Du déterminisme génétique aux tests
2008
| ANALYSE |
5-
Évaluation économique des tests génétiques
Dépistage génétique
; Flowers et Veenstra, 2004
). Selon ces auteurs, un test génétique présente un intérêt et peut être pris en charge financièrement par la collectivité, si les conditions suivantes sont réunies :
) focalisent leur analyse sur le domaine du cancer et recensent 29 études, dont 12 évaluations économiques complètes prenant simultanément en compte les coûts et les bénéfices. Ils soulignent l’hétérogénéité des études publiées tant au regard de la méthodologie d’évaluation privilégiée (analyses coût/conséquences, coût/efficacité ou utilité, coût/bénéfice) qu’au regard des principaux paramètres retenus pour estimer la valeur de l’intervention (fréquence et pénétrance de la mutation, coût du test et du conseil génétique). Cette hétérogénéité rend bien évidemment la comparaison des études difficile, d’autant que leur qualité laisse parfois à désirer. Les critères d’efficacité varient d’une étude à l’autre : certaines études calculent le coût par mutation détectée, d’autres prennent en compte l’impact sur la survie, pondérée ou non par la qualité (QALY).
) ou en recourant à l’analyse conjointe). Les différentes études publiées montrent que le dépistage des mutations génétiques permet d’accroître la survie des personnes porteuses de ces mutations. Au regard du ratio coût/efficacité, les tests génétiques ne se justifient qu’au sein de populations à risque clairement circonscrites, en fonction de l’histoire familiale (à partir d’un probant avec une mutation connue). Le dépistage en population générale ne se justifie pas d’un point de vue économique.
), quant à lui, adopte une perspective plus large, dépassant le seul domaine du cancer. Il identifie 21 évaluations économiques complètes
. Les données économiques apparaissent parcellaires pour nombre de pathologies. Cependant, pour certaines d’entre elles, plusieurs études sont disponibles et leurs résultats peuvent être comparés. Il s’agit du cancer du sein et de l’ovaire (gènes BRCA1/2), de la polypose adénomateuse familiale (gène APC), du syndrome de Lynch (des gènes MMR), de l’hypercholestérolémie familiale, de l’hémochromatose. Rogowski (2006
) résume les données disponibles de la manière suivante. La recherche des mutations liées à la polypose adénomateuse familiale dans les populations à risque est justifiée du point de vue économique, dans la mesure où les bénéfices excèdent les coûts. La recherche des mutations liées au syndrome de Lynch chez les patients présentant un cancer colorectal présente un ratio coût/efficacité acceptable (dont l’estimation doit cependant être précisée). En ce qui concerne l’hypercholestérolémie familiale, le dépistage génétique est dominé par le dépistage phénotypique. Nous présentons plus en détail quelques-unes de ces études ci-dessous dans la mesure où elles illustrent un certain nombre de points de discussion.Cancer du sein et de l’ovaire
) a estimé que, dans le cadre d’une prédisposition héréditaire, le risque cumulé à l’âge de 70 ans est de 65 % (IC 95 % [44–78]) pour BRCA1 et de 45 % (IC 95 % [31–56]) pour BRCA2 en ce qui concerne le cancer du sein, de 39 % (IC 95 % [22–51]) pour BRCA1 et de 11 % (IC 95 % [4,1–18]) pour BRCA2 en ce qui concerne le cancer de l’ovaire. Au sein de la population à risque, les études cliniques ont montré que le risque relatif est de 0,1 pour le cancer du sein après mammectomie prophylactique, de 0,6 pour le cancer du sein et de 0,04 pour le cancer des ovaires après annexectomie prophylactique et de 0,51 pour le cancer du sein après chimio-prévention par Tamoxifène® comparativement à l’absence d’intervention (surveillance).
