’alcool ou au tabac ont été vus par 81 % des jeunes interrogés, et, parmi eux, 95 % les avaient visionnés plusieurs fois.
Une étude similaire menée sur YouTube a étudié les vidéos les plus visionnées et les plus « likées » par les jeunes (Primack et coll., 2015renvoi vers). Parmi les 70 vidéos retenues (qui cumulaient 333 millions de vues), presque la moitié d’entre elles montraient une marque d’alcool et 79 % dépeignaient avec humour la consommation excessive d’alcool. Les alcools les plus représentés dans ces clips étaient les spiritueux, suivis de la bière, du vin et du champagne.
D’autres recherches ont analysé l’exposition « active » des jeunes au marketing de l’alcool.
Critchlow et coll. (2015renvoi vers) ont interrogé 405 Britanniques (18-25 ans) sur leur exposition perçue au marketing de l’alcool et leur participation (le « user-generated branding »). Sur les 11 supports commerciaux présentés dans le questionnaire (fonds d’écran, jeux, boutiques en ligne, sites internet de marques, pages des marques sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter, vidéos virales, concours en ligne), les jeunes ont rapporté être conscients du marketing de l’alcool sur 4,3 d’entre eux en moyenne. Concernant les réseaux sociaux, 84 % étaient au courant de l’existence de vidéos virales impliquant du contenu commercial pour l’alcool, 65 % de la présence des marques d’alcool sur Facebook et Twitter, et 57 % de l’existence de concours en ligne. À propos de leur participation à ces dispositifs marketing, ils déclaraient s’être engagés sur 2,34 supports (54 % pour les vidéos virales, 20 % via les pages Facebook et/ou Twitter des marques et 16 % pour les concours en ligne).
Une autre étude menée sur 3 399 adolescents britanniques (11-19 ans) a spécifiquement analysé la participation des jeunes au marketing de l’alcool sur les réseaux sociaux (Critchlow et coll., 2019renvoi vers). Cinq formes de participation (et donc d’exposition) se sont dégagées : « liker » la page d’une marque sur Twitter, Facebook ou Instagram ; partager un contenu relatif à une marque ; s’abonner à une marque d’alcool sur les réseaux sociaux ; participer à un concours organisé par une marque d’alcool sur les réseaux sociaux ; rechercher des publicités pour les visionner sur YouTube. Sur l’ensemble des jeunes interrogés, 13,2 % ont déclaré avoir participé à au moins une de ces formes de marketing.

