Réduction des dommages associés à la consommation d’alcool
II. Actions de prévention des consommations

2021


ANALYSE

10-

Efficacité des mesures visant
à restreindre l’offre et la demande
de boissons alcoolisées

Le prix d’un bien auquel fait face un consommateur n’est pas le seul facteur déclencheur de son acte d’achat. Se greffent en effet à celui-ci des coûts de recherche du dit-bien, des coûts d’obtention d’informations à son encontre (Nelson, 1970renvoi vers) et finalement, tous les coûts objectifs et psychologiques qui font que l’acte d’achat est per se un acte coûteux. Dit autrement, il existe des coûts de transaction supportés par le consommateur dès l’instant où ce dernier utilise le marché pour se procurer le bien en question (Coase, 1937renvoi vers).
Pour les biens générant de potentielles externalités négatives lorsqu’ils sont consommés et, en conséquence, dont le coût social peut être important (cf. chapitre « Coût social de l’alcool en France et envergure économique du secteur »), les pouvoirs publics ont la possibilité de mobiliser les différents déterminants du coût d’achat pour en limiter la consommation. Limiter l’attractivité, limiter l’accès, informer sur les risques à consommer et les bénéfices à ne pas le faire, augmenter le prix grâce à un système de taxation adéquat, contraindre l’offre à ne pas vendre à une catégorie d’individus, font ainsi partie de la panoplie classique des outils à disposition de l’acteur public soucieux de maximiser le bien-être social.
Les politiques publiques qui visent à restreindre l’offre et la demande d’alcool en vue d’en minimiser le coût social, s’insèrent évidemment dans ce cadre d’analyse. Empêcher l’offre d’alcool de pouvoir pleinement s’exprimer dans le temps et l’espace, en interdisant la vente à une classe d’individus ou en limitant ses plages horaires, sont des actions qui théoriquement visent à renchérir le coût d’obtention de l’alcool. Plus directement, l’augmentation du prix des produits alcooliques du fait de la hausse des taxes qui s’y rapportent est peut-être la mesure la plus évidente de limitation à son accès.
Depuis la loi Évin de 1991, le dispositif législatif et réglementaire français n’a cessé d’être étoffé de mesures limitant l’accès à l’alcool (et dans le même temps défait de certaines mesures visant à restreindre son attractivité). Sauf exception (Díaz Gómez et coll., 2013renvoi vers ; Gallopel-Morvan et coll., 2017renvoi vers), aucune évaluation robuste n’a été menée sur les impacts que l’interdiction de vente aux mineurs, la taxation des pré-mix ou encore l’interdiction de vente d’alcool en certains temps et place, ont pu avoir en termes de santé ou d’ordre publics. Et, il est tout aussi regrettable qu’aucune mesure de sensibilité aux variations des prix des boissons alcooliques n’ait été effectuée en France.
L’objet de ce chapitre sera alors d’examiner les expériences étrangères récentes visant à limiter l’offre et la demande d’alcool les plus proches du cadre réglementaire français et dont les évaluations ont fait l’objet de publications scientifiques. Dans la mesure du possible, nous concentrerons notre attention sur les expériences européennes avec l’idée que les comportements de consommation et les cadres de régulation s’apparentent un peu plus aux conduites et normes françaises. Nous n’exclurons cependant pas les mesures extra-européennes significatives, ces dernières pouvant toujours être inspirantes pour la santé publique française.
Dans un premier temps, nous traiterons des mesures qui contraignent l’offre d’alcool. Entre autres choses, nous insisterons, à l’instar de ce que propose la littérature scientifique de ces dernières années, sur l’impact que peut avoir le nombre de lieux de vente sur un territoire donné mais aussi sur l’importance des heures d’ouverture et de fermeture des débits de boissons alcooliques. Après avoir mis en exergue les premiers bénéfices en termes de santé publique que l’on peut retirer de la limitation des points de vente et de la réduction des plages horaires de distribution, la problématique de l’interdiction de vente aux mineurs à laquelle doit se soumettre tout vendeur d’alcool sera abordée. À ce propos, il sera souligné l’importance du respect de la loi et de ses déterminants.
Dans un second temps, la littérature scientifique mobilisée permettra de mettre en relief la sensibilité des individus aux variations du prix de l’alcool. En discriminant les populations en fonction de leur âge, de leur dépendance à l’alcool ou encore de leur mode de consommation, nous montrerons que les individus sont plutôt sensibles aux augmentations des prix des boissons alcooliques (vin, bière, spiritueux), les amenant de ce fait et en règle générale à limiter leur consommation suite aux hausses de taxes. D’autres impacts seront mis en lumière, mais ce sont bien les effets de substitution possibles entre les produits de l’alcool qui nous amèneront, comme l’ont fait les pouvoirs publics écossais, à nous intéresser au design fiscal le plus adéquat en termes de diminution des consommations d’alcool. Un mécanisme fiscal de taxation au gramme d’alcool pur ou l’imposition d’un prix minimum plutôt qu’un système complexe distinguant les produits, les accises, les droits et les taxes apparaîtra plus efficace dans l’atteinte d’un objectif de santé publique. Sur l’exemple de la taxe « soda » désormais appliquée en France, nous montrerons la faisabilité et l’intérêt d’un tel design fiscal pour les boissons alcooliques en France.

Contraindre l’offre d’alcool

Il existe de nombreuses mesures visant à limiter l’attractivité et à restreindre l’accès aux produits alcooliques en France. Avec la loi Évin de 1991, la France a d’ailleurs été précurseur de telles mesures : en limitant les possibilités de publicité et en restreignant les lieux et heures de consommation, un objectif clair de santé publique était établi. La littérature scientifique récente nous invite à nous focaliser sur l’intérêt, pour la santé publique, de limiter non seulement le nombre de points de vente de boissons alcooliques mais aussi leur disponibilité potentielle. Combien, qui, quoi, quand et surtout à qui vendre sont les questions structurant les politiques de gestion de l’offre d’alcool, certes déjà considérées par l’appareil législatif français.

Combien de débits d’alcool ?