Tableau 5.I Synthèse des études économiques relatives aux tests de prédisposition génétique (d’après Rogowski, 2006
)
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Références
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Approche
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Mesures pour les porteurs de la mutation
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Résultats
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Commentaires
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Cancer du sein et cancer de l’ovaire
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CE
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Surveillance renforcée : auto-palpation mensuelle, examen clinique annuel des seins avec mammographie pour les porteurs de la mutation
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4 294 €/LYG a
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Qualité insuffisante des études, résultats instables
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CU
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Annexectomie, mammectomie pour les porteurs de la mutation
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34 000 $/QALY b
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CE
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Annexectomie, mammectomie pour les porteurs de la mutation
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20 717 $/LYG a
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Polypose adénomateuse familiale
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CM
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Coloscopie ou sigmoïdoscopie pour les porteurs de la mutation et les parents au premier rang au statut inconnu
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Coûts < Bénéfices
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Évidences solides (stratégie dominante)
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|
CM
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Sigmoïdoscopie pour les porteurs de la mutation et les parents au premier rang au statut inconnu
|
Coûts < Bénéfices
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|
CM
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Sigmoïdoscopie pour les porteurs de la mutation et les parents au premier rang au statut inconnu
|
Coûts < Bénéfices
|
||
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Syndrome de Lynch (HNPCC)
|
||||
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CE
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Surveillance renforcée par coloscopie et polypectomie éventuelle pour les porteurs de la mutation
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2 184 €/LYG a
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Évidences solides (valeur du ratio CE à valider)
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|
|
CE
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Colectomie prophylactique/surveillance renforcée par coloscopie pour les porteurs de la mutation
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11 865 $/LYG a
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CE
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Colectomie prophylactique/surveillance renforcée pour les porteurs de la mutation
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7 556 $/LYG a
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Hypercholestérolémie familiale
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CE
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Traitement par statines pour les porteurs de la mutation
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8 800 $/LYG a
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Évidences solides (le dépistage génétique est dominé par le dépistage phénotypique)
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|
|
CE
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Traitement par statines pour les porteurs de la mutation satisfaisant aux critères de traitement
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25 500 $/LYG a
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|
CE
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Traitement par statines pour les porteurs de la mutation
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Stratégie dominée
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Hémochromatose héréditaire
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CE
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Phlébotomie, contrôle annuel de la ferritine sérique pour les porteurs de la mutation
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508-3 665 $/LYG a
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Résultats instables
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Schöffski et coll., 2000
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CE
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Conseil, phlébotomie, contrôle annuel de la ferritine sérique pour les porteurs de la mutation
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4 441 $/LYG
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|
|
CU
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Phlébotomie pour les porteurs de la mutation présentant un taux de fer élevé
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Stratégie dominée
|
||
a LYG : Life-Year Gain ; b QALY : Quality Adjusted Life Year CE : coût/efficacité ; CM : coût/minimisation ; CU : coût/utilité
).
), au sein de la population juive ashkénaze (prévalence des mutations égale à 2,5 %), le dépistage génétique permet d’améliorer la survie des femmes de 38 jours (IC 95 % [22-57]) pour la combinaison mammectomie + annexectomie, de 33 jours (IC 95 % [18-43]) pour la mammectomie seule, de 11 jours (IC 95 % [4-25]) pour l’annexectomie seule contre 6 jours (IC 95 % [3-8]) pour la surveillance clinique seule. Le rapport coût/efficacité des différentes stratégies s’établit à 20 717 $, 29 970 $, 72 780 $ et 134 273 $ par année de vie sauvée respectivement. Selon les auteurs, le dépistage génétique est donc coût-efficace si les femmes acceptent les mesures de chirurgie prophylactique. Pour Tengs et Berry (2000
)3
, le coût par QALY avoisine 3 500-4 900 $ pour les femmes à haut risque (prévalence des mutations BRCA1/2 oscillant entre 25 % et 50 %), se situe entre 15 000 $ et 34 000 $ pour les femmes à risque modéré (prévalence de la mutation entre 5 % et 10 %) mais grimpe à 1,6 million $ en population générale (prévalence BRCA1 = 0,06 %, BRCA2 = 0,02 %). Sanders et coll. (2005
) évaluent l’intérêt du dépistage dans quatre populations distinctes : la population générale, la population juive ashkénaze, la population à risque (femmes ayant un apparenté au premier degré avec une femme ayant eu un cancer du sein ou de l’ovaire avant 40 ans), la population juive ashkénaze à risque (femmes juives ashkénazes ayant un apparenté au premier degré avec un cancer du sein ou de l’ovaire avant 35 ans). Selon les auteurs, le coût du dépistage en population générale apparaît prohibitif. Le dépistage dans la population à risque ou dans la population juive ashkénaze (prévalence de la mutation comprise entre 2,5 % et 4 %) présente un rapport coût/efficacité acceptable (inférieur à 100 000 $/QALY) à la condition que les mesures de chirurgie prophylactique soient bien acceptées par les femmes. Dans le cas contraire, le dépistage génétique n’apparaît pas coût-efficace. Le rapport coût/efficacité du dépistage génétique au sein de la population juive ashkénaze à risque reste toujours inférieur à 100 000 $/QALY. Plus récemment, à partir de l’expérience espagnole du conseil génétique chez les familles à risque de cancer du sein, Balmana et coll. (2004
) estiment le coût par année de vie gagnée à 4 294 €.
