Fibromyalgie
2020
15-
Efficacité des accompagnements
psychothérapiques des personnes
présentant un syndrome
fibromyalgique
Dans une perspective biopsychosociale, les psychothérapies occupent une place importante parmi les soins possiblement prodigués aux personnes atteintes de fibromyalgie (FM) ou de douleurs chroniques en général, comme en témoignent les diverses recommandations thérapeutiques internationales notamment pour l’accompagnement des cas les plus sévères (Fitzcharles et coll., 2012
; Köllner et coll., 2012
; Langhorst et coll., 2012
; Fitzcharles et coll., 2013
; Borchers et Gershwin, 2015
; Fatemi et coll., 2015
; Ángel García et coll., 2016
; Bennett, 2016
; Macfarlane et coll., 2016
; Arnold et Clauw, 2017
; Thieme et coll., 2017
; Häuser et coll., 2018
). Néanmoins, les objectifs de ces psychothérapies restent souvent mal compris de prime abord. De fait, les soignants méconnaissent parfois les indications thérapeutiques et peinent à circonscrire leurs attentes relatives aux champs d’actions des psychothérapies. Les personnes atteintes de douleurs chroniques peuvent quant à elles considérer que l’authenticité des aspects somatiques de leur problème est sous-estimée, voire niée, lorsque les soignants leur proposent une intervention psychothérapique, entravant par là même les processus d’alliance thérapeutique et de rétablissement (Dewar et coll., 2009
; Vowles et Thompson, 2012
). Notons également qu’une orientation vers une psychothérapie n’est pas anodine et peut poser problème en termes d’acceptation, de motivation, d’engagement personnel, de disponibilité, d’accessibilité et de coût pour les patients (Arnold et Clauw, 2017
). Ainsi, avant toute proposition psychothérapique destinée aux personnes atteintes de douleurs chroniques, les soignants devraient
a minima reconnaître la légitimité de l’existence du syndrome par le biais d’une évaluation globale de la douleur, du fonctionnement et du contexte psychosocial. Ceci leur permettrait d’aboutir à la construction d’un programme thérapeutique global visant des objectifs progressifs et réalistes centrés sur les personnes (Goulart et coll., 2016
; Clauw et coll., 2018
). Les participants satisfaisant les critères d’inclusion très sélectifs des études contrôlées et randomisées constituent généralement un groupe très homogène qui ne reflète pas la grande hétérogénéité des patients atteints de syndrome fibromyalgique (SFM) rencontrés par les soignants dans leur pratique clinique habituelle. De même, la généralisation de modèles thérapeutiques développés et testés par des chercheurs et praticiens occidentaux dans un cadre précis n’est sans doute pas applicable aux personnes possédant des références culturelles différentes (Häuser et coll., 2018
). La personnalisation des approches thérapeutiques via le recours à la décision médicale partagée tenant compte de l’intensité douloureuse, des capacités fonctionnelles, du contexte psychosocial, des comorbidités éventuelles et des préférences des personnes concernées est donc largement préconisée plutôt qu’une orientation standard appliquée de manière généralisée à toutes les personnes atteintes de FM ou de douleurs chroniques en général (Häuser et coll., 2008
; Bennett, 2016
; Arnold et Clauw, 2017
).
Les psychothérapies sont plus précisément indiquées pour les personnes atteintes de FM dans les situations cliniques suivantes : 1) une gestion inadaptée du syndrome (catastrophisme, comportement d’évitement de l’activité physique ou ergomanie, par exemple) ; ou 2) une modulation des symptômes liés au stress de la vie quotidienne ou à des problèmes interpersonnels ; ou 3) des troubles psychopathologiques ou psychiatriques comorbides tels que les troubles de l’humeur, les troubles anxieux ou encore les addictions (Köllner et coll., 2012
). Les objectifs principaux des approches psychothérapiques dans la FM sont d’améliorer le bien-être (psychologique, physique et fonctionnel) et la qualité de vie, de promouvoir l’estime de soi et le sentiment d’auto-efficacité, d’encourager la mobilisation de stratégies d’ajustement adaptatives variées et de diminuer le stress (Häuser et coll., 2008
; Fitzcharles et coll., 2013
; Borchers et Gershwin, 2015
; Theadom et coll., 2015
). Les psychothérapies n’ont donc pas pour objectif direct une diminution de l’intensité douloureuse ou des autres symptômes somatiques mais plutôt leur gestion au quotidien. Or, les études évaluant les niveaux de preuve de l’efficacité des psychothérapies auprès de personnes atteintes de SFM se basent principalement sur des critères relatifs à une diminution de 50 % ou 30 % de l’intensité douloureuse et de l’incapacité fonctionnelle (Thieme et coll., 2017
). Les critères d’évaluation des psychothérapies ne sont donc pas complètement appropriés au champ d’action de ces approches. Par ailleurs, il est par nature impossible de réaliser des études en double aveugle pour évaluer l’efficacité des pratiques psychothérapiques puisque les personnes connaissent nécessairement la nature des interventions auxquelles elles participent. En outre, l’hétérogénéité des pratiques psychothérapiques est également un biais dans l’évaluation de leur efficacité, notamment dans les méta-analyses qui regroupent des pratiques souvent très différentes. Néanmoins, les interventions thérapeutiques pourtant basées sur des postulats théoriques fort différents et mobilisant des techniques spécifiques diverses conduisent souvent à des bénéfices et bienfaits thérapeutiques similaires auprès des personnes atteintes de SFM (Luyten et Van Houdenhove, 2013
). Ceci suggère la supériorité du rôle des facteurs psychothérapiques communs tels qu’une alliance thérapeutique positive sur les techniques psychothérapiques spécifiques (Lumley, 2011
). Or, nous manquons encore d’informations sur les médiateurs psychothérapiques participant à une évolution clinique favorable chez les personnes atteintes de FM.