Le nombre de débits de boissons alcooliques à emporter ou à consommer sur place implantés en un lieu donné n’est pas, a priori, laissé aux seules forces du marché en France. Pour ces derniers, il se détermine d’une part, par la catégorie de boissons proposées à la vente comme le rappelle le « Guide des Débits de Boissons » co-édité par le Ministère de l’Intérieur et celui des Solidarité et de la Santé (Ministère de l’intérieur, 2018renvoi vers) et d’autre part, par le marché des licences IV théoriquement géographiquement borné mais souffrant de l’exception de potentiels transferts vers des communes définies comme touristiques par l’article L. 133-11 du Code du tourisme. En des termes plus simples, le nombre de débits de boissons alcooliques va dépendre de la caractérisation du débit de boissons – licence I, III ou IV (la II ayant été rattachée à la III)1 – et du nombre d’habitants de la commune, à moins que celle-ci ne soit considérée comme touristique. Limité à 1 débit de boissons alcooliques à consommer sur place (licences III et IV) pour 450 habitants (mais 2 à partir du 451e habitant) sauf en cas de transfert de licence, il existe bon nombre d’autres restrictions à l’ouverture ou à la présence de débits de boissons : proximité avec des lieux de santé, d’écoles, d’entreprises de taille importante, d’équipements sportifs, de caserne ou de prison... Il est toutefois possible de voir ouvrir pour des événements exceptionnels des débits de boissons temporaires comme pour des manifestations agricoles ou sportives. La présence et le nombre de débits de boissons apparaissent être extrêmement régulés en France, cet encadrement est cependant poreux puisque présentant des exceptions et des possibilités de dérogation en nombre important.
Le site internet de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie informe que le nombre de débits de boissons à consommer sur place (café-bar) est globalement en diminution ces dernières années, passant de 47 000 en 2005 à moins de 35 000 en 2014, confirmant en cela une étude déjà datée de l’Insee (Le Ru et Niel, 2009renvoi vers). La possibilité de transfert régional des licences IV concédées en 2015 rend, à l’heure actuelle, difficile la localisation des débits de boissons dotés d’une telle licence : en toute logique, elles devraient se concentrer, ou en tous cas à terme migrer, dans les zones touristiques au détriment des communes rurales en voie de dépeuplement (Oliveau et Doignon, 2016renvoi vers).
Relativement aux points de vente d’alcool à emporter (principalement les magasins à vocation alimentaire mais aussi les caves à vin par exemple), leur nombre progresse2 . Les demandes d’obtention de licence pour la vente d’alcool à emporter se font auprès des mairies et in fine auprès des préfets. Ce sont eux qui permettent aux différents établissements (épiceries, supermarchés, caves à vin...) de vendre tout type d’alcool (pour les groupes 4 et 5 des boissons alcooliques) entre 8 h et 22 h. Une formation doit être suivie pour vendre de l’alcool la nuit et est subordonnée à une autorisation du maire. La vente d’alcool dans les stations-services est fortement encadrée : ainsi, on ne peut y vendre que des boissons alcooliques réfrigérées à emporter et la vente entre 18 h et 8 h est interdite.
Entre autres et en bout de chaîne administrative, ce sont bien les autorités locales qui ont compétence sur l’offre d’alcool dans leur territoire. Le maire est un acteur majeur du nombre de débits de boissons alcooliques à emporter et à consommer sur place puisque c’est lui qui enregistre les demandes d’implantation sur le territoire de la commune ainsi que le transfert des licences IV en lien étroit avec le préfet du département récipiendaire (et du maire de la commune récipiendaire elle aussi).
En Grande-Bretagne, l’obtention d’une autorisation d’ouverture d’un débit de boissons alcooliques s’obtient également après saisine des autorités locales. Le Home Office Britannique, à travers le Licensing Act de 2003, a d’ailleurs pourvu ces autorités locales de la possibilité de la mise en œuvre d’un Cumulative Impact Policy (CIP). Le demandeur de licence doit se présenter devant un conseil composé des parties prenantes locales (habitants, policiers, détaillants, professionnels de santé...) afin d’exposer et de défendre son projet d’entreprise et sa demande de licence de vente d’alcool. Ces CIP ont eu comme premier impact de modifier la sociologie des propriétaires et les types de débits de boissons accrédités selon une étude récente – ce sont les individus les mieux dotés en capital social et culturel, faisant preuve de coopération, avec davantage de talent pour se présenter et « se vendre », souhaitant plutôt ouvrir des restaurants ou des cafés « artistiques » qui sont perçus comme en adéquation avec les objectifs des comités CIP (Grace et coll., 2016renvoi vers). Et, au contraire peut-être de l’esprit du Licensing Act, ce ne sont pas des objectifs de santé publique à destination des consommateurs qui sont poursuivis par les comités de licence (dépendance, dommages sociaux à domicile, inégalités de santé) mais bien les dommages sociaux inhérents au mésusage d’alcool dans les lieux publics. L’acteur local apparaît plus concerné par l’ordre public immédiat que par la santé publique de long terme.
Ces deux objectifs vont toutefois plus ou moins de pair et les impacts de la densité de l’offre d’alcool en un lieu donné s’évaluent en fonction des taux de criminalité et de violence, de blessés ou encore de dommages médicaux à travers des statistiques de passages aux urgences ou de déplacement d’ambulances par exemple (Campbell et coll., 2009renvoi vers). Il n’en reste pas moins que le Licensing Act de 2003 et l’implémentation des CIP en Angleterre a au moins eu le mérite de faire baisser significativement le nombre d’admissions à l’hôpital en lien avec l’alcool dans les aires de mise en œuvre intense d’un tel contrôle de l’offre d’alcool (Vocht et coll., 2016renvoi vers).
Au final, il est alors difficile de jauger de l’efficacité du calibrage français du nombre de débits de boissons alcooliques par tranche de population (450). Il est en revanche questionnable que la décision d’autorisation d’implantation dépende des maires ou des seuls préfets, même si théoriquement, les problématiques d’addiction et de santé publique doivent motiver leur décision. La formule anglaise des comités de licence et de CIP, même si elle est imparfaite, apparaît intéressante puisque réunissant les avis et intérêts des différentes parties prenantes, tenant peut-être un peu plus compte des dommages sanitaires et sociaux que les seuls avantages économiques directs. Dans ce cadre, le choix du législateur français d’autoriser en 2015 les transferts régionaux de licence IV vers les zones considérées comme touristiques a certainement répondu à des impératifs économiques qu’il ne faut certainement pas sous-estimer mais qu’il faudrait peut-être pondérer par des préoccupations de santé publique immédiate (utilisation des services d’urgence, criminalité violente, mobilisation des secours, etc.) comme de long terme (baisse des consommations d’alcool). Ceci mériterait sans nul doute d’être spécifiquement étudié en France. Mais encore faudrait-il avoir des recensements nationaux des transferts de licence IV et tout au moins, comme le plaident certains (Holmes et coll., 2014brenvoi vers), une étroite collaboration entre chercheurs et décideurs publics, fussent-ils locaux.

Limiter les heures d’ouverture ?