) estiment que la survie d’une femme de 30 ans porteuse de la mutation augmente de 1,8 an si une chimio-prévention par Tamoxifène® est mise en œuvre, de 2,6 ans si une annexectomie est pratiquée, de 4,6 ans si l’annexectomie est associée à une chimio-prévention, de 3,5 ans si une mammectomie est pratiquée et de 4,9 ans si les mesures de chirurgie prophylactique sont réalisées conjointement (Schrag et coll., 1997
; Grann et coll., 1998
; Grann et coll., 2000
; Schrag et coll., 2000
). Le bénéfice de la prévention diminue lorsque le test est réalisé plus tardivement. Le classement des stratégies de prévention est différent si l’on prend en compte les préférences des femmes. En effet, le gain d’années de vie ajustées par la qualité (QALY) est supérieur pour l’association Tamoxifène® + annexectomie que pour la mammectomie. Van Roosmalen et coll. (2002
) parviennent à des résultats similaires. Ils comparent quatre stratégies de prévention combinant chirurgie prophylactique et surveillance. Au regard du nombre d’années de vie gagnées, la chirurgie prophylactique (mammectomie + annexectomie) domine les autres stratégies de prévention. Cependant, dès lors que les préférences des femmes sur les états de santé sont prises en considération, l’annexectomie occupe une place prépondérante parmi les stratégies de prévention des cancers gynécologiques. La question de l’acceptabilité de la chirurgie prophylactique par les femmes est centrale pour évaluer l’intérêt du dépistage génétique. L’observance n’est pas complète vis-à-vis de mesures aussi invasives. Avant de connaître le résultat du test, 19 % à 43 % des femmes déclarent envisager la mammectomie si elles sont porteuses de la mutation. Ce pourcentage varie entre 23 % à 50 % en ce qui concerne l’annexectomie (Kmet et coll., 2004
). Parmi les femmes se sachant porteuses de la mutation BRCA1/2, 17 % envisagent la mammectomie, 33 % l’annexectomie (Lerman et coll., 1996
).
et 2003
) montrent que le rapport coût/efficacité du dépistage génétique dépend de la technique utilisée pour mettre en évidence la mutation BRCA1. Le séquençage direct correspond au coût par mutation dépistée le plus élevé (9 882,5 €). Il s’agit pourtant de la technique privilégiée par Myriad Genetics. L’utilisation d’autres techniques d’analyse de l’ADN (DHPLC, SSCP, DGGE, HA, FAMA, PTT) permet de réduire sensiblement le coût du dépistage. Selon les auteurs, cette situation illustre l’impact d’une protection excessive de la propriété intellectuelle sur le processus d’innovation.Cancer colorectal héréditaire non polyposique ou syndrome de Lynch
). La mise en place de ce dispositif en France permettrait de réduire de 1 à 3 % la mortalité par cancer colorectal.
) et Ramsey et coll. (2003
) comparent différentes stratégies de dépistage de la mutation chez les cas incidents de cancer colorectal. Ces stratégies reposent sur l’association de critères cliniques fondés sur l’histoire familiale (critères d’Amsterdam ou critères issus de la conférence de Bethesda) et du test d’instabilité des microsatellites tumoraux. Les deux études sont de type coût/efficacité mais diffèrent quant au choix de l’indicateur d’efficacité retenu. Reyes et coll. (2002
) considèrent quatre stratégies de dépistage : recherche de la mutation chez les personnes répondant strictement aux critères d’Amsterdam ; recherche de la mutation chez les personnes ne répondant pas aux critères d’Amsterdam mais ayant des antécédents familiaux de cancers de type HNPCC et présentant une instabilité microsatellitaire ; recherche de la mutation chez les personnes répondant aux critères d’Amsterdam ou chez les personnes ne répondant pas aux critères d’Amsterdam mais ayant des antécédents familiaux de cancers appartenant au spectre HNPCC et présentant une instabilité microsatellitaire ; recherche de la mutation chez les personnes présentant une instabilité des microsatellites tumoraux. Dans cette étude, les auteurs retiennent comme critère d’efficacité le nombre de mutations dépistées. Ramsey et coll. (2003
) se placent dans une perspective de plus long terme et retiennent le nombre d’années de vie gagnées comme critère d’efficacité. Ils considèrent quatre stratégies de dépistage (recherche de la mutation chez les personnes répondant aux critères de la conférence de Bethesda et présentant une instabilité des microsatellites tumoraux, recherche de la mutation chez les personnes présentant une instabilité microsatellitaire, recherche de la mutation chez toutes les personnes répondant aux critères de la conférence de Bethesda, recherche de la mutation chez tous les cas incidents de cancer colorectal). Ces deux études parviennent à une même conclusion. Les stratégies de dépistage qui associent les critères familiaux et le test d’instabilité des microsatellites tumoraux présentent un rapport coût/efficacité acceptable pour la collectivité
.
