Pesticides et effets sur la santé
I. Pathologies neurologiques et atteintes neuropsychologiques

2021


ANALYSE

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Sclérose latérale amyotrophique

La sclérose latérale amyotrophique (SLA) est la plus fréquente des maladies du motoneurone. Il s’agit d’une affection neurodégénérative progressive responsable d’une faiblesse musculaire associée à une rigidité s’étendant progressivement et responsable du décès en raison de difficultés respiratoires et de troubles de la déglutition. Elle est secondaire à la dégénérescence des neurones moteurs de la moelle épinière (corne antérieure), du tronc cérébral et du cortex cérébral. La médiane de la durée d’évolution après les premiers symptômes est en moyenne de 30 mois et après le diagnostic de 19 mois (Logroscino et coll., 2008renvoi vers).
L’étiologie de la SLA n’est pas connue, mais plusieurs facteurs, génétiques et environnementaux, interviennent vraisemblablement dans la majorité des cas. Environ 5 à 10 % des patients ont des antécédents familiaux de SLA et les frères et enfants de patients atteints de SLA ont un risque de développer la maladie 10 fois plus élevé que des personnes de même âge et sexe non apparentées à des patients (Fang et coll., 2009brenvoi vers). Parmi les facteurs de risque environnementaux, le tabagisme serait associé à une augmentation du risque de SLA (Wang et coll., 2011renvoi vers ; Armon, 2019renvoi vers) de même que l’exposition au plomb (Kamel et coll., 2005renvoi vers ; Fang et coll., 2010renvoi vers). Le rôle de l’activité physique reste débattu (Pupillo et coll., 2014renvoi vers ; Gallo et coll., 2016renvoi vers ; Visser et coll., 2018renvoi vers), de même que le rôle des traumatismes, notamment crâniens (Pupillo et coll., 2012renvoi vers ; Watanabe et Watanabe, 2017renvoi vers).
À partir des bases de données de l’Assurance maladie et d’un algorithme prenant en compte les remboursements de riluzole (seul traitement médicamenteux disponible et spécifique de cette pathologie), les hospitalisations et les demandes d’affection longue durée, on estime que près de 2 200 personnes ont développé une maladie du motoneurone chaque année en France entre 2012 et 2014 (incidence standardisée sur la population des États-Unis de 2010 = 2,72 pour 100 000 personnes-années) (Kab et coll., 2017brenvoi vers). Ce taux d’incidence est similaire à celui observé dans d’autres pays occidentaux (Marin et coll., 2017renvoi vers). L’incidence est environ 1,3 à 1,4 fois plus élevée chez les hommes que chez les femmes (Marin et coll., 2017renvoi vers ; Ahmadzai et coll., 2018renvoi vers).
Plusieurs études suggèrent que la mortalité (Seljeseth et coll., 2000renvoi vers ; Noonan et coll., 2005renvoi vers ; Gordon et coll., 2011renvoi vers) et l’incidence (Murphy et coll., 2008renvoi vers ; Fang et coll., 2009arenvoi vers) de la SLA ont augmenté dans les dernières décennies mais les raisons de cette évolution restent mal connues. D’après des modèles âge-période-cohorte développés en France à partir de données de mortalité entre 1968 et 2007 (Gordon et coll., 2011renvoi vers) et dans d’autres pays (Ajdacic-Gross et coll., 2012renvoi vers ; Seals et coll., 2013renvoi vers ; Nakken et coll., 2016renvoi vers), cette augmentation serait plus vraisemblablement compatible avec un effet cohorte de naissance qu’avec un effet période de décès ; ce résultat serait donc en faveur du rôle de facteurs de risque environnementaux.