Effet, sur les jeunes, du marketing de l’alcool sur internet

Revues de la littérature

Quatre synthèses de la littérature ont été publiées sur le thème de l’effet, sur les jeunes, du marketing de l’alcool sur internet et sur les réseaux sociaux.
La première est celle de Gupta et coll. (2016renvoi vers). Ils ont réalisé une revue systématique à partir des critères d’inclusion suivants : des recherches sur des jeunes âgés de 12 à 25 ans, mobilisant des méthodes longitudinales, transversales, expérimentales ou qualitatives, analysant le marketing alcool sur internet généré par les producteurs d’alcool et/ou les internautes eux-mêmes, mesurant les attitudes à l’égard de la consommation d’alcool, les intentions de comportement et/ou de comportements déclarés, publiées en anglais dans des journaux académiques et la littérature grise.
Les études recensées proviennent des États-Unis, de Grande-Bretagne et de Nouvelle-Zélande. Au total 15 articles ont été retenus publiés entre 2011 et 2016.
Six recherches ont exploré le marketing publié par des marques d’alcool. Par exemple, Hoffman et coll. (2014renvoi vers) concluent que l’exposition aux messages pro-alcool sur les réseaux sociaux augmentent les problèmes liés à l’alcool, la consommation d’alcool dans les 30 derniers jours et la consommation excessive du produit en une seule occasion (âge moyen des répondants : 21,4 ans). Jones et Magee (2011renvoi vers) montrent que sur des jeunes de 12-17 ans, l’exposition à la publicité pour l’alcool sur internet augmente la probabilité de boire de l’alcool dans une période proche, mais n’augmente pas l’initiation à l’alcool ni leur consommation sur les 12 derniers mois.
Neuf recherches ont étudié l’effet de l’exposition aux messages pro-alcool générés par les internautes et/ou auxquels ils ont participé (exposition active). Elles montrent toutes un lien positif et significatif entre l’exposition à ces contenus puis l’envie de consommer, la consommation déclarée actuelle ou passée, la banalisation et la normalisation des alcoolisations excessives et les problèmes rencontrés avec l’alcool. Parmi ces études et à titre d’illustration, Gordon et coll. (2011renvoi vers) montrent que la participation au marketing online de l’alcool augmente les risques de devenir buveur d’alcool pour des 12-14 ans et de boire pendant l’année. Une étude américaine s’est penchée sur l’effet de l’exposition de lycéens (âgés de 15 ans en moyenne) à des photos d’amis sur Facebook et Myspace qui font la fête (Huang et coll., 2014renvoi vers). Après avoir interrogé 1 563 lycéens, les auteurs concluent que l’exposition à des photos d’amis qui font la fête et boivent entraîne des comportements de consommation plus risqués. Alhabash et coll. (2015renvoi vers) mettent par ailleurs en évidence que l’engagement sur Facebook (« liker », faire des commentaires, partager du contenu, etc.) est prédicteur de l’intention de consommer de l’alcool.
La revue de la littérature menée par Lobstein et coll. (2017renvoi vers) est narrative. Ces chercheurs se focalisent sur les communications digitales émises officiellement par les marques d’alcool et se posent 3 questions à cet égard : ces messages ont-ils une influence sur la consommation d’alcool ? (Q1) ; quel type de marketing online est déployé par les producteurs d’alcool ? (Q2) ; est-ce que les formes déployées sont conformes aux codes déontologiques de protection des mineurs (Q3) ? Leur synthèse intègre les recherches publiées en anglais entre 2000 et 2015 dans des journaux académiques et dans la littérature grise (rapports des gouvernements, des ONG, des chercheurs, etc.).