Tableau 5.II Évaluation coût/efficacité des stratégies de dépistage des mutations HNPCC (d’après Ramsey et coll., 2003
)
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Histoire familiale + MSI a
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MSI
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Histoire familiale + MMR b
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MMR
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Probant seul
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73 711 $
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213 290 $
|
296 792 $
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1 625 687 $
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Probant + apparentés
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11 865 $
|
35 617 $
|
49 702 $
|
267 548 $
|
aMicroSatellite Instability (phénotype des cellules tumorales) ; b Gène MisMatch Repair
) évaluent une nouvelle stratégie d’identification des cas de cancers HNPCC utilisant le test d’instabilité des microsatellites tumoraux. Cette stratégie suppose de réaliser le test non plus sur la base de l’histoire familiale (stratégie difficile à implémenter en pratique) mais de proposer le test aux personnes présentant un des critères cliniques suivant : cancer colorectal avant 50 ans, second cancer colorectal, cancer colorectal associé à un autre cancer de la sphère HNPCC, adénomes avant 40 ans. Cette stratégie de dépistage apparaît coût-efficace : elle permet de repérer 2,2 fois plus de cancers HNPCC à un coût raisonnable (3 801 € par année de vie gagnée, 2 184 € lorsqu’on prend en compte les apparentés au premier degré).Polypose adénomateuse familiale
aux États-Unis ; Bapat et coll., 1999
en Ontario ; Chikhaoui et coll., 2002
au Québec). Les études adoptent une perspective similaire, celle des organismes de protection sociale, et retiennent des hypothèses semblables quant à la valeur des paramètres (nombre moyen d’apparentés de premier rang égal à 5-6 ; sensibilité du test de 80 % pour le cas index, 100 % une fois la mutation identifiée ; horizon temporel d’une quarantaine d’années ; taux d’escompte compris entre 3 % et 5 % ; observance parfaite des personnes à risque vis-à-vis du dépistage).
), le dépistage des personnes à risque sans recherche préalable de la mutation chez le cas index peut dominer la stratégie traditionnelle dès lors que la sensibilité du test s’améliore.Hypercholestérolémie familiale
) évaluent à partir d’une modélisation, quatre stratégies de dépistage de l’hypercholestérolémie familiale (voir aussi Marks et coll., 2000
)4
: le dépistage systématique en population générale, le dépistage opportuniste des personnes consultant leur médecin généraliste, le dépistage opportuniste des personnes admises à l’hôpital pour infarctus du myocarde précoce, le dépistage des apparentés au premier degré des personnes chez qui une hypercholestérolémie a été préalablement diagnostiquée (la mutation étant identifiée). En population générale et au sein des populations consultant leur médecin ou admise à l’hôpital, le dépistage débute par une mesure du taux de cholestérol dans le sang. Pour les personnes présentant un taux de cholestérol total supérieur à 7,5 mmol/l et un taux de LDL-cholestérol supérieur à 4,9 mmol/l, un test génétique est proposé afin de confirmer/infirmer le diagnostic d’hypercholestérolémie. Pour les personnes porteuses de la mutation, un traitement par statines est mis en route. Le gain d’espérance de vie est estimé à 7,0 années pour les hommes et à 9,1 années pour les femmes pour les personnes dépistées entre 16 et 24 ans. Le bénéfice du dépistage diminue avec l’âge du diagnostic.
.