Conclusions de l’expertise collective « Pesticides :
Effets sur la santé » de l’Inserm en 2013

La précédente expertise collective (Inserm, 2013renvoi vers) avait identifié une dizaine d’études sur la relation entre la SLA et l’exposition professionnelle aux pesticides. Il s’agissait essentiellement d’études cas-témoins, mais trois études de cohorte étaient disponibles. L’une d’entre elles, de nature rétrospective et conduite parmi des travailleurs d’une usine produisant du 2,4-D, avait retrouvé une association significative à partir de trois cas de SLA (Burns et coll., 2001renvoi vers). Les deux autres études (Weisskopf et coll., 2009renvoi vers ; Kamel et coll., 2012renvoi vers) n’avaient pas montré une association significative entre la SLA et l’exposition aux pesticides dans l’ensemble, mais retrouvaient néanmoins une élévation du risque, non significative, pour des expositions prolongées ou pour certains produits. Deux méta-analyses étaient en faveur d’une association (Kamel et coll., 2012renvoi vers ; Malek et coll., 2012renvoi vers). Les études qu’elles avaient prises en compte étaient hétérogènes, notamment quant aux méthodes d’évaluation de l’exposition, et reposaient généralement sur une exposition auto-déclarée par les participants ; l’exposition était validée par des hygiénistes industriels dans une seule étude (McGuire et coll., 1997renvoi vers). De plus, il était difficile d’évaluer l’existence d’un biais de publication compte tenu du petit nombre d’études disponibles.
L’expertise avait conclu au besoin d’études de grande taille et comportant une évaluation de l’exposition plus précise (type de produits, durée d’exposition) afin de mieux caractériser la relation entre l’exposition professionnelle aux pesticides et la SLA.

Mise à jour des données

Revues et méta-analyses

Depuis la précédente expertise, une revue de la littérature (Mostafalou et Abdollahi, 2017renvoi vers) et deux méta-analyses (Kang et coll., 2014renvoi vers ; Gunnarsson et Bodin, 2018renvoi vers) ont identifié les articles portant sur la relation entre l’exposition aux pesticides et la SLA.
Une méta-analyse publiée en 2014 (Kang et coll., 2014renvoi vers) montrait une association de la SLA avec le métier d’agriculteur (OR = 1,42 ; IC 95 % [1,17-1,73], 10 études, I2 = 42,1 %) ainsi que l’exposition aux pesticides (OR = 1,44 ; IC 95 % [1,22-1,70], 15 études, I2 = 41,2 %) ; l’association était plus faible et non significative pour l’habitat en milieu rural (OR = 1,25 ; IC 95 % [0,84-1,87], 5 études, I2 = 59,7 %). Toutes les études avaient été publiées en 2012 ou avant et la plupart avaient déjà été prises en compte dans les méta-analyses précédentes avec des résultats similaires (Kamel et coll., 2012renvoi vers ; Malek et coll., 2012renvoi vers). Il n’existait pas d’argument statistique pour un biais de publication, mais les auteurs notaient que le graphique en entonnoir était légèrement asymétrique pour l’exposition aux pesticides.
Les auteurs de cette analyse ont conduit des analyses stratifiées en fonction de certaines caractéristiques pour vérifier si elles expliquaient l’hétérogénéité entre les études et s’il existait des différences entre les groupes. Pour les pesticides, les auteurs ont distingué 12 études cas-témoins (OR = 1,49 ; IC 95 % [1,24-1,78], I2 = 39,6 %) de 3 études de cohorte (OR = 1,35 ; IC 95 % [0,74-2,47], I2 = 46,0 %) avec des résultats similaires. En revanche, l’association était plus forte chez les hommes (OR = 1,96 ; IC 95 % [1,50-2,55], 5 études, I2 = 0,0 %) que chez les femmes (OR = 1,42 ; IC 95 % [1,04-1,96], 3 études, I2 = 0,0 %). Elle était également plus forte pour 5 études ayant défini les cas à partir des critères cliniques El Escorial (OR = 1,63 ; IC 95 % [1,24-2,13], I2 = 50,8 %) que 10 autres études n’ayant pas utilisé ces critères (OR = 1,23 ; IC 95 % [1,08-1,40], I2 = 0,2 %). Enfin, l’association était plus forte pour 4 études ayant évalué l’exposition aux pesticides par des experts (OR = 2,04 ; IC 95 % [1,12-3,70], I2 = 70,6 %) que pour 11 autres études reposant sur l’auto-déclaration de l’exposition (OR = 1,40 ; IC 95 % [1,19-1,66], I2 = 20,8 %).
Une autre méta-analyse, dont les mêmes résultats ont été publiés en 2018 et 2019 dans deux articles différents (Gunnarsson et Bodin, 2018renvoi vers ; Gunnarsson et Bodin, 2019renvoi vers), a inclus des articles vérifiant certains critères de qualité définis par les auteurs à partir du type d’étude (cas-témoins versus cohorte) et des méthodes employées pour établir le diagnostic, identifier les participants, évaluer l’exposition et conduire l’analyse. Cinq études dont la plus récente était publiée en 2010 ont été prises en compte et toutes étaient incluses dans la méta-analyse de 2014 (Kang et coll., 2014renvoi vers) ; une portait sur le métier d’agriculteur et fournissait des estimations chez les hommes et les femmes séparément (Gunnarsson et coll., 1991renvoi vers) et cinq portaient sur l’exposition aux pesticides. Ces caractéristiques étaient associées avec la SLA (OR = 1,35 ; IC 95 % [1,02-1,79], I2 = 57,8 %).

