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Med Sci (Paris). 36(6-7): 654.
doi: 10.1051/medsci/2020114.

Le principe de Brandolini et les fake news

Bernard Swynghedauw1*

1Ancien Directeur de Recherche (émérite) à l’Inserm, Ancien président de la Federation of European Physiological Societies (FEPS), Inserm U942, Hôpital Lariboisière, 2 rue Ambroise Paré, 75010Paris, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Tromperie, Déontologie, Humains, Diffusion de l'information, Internet, Facteur d'impact, Modèles théoriques, Opinion publique, Publications, Médias sociaux, éthique, méthodes, normes, statistiques et données numériques, ressources et distribution

 

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Vignette (Photo © Inserm – François Guénet).

Nous sommes envahis en ces temps difficiles par les fausses nouvelles, les fake news, inventées par des gourous, prédateurs, inventeurs faisant état de ragots, souvent publiés dans des journaux à Impact Factor faible, les journaux dits prédateurs à comité de lecture bidon fait d’illustres inconnus, et dont le nombre va croissant (ils ont été souvent dénoncés et peuvent souvent être identifiés par des critères aussi élémentaires que les fautes de grammaire ou d’orthographe présents dans les pages de présentation du journal !). La particularité de ces publications suspectes est qu’elles font état de données non reproduites, souvent holistiques, voire de complots. D’autres critères permettant leur identification ont été proposés [1-3]. Rappelons aussi que les données d’Internet ne sont généralement pas soumises à l’analyse par des référents compétents et que la majorité des éditeurs de livres, même les plus grands, ne soumettent souvent pas les livres qu’ils publient à des référents compétents et se fient à leur seul jugement.

« La plupart des systèmes d’explication – mythiques, magiques, religieux… – s’appliquent à tous les domaines… et répondent généralement à toutes les questions. Ils rendent compte de l’origine, du présent et de la fin de l’univers. La science procède par des expériences détaillées sur la nature et apparaît ainsi moins ambitieuse… à première vue. Elle n’a pas pour but de fournir d’emblée une explication de l’ensemble de l’univers depuis son début jusqu’aux temps présents – elle ne cherche que des réponses provisoires et partielles des phénomènes qui peuvent être isolés et qui sont bien définis – mais en posant des questions limitées, elle fournit souvent des réponses de plus en plus générales » [4]. Pour se faire des idées scientifiques, il est nécessaire de lire de façon critique et de distinguer les publications scientifiques des publications qui le sont moins. Une publication scientifique provient d’un journal possédant un système de référents compétents sélectifs, et dont le niveau est attesté par son Impact Factor. Les principales caractéristiques de ces publications sont le doute, la reproductibilité dans le temps et dans l’espace (les mêmes conclusions sont obtenues par des auteurs distants, qui ne se connaissent pas ou peu, et utilisent des protocoles expérimentaux différents). Ces publications aboutissent parfois à des consensus - la terre est ronde et tourne autour du soleil ; le tabac est toxique, l’évolution darwinienne, etc.

On doit à un informaticien italien, Alberto Brandolini, un principe assez amusant mais profondément vrai, et qui porte son nom. Le principe d’asymétrie de Brandolini, support des post-vérités, est plus connu sous sa dénomination originale de « bullshit asymmetry principle ». Il a été formulé publiquement pour la première fois en janvier 2013 par Brandolini [5], repris par Earp [6]. Il énonce le fait que « la quantité d’énergie nécessaire pour réfuter des… sottises (Brandolini utilise le terme de bullshit, plus fort mais un peu grossier) est supérieure d’un ordre de grandeur à celle nécessaire à les produire ».

Le Gish Gallop [7], une technique de débat qui consiste à noyer son adversaire sous un déluge d’arguments inconsistants (souvent utilisée par les créationnistes), rentre un peu dans le même cadre nosologique. Des exemples : les créationnistes, les climato-sceptiques, anti-vaccins, anticholestérol, charlatans de toutes origines. La liste est loin d’être limitative. Ainsi, la connaissance scientifique est confrontée aux mensonges, falsifications de données, egos de scientifiques ne supportant plus de n’être plus ce qu’ils avaient été, intérêts de tout poil. Tous ces paramètres induisent le doute dans le grand public.

Liens d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

References
1.
Shamseer L, Moher D, Maduekwe O, et al. Potential predatory and legitimate biomedical journals: can you tell the difference? A cross-sectional comparison . BMC Medicine 2017; ; 15 : :28.–42.
2.
Beall J. Criteria for determining predatory open-access publishers; . 3rd ed. 2015. https://scholarlyoa.comfiles.wordpress.com/2015/01/criteria-2015.pdf.
3.
Dadkhah M, Bianciardi G. Ranking predatory journals: solve the problem instead of removing it! Adv Pharm Bull 2016; ; 6 : :1.–4.
4.
Jacob F. Evolution and tinkering . Science 1977; ; 196 : :1161.–6.
5.
Brandolini A. The bullshit asymmetry principle . Lecture delivered at XP2014 in Roma and at ALE2014 in Krakow. 2014.
6.
Earp BD. The unbearable asymetry of bullshit . Health Watch Newsletter 2016; ; 101 : :4.–5.
7.
Scott E. Debates and the globetrotters . The Talk Origins Archive 1994. http://www.talkorigins.org/faqs/debating/globetrotters.html