Tableau 5.III Évaluation coût/efficacité des stratégies de dépistage de l’hypercholestérolémie familiale (d’après Marks et coll., 2002
)
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Gain d’espérance de vie (années)
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Coût/année de vie gagnée (£) selon les paramètres du modèle
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|---|---|---|---|
|
1 % : LYG* 6 % : coûts
|
3 % : LYG* 3 % : coûts
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||
|
Dépistage sur signes cliniques
|
|||
|
Universel (à partir de 16 ans)
|
5,2
|
2 777
|
7 244
|
|
Universel
|
3,5
|
13 029
|
21 289
|
|
Opportuniste (visite chez le généraliste)
|
3,7
|
11 310
|
18 578
|
|
Opportuniste (en cas d’hospitalisation)
|
0,8
|
9 281
|
15 738
|
|
Apparentés au premier degré
|
3,5
|
3 097
|
6 084
|
|
Dépistage génétique
|
|||
|
Universel (à partir de 16 ans)
|
5,2
|
14 842
|
33 882
|
|
Universel
|
3,5
|
78 060
|
120 841
|
|
Opportuniste (visite chez le généraliste)
|
3,7
|
70 009
|
108 578
|
|
Opportuniste (en cas d’hospitalisation)
|
0,8
|
21 106
|
32 833
|
|
Apparentés au premier degré
|
3,5
|
4 914
|
8 865
|
* LYG : Life-Year Gain
) évaluent le programme de dépistage de l’hypercholestérolémie mis en œuvre aux Pays-Bas en 1994 au sein des familles à risque après identification de la mutation chez le sujet index. Le dépistage concerne les apparentés des premier et deuxième degrés âgés de plus de 16 ans. Les données de mortalité utilisées pour estimer les gains de survie proviennent de l’étude de Framingham (Anderson et coll., 1991
). Le traitement par statines est supposé réduire de 21 % le taux de cholestérol total et augmenter de 5 % le taux de HDL-cholestérol. Les personnes sont traitées jusqu’à 85 ans. Sur la base de ces hypothèses, les auteurs estiment le coût par année de vie gagnée entre 25 500 € et 32 000 €, mais ni les coûts, ni les bénéfices ne sont actualisés. Selon les auteurs, le coût par année de vie gagnée excède le seuil fixé par les autorités néerlandaises (18 151 €). « For now it seems best to treat screened individuals based on their cholesterol level » (p. 1929). Wonderling et coll. (2004
) reprennent cette évaluation. À partir des données du registre anglais des hypercholestérolémies familiales, ils estiment le gain en espérance de vie à 3,3 années pour un patient hétérozygote traité par statines entre 18 et 60 ans. Le coût par année de vie gagnée s’établit à 8 800 $ (valeur 2001, taux d’actualisation des bénéfices et des coûts : 4 %). Le dépistage apparaît donc coût-efficace. « On the basis of the best available evidence, genetic screening of relatives of patient known to have heterozygous FH appears to be highly cost-effective in The Netherlands » (p. 103). Les résultats sont robustes. Le coût du traitement par statines constitue le principal facteur de variabilité. Cette étude remet en cause la conclusion à laquelle parviennent les études conduites jusqu’alors. Selon les auteurs, trois facteurs expliquent cette divergence : le coût des médicaments est plus bas qu’attendu ; le nombre d’apparentés par cas index est plus élevé ; la sensibilité du dépistage phénotypique est moindre. Au vu de l’expérience hollandaise, le dépistage par dosage du cholestérol manquerait 18 % des patients atteints d’hypercholestérolémie.Pharmacogénétique
) reviennent sur la place de l’évaluation économique en matière d’allocation des ressources dans le domaine de la santé. Selon les auteurs, puisque la réalisation d’un test génétique permet d’adapter la prise en charge thérapeutique aux caractéristiques de l’individu, il conviendrait de conduire les évaluations économiques non plus à un niveau collectif mais à un niveau individuel. Ce changement d’échelle serait de nature à améliorer les choix dans le domaine sanitaire. Cet argument nous apparaît peu fondé. Dans la perspective de la théorie du bien-être, le bénéfice associé à une intervention correspond toujours, en l’absence d’externalités, à la somme des bénéfices individuels. La Caze (2005
) craint que le développement de la pharmacogénétique rende plus inéquitable les systèmes de santé dans la mesure où certaines personnes pourraient se voir refuser un traitement. La question est de savoir si le traitement apporterait un réel bénéfice à ces personnes.