Études cas-témoins

Une étude cas-témoins hospitalière dans l’État de Pennsylvanie aux États-Unis a inclus 66 cas qui ont été appariés à 66 témoins (principalement recrutés parmi des patients consultant les mêmes services de neurologie que les cas mais pour d’autres motifs) sur l’âge, le sexe et l’origine ethnique (Malek et coll., 2014renvoi vers). Un historique professionnel et l’exposition professionnelle aux pesticides et à d’autres nuisances ont été recueillis. Il n’y avait pas de différence significative dans le niveau d’études entre les cas et les témoins. En revanche, de manière inattendue, les cas avaient été moins souvent fumeurs que les témoins. Les cas avaient été exposés professionnellement aux pesticides plus souvent que les témoins (OR = 3,17 ; IC 95 % [1,27-7,93]). La principale limite de cette étude est sa petite taille et le recrutement hospitalier des cas et des témoins avec un risque de biais de sélection. En effet, les études qui reposent sur des cas et témoins identifiés dans des services hospitaliers comportent un risque de biais de sélection en raison de différences pour la zone d’attraction qui peut être différente en fonction des pathologies ; ces différences peuvent potentiellement entraîner des différences pour l’exposition des cas et témoins aux pesticides dans la mesure où celle-ci dépend de leur endroit de résidence.
Une étude cas-témoins hospitalière dans l’État du Michigan aux États-Unis a inclus 66 cas qui ont été appariés à 66 témoins volontaires sur l’âge et le sexe (Yu et coll., 2014renvoi vers). Un historique professionnel et l’exposition professionnelle et domestique aux pesticides ont été recueillis. Les témoins avaient un niveau d’études beaucoup plus élevé que les cas, ce qui pourrait suggérer un biais de sélection lié au mode de recrutement des témoins. De même, les auteurs retrouvaient dans les modèles multivariés, de manière inattendue, une association inverse, bien que non significative, avec le tabagisme. Les cas avaient utilisé des engrais pour leur jardin (OR = 2,97 ; IC 95 % [0,81-10,9]) et été exposés professionnellement aux pesticides (OR = 6,95 ; IC 95 % [1,23-39,10]) plus souvent que les témoins (nombres de cas et témoins exposés non disponibles). Ces auteurs ont poursuivi leur étude sur la même population, en incluant davantage de participants (156 cas et 128 témoins), afin d’explorer l’association entre l’exposition professionnelle et environnementale aux polluants (y compris les pesticides) et le risque de SLA (Su et coll., 2016renvoi vers). Les témoins avaient toujours un niveau d’études plus élevé et vivaient également plus fréquemment à proximité du centre hospitalier que les cas. L’exposition auto-déclarée aux pesticides, dans le cadre professionnel, était associée à une augmentation de risque de SLA (OR = 5,09 ; IC 95 % [1,85-14,0]) de même ordre que dans l’étude précédente sur cette population. Une centaine de composés (pesticides organochlorés, biphényles polychlorés et polybromodiphényléthers) ont été mesurés dans le sang de 129 cas et 119 témoins. Après une procédure multivariée de sélection de variables, 10 composés ont été retenus dans le modèle, dont 7 (2 pesticides organochlorés – pentachlorobenzène et cis-chlordane –, 3 biphényles polychlorés, 2 polybromodiphényléther) associés