Les auteurs ont retenu 47 publications (33 articles publiés dans des revues scientifiques et 14 rapports). En réponse à la Q1, 5 articles traitent de l’effet de l’exposition au marketing des boissons alcoolisées sur les comportements d’alcoolisation des jeunes (dont certains identifiés par Gupta et coll., 2016renvoi vers). Ils montrent tous que l’exposition au marketing en ligne est associée, chez les jeunes, à une intention d’achat accrue, à une consommation générale plus importante, et à une consommation ponctuelle excessive. Pour répondre à la Q2, 22 recherches sont retenues et montrent que les marques déploient différentes méthodes pour faire de la publicité sur internet, dont des méthodes qui encouragent la participation des internautes, leur engagement, la co-création de contenus favorables aux marques et à la consommation d’alcool en général. Enfin la réponse à la Q3 est négative, puisque 9 études mettent en exergue que les mineurs sont exposés à des messages commerciaux attractifs diffusés sur internet par les marques d’alcool, ce qui n’est pas conforme aux codes déontologiques proposés par la filière. De plus, des sites n’hésitent pas à vendre de l’alcool quel que soit l’âge et/ou ne contrôlent pas l’âge des internautes.
Une autre synthèse, publiée par Buchanan et coll. (2018renvoi vers), est plus large que les précédentes car elle porte sur l’impact du marketing digital des produits nocifs pour la santé (alcool, tabac et malnutrition). Concernant l’alcool, 17 recherches sont intégrées dans cette revue de la littérature systématique. Les critères d’inclusion étaient les suivants : recherches sur des jeunes âgés de 12 à 30 ans, publiées dans des journaux académiques entre 1990 et 2017 (pour l’alcool elles ont été publiées entre 2001 et 2017) ou sur des sites de référence, mobilisant des méthodes quantitatives et/ou qualitatives, analysant le marketing sur internet au sens large (sites, réseaux sociaux, etc.), mesurant des variables d’attitudes (croyances, perceptions) et/ou d’intentions de comportement et/ou de comportements réels (achat, consommation du produit).
Sur les recherches recensées, la majorité étaient des études transversales et/ou qualitatives.
Concernant les études transversales, la majorité trouve une association entre l’exposition au marketing de l’alcool online et la consommation d’alcool. Par exemple, Bruijn et coll. (2016renvoi vers) montrent un lien significatif entre l’exposition des jeunes européens interrogés (âge moyen 14 ans ; Allemagne, Italie, Pays-Bas, Pologne) au marketing online puis l’initiation à l’alcool et l’alcoolisation ponctuelle excessive pendant les 30 jours précédant l’étude. Certaines études montrent que la participation et la co-construction des messages pro-alcool par les jeunes exercent un impact plus important que les formes classiques de publicité en ligne (bannières, publicités sur les fils d’actualités, etc.). Ainsi, Jones et coll. (2016renvoi vers) mettent en évidence que la participation de jeunes de 16-24 ans à la création ou à la diffusion de messages pour des marques d’alcool sur Facebook augmente la fréquence et le volume d’alcool consommé et les alcoolisations ponctuelles excessives. De même, Critchlow et coll. (2015renvoi vers) concluent à l’existence d’une association entre la participation au marketing en ligne et la fréquence des consommations ponctuelles excessives des 18-25 ans. Concernant les plus jeunes (13-14 ans), Lin et coll. (2011renvoi vers) montrent que la participation à du marketing online pro-alcool augmente la probabilité d’être buveur, d’avoir bu dans les 12 derniers mois, mais aucun lien n’a été montré avec l’intention de boire ou la fréquence de consommation d’alcool. Carrotte et coll. (2016renvoi vers) révèlent par ailleurs que suivre et/ou « liker » des sites pro-alcool augmente les risques de commencer à boire jeune (étude réalisée sur des 15-29 ans).