Les psychothérapies les plus couramment pratiquées en France dans le cadre du SFM sont issues des approches comportementale et cognitive, psychanalytique, et humaniste (se référer au tableau 15.I
pour une description succincte des psychothérapies parmi les plus pratiquées en France dans le cadre du SFM). Il existe également diverses interventions thérapeutiques telles que l’hypnose, la méditation en pleine conscience ou l’EMDR (
eye movement desensitization and reprocessing). Une des principales difficultés réside dans le manque de données issues de la littérature scientifique sur l’efficacité de la plupart des interventions psychothérapiques les plus courantes en France dans le champ de la douleur chronique, et
a fortiori de la FM. La grande majorité des recherches porte sur l’efficacité des thérapies comportementales et cognitives (TCC) auprès des personnes atteintes de SFM. Plus récemment, nous disposons de données sur l’efficacité de l’hypnose ou de la méditation. Nous nous attacherons donc dans ce chapitre à développer de manière plus détaillée l’efficacité de ces approches, par manque de données disponibles sur l’efficacité des autres approches psychothérapiques. Un premier paragraphe abordera les résultats des méta-analyses portant sur toutes interventions psychothérapiques confondues dans le cadre du SFM. Les deuxième et troisième paragraphes traiteront successivement des effets des TCC, de l’hypnose et de la méditation en pleine conscience sur la symptomatologie et la qualité de vie des personnes atteintes d’un SFM.
Tableau 15.I Description succincte des psychothérapies abordées dans ce chapitre
Type de psychothérapie
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Description
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Psychoéducation
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La psychoéducation peut se définir comme « une intervention didactique et psychothérapique systématique qui vise à informer les patients et leurs proches sur un trouble psychiatrique ou un défi significatif de l’existence, et à promouvoir leurs capacités pour y faire face » (Griffiths, 2006 ; Favrod et Bonsack, 2008 ). La psychoéducation a pour objectifs la transmission d’informations du soignant au patient qui acquiert ainsi des connaissances fiables visant à mieux comprendre un trouble ou un problème donné d’une part, et la modification des attitudes et comportements du patient envers son trouble en s’appuyant sur un étayage social renforcé, d’autre part (Petitjean, 2011 ). La psychoéducation promeut des échanges nourris entre les participants sur les phénomènes vécus, les émotions et représentations suscitées, l’évolution possible du trouble, les soins existants, ainsi que des exercices de mise en pratique ou jeux de rôle visant un apprentissage de la gestion des crises aiguës, un renforcement des compétences sociales et la prévention des rechutes (Bonsack et coll., 2015 ). S’inscrivant dans une perspective de soins centrés sur les personnes, la psychoéducation s’appuie prioritairement sur les ressources, l’autonomie et le vécu des personnes en dehors du trouble pour distinguer clairement les « sujets » des « objets maladies » (Ledoux et Cioltea, 2010 ). Proposée aux personnes fibromyalgiques, la psychoéducation vise à les informer sur la nature de la FM, les éléments pathophysiologiques connus, l’établissement du diagnostic, les retentissements sur le vécu, et la gestion de la symptomatologie (Pérez-Aranda et coll., 2017 ).
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Thérapie comportementale et cognitive (TCC)
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Les thérapies comportementales et cognitives ont pour objectif d’accompagner les patients vers des changements durables de modes de fonctionnement au niveau comportemental, cognitif et émotionnel (Samuel-Lajeunesse et coll., 2004 ). Ces thérapies s’appuient principalement sur les théories de l’apprentissage, du langage, de la cognition et des émotions mises en évidence par la recherche expérimentale. Elles postulent que des schémas dysfonctionnels ancrés dans le système de croyances des personnes modulent négativement leurs émotions, pensées, comportements et entretiennent un « mode de fonctionnement-problème » (Bennett et Nelson, 2006 ). Les critères principaux de réussite des TCC reposent sur l’évaluation du changement mis en Ĺ“uvre par le patient. Le thérapeute définit avec le patient les buts à atteindre et favorise les changements en élaborant une analyse fonctionnelle du maintien du problème suivie d’un plan thérapeutique adapté. Les méthodes thérapeutiques, décrites objectivement et reproductibles, sont diversifiées : entretien motivationnel, psychoéducation, exposition, remédiation, restructuration cognitive, acquisition des habiletés sociales, régulation de l’activité, jeu de rôle, résolution de problèmes, relaxation, par exemple (Samuel-Lajeunesse et coll., 2004 ). Dans le cadre de la douleur chronique, l’approche comportementale et cognitive s’appuie sur la théorie du gate-control (Melzack et Wall, 1965 ) et la théorie du conditionnement opérant (Fordyce et coll., 1973 ) et vise à renforcer le sentiment d’auto-efficacité des patients envers la douleur ainsi qu’à assouplir leurs pensées automatiques négatives et comportements inadaptés autour de la douleur (évitement de l’activité physique, ergomanie, etc.) pour améliorer leurs capacités fonctionnelles, leurs stratégies d’ajustement, et subséquemment leur qualité de vie et leur bien-être (Pérez-Aranda et coll., 2017 ).