significativement à la SLA, avec une association inverse pour 2 d’entre eux (1 biphényle polychloré et 1 polybromodiphényléther). Le dosage des composés ayant été réalisé après le début de la maladie, on ne peut exclure un impact de la maladie sur les valeurs mesurées, notamment par relargage des composés dans une situation d’amaigrissement ; la durée d’évolution des cas n’étant pas disponible dans la publication, il n’est pas possible de savoir si les dosages ont été réalisés à proximité ou à distance du diagnostic. Comme pour l’analyse précédente, un biais de sélection possible des témoins et la taille limitée de l’étude sont des limites sérieuses pour l’interprétation de ces résultats.
Au Danemark, les cas de SLA (n = 1 826) ont été identifiés entre 1982 et 2013 dans un registre hospitalier national (Dickerson et coll., 2018renvoi vers). Cent témoins par cas (n = 182 600) ont été identifiés dans un registre de la population danoise et appariés sur l’âge, le sexe et le statut vital à la date d’identification du cas. L’historique professionnel des cas et témoins était disponible depuis 1964 auprès du registre danois des retraites et a permis de déterminer l’ensemble des métiers exercés au moins 3 ans avant la date d’incidence du cas et d’appariement pour les témoins. Les analyses ont été conduites séparément chez les hommes et les femmes et ajustées sur le statut marital, la région de résidence et un indicateur de statut économique. Le tabagisme n’a pu être pris en compte directement ; mais des analyses de sensibilité ajustant sur la bronchite chronique obstructive ont été réalisées afin de tenir compte indirectement de ce facteur. Les hommes employés dans les secteurs de l’agriculture, forêt, chasse, ou pêche avaient un risque augmenté de SLA (OR = 1,21 ; IC 95 % [1,02-1,45]) ; l’OR était de 1,20 (IC 95 % [0,99-1,44]) pour l’agriculture. Les associations étaient plus fortes pour ceux ayant exercé ce métier moins d’un an (11,1 % des cas et 9,2 % des témoins ; OR = 1,28 ; IC 95 % [1,04-1,58]) ou de 1 à 4 ans (4,2 % des cas et 3,4 % des témoins ; OR = 1,36 ; IC 95 % [0,99-1,87]). Il n’existait pas d’association pour ceux ayant travaillé 5 ans ou plus dans ces secteurs (1,2 % des cas et 2,0 % des témoins ; OR = 0,64 ; IC 95 % [0,36-1,14]), mais on peut néanmoins noter que la proportion de cas et témoins exposés était très faible pour cette catégorie. Chez les femmes ayant travaillé dans les secteurs de l’agriculture, forêt, chasse, ou pêche, l’OR était de 1,15 (IC 95 % [0,86-1,53]) et de 1,11 (IC 95 % [0,82-1,51]) pour celles ayant travaillé en agriculture. L’ajustement sur la bronchite chronique obstructive ne modifiait pas ces résultats. Pour expliquer ces associations, les auteurs mentionnent les pesticides, mais aussi l’exposition au plomb et les fumées diesel.
Une étude avec des méthodes très similaires a été conduite en Suède (5 020 cas, 25 100 témoins) (Peters et coll., 2017renvoi vers). Une matrice emploi-exposition était disponible pour 12 nuisances, mais n’a pas permis d’évaluer l’exposition aux pesticides. Il n’existait pas d’association entre les secteurs de l’agriculture, forêt, ou pêche et la SLA (OR = 0,91 ; IC 95 % [0,80-1,03]), mais des analyses séparées chez les hommes et les femmes ne sont pas mentionnées.
