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doi: 10.1051/medsci/2020096.

La dégénérescence maculaire liée à l’âge: La piste du fer

Yves Courtois,1 Jenny Youale,1 Francine Behar-Cohen,2 and Émilie Picard1*

1Centre de Recherche des Cordeliers, Inserm, Sorbonne Université, USPC, Université Paris Descartes, Université Paris Diderot, UMRS1138, 15 rue de l’École de Médecine, F-75006Paris, France
2Hôpital Cochin, AP-HP, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, 24 rue du Faubourg Saint-Jacques, 75014Paris, France
Corresponding author.
 

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Vignette (Photo © Inserm-Marion Vincent).

Le fer est un élément crucial pour le fonctionnement du vivant. Il est impliqué dans de nombreux processus mais, quand il est sous forme libre, son potentiel d’oxydoréduction (Fe3++O2-→Fe2++O2) lui confère un rôle potentiellement toxique. Il en résulte une production excessive d’espèces réactives RO° (par la réaction de Fenton/Haber-Weiss) qui interagissent avec les lipides, les protéines, les sucres et les acides nucléiques, perturbant le fonctionnement normal de la cellule. Son homéostasie est donc finement régulée au niveau de sa disponibilité, de son transport, de son stockage et de son utilisation [1] ().

(→) Voir la Synthèse de C. Beaumont, m/s n° 1, janvier 2004, page 68

La rétine est soumise à de nombreux stress, tels que la lumière et l’oxygénation due au métabolisme oculaire particulièrement élevé. Bien que la présence du fer dans la rétine soit soupçonnée depuis deux siècles [2], ce n’est que récemment que l’étude de son métabolisme dans la rétine et de son lien avec de nombreuses maladies, y compris la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), a réellement été initiée, ouvrant de nouvelles perspectives thérapeutiques (pour revue voir [3]).

Le fer est essentiel à la phototransduction et les photorécepteurs particulièrement sensibles au fer libre
Localisation et fonction du fer dans la rétine
Les cellules rétiniennes et, plus spécifiquement, les photorécepteurs (PR) et l’épithélium pigmentaire de la rétine (EPR), ont des besoins importants en fer en raison de leurs activités métaboliques élevées et de leurs implications dans le cycle de la phototransduction. En effet, dans l’EPR, le fer participe au clivage du tout-trans-rétinyl ester en 11-cis rétinol par l’isomérohydrolase RPE65 (retinal pigment epithelium 65), lors de la formation du glutamate par l’aconitase cytosolique et au cours de l’induction de la mélanogenèse [4]. Chez le poisson zèbre, la liaison du fer ferreux (Fe2+) à la GCAP5 (guanylate cyclase-activating protein 5) inhibe la formation de GMP (monophosphate de guanosine) cyclique par la guanylate cyclase [5], ce qui agirait directement sur la cascade de la phototransduction. La biogénèse constante des membranes lipidiques constituant les segments externes des PR est un processus qui dépend du fer [4]. Notre équipe a été la première à révéler la localisation du fer dans l’ensemble de la rétine chez des rats adultes, avec une concentration plus élevée dans la choroïde, l’EPR (dans les phagosomes et les mélanosomes[6]), et dans les PR (dans les segments internes et associés aux disques dans les segments externes) [7]. Le fer est également présent dans l’humeur aqueuse et le corps vitré, mais à un plus faible taux que dans le plasma [4].

Le taux de fer varie au cours du développement et du vieillissement de la rétine. En effet, Moos et al. [8] ont montré chez le rat que l’entrée de fer dans la rétine était très importante durant son développement et sa maturation, diminuait à l’âge adulte et augmentait de nouveau lors du vieillissement. Avec l’âge, des dépôts de fer sont retrouvés dans le complexe EPR/choroïde, chez le rat, et dans le stroma de la choroïde chez les primates non humains, indépendamment de la concentration de fer sérique. L’augmentation de la concentration en fer avec l’âge est également observée dans les rétines neurales1, humaines [4].

Homéostasie locale du fer
Le besoin continuel de la rétine en fer, ainsi que son extrême sensibilité aux espèces réactives de l’oxygène, conditionnent la finesse du métabolisme rétinien du fer. De nombreuses protéines, dont l’expression était auparavant cantonnée au niveau périphérique, ont été identifiées comme étant également synthétisées localement dans la rétine (Tableau I). L’étude de la physiologie rétinienne chez des souris dont les gènes codant ces protéines ont été invalidés a permis de dégager un consensus concernant l’homéostasie du fer dans la rétine. Celui-ci se divise en deux compartiments, localisés dans l’EPR et dans les cellules gliales de Müller. L’EPR régulerait l’entrée/sortie du fer provenant du réseau choroïdien vers les PR. Les cellules gliales de Müller2 réguleraient, elles, l’apport en fer de la rétine externe à partir du réseau de capillaires rétiniens. Le fer étant principalement localisé dans les PR et l’EPR, nous nous limiterons à une brève description de l’homéostasie du fer à ce niveau (Figure 1).