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Thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT)
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La thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) est issue des recherches fondamentales sur le langage, les émotions, les aspects métacognitifs, les sciences comportementales et le courant humaniste (Hayes et coll., 1999 ; Monestès et Villatte, 2011 ). La flexibilité psychologique renvoie à la capacité à identifier et accepter les événements psychologiques (pensées, émotions, sensations), sans chercher à les contrôler ou les modifier, pour faciliter l’émergence d’un comportement en accord avec ses propres valeurs personnelles et ses projets à long terme (Hayes et coll., 1999 ). Dans la thérapie ACT, le symptôme est interprété comme une perte de la flexibilité psychologique se traduisant par une restriction du répertoire comportemental. Les axes thérapeutiques de l’ACT (Hexaflex) visent à 1) « développer l’acceptation et la défusion des événements psychologiques pour diminuer l’évitement et la rigidité engendrés par le langage ; 2) favoriser le contact avec l’instant présent et le changement de perspective sur ses propres événements psychologiques, pour diminuer l’insensibilité à l’environnement et l’attachement excessif à la conceptualisation de soi dont le langage est aussi à l’origine ; et 3) construire ou clarifier des domaines de vie valorisés et l’accroissement des actions dirigées vers ces domaines en utilisant les effets positifs du langage » (Monestès et Villatte, 2011 ). Les techniques thérapeutiques font appel par exemple à la psychoéducation, l’utilisation de métaphores, la méditation en pleine conscience, l’auto-observation des événements psychologiques, l’exposition aux événements psychologiques, ou encore l’identification des valeurs personnelles. L’application de l’approche ACT dans la douleur chronique est basée sur le postulat que la douleur n’implique pas nécessairement souffrance, altération du fonctionnement et dégradation de l’état de santé (Yang et McCracken, 2014 ). L’état fonctionnel et le bien-être des personnes dépendent de leur disposition à tenir compte de l’expérience douloureuse sans rumination ni catastrophisme, et de leur capacité à agir en fonction de leurs valeurs personnelles en dépit des sensations douloureuses plutôt que de chercher à les contrôler (McCracken et Vowles, 2014 ; Yu et McCracken, 2016 ; Pérez-Aranda et coll., 2017 ).
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Hypnose
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Selon Bioy et coll. (2010 ), l’hypnose est « un état de fonctionnement psychologique par lequel un sujet expérimente un champ de conscience élargi » (Bioy et coll., 2010 ). L’hypnothérapie a donc pour principal objectif de réintroduire un mouvement d’ouverture, une fluidité, une souplesse à un mode de fonctionnement psychologique figé et focalisé sur une souffrance, au travers d’une relation entre le patient et le praticien s’appuyant sur le processus hypnotique décliné classiquement en cinq phases : 1) Fixation sur un symptôme ; 2) Induction par centration de l’attention sur une perception donnée ; 3) Dissociation de la perception du quotidien pour rentrer dans la « perceptude », à savoir perdre ses certitudes afin de changer (Roustang, 2003 ) ; 4) Suggestion thérapeutique avec agrandissement des perceptions, du mouvement d’ouverture, de la fluidité et de la souplesse ; 5) Retour. Ainsi, l’hypnothérapie s’appuie sur une sensation de relâchement associée à une attention accrue et focalisée sur un élément donné ; une abstraction de la logique analytique et rationnelle se traduisant par une diminution des attitudes de jugement et d’autocensure ; une modification de la perception corporelle, de la représentation proprioceptive et de l’orientation temporelle ; un « principe d’involontarité » évoquant une expérience de réponse quasi automatique à la suggestion dont le patient n’a pas nécessairement conscience du caractère intentionnel ; des séances interactives lors desquelles le patient participe pleinement et verbalise son expérience (Bioy et Célestin-Lhopiteau, 2014 ). L’hypnose a montré son efficacité à moduler le caractère déplaisant de la douleur sans affecter son intensité, ce qui permet aux personnes de ressentir la douleur sans être pour autant perturbées par la sensation douloureuse (Garland et coll., 2017 ).
