2008


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Principaux constats et principes d’actions
Sur la base des informations présentées dans ce document, le groupe d’experts considère que la réflexion sur l’avenir et l’encadrement des nouveaux tests génétiques (prédictifs ou de susceptibilité) doit s’appuyer sur les constats généraux suivants :
• les tests génétiques1 sont des outils complexes. Leur validité ne repose pas sur une relation simple et univoque entre génotype et phénotype ou entre génotype et pathologie. Le concept de « déterminisme génétique » est, de ce point de vue, source de nombreuses confusions ;
• la complexité biologique et médicale n’est pas seulement un enjeu pour la recherche. Elle caractérise également l’usage des tests et l’évaluation de leurs impacts psychologiques, sociaux et culturels. Le sens et l’impact de l’information dépendent dans une très large mesure du contexte dans lequel elle est produite et délivrée, des interventions auxquelles elle est associée, des acteurs qui s’en saisissent. Les tests génétiques peuvent apporter de l’information et de nouvelles possibilités d’intervention préventive ou thérapeutique. Ils peuvent avoir des effets négatifs : directs lorsqu’il s’agit de discrimination à l’emploi ou à l’assurance ; plus souvent indirects, en raison des effets psychologiques anxiogènes de la connaissance d’un risque de maladie ou encore sur leur impact sur les représentations collectives de la maladie et du handicap ;
• par rapport aux autres outils de la biomédecine, les tests génétiques présentent certaines caractéristiques et en premier lieu, la nature de l’information apportée. Certains tests, dans le cas de maladies monogéniques ou par aberrations chromosomiques, sont susceptibles d’apporter un diagnostic. D’autres tests ont une valeur prédictive faible comme dans le cas de maladies multifactorielles. Par ailleurs, la prédiction associée au test porte parfois sur des événements dont la survenue interviendra plusieurs dizaines d’années après la réalisation des analyses. Concernant les implications médicales des tests, les résultats s’adressent directement à la fois à un individu et à un collectif (famille au sens large) même si les membres ne se sont pas associés ni même informés de la démarche de test. Le statut particulier des tests génétiques est renforcé par le fossé médical entre une capacité accrue d’identification de facteurs de risque et l’existence de moyens efficaces sur le plan préventif ou thérapeutique. Ce fossé existe pour un nombre important de pathologies multifactorielles ;
• il existe une grande diversité dans la nature des tests et dans les conditions de leur mise en œuvre. Schématiquement, à un extrême, existent des tests pour des pathologies monogéniques, à pénétrance forte, avec parfois des modalités de prévention efficaces et acceptées qui posent peu de problèmes. À un autre extrême, existent des tests révélant un risque faible (susceptibilité) à long terme à une pathologie multifactorielle, à pénétrance faible et pour laquelle les mesures préventives sont essentiellement environnementales. Cette diversité impose d’expérimenter des formes variées de mise à disposition.
Face à des situations différenciées et complexes, le groupe d’experts considère qu’il ne lui appartient pas de proposer des mesures spécifiques mais en revanche, qu’il est dans son rôle de définir des principes généraux d’action permettant d’envisager des évolutions adaptées à chaque configuration technique, médicale et sociale.

1er principe : le test génétique doit rester un acte de biologie médicale réalisé dans le cadre d’une approche intégrée

Le développement d’un marché spécifique des tests génétiques est aujourd’hui envisagé sous deux configurations différentes. La première est l’accès direct à certains tests sous la forme de kits dits d’auto-tests qui pourraient être achetés auprès d’un pharmacien ou d’un fournisseur commercial par les personnes intéressées. La seconde est la transposition au domaine des tests génétiques de la situation prévalant pour les autres analyses de biologie médicale : un laboratoire d’analyse de biologie médicale, réalise les investigations à la demande de médecins. La première perspective est pour l’instant marginale. Elle pourrait connaître un développement plus important avec la baisse du coût des investigations et l’augmentation des capacités d’analyse grâce à l’utilisation des « puces » à ADN. La seconde perspective est le mode normal d’accès aux tests génétiques aux États-Unis et dans plusieurs pays européens.
Ces deux modalités sont problématiques dans la mesure où elles renforcent deux risques afférents à la pratique des tests génétiques. Il s’agit, premièrement, du risque d’excès de tests associé au développement et à la généralisation, pour des raisons commerciales ou corporatistes, de procédures dont l’utilité clinique est contestée, non prouvée ou même inexistante. Il s’agit ensuite du risque de dissociation entre la réalisation technique du test, l’interprétation de ses résultats et la prise en charge en termes de prévention ou de traitement. Cette dissociation entraîne une moindre qualité des interventions soit parce que celles-ci sont absentes ou retardées soit parce que les procédures inutiles ou inappropriées se voient multipliées.
En conséquence, le groupe d’experts considère que les tests génétiques doivent, sauf exception, rester des actes de biologie médicale effectués sur la base d’une prescription médicale dans le cadre d’une approche intégrée comportant la réalisation technique, la pratique du conseil génétique et l’organisation de la prise en charge préventive ou clinique.