Les heures où il est possible de vendre des boissons alcooliques sont limitées. Tout exploitant de débit de boissons à emporter (supermarché, épicerie par exemple) qui veut vendre de l’alcool entre 22 h et 8 h doit non seulement suivre une formation spécifique, dispensée par un centre de formation agréé, afin d’obtenir un permis de vente de boissons alcooliques de nuit mais sera de plus contraint par des horaires définis par arrêté municipal (Ministère de l’intérieur, 2018renvoi vers). De la même façon, les établissements à vocation nocturne (établissements de nuit ou bénéficiant d’une autorisation préfectorale et les discothèques) se doivent d’arrêter la vente d’alcool une heure trente avant leur heure de fermeture et jusqu’à 5 h 30 au maximum, l’heure de fermeture de ces établissements étant fixée à 7 h du matin3 . Pour tous les débits d’alcool, les heures d’ouverture et de fermeture sont fixées par arrêté préfectoral – les maires pouvant eux-aussi établir des restrictions – et peuvent donc différer d’une préfecture à une autre. Ainsi, à titre d’exemple, dans le département du Rhône, l’heure d’ouverture des restaurants est fixée à 5 h du matin tandis que l’heure de fermeture est à 1 h (arrêté no 2012-1517 du 20 mars 2012), alors qu’à Paris, le préfet de police établit l’heure limite d’ouverture également à 5 h mais l’heure limite de fermeture à 2 h (arrêté no 2010-00396 du 10 juin 2010), soit une heure de plus.
Ces limitations de vente d’alcool à emporter ou à consommer sur place ont-elles un impact en termes de santé publique ? Ou, dit autrement, peut-il exister une différence sur des indicateurs sanitaires relatifs à la consommation d’alcool entre le département du Rhône et Paris du fait de l’heure plus tardive de fermeture des restaurants dans la capitale ? Si l’on en croit les plus récentes expériences et évaluations de cette problématique dans différents pays européens, la réponse tendrait à être positive.
Aux Pays-Bas par exemple et à Amsterdam plus précisément, il a été décidé de l’extension des heures de fermeture des points de vente d’alcool dans deux zones de vie nocturne sur les cinq qualifiées par la municipalité. Cette dernière différencie les commerces en fonction de leur période d’activité journalière. Il y a des commerces de jour (daytime), de soirée (evening) et de nuit (night-time). Après le 1er avril 2009, les deux premiers ont vu leur heure de fermeture durant les jours de semaine reculer d’une heure et passer respectivement à 2 h et 4 h et à 5 h les vendredi et samedi soirs (les commerces de jour gagnant deux heures de plus). En réalisant une étude avant-après contrôlée des zones de vie nocturne n’ayant pas bénéficié de l’extension des heures de fermetures, et en excluant les jours particuliers de fête (jour de l’an, Queens-Day, et la Gay Pride). Il a été montré que les interventions d’ambulance dans les quartiers concernés par les extensions d’ouverture avaient significativement augmenté après la mise en œuvre de la mesure. Ainsi les interventions d’ambulance des soirées de week-end, entre 2 h et 5 h 59 concernant des hommes de 25 à 34 ans et transportés à l’hôpital ont significativement augmenté dans les quartiers concernés par rapport aux autres aires de vie nocturne. Reculer d’une heure la fermeture des points de vente d’alcool a conduit à une hausse de 34 % des interventions ambulancières pour blessures ou problèmes liés à l’alcool (Goeij et coll., 2015renvoi vers).
En Allemagne, ce sont les points de vente d’alcool à emporter (stations-services, épiceries, supermarchés) qui ont vu leurs heures de vente d’alcool être drastiquement réduites dans le Land du Baden-Württenberg le 1er mars 2010. Avant cette date en effet, il leur était théoriquement possible de vendre de l’alcool 24 h sur 24 puisqu’aucune restriction ne venait les frapper (en particulier dans les stations-services) alors qu’après la mise en œuvre de la mesure, la vente d’alcool n’était autorisée qu’entre 10 h et 17 h. En estimant un modèle économétrique en différences des différences (test statistique entre un groupe test et un groupe contrôle) qui cherche à évaluer l’impact de cette mesure sur les taux d’hospitalisation enregistrés dans le Lander concerné par rapport aux autres, une diminution significative de 7 % des hospitalisations liées à l’alcool chez les adolescents et jeunes adultes a été mise en relief (Marcus et Siedler, 2015renvoi vers). Une baisse sensible du nombre d’hospitalisations liées à des agressions violentes a aussi été constatée.
Deux cantons suisses offrent également des exemples de l’intérêt de réduire les plages horaires de vente d’alcool. Le canton de Genève interdisait en 2005 la vente d’alcool à emporter entre 9 h et 19 h et prohibait tout bonnement sa vente dans les stations-services et les vidéos stores4 . Toujours sur des données d’hospitalisation pour intoxication alcoolique en considérant le canton de Genève comme traitement et les autres cantons en contrôle, et en utilisant une régression économétrique par série temporelle (ARIMA) sur la période 2002-2007, il est montré que l’impact de la mesure de restriction et d’interdiction est significativement important. Le taux d’hospitalisation pour intoxication alcoolique chez les adolescents et jeunes adultes diminue fortement. En fonction des tranches d’âge, cette baisse est comprise entre 25 et 40 % (Wicki et Gmel, 2011renvoi vers). Plus récemment, le 1er juillet 2015, c’est le canton de Vaud qui a restreint les possibilités de vente à emporter de bières et de spiritueux. La vente de ces boissons alcooliques est ainsi interdite après 21 h et tous les jours de la semaine, la ville de Lausanne étant un peu plus restrictive en imposant dès 20 h l’interdiction de vente. En utilisant des statistiques médicales des hôpitaux du canton, soit pour un diagnostic d’intoxication alcoolique soit pour un recueil de fréquentation du service des urgences du Centre Hospitalier Universitaire du Canton de Vaud des personnes présentant une alcoolémie élevée, les études montrent la diminution de ces enregistrements et de ces fréquentations, en particulier chez les jeunes et les jeunes adultes (Wicki et coll., 2018renvoi vers).
En Norvège, alors que la législation nationale autorise les ventes d’alcool sur place jusque 3 h au maximum (le client pouvant quant à lui consommer jusque 3 h 30), ce sont bien les municipalités qui, sous respect de cette heure maximum, fixent les horaires de vente d’alcool autorisées. Alors que certaines villes ont étendu cette possibilité sur la décennie 2000-2010, d’autres, dans le même temps, l’ont restreint, fournissant alors une expérience naturelle permettant de tester l’impact de ces extensions-restrictions. En étudiant les agressions violentes survenant entre 22 h et 5 h les soirs de week-end, il a été montré, par séries temporelles (ARIMA) sur 18 villes norvégiennes, que chaque extension additionnelle d’une heure d’autorisation de vente d’alcool était associée à une augmentation de 16 % des agressions violentes enregistrées par les forces de l’ordre. Cet effet étant symétrique, il signifie qu’une heure de moins d’autorisation d’ouverture des points de vente d’alcool à consommer sur place diminue d’autant les taux d’agressions violentes (Rossow et Norström, 2012renvoi vers).
Un peu plus loin de la France, c’est aussi en Australie que l’on trouve nombre de travaux s’attaquant à cette même problématique. Loin des expériences naturelles de mesures politiques mises en œuvre, même si des travaux les répertorient et les évaluent positivement (White et coll., 2018renvoi vers), ce sont des simulations fondées sur un modèle théorique calibré sur des données de jeunes gros buveurs de Melbourne qui démontrent tout l’intérêt des différentes politiques de restriction de l’accès à l’alcool en fonction des heures d’ouverture des commerces. Les modèles d’agents (Agent-Based Model) permettent d’une part, de dépasser les écueils des expériences naturelles en simulant ex ante les effets potentiels des mesures – ce qui permet de ne pas attendre que la mesure soit effectivement implémentée pour évaluer son effet – et d’autre part, d’intégrer nombre de variables d’intérêt que les expériences naturelles omettent ou ne peuvent tester ; l’impact des heures d’ouverture des transports publics par exemple. Sur les indicateurs de santé publique mais aussi de sécurité publique, toutes les simulations de restriction des heures d’ouverture de lieux de vente d’alcool (généralement une à deux heures en moins) dans différentes villes australiennes montrent le bien-fondé de telles mesures (Scott et coll., 2016renvoi vers ; Scott et coll., 2017renvoi vers ; Atkinson et coll., 2018renvoi vers).
Que cela soit empiriquement ou théoriquement, ex post ou ex ante, les études confirment l’intérêt, sur des indicateurs de santé et d’ordre publics (baisse des consommations d’alcool, diminution des agressions violentes, baisse des alcoolémies routières...), de restreindre les plages horaires de vente d’alcool, que ce soit à emporter ou à consommer sur place (Wilkinson et coll., 2016renvoi vers). En France, avec les horaires autorisés nationalement et laissés à la discrétion des autorités locales, il existe un espace de prévention des problèmes liés à l’alcool si ceux-ci se font localement ressentir. Espace de prévention dont les autorités locales auraient tout intérêt à se saisir puisque les pertes économiques liées aux restrictions d’horaires ne semblent pas aussi importantes que cela, faisant de ces mesures, des mesures potentiellement efficientes et coût-efficaces (Wicki et coll., 2018renvoi vers ; Scott et coll., 2017renvoi vers).

Une interdiction de vente aux mineurs implémentée et implémentable ?