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Mindfulness Based Stress Reduction (MBSR)
Mindfulness-Based Pain Management (MBPM)
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La pleine conscience ( mindfulness) consiste à diriger son attention de manière délibérée, à un moment déterminé et sans jugement de valeur (Kabat-Zinn, 1990 ). Selon Shapiro et coll. (2006 ), trois composantes principales définiraient l’état de pleine conscience : 1) l’intention de la personne mobilisant des techniques de pleine conscience évolue progressivement avec la pratique pour passer de l’autorégulation à l’auto-exploration ; 2) la focalisation et le maintien de l’attention sur un objet (corps, respiration) impliquant l’observation globale, sans élaboration ni interprétation, des manifestations internes et sensorielles sur une période donnée ; et 3) l’attitude d’orientation vers l’expérience et d’acceptation sans jugement des manifestations internes et sensorielles. La thérapie Mindfulness-Based Stress Reduction (MBSR ; Réduction du stress basée sur la pleine conscience) est un programme élaboré par J. Kabat-Zinn basé sur l’apprentissage et la pratique de la méditation en pleine conscience qui vise à réduire le stress lié à des pathologies, troubles ou événements extérieurs et à améliorer la qualité de vie des personnes (Kabat-Zinn, 1990 ). Le programme MBSR inclut une séance de présentation valorisant l’importance de l’engagement personnel et intentionnel des participants dans le programme, puis huit séances hebdomadaires de 2 h 30 alliant des pratiques méditatives et des échanges sur les expériences vécues entre les participants, et enfin une retraite silencieuse d’une journée (Santorelli, 2014 ). La MBSR inclut des pratiques de méditation assise, de méditation en mouvement, de balayage corporel, de yoga, et des exercices pratiqués à domicile visant à accroître la pleine conscience dans les activités de la routine quotidienne. La thérapie MBSR vise à moduler l’expérience subjective de la douleur en apprenant par la pratique de la méditation à s’octroyer des temps de pause, à réduire la vigilance envers les indices environnementaux et internes menaçants, à diminuer les ruminations catastrophistes, à augmenter l’acceptation de la douleur, à accroître la tolérance aux difficultés et à choisir ses réponses face à elles plutôt qu’à y réagir impulsivement (Pérez-Aranda et coll., 2017 ). La thérapie Mindfulness-Based Pain Management (MBPM) est une approche spécifique à la douleur alliant méditation, compassion et acceptation (Burch, 2008 ).
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Eye Movement Desensitization and Reprocessing (EMDR)
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L’ Eye Movement Desensitization and Reprocessing ou EMDR (Intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires) est une méthode thérapeutique développée par F. Shapiro (1989 ), s’appuyant sur le modèle de traitement de l’information, et basée sur la stimulation sensorielle bi-alternée par le biais de mouvements oculaires (le patient suit les doigts du thérapeute qui passent de droite à gauche devant ses yeux), des stimuli auditifs (le patient porte un casque qui lui fait entendre alternativement un son à droite puis à gauche), ou tactiles (le thérapeute tapote alternativement les genoux du patient ou le dos de ses mains) (Shapiro, 1989 ). L’objectif est de stimuler un mécanisme neuropsychologique pour traiter les informations cognitives, émotionnelles et sensorielles issues d’événements de vie stressants ou traumatiques antérieurs, stockés dans la mémoire épisodique sans réalisation d’un travail d’intégration des connexions et dont l’activation désorganisée et dysfonctionnelle peut être à l’origine de divers symptômes. L’EMDR permettrait ainsi de « modifier les expériences négatives (émotions, perceptions, ressenti physique, croyances) grâce aux liens établis avec des réseaux de mémoire positifs contenant des informations adaptatives de telle manière que les expériences de vie difficiles puissent devenir une source de force et de résilience » (Shapiro, 2014 ).
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Psychanalyse
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La psychanalyse est une « méthode psychothérapique fondée sur l’investigation de la signification inconsciente des paroles, des actions, des productions imaginaires (rêves, fantasmes, délires), dont l’analyste dispose par le biais des libres associations d’un sujet, ainsi que sur l’interprétation contrôlée de la résistance, du transfert et du désir » (Laplanche et Pontalis, 1967 ).
