Essais nucléaires et santé
Conséquences en Polynésie française

2021


Avant-propos

Depuis des décennies, la question des conséquences sanitaires des essais nucléaires réalisés par plusieurs pays dans le monde est régulièrement soulevée, dans un climat d’attente à la fois des populations locales exposées et des personnels civils et militaires impliqués dans la réalisation de ces essais ; ce questionnement récurrent peut s’apparenter à d’autres problématiques sanitaires pour lesquelles une origine environnementale est suspectée mais difficile à établir.
Entre 1966 et 19961 , la France a procédé à 193 essais nucléaires en Polynésie française2 , après ceux réalisés dans le Sahara3 , avec l’appui logistique du Centre d’expérimentation du Pacifique (CEP) : 46 essais atmosphériques ont été réalisés durant la période 1966-1974 au-dessus de l’atoll de Moruroa et de l’atoll de Fangataufa, puis 147 essais souterrains ont été menés durant la période 1975-1996 dans les sous-sols et sous les lagons des mêmes atolls4 . Outre leur impact politique, ces essais nucléaires étaient destinés à vérifier le bon fonctionnement et la sûreté des armes, à tester de nouvelles formules et à approfondir les connaissances en physique nucléaire.
Une mise en place de systèmes pérennes de surveillance radiologique environnementale en Polynésie française a été instaurée dès 1962. Toutefois, peu de publications scientifiques sont disponibles concernant les niveaux d’exposition aux retombées radioactives et les effets à long terme de ces essais nucléaires, en particulier sur la santé de la population polynésienne et des anciens personnels civils et militaires. Le contexte socio-politique associé à la question des conséquences sanitaires des essais nucléaires reste profondément marqué par de vives controverses, mais aussi par l’évolution du dispositif d’indemnisation mis en place par la loi Morin5 et par les travaux de la Commission de la loi Égalité Réelle Outre-mer6 .
Le ministère de la Défense, par l’intermédiaire de l’Observatoire de la santé des vétérans (OSV), a sollicité l’Inserm pour réaliser un bilan des connaissances scientifiques internationales sur les conséquences sanitaires des essais nucléaires sur la population de Polynésie française. Cette problématique étant très peu documentée dans la littérature scientifique, et afin d’identifier des éléments de comparaison possibles, la recherche bibliographique a été étendue aux publications faisant état des conséquences sanitaires des essais nucléaires menés par d’autres pays (États-Unis, Royaume-Uni, ex Union soviétique) sur d’autres territoires (îles Marshall, Nevada, Kazakhstan...), ainsi qu’aux publications relatives à d’autres types d’expositions aux rayonnements ionisants (bombes atomiques d’Hiroshima et Nagasaki, accidents nucléaires, travailleurs de l’industrie nucléaire, exposition à des fins médicales).
L’Inserm a réuni un groupe pluridisciplinaire de 10 experts en épidémiologie, santé publique, sociologie, dosimétrie, radiobiologie cellulaire et moléculaire. Ceux-ci se sont appuyés sur un fonds documentaire constitué de près de 1 200 articles scientifiques, rapports et documents institutionnels, dont l’analyse les a conduits à dresser un certain nombre de constats. L’analyse du rapport est structurée en quatre parties : la partie I porte uniquement sur la Polynésie française (contexte socio-politique, données de surveillance de la santé, exposition des populations aux retombées des essais nucléaires) ; la partie II analyse les données épidémiologiques relatives aux conséquences sanitaires des retombées des essais nucléaires atmosphériques, à la fois pour les essais réalisés par la France en Polynésie française et pour ceux réalisés par d’autres pays sur différents sites dans le monde ; la partie III aborde les répercussions potentielles d’une exposition préconceptionnelle ou in utero aux rayonnements ionisants, à la fois chez l’Homme et chez l’animal ; enfin, la partie IV s’intéresse à des éléments de connaissance plus fondamentale permettant d’enrichir la réflexion sur la problématique des conséquences sanitaires, avec en particulier les approches de reconstruction dosimétrique et les mécanismes biologiques impliqués. Il est sans doute nécessaire de préciser que l’expertise collective s’est intéressée uniquement aux effets des rayonnements ionisants (voir annexe 2 sur les erreurs d’interprétation les plus fréquentes dans le cadre de la problématique de l’exposition aux rayonnements ionisants) et qu’elle n’a pas abordé la problématique relative à d’autres effets sanitaires éventuels des essais nucléaires (effets psychosociaux, toxicité chimique des radionucléides, etc.).
L’analyse du groupe d’experts a été enrichie par les auditions de plusieurs spécialistes dont certaines ont donné lieu à des communications écrites présentées à la fin du rapport d’expertise, et par le recueil du point de vue d’associations de victimes des essais nucléaires en métropole et en Polynésie française7 . La synthèse des différentes connaissances réalisée par les experts a permis de formuler des perspectives de recherche, de surveillance sanitaire et de veille scientifique pour la Polynésie française.

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