Provenant de la circulation sanguine, le fer majoritairement lié à la transferrine (TF), est capté par son récepteur, TFR1, qui se localise au niveau de la membrane basolatérale de l’EPR. Le complexe formé par la TF et son récepteur est alors internalisé dans un endosome. Le fer libéré sous l’effet de l’acidification de la vésicule, constitue, dans le cytosol, le pool de fer libre qui sera soit distribué aux organelles, pour les fonctions physiologiques de la cellule comme la respiration mitochondriale et la formation des complexes fer-souffre, soit stocké sous forme de ferritine, soit exporté par la ferroportine (couplée à une ferroxidase : la céruloplasmine ou l’héphaestine). Dans les cellules d’EPR humaines en culture, le TFR1 se localise à la fois du côté basolatéral et apical des cellules, suggérant un mécanisme de transport baso-apical du fer par transcytose du complexe TF/TFR1 le long des microtubules via la galectine 4 et la GTPase Rab11a [9]. La présence de TFR1 au niveau des segments internes des PR (cil connecteur) suggère que la TF synthétisée par la rétine capte le fer libéré par l’EPR pour le transporter dans les PR.

Les principaux mécanismes de régulation de la quantité de fer intra- et extracellulaire se limitent à deux systèmes extrêmement contrôlés. Le premier repose sur les iron regulatory proteins (IRP) 1 et 2, des protéines qui, en fonction de la quantité de fer dans la cellule, le régulent en se liant à des séquences iron responsive element (IRE) présentes dans les ARN messagers (ARNm) codant des protéines de l’homéostasie du fer, telles que la ferroportine, le TFR1, les deux chaînes de la ferritine et DMT1 (divalent metal transporter 1). Selon la position du site IRE sur l’ARNm, les IRP contrôlent la traduction en protéine ou la dégradation de l’ARNm ciblé. Le second système se concentre sur l’hepcidine, une hormone peptidique qui se lie à la ferroportine et entraîne son internalisation et sa dégradation. Les PR, l’EPR et les cellules gliales de Müller synthétisent l’hepcidine [10]. Son expression est activée par deux voies de signalisation cellulaire qui sont induites lors d’un excès de fer : la voie du récepteur de la TF 2/protéine de l’hémochromatose (TFR2/HFE) et la voie BMP6 (bone morphogenetic protein)/SMAD (mothers against decapentaplegic homolog). Lorsque le taux de saturation de la TF est élevé au niveau basolatéral de l’EPR, HFE se dissocie de TFR1 et se lie à TFR2, ce qui active la transcription de l’hepcidine. BMP6, sécrétée par la rétine et l’EPR, se lie, au niveau apical de l’EPR, à ses récepteurs couplés à l’hémojuveline (HJV) afin d’activer la synthèse d’hepcidine. Les hypoxia inducible factors (HIF)3 interviennent également comme facteurs de transcription de certains gènes impliqués dans l’homéostasie du fer, comme Tf, Tfr1, Dmt1 (divalent metal transporter 1), ainsi que ceux codant la ferroportine et la céruloplasmine. Ces facteurs se fixent sur un site spécifique de leurs ARNm, le site hypoxia-responsive element (HRE). L’expression et la dégradation des HIF dépendent également du fer. En effet, le Fe2+ est un cofacteur de la prolyl-hydroxylase qui participe à la dégradation de la sous-unité régulatrice du complexe HIF1α. Parallèlement, HIF2α possède une séquence IRE qui, en condition d’excès de fer, se lie à IRP1 et entraîne sa dégradation [11] ().

(→) Voir la Synthèse de E. Gothié et J. Pouysségur, m/s n° 1, janvier 2002, page 70

La compréhension du contrôle de l’entrée et de la sortie du fer dans la rétine selon ses besoins métaboliques, ainsi que le rôle des dérégulations de son homéostasie dans les maladies rétiniennes restent encore à être explorés.