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Thérapies humanistes
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Les thérapies humanistes centrées sur le client initiées par C. Rogers (1962 ) s’inscrivent dans le cadre d’une conception positive de l’être humain aspirant à mettre en exergue ses ressources psychologiques (Rogers, 1962 ). L’être humain posséderait en effet un potentiel d’évolution et d’épanouissement pouvant prendre toute sa mesure dans un contexte environnemental favorable. Les troubles seraient donc, selon cette approche, les fruits d’une réalisation de soi empêchée par le besoin de se conformer aux désirs des autres. L’objectif des thérapies humanistes est de réduire les divergences entre le vécu interne réel et le concept de soi (Plaza et Cohen, 2006 ). Pour ce faire, cette approche se base sur l’écoute inconditionnelle (éviter de juger les propos de son interlocuteur, de le contredire, ou encore d’émettre des critiques), en prônant la collaboration et non la prescription, l’étayage plutôt que la persuasion ou l’argumentation puisqu’elle vise la réalisation de soi permettant une maturité à même de résoudre un problème par soi-même (Rogers, 1962 ). Les fondements de cette approche reposent sur : 1) l’adoption d’une attitude non directive afin d’établir une interaction harmonieuse entre deux personnes dans une atmosphère relationnelle chaleureuse qui puisse favoriser la communication sur le mode du partenariat ; 2) l’adoption d’une attitude authentique en veillant à établir une congruence la plus importante possible entre ce qui est ressenti et ce qui est finalement exprimé ; 3) l’expression de l’empathie selon le principe de l’écoute réflective (Rogers, 1962 ) qui vise à comprendre, accepter les propos du patient et y réagir sans les juger ni les critiquer ; 4) le renforcement du sentiment d’efficacité personnelle du patient en augmentant sa confiance en ses propres capacités à franchir les obstacles et à réussir les objectifs fixés en faveur du changement.
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Les psychothérapies et la fibromyalgie
Trois méta-analyses ont étudié l’efficacité et les bienfaits des approches psychothérapiques les plus souvent proposées aux personnes atteintes d’un SFM (Rossy et coll., 1999
; Glombiewski et coll., 2010
; Theadom et coll., 2015
). Une première méta-analyse relativement ancienne (Rossy et coll., 1999
) concluait que l’ensemble des approches psychothérapiques étudiées (psychoéducation, relaxation, TCC, hypnothérapie) étaient associées à une amélioration significative à l’issue des interventions des quatre critères d’évaluation retenus, à savoir l’état de santé somatique, la symptomatologie de la FM, l’état de santé psychologique et le fonctionnement quotidien sur la base de questionnaires d’auto-évaluation, avec des tailles d’effet modérées. Quelques écueils viennent néanmoins nuancer ces résultats prometteurs. Cette méta-analyse s’appuyait essentiellement sur des études ayant évalué l’efficacité de programmes qui combinent des approches psychothérapiques et des exercices physiques (soit 5 études), sans qu’il soit possible d’établir la part des bénéfices thérapeutiques liés aux seules psychothérapies. Par ailleurs, les contenus et les cadres d’intervention thérapeutiques
1
Éléments contextuels et organisationnels des interventions thérapeutiques.
ne sont pas décrits précisément. Or, ces éléments contribuent en grande partie à la satisfaction et à l’adhésion thérapeutique des patients et participent grandement à la compréhension de l’efficacité de ces approches et à leur reproductibilité. Enfin, aucune donnée n’était disponible sur l’efficacité à moyen et long termes de ces approches.
Une méta-analyse plus récente avait pour objectifs d’évaluer les effets bénéfiques à court et long termes des psychothérapies sur les symptômes de la FM et d’identifier d’éventuels modérateurs thérapeutiques (tableau 15.II
; Glombiewski et coll., 2010
). Vingt-trois études ont été retenues pour l’analyse évaluant des approches psychothérapiques différentes (les techniques de relaxation, psychoéducation, TCC, MBSR
2
Mindfulness Based-Stress Reduction ou Réduction du stress basée sur la pleine conscience.
, EMDR
3
Eye Movement Desensitization and Reprocessing ou Intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires.
)
4
Une présentation succincte des différentes approches psychothérapiques citées dans ce chapitre est proposée dans le tableau 15.I.
, comparées ou non à des groupes contrôles
(liste d’attente, traitement usuel
5
Traitement pharmacologique, physiothérapie ou balnéothérapie.
, autre psychothérapie ou placebo). La durée moyenne des interventions thérapeutiques était de 27 heures. Les participants (n = 1 396 ; 92 % de femmes) devaient avoir reçu un diagnostic de SFM selon les critères ACR 1990 (Wolfe et coll., 1990
). Les critères d’évaluation de l’efficacité des interventions étaient la diminution de l’intensité douloureuse, des troubles du sommeil, de la dépression, du catastrophisme, et l’augmentation des capacités fonctionnelles sur la base de questionnaires d’auto-évaluation. Les résultats n’indiquent aucune différence significative entre le taux d’abandon des patients des groupes thérapeutiques (20,85 %) et celui des patients des groupes contrôles (20,06 %). Par ailleurs, la taille des effets pris dans leur ensemble, entre le début et la fin des interventions thérapeutiques, est significative et robuste, quoique faible à modérée, concernant l’évolution favorable de tous les critères d’évaluation étudiés et se maintiennent à long terme (6 mois en moyenne). Concernant les modérateurs thérapeutiques relevés dans cette méta-analyse, la durée et les types d’interventions thérapeutiques modèrent la majorité des effets thérapeutiques. Ainsi, les interventions les plus longues et les TCC présentent les effets thérapeutiques les plus importants. Toutefois, la qualité des études modère également les effets thérapeutiques, c’est-à-dire que moins les études sont rigoureuses sur le plan méthodologique et meilleurs sont les effets thérapeutiques observés ce qui conduit à nuancer quelque peu les résultats.
