Vignette (Photo © Jean Livet).
Hervé Chneiweiss, dans son nouveau recueil « Notre cerveau », commence presque par s’excuser : « Les neurosciences sont une entreprise de désenchantement » [1]. Est-ce pour compenser ce qu’il imagine de notre frustration qu’il parsème son recueil d’extraits poétiques et d’images, tantôt nous emportant dans la féerie étoilée de l’univers microscopique de « notre cerveau », tantôt illustrant son récit de peintures du xxe siècle : Bacon, Léger, Pollock, Magritte ?
Certes, définir scientifiquement la conscience, cette « cohérence d’interactions entre nos différentes aires cérébrales », ou tenter par une démarche expérimentale de répondre à cette question : le libre arbitre existe-t-il ? n’est pas tâche facile. L’auteur ne prend pas sa casquette de président du Comité d’éthique de l’Inserm et n’emprunte pas des chemins philosophiques pour répondre à ces questions, mais s’appuie pour étayer ses propos sur des observations scientifiques anciennes et sur des résultats récents issus de multiples méthodes d’enregistrement de l’activité cérébrale (électro-encéphalogramme à haute densité, imagerie cellulaire in vivo, optogénétique, microscopie à feuille de lumière, etc.). Chemin faisant, il détricote un certain nombre de neuromythes ancrés dans la croyance populaire. En nous démontrant que notre cerveau est avant tout un organe d’anticipation et d’évaluation des possibles, il nous explique en quoi « nous ne sommes pas seulement des êtres de savoir mais plus encore des êtres de croyance ». Alors, puisque l’émotion est le principal moteur de notre raison, la magie opère et on se prend à rêver quand le champ de coquelicots de Klimt fait écho au brainbow murin1 où chaque cellule cérébrale colorée rappelle les fleurs des champs qu’agiterait une brise de songes. On imagine que l’engramme, la base biologique de la mémoire, ressemble à une empreinte de pas sur le sable qui se doit d’être consolidée pour être préservée et on se délecte du « goût sucré de nos jugements ». Hervé Chneiweiss est un prestidigitateur. Sa mise en garde initiale n’avait donc pour objectif que de mieux nous convaincre que notre cerveau est une extraordinaire fabrique d’illusions. Point de science aride, point de désenchantement ! Profitons-en, et laissons « Notre Cerveau » réinventer le monde…