En mobilisant une méthodologie longitudinale, McClure et coll. (2013renvoi vers) mettent en évidence que la réceptivité au marketing de l’alcool sur internet augmente la probabilité de devenir un buveur excessif (« binge drinker »), mais n’augmente pas les risques de s’initier à l’alcool.
Les études qualitatives explorent en particulier l’effet du marketing en ligne sur les perceptions et l’image de l’alcool : des jeunes de 16-29 ans déclarent que les publicités pour des marques d’alcool sur Facebook sont perçues « relax », évoquent la bonne humeur, la confiance et le succès social (Weaver et coll., 2016renvoi vers). Des jeunes de 18-25 ans estiment quant à eux que partager des contenus sur des marques d’alcool les aide à construire leur identité virale, à exprimer leur goût et leurs préférences et à créer des liens avec les autres (Lyons et coll., 2017renvoi vers).
En résumé de la synthèse de Buchanan et coll. (2018renvoi vers), sur les 7 études recensées, 5 ont trouvé un lien positif et significatif entre l’exposition au marketing de l’alcool sur internet et les intentions de boire de l’alcool. Sur les 10 recherches qui ont étudié les comportements réels, 8 trouvent un lien entre l’exposition aux messages online pro-alcool et la consommation de boissons alcooliques.
Curtis et coll. (2018renvoi vers) ont réalisé une méta-analyse des articles publiés jusqu’en janvier 2017 sur l’effet du marketing de l’alcool online sur les jeunes. Les recherches (en anglais) retenues portaient sur les réseaux sociaux, mesuraient une forme d’engagement des jeunes par rapport aux messages sur l’alcool (« liker », poster des commentaires, regarder des vidéos sur l’alcool, publier des photos avec de l’alcool, etc.) et évaluaient avec des échelles fiables la consommation d’alcool et les problèmes liés à l’alcool (Alcohol use disorders test – AUDIT, etc.). Les études qualitatives, d’analyse de contenu, d’effet des publicités alcool au sens large sur les jeunes, etc. n’ont pas été intégrées dans cette synthèse.
Au total, 19 articles ont été retenus (impliquant un total de 9 000 jeunes et adolescents). Les réseaux sociaux étudiés dans ces recherches étaient Facebook, Twitter, Snapchat, Instagram et MySpace. La méta analyse montre qu’il existe une relation significative et positive (avec un effet de taille modéré) entre l’engagement des jeunes par rapport à l’alcool sur les réseaux sociaux et le niveau de consommation d’alcool puis les problèmes associés à l’alcool. Les auteurs de cette synthèse font état de la très forte hétérogénéité des recherches compilées (différences dans les mesures mobilisées, les méthodes, etc.).
La synthèse la plus récente date de 2020 (Noel et coll., 2020renvoi vers). Elle est relativement similaire à la précédente en termes de période de requête (les articles en anglais intégrés ont été publiés entre 2010 et 2017) et d’objectifs. En effet, les auteurs avaient pour but d’évaluer l’effet, sur des adolescents et des jeunes adultes, de : i) l’exposition au marketing digital (sites internet et réseaux sociaux des marques d’alcool, bannières publicitaires, forums, chats, e-mails, applications, contenus téléchargeables, messages d’internautes en lien avec les campagnes marketing des marques) ; et ii) la réceptivité à ce marketing online (cliquer sur une publicité alcool, visiter un site, participer à un concours, « liker », partager, etc.) sur les intentions, la consommation et les attitudes par rapport à l’alcool. Sur les 25 articles recensés, la très forte majorité des études montre un lien entre l’exposition et la réceptivité au marketing digital des marques d’alcool puis la fréquence de la consommation d’alcool et l’alcoolisation ponctuelle importante des jeunes. L’effet de la réceptivité semble jouer un rôle plus important sur les comportements et attitudes que celui de l’exposition.