Alors que depuis 1960, le Code des débits de boissons et des mesures contre l’alcoolisme, en son article L. 80, précisait les modalités de vente des différents alcools à des mineurs de plus de 14 ou de 16 ans, ce n’est qu’en 1991 qu’il était décidé de normaliser les interdictions de vente et de don de tout alcool aux mineurs de moins de 16 ans. Et c’est depuis 2009 que le Code de la santé publique, à l’article L. 3342-1, stipule que « la vente des boissons alcooliques à des mineurs est interdite. L’offre de ces boissons à titre gratuit à des mineurs est également interdite dans les débits de boissons et tous commerces ou lieux publics. La personne qui délivre la boisson peut exiger du client qu’il établisse la preuve de sa majorité ». Depuis 2016, il est par ailleurs précisé que « l’offre, à titre gratuit ou onéreux, à un mineur de tout objet incitant directement à la consommation excessive d’alcool est également interdite ». La loi Hôpital, patients, santé et territoire du 21 juillet 2009 (HPST) et celle de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 ont ainsi durci les conditions de vente et d’offre des boissons alcooliques en augmentant l’âge légal d’accès à l’alcool.
Les bénéfices à limiter les consommations d’alcool des plus jeunes sont aujourd’hui clairement documentés. Des limites d’âge élevées sont associées à une plus faible accidentologie routière, à de plus faibles consommations d’alcool et à de moindres conséquences négatives de l’usage d’alcool chez les adolescents et jeunes adultes (Wagenaar et Toomey, 2002renvoi vers ; DeJong et Blanchette, 2014arenvoi vers). Des recherches tendent à montrer également les bénéfices sanitaires de long terme que produirait de telles interdictions (Plunk et coll., 2016renvoi vers). Les preuves scientifiques de l’intérêt des limites d’âge élevées en matière d’accès à l’alcool sont donc aujourd’hui indubitables (DeJong et Blanchette, 2014brenvoi vers) et en ce sens, l’augmentation progressive de l’âge légal d’accès à l’alcool en France apparaît judicieuse5 .
Malgré cela, lorsque l’on s’attarde sur les niveaux de prévalence et de consommation des jeunes français, on ne peut être qu’étonné que 8,2 % des collégiens des classes de 6e concèdent au moins un épisode mensuel de consommation d’alcool ou que presque 1 lycéen sur 4 en classe de terminale déclare une consommation régulière voire quotidienne d’alcool en 2018 (Spilka et coll., 2019renvoi vers). Les consommations d’alcool s’installent durant l’adolescence malgré les récentes mesures législatives. Et, à l’instar des problématiques nord-américaines (Harding et coll., 2016renvoi vers), ce sont bien, en plus de celles de dénormalisation de l’usage d’alcool, des questions de mises en œuvre et de respect de la loi qui se posent. Ainsi en 2012, soit 3 ans après la loi HPST interdisant la vente d’alcool aux mineurs, un débitant d’alcool sur trois déclarait ne jamais faire usage de son droit à demander une pièce d’identité, et seule la moitié des débitants enquêtés affirmait le faire en cas de doute sur l’âge du client (Díaz Gómez et coll., 2013renvoi vers). Plus précisément, alors que les grandes surfaces et les petits commerces de détail (épiceries et stations-services) utilisaient de plus en plus leur prérogative à demander une pièce d’identité, ce sont les cafés et les bars qui le faisaient le moins, et il était souligné la plus grande difficulté à respecter la loi par la sous-catégorie des bars-tabacs. Cette même année, dans leur quasi-majorité, les commerçants ne rapportaient aucun contrôle des autorités relativement à la vente d’alcool aux mineurs (Karsenty, 2015renvoi vers). En 2017, 91 % des jeunes de 17 ans ayant consommé de l’alcool durant le mois écoulé déclaraient s’être procuré des boissons alcoolisées en magasin et 77,5 % en avoir consommé dans un débit de boissons. La majorité d’entre eux ajoutait ne pas avoir eu besoin de présenter une carte d’identité pour justifier de leur âge (Spilka et coll., 2018renvoi vers).
Ces résultats sont plus ou moins similaires à ceux antérieurement obtenus aux Pays-Bas. Dans ce pays, la vente d’alcool est interdite aux mineurs de moins de 16 ans et en particulier, les boissons contenant plus de 15 % d’alcool sont interdites aux moins de 18 ans. Par des enquêtes « clients-mystères » dans les points de vente représentatifs des débits d’alcool, il a été constaté une augmentation des demandes de pièce d’identité de la part des débits d’alcool entre 2011 et 2013 suite à une attention accrue des médias et du monde politique sur les questions d’accès à l’alcool de la part des mineurs (van Hoof et coll., 2015renvoi vers). Plus précisément, alors que la demande de pièce d’identité passait de 43,9 % en 2011 à 54,1 % en 2013, ce sont les supermarchés ainsi que les magasins de vente de spiritueux (liquor stores) qui respectaient le plus la loi (à plus de 74 %) alors que les restaurants à emporter, les bars, les bars sportifs faisaient nettement moins bien et que les services de livraison d’alcool à domicile n’effectuaient, quant à eux, aucune vérification.
Afin d’améliorer le respect de la loi et face à la médiatisation du problème de l’accès des jeunes à l’alcool, l’industrie de détail néerlandaise a mis en place des formations pour les vendeurs et les a équipés d’outils de vérification de l’âge du client. Grâce aux données recueillies par un système de vérification d’âge à distance installé dans 67 boutiques d’alcool, il a été calculé qu’en moyenne, 1,12 tentative d’achat d’alcool par des mineurs était évitée par jour et par boutique. Soit, en extrapolant à l’ensemble du territoire néerlandais, un million de tentatives d’achat d’alcool par des mineurs dans les seules boutiques d’alcool (liquor stores) seraient annuellement évitées grâce aux mesures mises en œuvre pour se conformer à la loi (van Hoof et van Velthoven, 2015renvoi vers).
Alors que ces taux de conformité de la part des vendeurs d’alcool vont en s’améliorant aux Pays-Bas, en particulier dans les bars-cafés-discothèques et les bars sportifs mais encore peu pour les services de livraison à domicile (Schelleman-Offermans et coll., 2017renvoi vers), c’est la question de l’efficacité relative des outils de vérification d’âge qui se pose désormais. Opposant dans une étude « clients-mystères », deux systèmes de vérification d’âge, à savoir un lecteur de carte d’identité et un système à distance de vérification d’âge, par comparaison à un groupe témoin sans aucun système, il a été montré que le système de vérification d’âge à distance était le plus efficace en amenant le vendeur à vérifier plus souvent l’âge du client (87 % des fois) (van Hoof, 2017renvoi vers). Même si l’intérêt d’autres systèmes de vérification d’âge a été établi par ailleurs aussi bien pour l’alcool que pour le tabac (Roodbeen et coll., 2016renvoi vers), il semblerait que les systèmes de vérification d’âge à distance présentent différents intérêts. Premièrement, ils bloquent la caisse enregistreuse si l’individu est mineur. Deuxièmement, les agents à distance chargés de vérifier l’âge des clients ne font que cette tâche et sont donc spécialisés. Troisièmement, ils ne sont pas confrontés aux clients rendant certainement leur tâche plus aisée (van Hoof, 2017renvoi vers)6 .
Des travaux éclairent sur l’implémentation ou plutôt sur l’implémentabilité d’une mesure politique importante (Mulder et Greeff, 2013renvoi vers). Non seulement la sanction à l’encontre du vendeur doit être dissuasive mais les contrôles doivent aussi être réalisés. Aux Pays-Bas, ces contrôles s’opèrent selon une procédure en trois étapes. Elle commence par une recherche exploratoire des lieux où l’alcool est servi à une clientèle jeune. Puis, une pré-inspection incognito (undercover) est faite par des agents de police pour finalement qu’une inspection réelle se fasse en temps et lieu où des infractions sont commises et constatées. Dans d’autres pays européens, une communication à destination des professionnels, à travers différents canaux médiatiques, est faite sur de probables inspections ; l’idée étant que les concernés surestiment leur probabilité d’être contrôlé et qu’ainsi la mesure d’interdiction soit plus amplement respectée. Finalement, la concertation entre les parties prenantes de telles mesures semble le moyen le plus efficace pour que rentrent en vigueur de telles interdictions de vente d’alcool.
En attendant une normalisation des interdictions de vente, les pouvoirs publics peuvent disposer de l’outil fiscal qui se révélerait être, en étant adéquatement utilisé, un levier efficace de contrôle des consommations d’alcool.

Limiter la demande grâce à une fiscalité adaptée

Il ne s’agit pas de taxer les produits alcooliques afin d’engranger de seules recettes fiscales. Il s’agit en revanche de faire diminuer les consommations en vue de réduire le coût social de l’alcool. Ceci présuppose plusieurs choses. La première est que les individus soient effectivement sensibles aux variations de taxes, c’est-à-dire que lorsque celles-ci font augmenter le prix des produits alcooliques, les consommateurs diminuent leur consommation. La deuxième est de savoir qui est le plus sensible à ces variations de taxes : sont-ce les plus jeunes ou encore les gros buveurs ou au contraire les consommateurs « modérés » ? Cette question est importante puisqu’en fonction de la catégorie d’usagers les plus sensibles, c’est de l’efficacité de la mesure dont il est question. Si les gros buveurs ne modifient pas leur consommation après une augmentation des taxes, le niveau des dommages sociaux attachés à leur consommation ne sera pas modifié – voire il peut augmenter – et en plus, les dépenses en alcool des usagers non problématiques peuvent croître, détournant inutilement des ressources d’autres secteurs de l’économie. Finalement, la question de potentiels effets de substitution entre les produits alcooliques est aussi importante. Si cette possibilité existe, est-ce que les consommateurs se déportent vers des marques et des produits meilleur marché lorsque les taxes augmentent ? Si oui, existe-t-il un mécanisme fiscal ou un mode de tarification qui limiterait ces possibilités de substitution ?

Sensibilité de la demande d’alcool aux variations de taxes et de prix

Au meilleur de notre connaissance, il n’existe pas d’estimation d’élasticité prix de la demande d’alcool en France. La seule estimation disponible inclut le tabac et repose sur l’enquête « budget de familles » de 2001 de l’Insee. Elle établit l’élasticité prix de la demande de tabac et d’alcool à -0,52, signifiant en cela que lorsque le prix de l’alcool et du tabac (conjointement) augmente de 10 %, les dépenses des ménages français pour ces produits diminuent de 5,2 % (Ruiz et Trannoy, 2008renvoi vers). Même si on ne peut se satisfaire de cette seule estimation, il est plutôt intéressant de noter qu’elle se trouve dans la fourchette des estimations internationales d’élasticité prix de la demande d’alcool. En l’occurrence, deux estimations, l’une à la médiane, l’autre à la moyenne, issues de méta-analyses de plus de 1 000 estimations antérieures font aujourd’hui référence et établissent respectivement l’élasticité prix de la demande d’alcool à -0,535 et à -0,44 (Gallet, 2007renvoi vers ; Wagenaar et coll., 2009renvoi vers). De ces mêmes méta-analyses détaillant les élasticités par type de produits, il ressort que l’élasticité prix de la bière est moins élevée que celle du vin ou des spiritueux. Les deux études font ainsi état d’une élasticité comprise entre -0,46 et -0,83 pour la bière, entre -0,69 et -1,11 pour le vin et -0,80 et -1,09 pour les spiritueux.
Ces estimations importent : elles établissent le fait que les consommateurs d’alcool sont sensibles aux variations de prix et que, de ce fait, les pouvoirs publics ont le pouvoir d’infléchir les consommations grâce à l’outil fiscal même si certains en doutent et minimisent plutôt cet impact (Nelson, 2014renvoi vers)7 . Cependant, afin de calibrer au mieux cette mesure politique, de plus amples informations sur la réaction des consommateurs en fonction de leurs caractéristiques individuelles sont nécessaires.