). Ce constat est partagé par Flowers et Veenstra (2004
) : « The use of pharmacogenomics to individualise drug therapy offers the potential to improve drug effectiveness, reduce adverse drug reactions, and provide cost-effective care. However, pharmacogenomics has had little impact on clinical practice to date. Clearly there are substantial medical, social, ethical, and financial barriers to the successful implementation of pharmacogenomics » (p. 482). Robertson et coll. (2002
) identifient nombre de ces freins. Ils peuvent être de nature scientifique (notamment la compréhension des effets d’interaction gènes-environnement-comportements), tenir aux incitations placées sur les industriels (réduction attendue de la taille de la population-cible, logique de différentiation de produits), s’expliquer par la formation insuffisante des médecins en génétique, être liés à la crainte des patients de voir les résultats diffusés auprès de tiers (notamment des assureurs), tenir aux contraintes de financement des systèmes de santé.
et 2002
), le recours à la pharmacogénétique tend à diminuer la taille des populations auxquelles certains traitements peuvent être prescrits. Ces effets ont pour conséquence immédiate de réduire le retour sur investissements du développement de nouvelles molécules pour les industriels. À défaut de mesures d’accompagnement, il faut craindre, selon ces auteurs, un sous-investissement en génétique plutôt qu’un sur-investissement. Pour amener les industriels à investir suffisamment, les auteurs suggèrent que les autorités en charge des prix et du remboursement des biens et services de santé prennent en compte l’amélioration du service médical rendu et consentent à augmenter le prix des traitements. Les auteurs évoquent aussi les dispositions de certains pays en matière de recherche sur les maladies orphelines (crédits d’impôt…).
) listent les questions qu’il convient de se poser pour évaluer l’intérêt d’un test dans le domaine de la pharmacogénétique :
), la pharmacogénétique est utile pour les médicaments à spectre étroit, caractérisés par une forte variabilité dans la réponse individuelle (en termes d’efficacité ou de survenue d’effets secondaires), et lorsque les méthodes traditionnelles de suivi ne permettent pas d’anticiper la survenue d’effets indésirables sérieux.
)5
identifient les domaines dans lesquels, au regard des critères énoncés ci-dessus, les interventions de pharmacogénétique pourraient a priori être intéressantes d’un point de vue économique
. Pour ces auteurs, l’oncologie est un domaine de prédilection compte tenu de la toxicité des traitements et de la sévérité de l’atteinte. Dans le domaine des pathologies chroniques, telles que le diabète, l’hypertension ou l’hypercholestérolémie, il s’agit de comparer la valeur informative du test génétique avec celle des marqueurs biologiques actuellement disponibles pour suivre l’évolution de la maladie et l’efficacité des traitements (par exemple, la mesure de la pression artérielle). Pour l’asthme, la maladie d’Alzheimer ou la dépression, la pharmacogénétique peut s’avérer utile dans la mesure où l’ajustement des traitements est souvent difficile et prend du temps.
Tableau 5.IV Exemples d’interventions de pharmacogénétique pouvant a priori apparaître comme coût-efficaces (d’après Veenstra et coll., 2000
)
|
Domaine
|
Pathologie
|
Médicament
|
|---|---|---|
|
Oncologie
|
Cancer du sein
Polypose adénomateuse familiale
Tous cancers
|
Herceptine
Anti-COX-2
6-mercaptopurine (6MP)
|
|
Maladies infectieuses
|
Hépatite C
VIH
|
Interféron/Rivabirine
Inhibiteurs de la protéase
|
|
Maladies du système respiratoire
|
Asthme
|
Antagoniste du récepteur b2-adrénergique
|
|
Maladies cardiovasculaires
|
Hyperlipidémie
|
Statines
|
|
Santé mentale
|
Maladie d’Alzheimer
Dépression
|
Tacrine
Inhibiteurs spécifiques du recaptage de la sérotonine (SSRI)
|
) recensent 11 analyses coût/efficacité complètes de qualité satisfaisante dans la littérature. Les pathologies les plus fréquemment étudiées sont (par ordre décroissant de fréquence) : la thrombose veineuse en lien avec la prescription d’anticoagulants (anomalie du facteur V Leiden), le cancer (cancer du sein : gène HER2/neu) et les infections virales (génotypage des virus de l’hépatite C et VIH). Les mutations étudiées sont plus souvent innées qu’acquises (d’origine tumorale ou virale). Le rapport coût/efficacité des interventions de pharmacogénétique est favorable dans la plupart des études. Sur 11 études publiées, 7 études présentent un ratio coût/efficacité inférieur à 50 000 $ par QALY. Cette revue de littérature illustre le fait que les évaluations économiques demeurent rares dans le domaine de la pharmacogénétique. Il est donc important de promouvoir et de développer ce type d’analyse en France.Bibliographie
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