Recherches non intégrées dans les revues de la littérature et publiées
depuis 2017

Sans prétendre à l’exhaustivité, sont reportés ci-dessous les résultats d’études publiées depuis 2017. Les recherches les plus récentes ont majoritairement étudié l’effet des messages pro-alcool diffusés par les jeunes (et non par les producteurs d’alcool) partant du constat que si les jeunes se montrent critiques vis-à-vis des techniques commerciales déployées par des marques d’alcool sur les réseaux sociaux et y participent rarement, ils sont plus réceptifs et s’engagent plus volontiers dans les contenus émis par des tiers (bars, établissements de nuit, etc.) et d’autres internautes (Moraes et coll., 2013renvoi vers ; Atkinson et coll., 2016renvoi vers).
Concernant l’effet, sur les comportements, des messages pro-alcool postés par des internautes, Critchlow et coll. (2017renvoi vers) ont interrogé 405 jeunes britanniques (18-25 ans) qui en diffusent sans lien commercial avéré avec des marques d’alcool (« user-created promotion » : par exemple poster sur ses pages Instagram ou Facebook des photos de soi ou d’amis qui boivent). Les résultats révèlent une association positive et forte entre la participation à la promotion de l’alcool sur les réseaux sociaux et une consommation à risque.
En interrogeant un échantillon plus large de mineurs (3 399 adolescents britanniques âgés de 15 ans en moyenne), les mêmes auteurs montrent que le fait de participer à au moins deux formes de marketing des marques d’alcool sur internet (« user-generated branding » : par exemple, commenter une photo postée par une marque) est associé positivement à une consommation d’alcool à risque (Critchlow et coll., 2019renvoi vers). Les auteurs rapportent également une association significative et supérieure avec la consommation à risque dans le cas d’un engagement de type « user-created promotion ». Ces résultats suggèrent que s’engager soi-même dans la diffusion de messages pro-alcool aurait un impact plus important sur la consommation que de participer au marketing des producteurs.
Noel et Babor (2018renvoi vers) ont constaté sur Facebook que lorsque des jeunes (21-24 ans) sont exposés à des messages commerciaux d’alcool associés à des commentaires pro-consommation et à des « likes » d’autres internautes, ceux-ci déclarent une envie de boire élevée (3,5 fois supérieure par rapport à ceux exposés à des commentaires anti-consommation). De plus, les commentaires pro-consommation augmentent également l’envie de s’engager des jeunes qui y sont exposés (« liker », poster des commentaires, etc.).
Puisque les messages pro-alcool d’internautes lambda semblent avoir une influence sur les comportements d’alcoolisation d’autres jeunes, Steers et coll. (2019renvoi vers) ont exploré les raisons qui incitent les jeunes à diffuser des messages pro-alcool. Pour ce faire, ils ont mené une étude longitudinale sur 4 ans (la moyenne d’âge des 316 jeunes recrutés au début de la recherche était de 17,9 ans). Ces chercheurs ont montré que leur propre consommation d’alcool (plus on boit et plus on participe), le temps (plus les jeunes vieillissent et moins ils participent), puis la perception que leurs amis approuvent les comportements d’alcoolisation (plus cette perception est forte et plus on participe) incitent les jeunes à poster des messages pro-alcool sur Facebook.
Au-delà de l’analyse des effets des messages pro-alcool diffusés par des pairs sur les comportement d’alcoolisation, des chercheurs ont étudié l’impact de ce phénomène sur l’image et l’identité des jeunes. Jones et coll. (2017renvoi vers) ont interrogé 60 australiens (18-21 ans). Ces derniers ont déclaré que la consommation d’alcool et les réseaux sociaux font partie de leur identité et que ce sont des moyens jugés pertinents pour faciliter, établir et consolider leurs relations sociales. Ils combinent dès lors volontiers les deux en communiquant sur les réseaux sociaux à propos de leur consommation d’alcool (qui fait partie de leur identité) pour montrer qu’ils sont « cools ». D’autres jeunes déclarent également que poster des photos avec des amis qui boivent les aident à montrer leur appartenance à un groupe de pairs particuliers. Le fait de voir leurs amis commenter et « liker » leurs photos ou publications leur procure également le sentiment d’avoir une vie sociale épanouie.
Purves et coll. (2018renvoi vers) ont exploré, dans des entretiens de groupe auprès de jeunes (14-17 ans), l’idée qu’afficher son comportement d’alcoolisation sur les réseaux sociaux peut être bénéfique. Ils découvrent que cela dépend en fait de la marque avec laquelle on s’affiche. Ainsi s’associer à certaines marques sur les réseaux sociaux peut valoriser la personne mais, à l’inverse, peut aussi comporter des risques en termes d’image vis-à-vis des pairs si la marque n’a pas une bonne image.
Enfin, quelques recherches ont étudié l’impact des messages pro-alcool diffusés par des pairs sur la norme perçue par rapport à la consommation d’alcool. Une étude s’est intéressée à l’effet, sur 296 jeunes étudiants non buveurs américains (moyenne d’âge 18,10 ans), du nombre de « likes » associés aux publications pro-alcool de leurs amis sur Facebook et Instagram (Boyle et coll., 2018renvoi vers). Les auteurs montrent que les étudiants non buveurs dont les publications pro-alcool d’amis sont très « likées » ont une plus forte tendance à considérer que les comportements d’alcoolisation sont la norme dans les soirées étudiantes. Ainsi les représentations des non-buveurs semblent également être impactées par la présence de message favorables à l’alcool sur les réseaux sociaux.

Dispositifs de protection des mineurs au marketing de l’alcool
sur internet

Il existe actuellement 4 solutions pour protéger les mineurs de l’exposition au marketing de l’alcool sur internet.