Les jeunes

L’élasticité prix de la demande se compose de deux élasticités : celle de participation et celle de demande conditionnelle. La première mesure la sensibilité d’une demande qui ne s’est pas encore exprimée ; elle établit à partir de quelles variations de prix, les individus vont commencer ou non à consommer le dit-bien. Celle de demande conditionnelle concerne la sensibilité d’individus qui ont déjà commencé à consommer le bien en question. À titre d’illustration de ces concepts, soyons convaincus que ce n’est pas parce que le prix de l’héroïne baisse fortement que de nombreux nouveaux consommateurs vont s’adonner à son usage (élasticité de participation) ; en revanche, si son prix diminue de manière importante, on peut s’attendre à ce que les consommateurs actuels en fassent une consommation accrue (élasticité de demande conditionnelle).
En matière d’alcool, les estimations d’élasticité de participation à l’alcool sont plutôt rares. Il faut en effet avoir des populations principalement abstinentes pour pouvoir apprécier l’impact d’une baisse du prix de l’alcool sur les incitations à consommer ou non. C’est le cas en Thaïlande : 70 % des collégiens-lycéens et 82 % des collégiennes-lycéennes (Secondary School Students) déclarent ne jamais avoir consommé d’alcool. En France, ces pourcentages sont inverses : en terminale, presque 9 lycéens sur 10 disent avoir consommé au moins une fois de l’alcool durant leur vie (Spilka et coll., 2018renvoi vers). Il n’est ainsi pas étonnant de retrouver une sensibilité de participation à l’alcool significative en Thaïlande (Sornpaisarn et coll., 2015brenvoi vers) alors que celle-ci est très difficilement voire impossible à estimer en France. C’est pour ces raisons que différents travaux nord-américains ont investigué le lien entre expérimentation de l’usage d’alcool et influence des pairs. L’idée de ces travaux repose sur le fait que le prix des produits alcooliques ne doit que peu déterminer la consommation d’alcool des jeunes, au contraire de l’influence des amis et des proches. Ainsi, à partir d’un sous-échantillon de moins de 3 000 individus d’une enquête nationale représentative de 90 000 collégiens et de lycéens d’écoles américaines (de la 5e à la terminale) datant de 1994-1995, une étude établit clairement l’influence des pairs dans l’initiation à la consommation d’alcool. Les pairs n’ont cependant pas d’impact explicatif sur la fréquence de consommation déclarée ni même sur les comportements de binge drinking (pour davantage d’information sur les facteurs de risque de la consommation d’alcool, cf. chapitre « Épidémiologie des consommations d’alcool : données récentes »). Selon la même étude, le fait d’avoir des parents mariés a un effet protecteur aussi bien dans l’initiation que dans la fréquence de consommation ou d’imprégnation alcoolique intensive et, dans toutes les régressions économétriques effectuées, le prix de l’alcool (celui de la bière ou un indice composite) n’est jamais significatif (Ajilore et coll., 2016renvoi vers).
Encore une fois, la sensibilité des plus jeunes au prix de l’alcool n’est certainement pas un levier explicatif de la consommation et en particulier chez les jeunes gros buveurs : les prix de certains produits sont certainement trop bas pour être, même une fois augmentés par un surcroît de taxes, désincitatifs à l’achat (Wall et coll., 2017renvoi vers). En revanche, l’influence des pairs et la situation familiale des jeunes rendraient en partie compte des comportements de consommation. Avoir des amis qui consomment explique la consommation mais pas l’usage régulier ni les alcoolisations ponctuelles importantes (API) ; avoir des parents mariés diminue l’intensité des fréquences de consommation et d’API.
Les variations de prix du fait de l’augmentation des taxes ne semblent donc pas avoir beaucoup d’emprise chez les jeunes. Et même lorsqu’une taxe supplémentaire est imposée sur un type de boissons alcooliques ciblant spécifiquement les jeunes consommateurs, comme les pré-mix (alcopops ou ready-to-drink), certains indicateurs de santé publique (visites dans les services d’urgence) fléchissent quelque peu sur des tranches d’âge adolescents et jeunes adultes (Lensvelt et coll., 2016renvoi vers), mais rien de vraiment impactant n’est mis en relief (Kisely et Lawrence, 2016renvoi vers), tout au moins dans ces travaux australiens.
Les stratégies de contournement des augmentations de taxes mises en œuvre par les jeunes semblent donc efficaces. Une enquête représentative auprès de plus de 1 000 néo-zélandais âgés de 16 à 19 ans les interrogeant sur leurs habitudes et comportements d’achat et de consommation d’alcool est éclairante à ce sujet. Répartis en fonction de leur déclaration de consommation soit dans un groupe de faibles buveurs, de buveurs moyens ou au contraire de gros buveurs, il ressort que les dépenses engagées pour assouvir leur consommation est inversement proportionnelle à leur intensité d’usage. Plus précisément, il a été calculé que le coût pour 15 ml d’alcool pur achetés par le premier groupe était pour des achats à emporter (à consommer sur place) de 2,00 $NZ (7,57 $NZ), de 1,88 $NZ (6,96 $NZ) pour le second groupe et finalement de 1,73 $NZ (6,61 $NZ) pour le groupe des gros buveurs (Wall et coll., 2017renvoi vers). Les plus gros buveurs paient donc moins cher leur alcool que les buveurs moyens, eux-mêmes payant moins cher que les faibles buveurs. Il est de plus montré que les gros buveurs sont les plus gros consommateurs de ready-to-drink avec de hauts titrages alcooliques ; les faibles buveurs consommant proportionnellement plus de vin.
Les jeunes consommateurs intensifs mettent en place des stratégies de minimisation des dépenses pour un rendement maximum de la molécule d’éthanol : ils semblent ainsi raisonner au prix payé par gramme d’alcool pur. Les individus dépendants ou dont la consommation est à risque élevé présentent-ils la même stratégie et la même insensibilité au prix de l’alcool ?

Les buveurs intensifs

Le sujet est tout aussi important que celui concernant les jeunes. Les individus consommateurs modérés ou à faibles risques d’alcool sont sensibles aux augmentations de taxes, signifiant en cela que la politique de taxation des produits alcooliques est une politique de santé publique puisque faisant baisser le niveau moyen de consommation en population générale. Si d’aventures, les buveurs intensifs, à risques élevés, dépendants à l’alcool sont aussi sensibles aux variations de prix, alors la politique de taxation prendrait un tout autre élan en permettant, en quelque sorte, de « soigner » et non plus uniquement de prévenir. Les travaux concernant les drogues illicites concluent sur une sensibilité accrue des consommateurs intensifs et dépendants au prix de leurs substances psychoactives, que cela soit pour le cannabis, la cocaïne, la méthamphétamine ou encore l’héroïne (Rhodes et coll., 2000renvoi vers ; Kisely et Lawrence, 2016renvoi vers). Concernant l’alcool, une récente étude australienne présente des conclusions similaires (Byrnes et coll., 2016renvoi vers). Mobilisant une enquête réunissant plus de 79 000 individus de 14 ans et plus ayant complété un questionnaire sur leurs comportements, leurs attitudes et leurs perceptions des drogues en 2001, 2004 et 2007 où il leur était demandé d’indiquer leur fréquence de consommation d’alcool et durant un épisode standard, quelle était la quantité consommée, les répondants ont pu être répartis en quantiles en fonction de leur usage d’alcool. Les régressions économétriques font état que les 10 % des individus les moins consommateurs d’alcool sont insensibles aux variations de prix tandis que plus on progresse dans les quantiles d’usage, plus cette élasticité prix devient importante en valeur absolue, à un rythme décroissant néanmoins. Ceci signifierait que plus on consomme de l’alcool plus on est sensible aux variations des prix, les 10 % les plus consommateurs présentant une élasticité supérieure à 1 en valeur absolue. Il serait alors tentant de conclure que comme les très grands consommateurs d’alcool sont plus sensibles aux variations de prix que les autres individus, toute politique d’augmentation des taxes invite tous les usagers d’alcool à diminuer leur consommation et ainsi à réduire les risques attribuables à l’alcool. Mais, comme le soulignent les auteurs de l’étude, une lacune importante du travail menée consiste en l’omission de la qualité des produits ingérés et ainsi de la non prise en compte d’éventuels effets de substitution entre les produits alcooliques ; effets de substitution qui pourraient contrecarrer l’effet des augmentations de prix.
C’est clairement ce que fait ressortir une étude britannique (Pryce et coll., 2018renvoi vers). Fondée sur une enquête annuelle représentative des ménages entre 2001 et 2013, interrogeant les comportements de dépenses alimentaires en mêlant entretiens auprès des ménages et restitutions d’un journal d’enregistrement (diary) des dépenses sur 15 jours, les achats d’alcool étant notés selon 25 types de produits possibles, en millilitres dont la consommation s’est faite soit au domicile, soit dans un débit de boisson (bar, restaurant). Plus de 54 000 enregistrements sont ainsi exploitables pour mesurer la sensibilité au prix des produits alcooliques des ménages britanniques sur la période considérée. Les dépenses en alcool ont été traduites en unité d’éthanol et les ménages ont été répartis en quintile en fonction de leur consommation. La qualité supposée des produits consommés étant dérivée du prix payé par unité d’alcool, les auteurs montrent que les faibles buveurs présentent une dépense par unité d’alcool nettement supérieure aux buveurs plus intensifs (presque deux fois plus importante, pour une quantité consommée entre 10 et 30 fois moins importante). Les résultats des régressions économétriques viennent contredire les derniers travaux en la matière : les buveurs intensifs sont moins sensibles aux variations de prix que les buveurs modérés. Les 25 % des ménages les plus consommateurs ont une élasticité prix estimée à -0,346 tandis que les 25 % les moins usagers de -0,709. Si on s’attarde sur les 5 % les plus gros consommateurs, l’élasticité prix serait de -0,176. Globalement, les individus seraient plus sensibles au prix des produits issus de la vente à emporter même si cela serait le contraire pour les 5 % les plus consommateurs, étant pour leur part plus sensibles aux prix des boissons à consommer sur place. Surtout, il ressort, comme le soulignent les auteurs, que les gros buveurs répondent aux augmentations des prix en substituant les produits en fonction de leur prix (voir également Hobday et coll., 2016renvoi vers). Ainsi, ils se dirigent tendanciellement vers des dépenses maximisant les unités d’alcool par prix payé soit en achetant plus souvent à emporter qu’à consommer sur place, soit en achetant des marques d’alcool moins cher. De ce fait, en l’état du mécanisme fiscal des boissons alcooliques, ils rendent, tout au moins pour eux, caduque et inefficace une politique de santé publique fondée sur les augmentations de taxes.
À la lecture de ces résultats, certains pourraient crier à l’injustice sociale et conclure sur l’ineffectivité totale des politiques d’augmentation des taxes (Nelson, 2014renvoi vers ; Nelson, 2015renvoi vers). Ceci mérite pourtant d’être relativisé.
Certes, augmenter les taxes sur les produits alcooliques alors même que les buveurs intensifs voire dépendants continuent d’en acheter peut s’apparenter à l’imposition d’une taxe régressive, c’est-à-dire frappant les plus vulnérables et peut-être les moins fortunés d’entre nous. Néanmoins, tous les individus vulnérables et les moins fortunés ne sont évidemment pas des buveurs intensifs. Certains, en conséquence, verront leur état de santé s’améliorer du fait de la politique d’augmentation des taxes. Aussi, l’objectif des pouvoirs publics n’est clairement pas de taxer les pauvres ou de générer des recettes fiscales, l’objectif est bien de santé publique : les gains générés devant être mis en regard des pertes supportées par certaines catégories d’individus. Finalement, il ne faut pas omettre le fait qu’une partie des recettes fiscales est à destination des plus vulnérables et des moins aisés grâce aux systèmes de protection sociale et qu’ainsi, il existe des effets redistributifs dont il faudrait tenir compte pour jauger globalement de la supposée régressivité des taxes sur les produits alcooliques (Sassi et coll., 2018renvoi vers).
Que certaines catégories de population soient nettement moins sensibles que d’autres aux augmentations de prix ne disqualifie certainement pas l’outil fiscal en tant que politique de santé publique. Cela implique tout au plus de conduire de plus amples recherches, entre autres, sur la façon dont l’industrie de l’alcool favorise les effets de substitution entre les produits d’une part, et sur la façon dont les mécanismes et designs fiscaux pourraient les limiter d’autre part (Sharma et coll., 2017renvoi vers ; Pryce et coll., 2018renvoi vers). Aujourd’hui, quelques travaux commencent à éclairer cette dernière problématique.

