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| Med Sci (Paris). 36(5): 472–478. doi: 10.1051/medsci/2020079.Les édulcorants de la controverse Alexandra Pepin1* and Pascal Imbeault1** 1Unité de recherche sur le comportement et le métabolisme, École des
Sciences de l’Activité Physique, Faculté des Sciences de la Santé,
Université d’Ottawa, 125
rue Université, K1N
6N5Ottawa, Ontario,
Canada |
Vignette (Photo © Fédération française des diabétiques). La littérature récente révèle un lien important existant entre la consommation de
boissons sucrées et des effets néfastes sur la santé, comme la prévalence de l’obésité
et des maladies métaboliques qui y sont associées [1-3]. Les lignes directrices nutritionnelles émises par les instances de santé
publique, comme celles de l’Organisation mondiale de la Santé, recommandent à la
population de limiter leur consommation de sucres libres et ajoutés, notamment en
réduisant leur consommation de boissons sucrées [4]. De leur côté, les industries alimentaires font de plus en plus
la promotion des substituts de sucre, comme étant une judicieuse alternative qui
permettrait de réduire l’apport calorique sans compromettre l’agréable goût sucré des
aliments… L’utilisation de substituts de sucre comme moyen de limiter l’apport calorique
suscite toutefois des débats controversés. Aussi appelés édulcorants, ces additifs
alimentaires englobent à la fois les édulcorants artificiels et les édulcorants
d’origine naturelle, tels que les extraits purifiés de stévia1, et de fruit du moine2 [5]. Substituts des sucres ajoutés,
ils procurent la sensation de goût sucré tout en ne contenant peu ou pas de calories et
sont communément utilisés comme additifs dans les produits alimentaires, tels que les
boissons, les bonbons, les yogourts, les fruits en conserve et les céréales à déjeuner
[5]. Ils peuvent également être obtenus en
vente libre par les consommateurs [5]. Dans cette
revue, nous examinerons si l’utilisation des édulcorants présente un risque pour la
santé métabolique. Plus précisément, nous discuterons des effets potentiels de la
consommation de substituts de sucre sur l’apport énergétique, sur le microbiote
intestinal et sur le métabolisme du glucose. Finalement, nous analyserons les
édulcorants comme outil nutritionnel et s’ils méritent d’être recommandés par les
professionnels de la santé à leurs patients. |
L’innocuité des substituts de sucre : qui la détermine et comment ? À l’échelle mondiale, une panoplie de substituts de sucres sont approuvés pour
l’utilisation alimentaire, dont les suivants : l’acésulfame-potassium (Ace-K),
l’advantame, l’aspartame, le néotame, la saccharine, le sucralose, la thaumatine,
les glycosides de stéviol, les extraits de fruit du moine, ainsi que les sucres
alcool (polyalcools ou polyols), tels que le lactitol, l’isomalt, le mannitol, le
sorbitol et le xylitol [6].
Leur avantage principal repose sur leur pouvoir sucrant très élevé comparé au
sucrose, soit le traditionnel sucre blanc [7]. De minimes quantités d’édulcorants sont donc suffisantes
pour obtenir le même goût sucré. Par exemple, le pouvoir sucrant de l’aspartame et
du sucralose est perçu respectivement 200 fois et 600 fois plus sucré que celui du
sucrose pour une même quantité. Bien que les sucres alcool soient également des
substituts de sucre, ils ne sont pas considérés comme des édulcorants de haute
intensité, étant donné que leur pouvoir sucrant est similaire ou inférieur à celui
du sucrose [8]. Le
Tableau I présente
différents substituts de sucre et permet de comparer leurs profils en termes de
pouvoir sucrant, d’apport quotidien acceptable et la façon dont ils sont métabolisés
par notre organisme.
Tableau I.