En Italie, une étude cas-témoins en population générale dans deux régions a inclus 703 cas et 2 737 témoins dans l’objectif d’analyser le rôle de l’exposition environnementale aux pesticides (Vinceti et coll., 2017renvoi vers). Un historique résidentiel a été obtenu et les adresses des participants ont été géo-codées. La proportion de terre agricole et la présence de cultures spécifiques (vignes, vergers, légumes, oliviers, céréales) à une distance ≤ 100 ou 1 000 mètres des adresses ont été déterminées. Il n’existait pas d’association entre la présence ou la surface de cultures, quelles qu’elles soient, et la SLA dans l’ensemble et dans chaque région ; les deux distances de 100 ou 1 000 mètres conduisaient à des résultats similaires. À noter que les analyses n’étaient pas ajustées sur le métier d’agriculteur ou l’utilisation professionnelle de pesticides ni sur le tabagisme.
En Espagne, une étude cas-témoins hospitalière a inclus 383 cas et 383 témoins appariés sur l’âge et le sexe, identifiés parmi les autres patients consultant le même service de neurologie dans lequel les patients ont été pris en charge (Povedano et coll., 2018renvoi vers). Les auteurs ont estimé la distance entre le domicile des participants et les terres agricoles les plus proches et analysé les données à l’aide d’un modèle bayésien ajusté sur le sexe, l’âge, l’année de diagnostic, les antécédents familiaux et un indicateur de désavantage social. Les patients qui vivaient à moins de 100 mètres de terres agricoles avaient un risque augmenté de SLA (OR = 5,48 ; IC 95 % [1,28-25,23]) ; cette association était moins forte pour les patients vivant entre 100 et 199 mètres (OR = 1,56 ; IC 95 % [0,81-3,01]) et disparaissait pour ceux vivant à plus de 200 mètres (OR = 0,91 ; IC 95 % [0,49-1,67]). L’absence d’ajustement sur le tabagisme et un indicateur d’exposition professionnelle, de même que la nature hospitalière de cette étude limitent l’interprétation des résultats.
Aux États-Unis, une étude cas-témoins hospitalière a recruté entre 2009 et 2015 des cas incidents de SLA (n = 295) qui ont été comparés à des témoins (n = 224) atteints d’autres maladies neurologiques (sclérose en plaques, tumeurs cérébrales et de la moelle épinière, épilepsie, neuropathies périphériques) (Andrew et coll., 2017renvoi vers). Le taux de participation était de 90 % pour les patients et de 52 % pour les témoins. Un historique professionnel a été recueilli et les participants ont été interrogés sur l’utilisation de pesticides dans le cadre des activités de loisir ou du travail. Les cas (13 %) avaient été exposés plus souvent que les témoins (4 %) aux pesticides (OR = 3,44 ; IC 95 % [1,60-8,29]) sans précision sur l’origine de l’exposition. Le métier d’agriculteur ne faisait pas partie de la liste de métiers évaluée par les investigateurs. Une limite de cette étude tient à son caractère hospitalier qui ne tient pas compte de différences potentielles dans la zone d’attraction des hôpitaux qui peut être différente en fonction des pathologies. La différence importante dans le taux d’acceptation entre cas et témoins est également une limite de l’étude, les témoins ayant accepté de participer pouvant avoir des caractéristiques différentes des cas ayant accepté, notamment quant à leurs caractéristiques socio-économiques et professionnelles.