Quel design fiscal ?

Comme recensé par l’Organisation mondiale de la santé (World Health Organization, 2010renvoi vers), il existe cinq principaux modes de taxation des produits du tabac qui peuvent également s’appliquer aux boissons alcooliques (Sornpaisarn et coll., 2015arenvoi vers). Les accises8 spécifiques (mode 1), dont la base de taxation sont les quantités (par exemple l’hectolitre) et les accises ad valorem (mode 2) s’appuient sur la valeur du produit (au détail, en gros ou au coût de production) représentent les deux premiers modes de taxation. Ils sont qualifiés d’« uniformes » puisque ne mettant en jeu qu’un seul type de mécanisme de taxation.
Dans le cas des accises ad valorem avec plancher d’accise spécifique (mode 3), l’accise est calculée ad valorem mais si le montant de taxe chiffré se trouve en deçà d’un certain plancher, c’est un taux d’accise spécifique qui s’applique. Les deux autres modes restants sont aussi des combinaisons. On peut retrouver des accises mixant taxes spécifiques et taxes ad valorem (mode 4) ou encore une combinaison spécifique/ad valorem avec plancher d’accise spécifique (mode 5).
Ces catégorisations d’accises aident à la lecture des régimes fiscaux des boissons alcooliques, les détails sont cependant plus difficiles à apprécier.

Régime fiscal des boissons alcooliques en France

Le système français de taxation des boissons alcooliques est sophistiqué (tableau 10.Irenvoi vers : Fiscalité applicable aux boissons alcooliques au 1er janvier 2019). Il applique, outre la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), de façon différenciée entre les produits (vins, bières, produits intermédiaires et alcools titrant plus de 22 %), des droits de circulation, des droits spécifiques ou droits de consommation et des cotisations de sécurité sociale. À cette hétérogénéité d’imposition des accises vient se greffer une difficulté supplémentaire. Parfois les droits s’appliquent sur les quantités mesurées en hectolitre en fonction de leur Titre Alcoométrique Volumique (TAV) (pour les bières) ou non (pour les vins, vins mousseux, cidres et poirés et autres hydromels), parfois sur les quantités et la qualité mesurées en hectolitre d’alcool pur pour les produits intermédiaires et les alcools avec un TAV supérieur à 22 %. Il mêle, si l’on tient compte de la TVA, accise ad valorem et accise spécifique (mode 3) mais si l’on omet cette première, il peut être entendu que le régime fiscal sur les produits alcooliques en France ne se compose que d’accises spécifiques (mode 1).
Des exceptions notables viennent encore un peu plus brouiller la lecture du régime9 . L’origine géographique des boissons est ainsi un élément de discrimination des montants de droit spécifique puisque les rhums des départements d’Outre-mer bénéficient d’une moindre imposition que les autres. Également, la taille de l’entreprise productrice de bière importe puisque les brasseries indépendantes ayant une production inférieure à 200 000 hectolitres par an sont imposées de droits spécifiques et de cotisations de sécurité sociale a minima.

Tableau 10.I Fiscalité applicable aux boissons alcooliques au 1er janvier 2019

 
Droit de circulation
Droit spécifique ou droit de consommation
Cotisation sécurité sociale
TVA
Vins, vins mousseux, cidres, poirés et hydromels, boissons fermentées autres que le vin et la bière
Vins tranquilles : 3,83 €/hl
Vins mousseux : 9,44 €/hl
Cidres, poirés, hydromels : 1,34 €/hl
Boissons fermentées autres que le vin et la bière : 3,82 €/hl
Aucun
Aucune
20 %
Bières
Aucun
TAV ≤ 2,8 % : 3,75 €/degré/hl
TAV ≥ 2,8 % : 7,49 €/degré/hl
Brasseries indépendantes ≤ 200 000 hl : 3,75 €/degré/hl
TAV ≥ 18 % : 3 €/degré/hl
Brasseries indépendantes ≤ 200 000 hl : 1,5 €/degré/hl
20 %
Produits intermédiaires
Aucun
Produits intermédiaires : 47,67 €/hl
Autres produits intermédiaires : 190,68 €/hl
TAV ≥ 18 % : 47,67 €/hl
20 %
Alcool avec TAV > 22 %
Aucun
Rhums des DOM : 879,72 €/hlap
Autres alcools : 1 758,45 €/hlap
Droit réduit bouilleurs : 879,24 €/hlap
TAV ≥ 18 % : 564,61 €/hlap
20 %

À des fins de lisibilité, toutes les catégories de produits et de taxes n’apparaissent pas dans ce tableau.
TAV : Titre alcoométrique volumique ; hl : Hectolitre ; hlap : Hectolitre d’alcool pur.
Sources : Circulaire du 18 décembre 2018 du ministère de l’Action et des Comptes publics : Tarifs des droits sur les alcools, les boissons alcooliques et les boissons non alcooliques applicables au 1er janvier 2019 ; inspiré de Spach (2016renvoi vers).