Substituts de sucre (édulcorants) |
Pouvoir Sucrant(Comparé au sucrose) |
Apport quotidien admissible (AQA)en mg/kg de
poids corporel |
Nombre de sachets d’édulcorant équivalent à
l’AQA* |
Métabolisme : digestion, absorption et
excrétion |
Acésulfame-potassium (Ace-K)
|
200 × [7] |
15 [7] |
23 [7] |
Rapidement et presque complètement absorbé dans
l’intestin grêle pour atteindre plus tard la circulation
systémique. Il est ensuite excrété principalement dans l’urine
dans les 24 heures suivant sa consommation [9]. |
Aspartame
|
200 × [7] |
50 [7] |
75 [7] |
Rapidement digéré en ses 3 composants principaux:
la phénylalanine, l’acide aspartique et le méthanol, qui sont
absorbés dans l’intestin grêle et ensuite métabolisés. Aucune
molécule d’aspartame intacte (non hydrolysée) n’atteint la
circulation périphérique [9]. |
Saccharine
|
200-700 × [7] |
15 [7] |
45 [7]
(pouvoir sucrant 400 × celui du sucrose) |
Absorbée dans l’intestin grêle (taux d’absorption
de ± 85 %) et rapidement éliminée de la circulation systémique.
Elle est ensuite excrétée principalement dans l’urine [9]. |
Sucralose
|
600 × [7] |
5 [7] |
23 [7] |
Faiblement absorbé au niveau intestinal (taux
d’absorption de ± 15 %) et n’est peu ou pas métabolisé. Il est
excrété quasi exclusivement sous sa forme intacte dans les
matières fécales [9]. |
Glycosides de stéviol
(Extrait purifié de feuilles de Stévia rebaudiana ou
Bertoni)
|
200-400 × [7] |
4 [7] |
9 [7]
(pouvoir sucrant 300 × celui du sucrose) |
Non absorbés dans l’intestin grêle, mais sont
plutôt hydrolysés lentement par les bactéries du côlon
(Bacteroidetes) qui hydrolysent la liaison
glycosidique de la molécule. Le stéviol est progressivement
absorbé dans le gros intestin, puis transporté vers le foie où
il sera glucuroconjugué afin de faciliter son excrétion. Ceci
entraîne une augmentation lente et régulière des taux
plasmatiques de glucuronides de stéviol. Ces derniers sont
ensuite majoritairement excrétés dans l’urine [9]. |
Extrait de fruit du moine
(luo han guo)
|
100-250 × [7] |
Non disponible |
Non disponible |
|
Comparaison des profils de différents substituts de sucre
(édulcorants). *La quantité d’édulcorant (en
grammes) diffère en termes de volume et de poids. Les calculs ont été
effectués en supposant qu’un sachet d’édulcorant procure un pouvoir
sucrant équivalent à 2 cuillères à thé de sucre de canne blanc
(sucrose). |
Les substituts de sucre sont soumis à des réglementations très strictes dans le but
d’assurer qu’ils ne sont pas nocifs pour la santé humaine [5]. Les étapes qui précèdent l’approbation d’un substitut de
sucre par un organisme de réglementation fédéral ou gouvernemental sont mal
comprises du public et méritent d’être mises en lumière. Bien avant son approbation,
des études précliniques rigoureuses sont entreprises afin de déterminer la
toxicocinétique (examen de l’absorption, de la distribution, du métabolisme et de
l’excrétion d’une substance donnée) de l’édulcorant et d’en assurer son innocuité
[9]. Ces études précliniques d’innocuité
sont réalisées chez l’animal et utilisent un large éventail de concentrations afin
de parvenir à évaluer la relation dose-effet qui pourrait engendrer des effets
néfastes pour la santé. La dose la plus élevée qui ne provoque pas d’effets
biologiques, lorsqu’elle est consommée dans le cadre d’études à doses répétées de
longue durée, est appelée Dose Sans Effet Indésirable Observé
[9]. Afin de pouvoir extrapoler
les résultats de ces études conduites chez l’animal, à l’humain, la valeur de la
Dose Sans Effet Indésirable Observé est ensuite divisée par un
facteur de sécurité (pour les substituts de sucre, ce facteur est souvent de 100)
afin de garantir une marge de sécurité conservatrice [9]. Ce calcul est utilisé pour établir un apport quotidien admissible
(AQA) chez l’humain, étant défini comme « la quantité d’additif