Barrières d’âge

Elles sont souvent citées comme un moyen de protéger les mineurs. Elles consistent, pour les réseaux sociaux, à se baser sur la date de naissance renseignée par l’utilisateur lors de son inscription. Si l’internaute est mineur, il n’aura alors pas accès aux pages officielles des marques d’alcool. Sur les sites internet des marques d’alcool, elles prennent la forme d’un message d’avertissement demandant à l’utilisateur de certifier qu’il est majeur ou de renseigner sa date de naissance. Qu’en est-il de l’efficacité de ces dispositifs ?
Certains auteurs ont tenté de répondre à cette question. En Australie, Jones et coll. (2014renvoi vers) ont testé ce dispositif sur 25 sites de marques d’alcool populaires chez les jeunes et concluent à une inefficacité de ce système car il est possible de fournir n’importe quelle date de naissance. En renseignant différents âges sur 10 comptes fictifs, Barry et coll. (2016) ont évalué l’accès des mineurs aux contenus promotionnels des marques d’alcool sur Twitter et Instagram. Sur Twitter, si les comptes mineurs ne pouvaient pas s’abonner aux pages officielles des marques d’alcool, il était néanmoins possible d’avoir accès à leurs contenus et de pouvoir interagir avec. Sur Instagram, aucune protection n’existait, et les community managers des marques interagissaient même directement avec des profils de mineurs. D’autres recherches se sont intéressées aux contenus visibles sur YouTube par des mineurs aux États-Unis (Barry et coll., 2015renvoi vers). Trois profils fictifs masculins de 14, 17 et 19 ans ont été créés afin d’évaluer leur capacité à accéder aux contenus sur YouTube des 16 marques de bières et de spiritueux les plus populaires chez les mineurs américains. Quels que soient leurs âges, les trois profils ont pu s’abonner aux chaînes des 16 marques d’alcool.
Si aucune recherche française n’a été menée sur ce thème, il est probable que des résultats similaires se dégagent. En effet, une enquête réalisée par l’association Génération Numérique39 sur 4 060 adolescents en janvier 2019 montre que 56 % des 11-12 ans reportent être inscrits sur au moins un réseau social (Instagram, Twitter, etc.), alors même que l’âge légal d’inscription y est généralement fixé à 13 ans (avec un accord parental entre 13 et 15 ans, sans accord dès 15 ans40 ). Ces jeunes, mineurs, peuvent donc être très exposés au marketing officiel des marques d’alcool.

Lois et réglementations

Certains pays se sont dotés de lois pour protéger les mineurs du marketing de l’alcool sur internet. C’est le cas de la Finlande qui a adopté depuis 2015 une règlementation relative à la publicité d’alcool sur les réseaux sociaux (National Supervisory Authority for Welfare and Health, 2018, p. 29). Dans l’« Alcohol Act » de cette loi41 , il est précisé que toutes formes de sollicitations marketing pour engager les internautes sont interdites (concours, jeux, tirages au sort, incitations à « liker », à poster des commentaires, à réagir sur les réseaux sociaux des marques, etc.) (National Supervisory Authority for Welfare and Health, 2018, p. 31). Ces formats publicitaires qui impliquent les internautes sont interdits pour les industriels de l’alcool mais aussi pour leurs partenaires (influenceurs, bars, boîtes de nuit, célébrités, etc.) dès lors qu’un accord commercial est conclu entre eux et une marque d’alcool. Ainsi ces « commercial operators » ont l’obligation de désactiver l’option de partage sur les publications et les commentaires des utilisateurs ou, lorsque le réseau social ne le permet pas, de modérer les commentaires faisant la promotion de la consommation ou d’une marque en particulier. Cette loi est intéressante dans le sens où elle prend en compte les formes d’engagement des internautes qui, comme l’a montré la littérature, ont une influence sur les envies de consommer. Elle pose toutefois la question épineuse de la traçabilité : comment s’assurer que les membres ou/et administrateurs des sites publient du contenu dans un cadre strictement personnel (et donc autorisé par la loi au titre de la liberté d’expression) ou en lien direct ou indirect avec la filière alcool ?