Enfin, une dernière méta-analyse visait à évaluer l’efficacité des interventions psychothérapiques à court et long termes chez les adultes atteints de FM comparativement à des groupes contrôles
6
Traitements usuels (traitement pharmacologique, physiothérapie ou balnéothérapie), liste d’attente ou groupes de parole.
(tableau 15.II
; Theadom et coll., 2015
). Soixante et une études contrôlées et randomisées ont été incluses dans cette méta-analyse. Les différentes interventions psychothérapiques évaluées, d’une durée moyenne de 17 heures, étaient les TCC, la psychanalyse, les psychothérapies humanistes, la MBSR, les techniques de relaxation et l’hypnose. Les participants (n = 4 234) devaient avoir reçu un diagnostic de FM selon les critères ACR 1990 (Wolfe et coll., 1990
). Les principaux critères d’évaluation étaient les capacités fonctionnelles, l’intensité douloureuse, l’humeur, le taux d’abandon en cours de thérapie et les effets paradoxaux (augmentation de la douleur, par exemple), sur la base de questionnaires d’auto-évaluation. Les critères d’évaluation secondaires étaient la fatigue, le sommeil, le sentiment d’auto-efficacité et la qualité de vie sur la base de questionnaires d’auto-évaluation. Les résultats indiquent que les psychothérapies, à l’exception de la MBSR dont les données disponibles étaient insuffisantes, sont significativement plus efficaces que les traitements usuels sur l’amélioration de la capacité fonctionnelle, de l’intensité douloureuse, de l’humeur, du sommeil et de la qualité de vie. Néanmoins, le taux d’abandon est significativement supérieur dans les groupes psychothérapiques que dans les groupes contrôles, ce qui pourrait s’expliquer en partie par le fait que les interventions psychothérapiques nécessitent le plus souvent un engagement personnel important de la part des patients ou ne correspondent pas à leurs attentes. Par ailleurs, aucune différence n’a pu être mise en évidence entre les groupes psychothérapiques et les groupes contrôles quant au nombre d’effets paradoxaux, à la fatigue et au sentiment d’auto-efficacité. Ce dernier point est quelque peu étonnant, compte tenu du fait que les approches psychothérapiques centrées sur l’amélioration des stratégies d’ajustement visent typiquement l’augmentation du sentiment d’auto-efficacité, contrairement aux traitements usuels. Les conclusions de cette méta-analyse nous permettent de considérer que les psychothérapies peuvent améliorer la capacité fonctionnelle, l’intensité douloureuse et l’humeur chez les personnes atteintes de FM. Néanmoins, la qualité de preuve reste faible ce qui est probablement lié à la grande hétérogénéité des programmes thérapeutiques et des modes d’intervention des différentes études retenues dans cette méta-analyse. Des méta-analyses ciblées sur des approches psychothérapiques précises (paragraphes 3 et 4) permettront d’affiner et de vérifier ces résultats. Toutefois, cela n’est pas possible pour toutes les approches psychothérapiques (psychanalyse, psychothérapies humanistes, par exemple) compte tenu du manque manifeste d’études évaluant leur efficacité auprès de personnes atteintes de FM.
Tableau 15.II Synthèse des méta-analyses les plus récentes des effets des psychothérapies chez les personnes atteintes de fibromyalgie
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Glombiewski et coll., 2010
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Theadom et coll., 2015
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Nombre d’études incluses / nombre d’études identifiées
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23/57 (soit 40 %)
Études publiées jusqu’en 2009
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61/2 083 (soit 3 %)
Études publiées jusqu’en 2013
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Participants
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n = 1 396
92 % de femmes
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n = 4 234
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Critères diagnostiques fibromyalgie
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ACR 1990 (Wolfe et coll., 1990 )
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ACR 1990 (Wolfe et coll., 1990 )
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Origine géographique des études incluses
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Non précisé
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États-Unis (x22), Espagne (x11), Suède (x8), Allemagne (x4), Canada (x3), Pays-Bas (x3), Norvège (x3), Turquie (x2), Brésil (x1), France (x1), Italie (x1), Inde (x1), Royaume-Uni (x1)
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Groupe intervention thérapeutique
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Relaxation (x8), TCC (x8), éducation thérapeutique (x6), thérapie comportementale (x5), MBSR (x2), EMDR (x1)
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Psychothérapies (TCC, psychanalyse, approches humanistes) x35, MBSR x3, relaxation x3, hypnose x4
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Groupes contrôles
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Liste d’attente, traitement usuel (traitement pharmacologique, physiothérapie, balnéothérapie), une autre psychothérapie, placebo
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Durée des interventions
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2 à 120 heures
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1 jour à 25 semaines
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Durée médiane des suivis
à long terme
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3/6 études avec suivi
6 mois (2 – 48 semaines)
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Non étudié
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Critères d’évaluation
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Critères d’évaluation primaires :
intensité douloureuse moyenne, capacité fonctionnelle, dépression
Critères d’évaluation secondaires :
troubles du sommeil, catastrophisme
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Critères d’évaluation primaires :
capacité fonctionnelle, intensité douloureuse, humeur, taux d’abandon en cours de thérapie, effets paradoxaux
Critères d’évaluation secondaires :
fatigue, sommeil, sentiment d’auto-efficacité, qualité de vie
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Résultats post-interventionnels
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Faible taille d’effet
Psychothérapies améliorent tous les critères
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Faible taille d’effet
Psychothérapies améliorent l’intensité douloureuse, la capacité fonctionnelle, l’humeur.