Les rendements des accises catégorisées en fonction des boissons sont inversement proportionnels aux quantités consommées en France. Alors que le vin est la boisson alcoolique la plus consommée en 2013 derrière les spiritueux et la bière (avec respectivement 6,9 litres, 2,5 litres et 1,7 litre mesurés en alcool pur par individu de 15 ans et plus), le vin contribuait vingt fois moins que les spiritueux aux recettes fiscales. Il a été estimé que la charge fiscale pour dix grammes d’alcool pur était de 0,37 centimes d’euros pour le vin tranquille, 0,92 pour le vin pétillant, entre 1,83 et 3,66 pour la bière et finalement 22,9 centimes d’euros pour les spiritueux (Daudigny, 2013-2014renvoi vers).
Les accises auraient désormais ceci de particulier, et au contraire des taxes frappant l’ensemble des biens et services comme la TVA, qu’elles n’ont pas pour objectif de maximiser les recettes fiscales mais bien d’enclencher des modifications comportementales (2011)10 . Elles visent, a priori, à corriger une sous-optimalité du fait d’une surconsommation engendrant des externalités négatives. On comprend dès lors mieux pourquoi la Cour des comptes, dans son dernier rapport sur les politiques de lutte contre les consommations nocives d’alcool, semblait si mal à l’aise en soulignant l’absence d’objectifs clairs assignés au régime fiscal français actuel (Cour des comptes, 2016renvoi vers), en effet, peu orienté vers des objectifs de santé publique. La Cour des comptes notait aussi l’absence de volonté de maximiser les recettes fiscales étant donné les faibles niveaux d’accises appliquées sur les produits du vin, pourtant les plus consommés. Évidemment, la juridiction du palais Cambon ne pouvait écrire, du fait du cadre européen contraignant les produits soumis à accise, qu’en réalité les objectifs sont plutôt évidents : d’une part, protéger la production et la consommation de vin (Spach, 2016renvoi vers) à l’instar certainement de l’Espagne et de l’Italie – les droits d’accises étant nuls dans ces deux pays pour le vin tranquille – et d’autre part, encourager l’industrie naissante et grandissante de la bière, sans parler évidemment des productions de rhums des DOM (pour apprécier les conséquences sanitaires du rhum français voir : Mété, 2017renvoi vers). Un certain protectionnisme semble se dégager du régime fiscal français frappant les boissons alcooliques11 .
Suite à ce constat et ces non-dits, la Cour des comptes recommande d’augmenter les droits d’accise sur les boissons alcooliques si les pouvoirs publics ambitionnent de faire diminuer la consommation d’alcool à risque des Français ou de préparer la mise en place d’un prix minimum sur ces mêmes boissons si l’objectif est de faire diminuer les consommations des usagers à risque élevé voire dépendants. Alors qu’un prix minimum ne relève pas des régimes fiscaux en tant que tel, cette idée peut toutefois être atteinte en utilisant le gramme d’alcool pur (ou l’unité d’alcool) comme assiette de calcul de la taxe. Les deux formules méritent d’être étudiées.

Imposer un prix minimum aux boissons alcooliques et/ou taxer le gramme d’alcool pur108

12
La fiscalité des boissons alcooliques a fait couler beaucoup d’encre en Europe ces dernières années. Voulant suivre différents exemples internationaux en matière de tarification des produits alcooliques dans le monde (Biélorussie, Kirghizstan, Ukraine, Fédération de Russie ou encore le Canada), l’Écosse a voulu imposer un prix minimum par unité d’alcool en 2012. S’en est suivie une lutte juridique (Bartlett, 2016renvoi vers), médiatique et lobbyiste13 (Hilton et coll., 2014arenvoi vers ; Katikireddi et coll., 2014brenvoi vers ; Katikireddi et Hilton, 2015renvoi vers) acharnée entre les tenants gouvernementaux de la santé publique et l’industrie écossaise de l’alcool (du whisky en particulier). La Cour de Justice de l’Union européenne tranchait le bien-fondé de la mesure en deux temps. D’une part, elle affirmait l’implémentabilité d’un tel dispositif sous réserve qu’un autre design fiscal ne puisse atteindre un même résultat de santé publique (Sibony, 2016renvoi vers). D’autre part, elle confirmait sa non contre disposition à la liberté de circulation des marchandises en Europe (Alemanno, 2016renvoi vers ; Dobson et Hawkins, 2016renvoi vers). Mais c’est finalement en 2017 que la Cour Suprême Britannique a autorisé l’Écosse à fixer un prix minimum aux produits alcooliques. La volonté de mettre en place un prix minimum par unité d’alcool du gouvernement écossais faisait suite aux dommages liés à l’alcool que connaît la région et aux bénéfices escomptés d’une telle mesure de limitation des consommations, bénéfices qui étaient anticipés à partir d’une modélisation des politiques de lutte contre l’alcool au Royaume-Uni.
Le modèle de l’université de Sheffield14 , méthodologiquement décrit par ailleurs (Brennan et coll., 2015renvoi vers ; Brennan et coll., 2016renvoi vers), est un modèle de simulation mathématico-économique reposant sur des données empiriques anglaises assez détaillées et de nombreuses estimations d’élasticités prix et revenu par catégories de population. Les liens entre niveau de consommation d’alcool et morbi-mortalité sont aussi inclus permettant aux auteurs, entre autres, de pouvoir estimer l’impact d’une augmentation de taxe ou d’un changement de mécanisme fiscal non seulement sur les niveaux de consommation ou de recettes fiscales mais aussi les conséquences sanitaires attribuables à l’alcool ou aux inégalités de santé. Le modèle permet en outre de pouvoir comparer les impacts attendus des restrictions de ventes d’alcool (Brennan et coll., 2014renvoi vers) ou plus généralement des différentes politiques fiscales sur les produits de l’alcool. Augmentation des taxes actuelles, introduction d’une taxe additionnelle ad valorem, remplacement par une taxe sur le TAV ou alors introduction d’un prix plancher de 0,50 £ par unité d’alcool sont les régimes fiscaux les plus souvent comparés entre eux, et les effets attendus portent le plus souvent sur la consommation des buveurs intensifs et sur les inégalités sociales de santé (Holmes et coll., 2014arenvoi vers ; Meier et coll., 2016renvoi vers). Des travaux fondés sur ce modèle, il ressort que le système de taxation au TAV ou l’imposition d’un prix minimum par unité d’alcool sont des designs débouchant sur les meilleures performances en termes de mortalité évitée en particulier chez les plus vulnérables, à savoir les gros buveurs ou les travailleurs « manuels » ; les buveurs modérés n’étant que peu impactés par ces mesures, comme également confirmé par une récente étude australienne (Sharma et coll., 2016renvoi vers).
Cet impact d’un prix minimum par unité d’alcool sur les gros buveurs est confirmé dans d’autres travaux anglo-saxons réalisés à partir d’autres méthodologies. Ainsi, par l’analyse d’une enquête représentative de plus de 3 000 individus âgés de 18 à 75 ans qui ont fourni un journal de leur consommation d’alcool la semaine précédant l’enquête, il ressort que les hommes, usagers intensifs d’alcool et à faible revenu sont ceux qui cherchent à consommer l’alcool au plus faible prix. Les auteurs de conclure sur le bien-fondé d’un prix minimum d’alcool en Irlande afin d’infléchir la consommation de ces usagers et ainsi réduire la morbi-mortalité attribuable à l’alcool dans cette catégorie de population (Cousins et coll., 2016renvoi vers). Sur un échantillon plus réduit d’individus (639 patients) fréquentant les services d’addictologie ou admis à l’hôpital en lien avec leur consommation d’alcool, et selon leurs achats déclarés d’alcool durant une semaine « normale », il a été estimé que la mise en œuvre d’un prix minimum par unité d’alcool de 0,50 pence en Écosse réduirait la consommation moyenne de deux-tiers de ces individus de 33 % (Gill et coll., 2017renvoi vers). Une enquête qualitative par entretien en face-à-face (20 écossais âgés de 34 à 67 ans, 15 hommes et 5 femmes) vient cependant nuancer ces conclusions. Les répondants mettent ainsi en avant le fort pouvoir addictif de l’alcool et avancent que les plus dépendants chercheront bon an mal an et de toute façon à se procurer leurs boissons. Ici, les auteurs soulignent l’importance des mesures d’accompagnement nécessaires auprès des publics les plus vulnérables à la suite de la mise en œuvre des politiques de prix minimum (O’May et coll., 2016renvoi vers).
Au Canada, la mise en œuvre d’un prix minimum par unité d’alcool s’est révélée positive en termes de santé mais aussi d’ordre public. Les régions les moins riches de Colombie Britannique ont ainsi vu leur taux d’hospitalisation en lien avec l’alcool diminuer plus fortement que dans les autres régions de cette province à la suite de l’imposition d’un prix minimum par unité d’alcool, confortant en cela les effets attendus d’une telle mesure sur les populations les plus vulnérables (Zhao et Stockwell, 2017renvoi vers). Également en étudiant par séries temporelles les admissions à l’hôpital (services d’urgence) en lien avec l’alcool mais pour la province de Saskatchewan, il a été montré une diminution significative des visites aux urgences pour accidents de la route (en particulier chez les femmes de 25 ans et plus) (Sherk et coll., 2018renvoi vers). Cet effet a été confirmé mais pour les hommes cette fois-ci en plus de la mise en relief d’une diminution des crimes violents pour cette même province canadienne à la suite de la mise en œuvre d’un prix minimum en 2010 (Stockwell et coll., 2017renvoi vers). Toutes les provinces canadiennes ne peuvent se targuer d’obtenir de tels résultats malgré la mise en œuvre d’un prix minimum par unité d’alcool (excepté l’Alberta qui ne dispose pas d’une telle mesure). C’est ici de l’implémentation défectueuse de la mesure dont il s’agit. Toutes les provinces n’ont en effet pas mis en place les mêmes niveaux d’effectivité des politiques de lutte contre l’usage d’alcool : alors qu’un prix minimum de 1,50 $ canadien était recommandé par verre standard en vente à emporter et 3 $ en verre standard à consommer sur place, certaines provinces ont tarifé en deçà de ces recommandations. De plus, toutes les boissons alcooliques ne sont pas concernées par la mesure, certaines y faisant exception. Finalement, les prix minimum ne tiennent pas compte de l’inflation ou des modifications de contenu en éthanol des boissons, paraissant de fait peu adaptatifs car figés dans le temps et leur objet (Giesbrecht et coll., 2016renvoi vers ; Thompson et coll., 2017renvoi vers).
Au final, les politiques de contrôle de la consommation d’alcool par l’outil fiscal sont largement préconisées car évaluées positivement en termes de santé et de sécurité publiques (Sassi et coll., 2015renvoi vers). Plus spécifiquement, les mises en œuvre de politique de prix minimum par unité d’alcool sont associées à une diminution de la consommation d’alcool et des dommages associés. Même si d’autres travaux menés par différentes équipes de recherche pourraient être conduits en vue de confirmer les preuves scientifiques aujourd’hui réunies, il apparaît que les politiques fondées sur un prix plancher et en particulier l’imposition d’un prix minimum par unité d’alcool sont enclines à réduire la consommation et la morbi-mortalité associée à l’alcool (Boniface et coll., 2017renvoi vers).