alimentaire [dans ce cas d’un substitut de sucre X], exprimée
en mg/kg de poids corporel/jour, pouvant être ingérée quotidiennement dans une
vie sans aucun risque appréciable pour la santé » [10]. Il est très peu probable de
dépasser ou même d’atteindre l’AQA de la plupart des édulcorants, principalement en
raison des quantités minimes d’édulcorants requises pour obtenir un goût sucré
appréciable, mais aussi parce que les industries utilisent souvent une combinaison
de plusieurs édulcorants dans le but de réduire la quantité de chacun dans la
formulation de leurs produits. Ainsi, pour atteindre l’AQA de l’aspartame, soit 50
mg/kg de poids corporel/jour, il serait nécessaire de consommer environ 18 cannettes
de boissons gazeuses « diète » contenant de l’aspartame comme seul
édulcorant, et ce en une journée [11]. Cependant, cette quantité, qui peut paraître élevée, ne l’est pas
forcément pour tous les édulcorants. En effet, l’AQA du sucralose est de 5 mg/kg de
poids corporel/jour [7]. Sachant qu’une
cannette de 355 mL de boisson gazeuse sans caféine « diète » d’une
marque populaire contient 68 mg de sucralose et 41 mg
d’acésulfame-potassium [12], il suffirait donc de 5 cannettes pour qu’un individu ayant un poids
corporel de 70 kg atteigne l’AQA du sucralose. Bien que des réglementations strictes
et des études rigoureuses assurent l’innocuité des substituts de sucre au préalable
à leur approbation pour utilisation comme additif alimentaire, les études
toxicocinétiques ne permettent cependant pas de tirer des conclusions quant aux
conséquences métaboliques qui pourraient être associées à la consommation de ces
substituts. En d’autres termes, le simple fait que les substituts de sucre sont en
effet considérés comme étant « sans danger » pour la santé humaine (absence de
toxicité ou de risque de causer des maladies, telles que le cancer) ne signifie pas
qu’ils constituent une option « saine » pour le consommateur (état physiologique
optimal pour maintenir une bonne santé) [13]. De ce fait, un grand nombre de professionnels de la santé
hésitent donc à recommander la prise d’édulcorants à titre d’outil nutritionnel
favorisant la gestion du poids corporel, et ce principalement en raison des
incertitudes quant aux effets de leur consommation à long terme sur la santé
métabolique [14]. |
Les substituts de sucre et la gestion du poids corporel : ce qu’en dit la
science… Ce n’est pas d’hier que des préoccupations en lien avec les effets de la consommation
d’édulcorants sur le métabolisme et la régulation des mécanismes de l’appétit ont
été exprimées. Des études observationnelles ont en effet révélé que l’augmentation
substantielle de la consommation d’édulcorants au cours des quatre dernières
décennies coïncide avec l’accroissement de la prévalence et de l’incidence de
l’obésité [15-17], ouvrant ainsi la porte à
suspecter que la prise de substituts de sucre pourrait altérer certains mécanismes
régulant l’apport énergétique. Néanmoins, des essais randomisés contrôlés, qui ont
un pouvoir statistique plus fort que les études observationnelles, ne supportent pas
cette idée selon laquelle l’apport en substituts de sucre favoriserait une
augmentation de l’apport énergétique. Une méta-analyse récente, incluant des études
conduites chez des populations d’adultes et d’enfants pendant une durée de 3 à 78
semaines, révèle que la substitution du sucre par des édulcorants entraîne une perte
de poids modeste inférieure à 1 kg [18]. À la lumière de ces résultats, il fut conclu que
l’utilisation d’édulcorants pouvait donc être recommandée chez les individus visant
une perte ou un maintien de perte de poids corporel [18]. Cependant, comme les études comprises dans cette méta-analyse sont
toutes des interventions ayant comparé la consommation d’édulcorants à celle de
sucre, on ne peut déterminer si les effets observés au niveau du poids corporel sont