Codes d’autodiscipline proposés par les industriels de l’alcool

L’International Alliance for Responsible Drinking (IARD) (financée par les industriels de la filière) a produit un guide international de bonne conduite pour la communication digitale des produits alcooliques42 . Comme précisé auparavant, ces codes sont peu respectés et non efficaces pour protéger les mineurs de l’exposition au marketing de l’alcool. Ils ne constituent donc pas une solution pertinente.

Contrôle parental

Le contrôle parental des activités online de leurs enfants (dont la consultation des pages pro-alcool).
À notre connaissance, aucune recherche n’a étudié l’intérêt de ce dispositif pour protéger les mineurs du marketing de l’alcool. Pour une forte efficacité, ce dispositif impliquerait un pourcentage important de parents qui le mobiliserait, puis des campagnes de sensibilisation pour informer les parents sur la façon dont leurs enfants sont exposés à l’alcool sur internet et l’effet de ces expositions sur les comportements d’alcoolisation.

Conclusion

Les outils classiques du marketing (les 4 « P » : produit, prix, publicité, place – accès aux produits) sont mobilisés par les producteurs d’alcool pour inciter une cible large à acheter et à consommer leurs marques. Des techniques commerciales spécifiques sont par ailleurs déployées pour toucher des profils particuliers de consommateurs : les jeunes et les femmes.
Des travaux scientifiques ont analysé l’effet du marketing de l’alcool sur les jeunes, particulièrement l’impact de la publicité qui en est une composante. La très grande majorité des recherches révèle un lien positif et significatif entre l’exposition au marketing et à la publicité pour des produits alcooliques, les attitudes puis les comportements d’alcoolisation des jeunes (initiation pour les non-buveurs, augmentation de consommation pour les jeunes buveurs). Ainsi, au-delà de l’influence des pairs, des parents et de la culture, l’état actuel de la recherche laisse penser que le marketing des industriels de l’alcool joue aussi un rôle pour expliquer les comportements d’alcoolisation de cette population.
Au-delà du marketing classique, les producteurs d’alcool investissent internet, média très fréquenté par les jeunes. Les formats publicitaires digitaux des marques d’alcool sont protéiformes : les sites de marque, réseaux sociaux, e-mails, concours, stories, messages pro-alcool, etc., sont diffusés par les industriels (sites, soutien affiché à des événements, recours à des célébrités) ou par des tiers et/ou des internautes. Une des spécificités du marketing digital est de pouvoir inviter les utilisateurs à s’engager et à interagir avec les publications des marques, ce qui en fait des internautes « actifs ».
Des recherches ont été menées sur l’effet de ces messages alcool diffusés sur internet. Elles montrent que la très grande majorité des travaux recensés établissent un lien positif et significatif entre l’exposition à des contenus pro-alcool sur internet puis l’envie de consommer, la consommation déclarée actuelle ou passée, la banalisation des alcoolisations excessives et les problèmes rencontrés par les jeunes avec l’alcool. Ces recherches n’ayant généralement pas analysé le sens de ces associations, de futures études sont à mener afin de les caractériser plus précisément.
Pour protéger les mineurs du marketing, les acteurs de la santé recommandent de réguler les pratiques commerciales des producteurs d’alcool. Différentes solutions existent : l’autorégulation et les barrières d’âges sur internet (peu efficaces), ou la loi, à l’instar de la loi Évin en France mise en place en 1991. Il s’avère que dans sa version actuelle, cette dernière protège peu les mineurs de l’exposition à la publicité des marques d’alcool car elle n’est pas toujours respectée et qu’elle a été considérablement affaiblie sous l’effet du lobbying des producteurs d’alcool.

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