Quid d’un prix minimum par unité d’alcool en France ?

La taxation au contenu en éthanol des boissons alcooliques est une mesure qui peut être envisagée pour d’une part, simplifier et homogénéiser le design fiscal qui frappe ces produits et d’autre part, pour permettre de limiter le report vers certaines marques et certains types de boissons qui auraient un contenu alcoolique élevé pour un prix faible. On constate avec le tableau 10.Irenvoi vers que la possibilité de taxer les boissons alcooliques, mis à part le vin, en fonction de leur volume alcoométrique est déjà envisagé par le régime fiscal français actuel : les bières sont discriminées en fonction de leur TAV sur les droits spécifiques ainsi que sur les cotisations sociales, et, de la même manière, ces dernières frappent de façon différenciée les produits intermédiaires ainsi que les alcools de plus de 22 %. Toutefois, cette façon de considérer le contenu en alcool des boissons est somme toute simpliste : seuls des seuils sont ici spécifiés, laissant de larges marges de manœuvre aux industriels pour s’inscrire soit juste en deçà d’une limite, soit carrément au-dessus.
L’intérêt pour la France d’un prix minimum par unité d’alcool a déjà été mis en relief (Karsenty, 2015renvoi vers) et la décision de la Cour de Justice de l’Union européenne laisse entrevoir la possibilité de mise en place d’un tel design fiscal et tarifaire en France pour les produits de l’alcool. Remarquons opportunément qu’un tel mécanisme fiscal est déjà à l’œuvre en France pour le sucre contenu dans les boissons non alcoolisées, il s’agit de la taxe connue sous le nom de « taxe soda ». L’article 1613 ter du Code Général des Impôts dispose en effet qu’« il est institué une contribution perçue sur les boissons et préparations liquides pour boissons destinées à la consommation humaine, [...] relevant des codes NC 2009 et NC 2202 du tarif des douanes [et...] contenant des sucres ajoutés... »15 . L’imposition s’effectue au kilogramme de sucres ajoutés par hectolitre de boisson. Ainsi, entre 1 et 4 kg de sucre ajouté par hectolitre, chaque kilo est taxé d’environ 0,50 euro ; entre 4 et 7 kg, c’est un euro qui vient s’ajouter et au-delà de 7 kg, c’est plus de deux euros qui s’ajoutent aux taxes. Dit autrement, le prix minimum par kilo de sucre ajouté par hectolitre est progressif : 0,50 euro les premiers kilogrammes, puis, un euro et enfin 2,02 euros à partir de 7 kg. On peut alors se poser la question de l’incidence de cette nouvelle façon de taxer les boissons sucrées.
Les rares évaluations ne concluent pas à une diminution significative des consommations de boissons sucrées à la suite de la mise en œuvre de cette taxe (Berardi et coll., 2016renvoi vers ; Etilé et coll., 2018renvoi vers) malgré la sensibilité au prix des boissons des ménages français (Boizot, 1999renvoi vers). Deux raisons sont avancées : la première est le niveau même de la taxe qui se trouve finalement être très faible16 – la lutte contre l’obésité devenant un objectif secondaire de la taxe –, la seconde est le transfert opéré par les détaillants pour minimiser la répercussion de la taxe sur les prix de vente. Alors que les études font souvent l’hypothèse d’un report complet sur le prix final, entre 2008 et 2013, le report n’était que de 39 % à un niveau agrégé de boisson, signifiant que les prix n’ont pas augmenté du même montant de la taxe (Etilé et coll., 2018renvoi vers) qui se trouve être déjà faible.
À partir de l’exemple de la taxe soda, on peut conclure qu’il est non seulement possible en France de mettre en œuvre une accise proportionnelle à la molécule que l’on souhaite cibler, mais qu’il faut être vigilants sur les réactions potentielles des offreurs (producteurs et détaillants) dans la répercussion de la taxe au consommateur final. On conviendra aussi que le niveau du prix minimum ou de la taxe par unité doit être suffisamment élevé pour non seulement éviter le dernier écueil mais aussi enclencher une réaction comportementale des consommateurs.

Conclusion

Les politiques de lutte contre l’offre et la demande d’alcool sont efficaces (Chaloupka et coll., 2019renvoi vers ; Siegfried et Parry, 2019renvoi vers) : il est ainsi possible de rendre le fardeau sanitaire incombant à la consommation d’alcool moins lourd pour la collectivité. Réduire l’accessibilité aux boissons alcooliques, que ce soit en diminuant le nombre et en contraignant les points de vente dans leurs heures d’ouverture ou en leur interdisant de vendre à des mineurs, permet un contrôle efficace de la consommation d’alcool et une diminution des dommages qui lui sont associés. La législation et la réglementation françaises en la matière sont assez outillées pour permettre un tel contrôle. Encore faudrait-il ne pas déroger aux règles en vigueur, que ce soit sur le marché et la mobilité des licences IV ou sur les ventes d’alcool aux mineurs. Dans le premier cas, on questionnera la nécessité d’une migration et donc d’une multiplication des licences IV dans les aires touristiques. Dans le second cas, la participation des industriels à la formation et à l’équipement de leurs employés favorisant le respect de la loi et l’implication plus grande des forces de l’ordre dans son implémentation seraient bienvenues (par un nombre accru de contrôles d’application de la loi par exemple).
Par ailleurs, l’augmentation des accises sur les boissons alcooliques et/ou la mise en place d’une « taxe éthanol », comme recommandées par la Cour des comptes, feraient très certainement leur preuve dans la diminution des consommations d’alcool en France, que ce soit en population générale ou chez les buveurs intensifs. L’implémentation d’un prix minimum (sur un ou plusieurs types de produit ou sur le grammage d’alcool pur) est aujourd’hui possible en France, la Cour de Justice de l’Union européenne en ayant souligné les conditions. Cette mesure de santé publique, efficace en ce qu’elle réduit les possibilités de contournement de l’augmentation des taxes, est, en quelque sorte, déjà mise en œuvre en France mais sur la molécule de sucre. De son exemple, il pourrait être retenu que le niveau de taxation doit être assez élevé et que ses effets peuvent être différenciés en fonction des structures économiques locales facilitant ou non le report de la taxe vers le prix final (Etilé et coll., 2018renvoi vers). L’utilisation du régime fiscal de l’alcool en France doit glisser d’un protectionnisme économique à un protectionnisme sanitaire : non seulement les bénéfices en termes de santé sont indéniables dès lors que des politiques volontaristes sont mises en œuvre mais il se trouve aussi que l’envergure économique du secteur de l’alcool en France s’étiole avec en particulier une employabilité allant decrescendo. Au final, la lutte contre la consommation d’alcool, via l’augmentation des taxes s’y rapportant, conduirait, selon de récentes simulations réalisées pour certains États américains, à créer de l’emploi plutôt qu’à en détruire. Un ruissellement se ferait d’un secteur à un autre mais l’effet net resterait positif (Wada et coll., 2017renvoi vers), rendant l’argument des industriels de l’alcool quant aux destructions d’emploi inhérentes aux politiques de lutte contre l’alcool caduc. Ces estimations restent à réaliser en France.

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