directement reliés à la consommation d’édulcorants. Autrement dit, il est possible
qu’une perte de poids similaire soit observée en réduisant la consommation de sucre
sans nécessairement avoir à substituer le sucre dans l’alimentation par des
édulcorants. Il faut également noter que cette méta-analyse a reçu un soutien
financier de la branche nord-américaine de l’International Life Sciences
Institute (Institut International des Sciences Humaines), une
organisation internationale à but non lucratif, mais financée et fortement
influencée par les industries alimentaires [19-21]. Une revue systématique d’auteurs ayant bénéficié de subventions de
recherche par l’industrie du sucre n’a également pas relevé d’évidence chez l’humain
supportant l’augmentation de l’apport énergétique et du poids corporel en lien avec
la consommation de substituts de sucre [22]. Fait intéressant, les auteurs de cette étude ont également
stipulé que l’utilisation de boissons sucrées à base d’édulcorants semblait neutre
ou même bénéfique à la gestion du poids corporel, et ce même en comparaison à de
l’eau [22]. Toutefois, cette revue
systématique a regroupé les interventions d’une durée de plus de 24 heures comme
étant des « interventions prolongées », cette durée étant nettement
insuffisante pour observer les effets chroniques de l’utilisation de substituts de
sucre au niveau de la gestion du poids corporel. Ainsi, les conclusions issues des
résultats de cette revue systématique ne reposent pas sur des données
représentatives d’une consommation à long terme de substituts de sucre et ne peuvent
donc pas être interprétées comme telles. |
Les effets paradoxaux des substituts de sucre Bien que les résultats issus d’études observationnelles ne permettent pas d’établir
une relation de cause à effet entre la consommation de substituts de sucre et le
gain de poids corporel, certains mécanismes par lesquels les édulcorants pourraient
favoriser un gain pondéral à long terme ont été proposés. Il est d’ailleurs suggéré
que la prise de substituts de sucre pourrait maintenir et renforcer le désir pour
les aliments sucrés, pouvant ainsi compromettre la perte ou le maintien du poids
corporel à long terme. La consommation d’édulcorants pourrait également mener à la
production de signaux d’appétit contradictoires dû au fait qu’ils sont perçus comme
une source de calories par nos papilles gustatives, alors qu’ils en sont exempts.
Ces « faux messages » pourraient en fait résulter en une augmentation ultérieure de
l’appétit et subséquemment l’augmentation de l’apport énergétique, phénomène
présenté comme un des effets paradoxaux des substituts de sucre [23]. Les stimulations orosensorielles qui sont induites lorsque nous consommons des
aliments ou des boissons qui procurent à la fois un goût sucré et un contenu
calorique initient des mécanismes impliqués dans la régulation de l’apport
énergétique. Parmi ceux-ci, l’alliesthésie alimentaire négative est une sensation
qui prévient la surconsommation des aliments sucrés et/ou gras en diminuant le
plaisir perçu lorsqu’on les consomme, ou après les avoir ingérés [23]. Ainsi, l’alliesthésie alimentaire négative
est susceptible d’être affaiblie par la consommation d’édulcorants si l’on prend en
considération le fait que le goût sucré de ces derniers n’est pas associé à un
apport énergétique [23-25]. De plus, l’ingestion répétée de
substituts de sucre, qui fournit le stimulus orosensoriel du goût sucré sans
toutefois être une source d’énergie considérable, pourrait également perturber
l’équilibre énergétique en diminuant la capacité du goût sucré à prédire le contenu
calorique d’un aliment ou d’une boisson, conduisant ainsi à une diminution des
réponses de la phase céphalique [26]. Les réponses de la phase céphalique sont une variété de réponses
hormonales, neuronales et métaboliques induites par les stimulus orosensoriels (par