Aucun effet significatif pour MBSR
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Résultats suivis à long terme
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Faible taille d’effet
TCC améliorent l’intensité douloureuse moyenne, la dépression, les troubles du sommeil, et le catastrophisme
Taille d’effet modérée
TCC améliorent la capacité fonctionnelle
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Non étudié
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EMDR : Eye Movement Desensitization and Reprocessing ; MBSR : Mindfulness Based-Stress Reduction.
Les effets des thérapies comportementales et cognitives (TCC) sur la symptomatologie et la qualité de vie des personnes atteintes de fibromyalgie
Les TCC s’appuient sur différentes techniques thérapeutiques telles que la psychoéducation, la restructuration cognitive, la modification des comportements de santé, l’exposition, l’entraînement aux habiletés sociales, le fractionnement des activités
7
, l’identification des valeurs personnelles, l’engagement vers des objectifs réalistes, la méditation, etc. Pléthore de programmes thérapeutiques de la douleur chronique issus des approches comportementales et cognitives sont élaborés et testés à l’échelle internationale mais leur contenu thérapeutique n’est pas toujours suffisamment explicite et reproductible. Par ailleurs, le contenu thérapeutique varie grandement d’un programme à l’autre. Or, les revues systématiques et méta-analyses qui se sont intéressées à la faisabilité, l’innocuité et l’efficacité des TCC dans la FM analysent ensemble des programmes souvent très différents, recouvrant des réalités cliniques très diversifiées, ce qui incite à une certaine prudence dans l’interprétation des résultats.
Résultats des principales méta-analyses
Une équipe allemande a réalisé quatre méta-analyses successives récentes sur les effets bénéfiques potentiels des TCC chez les personnes atteintes de FM (tableau 15.III
; Bernardy et coll., 2010
, 2013
et 2018
). Notons l’hétérogénéité des programmes TCC (classique, ACT
8
Acceptance and Commitment Therapy ou Thérapie d’acceptation et d’engagement.
, MBSR, thérapie opérante, psychoéducation) et des modes d’intervention évalués (individuels
versus groupes ; face-à-face
versus distance). La première méta-analyse, ayant inclus 14 études, visait à évaluer les effets post-interventionnels et à moyen terme des TCC
9
Il s’agissait de thérapies cognitives seules, comportementales opérantes ou TCC classiques, en présentiel ou à distance (internet ou téléphone), de première intention avec des contenus psychothérapeutiques bien définis et de toutes durées. Les TCC incluses dans des programmes multidisciplinaires étaient exclues en raison de l’impossibilité de mettre en évidence des effets spécifiques.
sur les symptômes de la FM comparativement à des groupes contrôles (liste d’attente, traitement usuel
10
Traitement pharmacologique, physiothérapie.
ou thérapie active autre que TCC
11
Éducation thérapeutique, relaxation, groupe de parole.
) (Bernardy et coll., 2010
). La durée des interventions thérapeutiques variait de 5 à 15 semaines (durée médiane de 9 semaines). Douze études ont proposé un suivi aux participants allant de 2 à 48 mois (médiane de 6 mois). Les 910 participants (97 % de femmes), adolescents (inclus dans une seule étude) et adultes âgés de 16 à 54 ans (âge moyen de 47 ans), avaient reçu un diagnostic de FM selon les critères ACR 1990 (Wolfe et coll., 1990
) ou les critères
Juvenile Primary Fibromyalgia (Yunus et Masi, 1985
). Les critères d’auto-évaluation par questionnaires étaient l’intensité douloureuse, le sommeil, la fatigue, le fonctionnement global, la qualité de vie, l’humeur, le sentiment d’auto-efficacité envers la douleur et les comportements de recherche d’aide auprès des soignants. Les résultats indiquent que les TCC réduisent l’humeur dépressive (faible taille d’effet) et améliorent le sentiment d’auto-efficacité envers la douleur (taille d’effet élevée) comparativement aux groupes contrôles, immédiatement après les interventions thérapeutiques. En revanche, il n’y a pas d’effet significatif des TCC sur la fatigue, le sommeil et la qualité de vie. Les TCC améliorent significativement le sentiment d’auto-efficacité envers la douleur et diminuent le nombre de consultations médicales comparativement aux groupes contrôles en fin de la phase de suivi des interventions thérapeutiques (tailles d’effet élevées), ce qui indique que les participants ont besoin de temps pour s’adapter et acquérir de nouveaux modes de fonctionnement. Néanmoins, la qualité des interventions thérapeutiques était jugée faible pour la majorité des études retenues, sur le plan du contenu insuffisamment explicité, de la durée trop courte de certaines interventions, de l’absence de manuel de thérapie disponible, du manque d’adhésion du thérapeute au manuel de thérapie lorsqu’il existe, du manque d’entraînement du thérapeute, ou du manque d’engagement des patients. Une seule étude (celle concernant des adolescents) satisfaisait à l’ensemble des critères évaluant la qualité méthodologique de la recherche : adéquation de la randomisation, adéquation de la répartition aléatoire, évaluation en double aveugle des effets attendus, adéquation des données analysées (Kashikar-Zuck et coll., 2005
).