2e principe : l’utilité de chaque test génétique doit être évaluée

D’une façon générale, une régulation des pratiques biomédicales vise à garantir la qualité, l’accessibilité, l’efficacité et l’utilité de ces pratiques.
L’évaluation doit porter sur plusieurs niveaux : analytique en tant que dispositif de diagnostic in vitro, conditions de mise en œuvre, utilité clinique et impact social, qui ne peuvent pas être abordés à partir d’un système unique d’expertise.
Les dispositifs de diagnostic in vitro sont réglementés par la Directive Européenne 98/79/CE et la législation ne prévoit pas de réglementation en matière de distribution des tests diagnostiques in vitro. Si une limitation de la distribution était envisagée, elle devrait intervenir au niveau européen, étant donné qu’à l’heure actuelle, aucune limitation ne peut être imposée au plan national dans la mesure où ces dispositifs portent le label CE.
Dans le contexte français, les conditions de mise en œuvre offrent des garanties suffisantes puisque les tests génétiques ne peuvent être réalisés que dans des laboratoires autorisés par l’Agence régionale de l’hospitalisation (ARH) et par des praticiens agréés par l’Agence de la biomédecine. La plupart des laboratoires autorisés se sont organisés en réseaux au plan national en liaison avec les centres de référence pour la prise en charge des maladies rares.
L’évaluation de l’utilité médicale de certains tests n’est pas une question résolue. Les jugements sont peu formalisés, émanent des seuls spécialistes de la maladie considérée ou des services initiateurs des tests. En pratique, cette évaluation entre dans les missions de la Haute autorité de santé (HAS) dont l’avis est requis en particulier pour l’inscription à la nomenclature des actes de biologie médicale (NABM) et en corollaire, des tests génétiques. Pour les tests n’ayant pas vocation à être inscrits à la NABM, il serait utile de constituer un groupe de travail transversal rassemblant l’ensemble des parties intéressées (HAS, Agence de la biomédecine, Afssaps, Dhos, DGS, Cnamts…). Ce groupe de travail aurait pour mission principale d’évaluer les bénéfices cliniques des tests proposés et surtout d’établir la distinction entre les tests requérant une surveillance étroite et ceux qui posent peu de problèmes.

3e principe : le statut et la place des tests génétiques doivent être discutés avec les patients et les personnes concernées

La prise en compte du point de vue des malades ne peut pas se réduire au droit des individus à accepter ou refuser une procédure à travers la signature des formulaires de consentement informé. Les enjeux sociaux des tests ne se résument pas au seul consentement. La validité analytique et l’utilité clinique ne sont pas les seuls éléments à prendre en compte pour juger de l’impact du recours ou de l’absence de recours à un test génétique. Les trajectoires personnelles des individus, la vie des familles, les images du handicap et de la maladie, constituent des aspects tout aussi importants.
Les discussions sur le statut général des tests, de même que celles sur l’introduction de telle ou telle procédure, ne devraient donc pas être conduites par les seuls chercheurs et médecins. Elles doivent impliquer les patients, leur famille et leurs proches. Leur participation organisée est nécessaire car les associations de malades sont des vecteurs d’une expérience collective de la maladie, expérience irréductible aux données de l’expérimentation biomédicale et cependant complémentaire de celles-ci. Des formes appropriées doivent être trouvées pour les associer non seulement aux consultations mais également aux prises de décisions (par exemple au sein d’une commission nationale des tests génétiques).
Dans la mesure où le statut général des tests représente un enjeu général de santé publique, le groupe d’experts considère que la réflexion à ce sujet ne doit pas être limitée aux seules parties directement intéressées (chercheurs, cliniciens, industriels, patients). Du fait de ses responsabilités vis-à-vis de l’ensemble des assurés sociaux, la Cnamts pourrait lancer une consultation nationale sur les tests génétiques en s’inspirant des procédures mises en œuvre à l’étranger (auditions par une commission ad hoc, réalisation d’enquêtes par groupe focus, organisation d’une conférence « citoyenne »).

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