Études de cohorte

Dans la Netherlands cohort study, 58 279 hommes et 62 573 femmes ont été inclus en 1986 alors qu’ils étaient âgés de 55 à 69 ans et suivis pendant au maximum 17,3 ans ; 136 (76 hommes, 60 femmes) cas de SLA ont été identifiés à partir des certificats de décès (Koeman et coll., 2017renvoi vers). Un historique professionnel combiné à une matrice emploi-exposition a permis de déterminer l’exposition aux pesticides (7 hommes et 3 femmes exposés parmi les cas), insecticides (6 hommes et 3 femmes exposés parmi les cas), herbicides (3 hommes et 2 femmes exposés parmi les cas) et fongicides (6 hommes et 2 femmes exposés parmi les cas). Les cas incidents de SLA ont été comparés à une sous-cohorte de 2 092 hommes et 2 074 femmes. Il n’existait pas d’association significative avec l’exposition aux pesticides ni aux différentes familles, mais les associations étaient de sens différent chez les hommes (pesticides, HR = 0,60 ; IC 95 % [0,27-1,35]) et les femmes (pesticides, HR = 2,03 ; IC 95 % [0,59-7,01]).
En France, une étude réalisée à partir des bases de données de l’Assurance maladie ne s’est pas intéressée spécifiquement à l’exposition aux pesticides mais a comparé l’incidence de la maladie du motoneurone parmi les affiliés à la Mutualité sociale agricole à celle observée parmi les affiliés aux autres régimes d’Assurance maladie afin de déterminer s’il existe une sur-incidence de maladie du motoneurone parmi les agriculteurs français (Kab et coll., 2017arenvoi vers). Les cas de maladie du motoneurone ont été identifiés à l’aide d’un algorithme prenant en compte les remboursements de riluzole (seul traitement médicamenteux disponible et spécifique de cette pathologie), les hospitalisations et les demandes d’affection longue durée (Kab et coll., 2017brenvoi vers). L’incidence de la maladie du motoneurone a été estimée en 2010-2014 parmi les affiliés à la Mutualité sociale agricole (dans l’ensemble et en tenant compte du statut exploitant ou salarié) et aux autres régimes de l’Assurance maladie âgés de plus de 55 ans. Chaque année, environ 150 (70 % exploitants, 30 % salariés) et 1 600 cas incidents de maladie du motoneurone ont été identifiés parmi les affiliés à la Mutualité sociale agricole et aux autres régimes d’Assurance maladie respectivement. Après ajustement sur l’âge et le sexe, l’incidence était 1,04 (IC 95 % [0,96-1,13]) fois plus élevée à la Mutualité sociale agricole que dans les autres régimes ; cette différence était attribuable aux exploitants (RR = 1,08 ; IC 95 % [0,99-1,18]) tandis qu’il n’y avait pas de différence significative pour les salariés (RR = 0,96 ; IC 95 % [0,85-1,09]). En conséquence, l’incidence de la maladie du motoneurone était plus élevée chez les exploitants que chez les salariés (RR = 1,13 ; IC 95 % [0,97-1,31]). Les risques relatifs augmentaient et devenaient significatifs chez les exploitants après ajustement externe sur le tabagisme, les exploitants agricoles fumant moins que la population générale.

Conclusion

Depuis la précédente expertise collective Inserm de 2013, deux méta-analyses ont été réalisées, rassemblant des études publiées en 2012 ou avant et déjà prises en compte dans l’expertise collective précédente. Ces méta-analyses retrouvent une association entre l’exposition aux pesticides, principalement d’origine professionnelle, et la SLA. Il est cependant difficile d’éliminer un biais de publication.
Parmi les nouvelles études, certaines, mais pas toutes, apportent des arguments en faveur d’une association entre l’exposition professionnelle aux pesticides et la SLA. Elles sont cependant hétérogènes, notamment par rapport à l’évaluation des expositions et la prise en compte des facteurs de confusion. Deux études de cohorte ont été publiées : l’une ne retrouve pas d’association mais repose sur un petit nombre de cas exposés et l’autre ne porte pas sur l’exposition aux pesticides, mais a montré une tendance à l’augmentation de l’incidence de la SLA chez les exploitants agricoles français par rapport à la population générale. Seules deux études se sont intéressées au rôle de l’exposition environnementale et ne permettent pas de conclure en raison de résultats discordants.
Bien qu’elles apportent des informations complémentaires, ces nouvelles études ne modifient pas sensiblement les conclusions de l’expertise collective de 2013. Des études de grande taille et comportant une évaluation de l’exposition plus précise (type de produits, durée d’exposition) demeurent nécessaires afin de mieux caractériser la relation entre l’exposition professionnelle aux pesticides et la SLA et de déterminer si l’exposition environnementale joue un rôle.

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