exemple, la salivation, la sécrétion d’acide gastrique, la thermogenèse et la
sécrétion d’hormones telles que l’insuline, la ghréline et la leptine) qui
facilitent le transit des aliments ingérés dans le tractus gastro-intestinal [27,28] et qui sont également impliquées dans la
régulation de l’appétit et de la satiété [29]. Selon cette approche, l’altération des réponses de la
phase céphalique par les édulcorants aurait ainsi pour effet de stimuler l’apport
énergétique spécifiquement pour les aliments sucrés et caloriques, ceci pouvant
contribuer à un gain de poids non désiré [26]. Quoique prometteur, il est important de souligner que ces hypothèses
ont été confirmées par des études réalisées chez le rongeur [30]. Il reste maintenant à savoir si ces
résultats peuvent être transposés à l’humain. |
Les substituts de sucre : ennemis du microbiote ? En plus de fournir très peu de calories, les substituts de sucre sont également
intéressants pour les patients diabétiques puisqu’ils n’ont aucun effet sur la
glycémie… du moins c’est ce que nous pensions. La plupart des édulcorants ne sont
pas digérés dans l’intestin grêle (les détails quant au métabolisme de digestion,
d’absorption et d’excrétion de divers édulcorants sont présentés dans le
Tableau I) et
peuvent par conséquent rencontrer le microbiote intestinal. La composition du
microbiote intestinal est une signature unique qui peut pratiquement être comparée à
une empreinte digitale. En tant qu’écosystème complexe et dynamique, le microbiote
diffère grandement entre les individus et est directement influencé par certains
facteurs propres à l’hôte qui l’héberge, comme la génétique [31] et l’âge [32], mais aussi par des facteurs
environnementaux, tels que l’exposition aux antibiotiques [33], les habitudes de vie [33] et de manière encore plus importante, par
l’alimentation [34,35]. Des preuves
convaincantes démontrent que les altérations du microbiote intestinal ont des effets
néfastes sur la physiologie de l’hôte et contribuent, comme facteur environnemental,
au développement de l’obésité, de l’inflammation de faible grade et de la résistance
à l’insuline [13,36-38] (→).
(→) Voir la Nouvelle de B. Chassaing, m/s n° 6-7,
juin-juillet 2015, page 586
Selon ses interactions avec l’environnement, ce microbiote est sujet à une dysbiose,
soit une perturbation de l’homéostasie intestinale causée par un déséquilibre dans
la configuration structurelle et/ou fonctionnelle des microorganismes bénéfiques et
protecteurs qui le composent [39]. Comme cette voie de recherche est très récente, les mécanismes qui
sous-tendent l’implication du microbiote dans la modulation des réponses glycémiques
chez l’humain n’ont pas encore été clairement établis [37]. Toutefois, plusieurs mécanismes ont été
proposés et sont au cœur des recherches actuelles dont la production de peptides
intestinaux qui stimuleraient la sécrétion d’insuline par les cellules bêta du
pancréas et la production par les bactéries intestinales d’acide gras à chaîne
courte présentant des effets bénéfiques au niveau de l’inflammation et de
l’intégrité de la barrière muqueuse intestinale [37]. La relation entre le microbiote intestinal et le métabolisme du glucose a notamment
été examinée par le transfert du microbiote intestinal, c’est-à-dire la greffe de
matières fécales, de donneurs sains à des sujets atteints du syndrome métabolique.
Celle-ci a montré une amélioration significative de la sensibilité à l’insuline des
patients transplantés, après six semaines d’intervention [36]. Les travaux de Suez et al. en 2014 [40] réalisés chez le rongeur ont permis de
démontrer que la consommation de saccharine, de sucralose, ou d’aspartame, à des
doses équivalentes à l’AQA durant 11 semaines, produisait une dysbiose et une
diminution significative de la tolérance au glucose, celle-ci étant associée avec un
état prédiabétique [41].