Une surcharge oculaire en fer entraîne une dégénérescence de la rétine

Une accumulation de fer dans l’œil peut avoir diverses origines, héréditaires ou non, locales ou systémiques, et entraîner des anomalies rétiniennes. Outre la sidérose et les hémorragies sous-rétiniennes qui sont les manifestations les plus directes de la toxicité du fer pour la rétine [12,13], les maladies héréditaires de surcharge en fer comme les hémochromatoses ou l’acéruloplasminémie, dues à des mutations de gènes codant les protéines de l’homéostasie du fer, témoignent également de l’effet délétère de l’accumulation de fer dans la rétine et l’EPR. Chez les personnes acéruloplasminémiques, qui présentent un défaut d’exportation du fer, il a été rapporté une accumulation de fer dans l’EPR, une décoloration jaunâtre du fond d’oeil, une atrophie de l’EPR et des dépôts de types drusen4 sous la macula. Dans de multiples modèles animaux, l’invalidation et la mutation de gènes codant les protéines de l’homéostasie du fer ont montré une accumulation toxique du fer au niveau de l’EPR et des PR, associée à des anomalies et des dégénérescences rétiniennes (Tableau I). Les anémies peuvent être également source de surcharge en fer secondaire, car les traitements qui s’effectuent soit par supplémentation diététique ou systémique soit par transfusions, s’accompagnent d’un apport important en fer. Ce dernier s’accumule dans la rétine et l’EPR, entraînant l’apparition de dommages caractéristiques de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) [14].

L’accumulation de fer est observée dans de nombreuses maladies oculaires

L’augmentation du fer et son rôle dans les processus pathogéniques ont été rapportés dans de nombreuses maladies oculaires. Le fer favoriserait l’agrégation de l’α-cristalline au cours du développement de la cataracte, la toxicité du glutamate dans le glaucome, et la synthèse de rénine dans la rétinopathie diabétique [15]. Bien que cela n’ait pas encore été décrit chez l’homme, une accumulation du fer et un dérèglement de son homéostasie sont également observés dans des modèles murins de rétinites pigmentaires [16]. Récemment, nous avons montré la présence de dépôts de fer dans les rétines et l’EPR chez des patients présentant un décollement de rétine. Chez ces patients, l’accumulation de fer dans les liquides oculaires entraîne une saturation de la TF qui réduit la récupération visuelle post-opératoire. Cette accumulation de fer entraîne la nécrose rapide des PR qui est suivie d’une apoptose secondaire [17].

Implication du fer et de ses effecteurs dans le développement de la DMLA
Localisation de l’accumulation de fer et dérégulation de son homéostasie
Les patients atteints de la DMLA précoce, de la forme sèche ou exsudative, présentent plus de fer dans la macula que les patients sains. Des dépôts de fer sont retrouvés dans les mélanosomes de la choroïde et de l’EPR, dans la couche centrale de la membrane de Bruch5 calcifiée, dans les drusen et au niveau des PR (Figure 2) [18]. Une partie de ce fer, retrouvé dans la rétine pathologique des patients atteints de DMLA, est sous la forme libre toxique. Le transcriptome de la région maculaire des patients présentant une DMLA avec une atrophie géographique, montre une augmentation de l’expression de protéines impliquées dans l’homéostasie du fer, telles que la TF, la ferritine et la ferroportine, dans la couche des PR et des pieds des cellules gliales de Müller. La TF est également observée dans les drusen, les PR réimmiscents et dans la rétine interne. Les quantités d’ARN messagers codant la TF et la céruloplasmine sont augmentées dans les deux formes avancées de la DMLA [14]. Dans le sérum des patients présentant les différentes formes de DMLA, une augmentation significative de la TF et du RTF1, ainsi qu’une diminution significative de la concentration en ferritine soluble, sont observées, tandis que celle du fer est inchangée [19].

Plusieurs polymorphismes de gènes impliqués dans l’homéostasie du fer ont été associés à des facteurs de risque de la DMLA : Tfr1, Tfr2 (association modulée par l’obésité et le tabac) [20], Dmt1 [21], Irp1 et 2 [21], ainsi que les gènes codant les hèmes oxygénases 1 et 2 (Ho1/2) [22]. Une récente étude a démontré que le taux de plusieurs micro-ARN (miARN), petites molécules d’ARN non codant se liant dans la région 3’UTR des gènes, était modifié dans le sérum de patients atteints de DMLA, notamment les miARN contrôlant la traduction des protéines TFR1 et DMT1 [23].

Lien entre la surcharge en fer dans la DMLA et sa pathogenèse
Il existe de plus en plus d’évidences de l’implication du stress oxydant et de l’inflammation dans la physiopathologie de la DMLA, et l’accumulation de fer apparaît comme le point convergent de ces deux mécanismes (Figure 2).