Parallèlement, la greffe de matières fécales provenant de souris ayant consommé une
solution commerciale de saccharine transférée à des souris microbiologiquement
stériles a également résulté en une altération de la tolérance au glucose, suggérant
ainsi un rôle important du microbiote dans l’intolérance au glucose [40]. En poursuivant leurs observations chez
l’humain, la consommation de saccharine à des doses équivalentes à l’AQA a résulté
en une dysbiose, en plus d’une intolérance au glucose chez la moitié des sujets
étudiés en sept jours seulement, alors que l’autre moitié des sujets n’ont pas
présenté d’altération [40]. Les auteurs ont
d’ailleurs souligné qu’il semble exister des différences interindividuelles
importantes dans les réponses glycémiques et le profil du microbiote suivant la
consommation de substituts de sucre, suggérant ainsi que la consommation
d’édulcorants n’affecterait pas tous les individus de la même façon et que les
réponses métaboliques pourraient être influencées par la composition initiale de
leur microbiote [40]. Afin d’identifier les
réponses métaboliques pouvant être propres à chaque variété de substituts de sucre,
une intervention visant à étudier les effets sur 7 jours de doses de sucralose
équivalentes à approximativement 75 % de l’AQA sur le microbiote intestinal et le
métabolisme du glucose a été réalisée chez l’humain. Aucune différence significative
n’a été détectée entre les résultats du groupe expérimental et ceux du groupe
contrôle en ce qui concerne la diversité du microbiote intestinal et de la
résistance à l’insuline [42]. Dans l’ensemble, ces résultats suggèrent que les effets métaboliques
associés à la consommation de substituts de sucre peuvent varier en fonction de
l’individu, de la variété d’édulcorant utilisée et du temps d’exposition. Les deux
études précédentes font partie des très rares interventions qui ont examiné les
effets métaboliques de la consommation d’édulcorants pendant plus d’une semaine. Une
méta-analyse récente a par ailleurs conclu que la consommation d’édulcorants
(aspartame, saccharine, sucralose et stévia) n’avait pas d’effet significatif sur
les réponses glycémiques chez l’humain [43]. Néanmoins, seuls 3 des 29 essais randomisés contrôlés
inclus dans cette méta-analyse ont exposé les participants aux édulcorants durant
plus d’une journée (deux interventions avec une durée d’exposition de 3 jours [44,45] et une avec une durée d’exposition de 2
semaines [46]). Les
résultats issus de cette méta-analyse doivent donc être interprétés avec prudence
puisqu’ils ne sont pas représentatifs d’une consommation à long terme de substituts
de sucre. |
Ce qu’il faut en retenir… Ne compromettant pas le goût sucré des aliments et des boissons, les substituts de
sucre semblent être une alternative prometteuse pour une utilisation par des
individus qui visent une restriction calorique ou qui désirent maintenir une perte
de poids à long terme. Cette affirmation suscite la controverse dans la sphère
scientifique puisque la consommation de substituts de sucre a été impliquée dans la
perturbation de mécanismes de régulation de l’appétit, pouvant ainsi conduire à un
apport calorique accru et à une prise de poids ultérieure. La plupart des mécanismes
par lesquels cela pourrait se produire ne sont cependant pas supportés par des
preuves convaincantes à ce jour. Bien qu’il soit incertain que les substituts de
sucre favorisent l’apport alimentaire, on ne peut non plus conclure qu’ils
favorisent la perte de poids. Des études récentes suggèrent que la consommation de
certaines variétés d’édulcorants altère la diversité et la richesse du microbiote
intestinal, ayant pour effet d’entraîner une perturbation des réponses glycémiques.
Une question persiste : quelle option est la meilleure pour la
santé, le sucre ou les substituts de sucre ? La réponse est :
aucune. L’idée de considérer les substituts de sucre comme une
alternative saine aux sucres libres et ajoutés, sous prétexte qu’ils ne contiennent
peu ou pas de calories, constitue une solution trop simple à un problème beaucoup
plus complexe. La surconsommation de sucres libres et ajoutés est clairement
associée à des effets néfastes pour la santé. Cependant, il n’y a pas suffisamment
de preuves supportant que l’utilisation d’édulcorants soit sans conséquence sur la
santé métabolique et physiologique. Sur la base des preuves disponibles, il est donc
difficile d’endosser la recommandation des substituts de sucre comme outil
nutritionnel dans le contexte de la gestion du poids corporel. L’utilisation
d’édulcorants n’est pas nécessaire pour réduire l’apport en sucre ni pour réduire
l’apport énergétique. Il serait plus bénéfique de mettre l’accent sur une réduction
graduelle de la consommation quotidienne de sucres libres et ajoutés, tout en
faisant valoir les avantages pour la santé de consommer des aliments et des boissons
non transformés. Il existe un dicton célèbre voulant qu’il suffise de 21 jours pour
briser une habitude [47]
(en fait, scientifiquement parlant, il faudrait en moyenne 66 jours pour en former
une nouvelle [48]). Nous
croyons que cela vaut la peine d’essayer. |
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données
publiées dans cet article.
|
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