La mélanine est capable de lier de grandes quantités de fer, ce qui permet de préserver l’EPR et la choroïde de l’environnement pro-oxydant généré par l’exposition à la lumière. Mais avec l’âge, l’accumulation de fer dans les mélanosomes, associée à une réduction de la quantité de mélanine dans l’EPR, favorisent la formation de radicaux libres [24]. L’exposition des cellules de l’EPR à des doses élevées non-létales de fer entraîne une diminution de l’activité phagocytaire et lysosomale [25]. L’accumulation de produits de dégradation de la vitamine A (lipofuscine) ainsi favorisée entraîne la formation d’AGE (les produits terminaux de la glycation) dans les drusen, l’EPR et la membrane de Bruch chez les patients atteints de DMLA [26]. Dans les maladies dégénératives, l’accumulation de fer induit une ferroptose, une forme de nécrose nouvellement caractérisée, qui a été décrite dans des cellules de l’EPR en culture soumises à un stress oxydatif [27].

L’augmentation de la quantité de fer dans l’EPR favorise l’activation de l’inflammasome NRLP3 (nucleotide-binding domain leucin-rich repeat [LRR] and pyrin-containing receptor 3) via la répression par la riboendonucléase DICER, de la dégradation des séquences Alu ARN6 [28], la diminution de l’expression des transporteurs ABCA1/ABCG1 (ATP-binding cassette A1/G1), augmentant le taux de cholestérol pro-inflammatoire dans la rétine [29], et la synthèse du facteur du complément C3, par activation de la voie ERK/SMAD3/CEBPD [30] (extracellular signal-regulated kinases/mothers against decapentaplegic homolog/CCAAT enhancer-binding protein delta), dont les produits de clivage forment la C5 convertase qui nécessite du fer comme cofacteur [31].

L’augmentation des réactions inflammatoires a également un effet sur le métabolisme du fer. Les interleukines 1β et 6, dont les taux sont augmentés chez les patients atteints de DMLA [32], activent la synthèse de l’hepcidine qui réduit l’exportation du fer de la cellule. L’expression de la lipocaline 2 est augmentée dans les cellules inflammatoires présentes dans la rétine et dans la choroïde de ces patients [33]. Cette protéine qui lie le fer par l’intermédiaire d’un sidérophore, assure son entrée ou sa sortie via son récepteur 24p3R et la mégaline, un récepteur endocytique multiligand [34], qui sont exprimés par l’EPR.

L’augmentation du taux de fer dans la rétine pourrait également avoir un rôle dans le développement des néovaisseaux, en inhibant l’effet anti-angiogénique de HKA (cleaved high-molecular-weight kininogen)[35]. Cela favorise l’expression du récepteur du succinate, le GPR91 qui stimule la production des facteurs pro-angiogéniques, VEGF (vascular endothelial growth factor) et angiopoïétine [36].

La physiopathologie de la DMLA favorise la mise en place d’un environnement hypoxique et HIF est l’un des principaux médiateurs de l’adaptation cellulaire à ces faibles niveaux d’oxygène. Dans l’EPR, l’augmentation de la ferritine mitochondriale due à l’accumulation de fer favorise la stabilisation d’HIF et ainsi l’activation de facteurs pro-angiogéniques (VEGF, oxyde nitrique synthase inductible et hème oxygénase) [37].

Stratégie thérapeutique : chélateur chimique versus naturel

Dès les années 1970, un chélateur du fer, la déferrioxamine (DFO), a été utilisé chez l’homme pour diminuer la quantité de « rouille » déposée sur l’œil avec des résultats satisfaisants. Dans de nombreux modèles de dégénérescence de la rétine (rétinite pigmentaire ou exposition continue à la lumière), la DFO diminue la charge en fer et préserve la rétine [38]. D’autres chélateurs, comme le déferriprone, ont montré une protection significative de la rétine chez des souris dont les mécanismes de l’homéostasie du fer sont altérés. Ces chélateurs chimiques sont surtout utilisés chez l’homme pour traiter les hémosidéroses induites par les transfusions fréquentes. Administrés par voie orale, subcutanée ou intramusculaire, ils sont néanmoins à l’origine d’un certain nombre de dommages oculaires qui peuvent aller jusqu’à une détérioration oculaire permanente chez le patient. L’effet toxique secondaire sur la vision de ces chélateurs provient, sans doute, du fait qu’ils captent indifféremment le fer en excès de celui qui est nécessaire au fonctionnement de l’EPR et des PR [14]. Comme le souligne une revue récente [39], l’usage de chélateurs chimiques est délicate car pour agir, il est nécessaire 1) qu’ils ciblent uniquement l’organe ou le tissu qui est atteint par l’excès de fer ; 2) qu’ils présentent une demi-vie suffisante ; 3) qu’ils traversent les différentes barrières qui entourent le tissu ; et 4) qu’ils soient éliminés rapidement.

Des biomolécules généralement issues de plantes, comme le curcumin, les polyphénols ou les flavonoïdes, sont des chélateurs du fer et ont montré une efficacité dans des modèles murins de dégénérescences rétiniennes [40, 41].

La transferrine : un candidat idéal pour réguler l’homéostasie du fer de la rétine

La TF fait partie de la superfamille des transferrines, qui comprend également la lactoferrine, la mélanotransferrine et l’ovotransferrine, qui sont retrouvées dans de nombreuses espèces, aussi bien de mammifères que d’invertébrés. Elle est constituée de deux lobes chacun liant un atome de fer ferrique (Fe3+) avec une très grande affinité. Son principal rôle est de maintenir un environnement exempt de fer libre. La TF est synthétisée par l’EPR, les cellules gliales de Müller, les PR, et est présente dans l’humeur aqueuse et le corps vitré. Son expression est amplifiée au cours des réactions inflammatoires ou lors d’une réponse immunitaire pour augmenter la capacité de séquestration en fer. Un intérêt thérapeutique a été depuis longtemps attribué à la TF en raison de son pouvoir anti-microbien et du fait de la présence ubiquitaire de son récepteur TFR1 qui favorise la pénétration de molécules thérapeutiques qui l’utilisent pour traverser la barrière hémato-encéphalique. La TF a également été utilisée avec succès chez l’homme dans des maladies du métabolisme du fer et pour sa capacité cytoprotectrice [42].

Notre laboratoire s’est intéressé au potentiel de la TF pour le traitement de maladies rétiniennes. L’administration de la forme sans fer de la TF (apoTF) par injections intrapéritonéales à des souris rd10, un modèle de rétinite pigmentaire7,, préserve les PR mieux que d’autres chélateurs ou anti-oxydants [16]. Injectée dans le corps vitré, elle se retrouve dans l’ensemble de la rétine neurale (cellules gliales de Müller) et est éliminée, via ses récepteurs, par l’EPR et la choroïde sans effet immunogénique ni toxique pour la rétine. Dans un modèle de dégénérescence induite par la lumière, son administration locale permet le rétablissement de l’homéostasie du fer, la diminution de la réaction inflammatoire, la réduction de la mort par apoptose, permettant de préserver les PR et de conserver la fonction visuelle [43]. Dans un modèle ex vivo de décollement de rétine, la TF stoppe les processus dégénératifs, qui sont activés par le décollement et l’excès de fer, en réduisant la nécrose, l’apoptose, la gliose et le stress oxydatif. In vivo, la TF injectée au moment du décollement réduit l’œdème de la rétine, la mort cellulaire et préserve les PR. Outre sa capacité à réduire l’accumulation de fer dans la rétine suite au décollement, la TF agit également sur d’autres voies cellulaires, probablement en interagissant avec des partenaires moléculaires qui restent à découvrir [17].

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 La neurorétine est une unité fonctionnelle du système nerveux central assurant la conversion d’un signal lumineux en influx nerveux.
2 Principal type de cellules gliales de la rétine. De forme allongée, elles s’étendent sur toute l’épaisseur de la rétine.
3 L’hétérodimère HIF est constitué d’une sous-unité régulatrice α (HIF-1, HIF-2 ou HIF-3), dont l’expression est régulée par l’oxygène, et une sous-unité β appelée aussi ARNT, exprimée constitutivement.
4 Accumulation extracellulaire de débris lipidiques, protéiques et cellulaires.
5 Membrane située entre le chorïocapillaire et l’épithélium pigmentaire, servant de filtre semi-perméable.
6 La famille de séquences Alu, dénommée d’après l’enzyme de restriction Alu I, est la séquence répétée dispersée la plus abondante dans le génome humain. Sa transposition dans les régions codantes et régulatrices est responsable de nombreuses maladies génétiques.
7 La souris rd10 porte une mutation du gène PDE6B (phosphodiestérase 6B) qui code une phosphodiestérase spécifique des bâtonnets. Elle provoque une diminution de la fonction de l’enzyme, une augmentation des concentrations de GMPc (guanosine 3’,5’-monophosphate cyclique), et la mort cellulaire des bâtonnets.
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