La seconde méta-analyse, portant sur 23 études contrôlées et randomisées, avait pour objectif d’évaluer les bénéfices à court et moyen termes ainsi que les limites des TCC dans l’accompagnement des personnes atteintes de FM, comparativement à des groupes contrôles
12
Idem que méta-analyse de Bernardy et coll. (2010
).
(Bernardy et coll., 2013
). Les 2 031 participants (96 % de femmes), adolescents (inclus dans deux études) et adultes âgés de 15 à 55 ans (âge moyen de 47,5 ans), avaient reçu un diagnostic de FM selon les critères ACR 1990 (Wolfe et coll., 1990
), les critères
Juvenile Primary Fibromyalgia (Yunus et Masi, 1985
), ou les critères de Smythe pour une étude (Smythe, 1981
). La moitié des études ont inclus des patients ayant des troubles dépressifs ou anxieux. Dans certaines études, les patients atteints de FM pouvaient être inclus dans les groupes thérapeutiques avec des patients présentant d’autres douleurs chroniques mais les bénéfices attendus pour les patients atteints de FM devaient être rapportés séparément. Les critères d’auto-évaluation majeurs à partir de questionnaires étaient l’intensité douloureuse, l’humeur dépressive, l’incapacité fonctionnelle et l’acceptabilité de l’intervention thérapeutique. Les critères d’auto-évaluation mineurs à partir de questionnaires étaient le sentiment d’auto-efficacité envers la douleur, le sommeil, la fatigue, et la qualité de vie. Les résultats ont mis en évidence une très grande qualité des interventions thérapeutiques pour 9 études ainsi qu’une qualité modérée pour 12 autres études. Les TCC améliorent après les interventions l’intensité douloureuse, l’humeur dépressive, l’incapacité fonctionnelle, le sentiment d’auto-efficacité envers la douleur, la fatigue et la qualité de vie (faibles tailles d’effet). À plus long terme (médiane 6 mois), les TCC améliorent l’intensité douloureuse, l’humeur dépressive et la fatigue (faibles tailles d’effet), ainsi que l’incapacité fonctionnelle et le sentiment d’auto-efficacité envers la douleur (tailles d’effet modérées). Les différents types de TCC évalués s’avèrent tout autant efficaces mais les effets sont significatifs uniquement pour les modes d’intervention en présentiel. En revanche, aucune différence significative n’a pu être mise en évidence dans le taux d’abandon entre les TCC (15,4 %) et les groupes contrôles
13
Idem que méta-analyse de Bernardy et coll. (2010
).
(14,5 %), et l’efficacité des TCC n’est pas supérieure à celle de la physiothérapie.
Tableau 15.III Synthèse des méta-analyses des effets des thérapies cognitivo-comportementales (TCC) chez les personnes atteintes de fibromyalgie
|
Bernardy et coll., 2010
|
Bernardy et coll., 2013
|
Bernardy et coll., 2018
|
Nombre d’études incluses / nombre d’études identifiées
|
14/167 (soit 8,4 %)
Études publiées jusqu’en 2009
|
23/1 126 (soit 2 %)
Études publiées de 1966 à 2013
|
29/562 (soit 5 %)
22 études incluses dans Bernardy et coll. (2013 ) + études publiées de 2013 à 2017
|
Participants
|
n = 910
97 % de femmes
Âge moyen = 47 ans
(16-54 ans)
|
n = 2 031
96 % de femmes
Âge moyen = 47,5 ans
(15,2-55,4 ans)
|
n = 2 509
97,5 % de femmes
Âge moyen = 47,4 ans
(15,2-55,4 ans)
|
Critères diagnostiques fibromyalgie
|
– 13/14 : ACR 1990 (Wolfe et coll., 1990 )
– 1/14 : Juvenile Primary Fibromyalgia (Yunus et Masi, 1985 )
|
– 20/23 : ACR 1990 (Wolfe et coll., 1990 )
– 2/23 : Juvenile Primary Fibromyalgia (Yunus et coll., 1981 )
– 1/23 : Critères de Smythe (Smythe, 1981 )
|
– 26/29 : ACR 1990 (Wolfe et coll., 1990 )
– 2/29 : Juvenile Primary Fibromyalgia (Yunus et Masi, 1985 )
– 1/29 : Critères de Smythe (Smythe, 1981 )
|
Origine géographique des études incluses
|
États-Unis (x5), Espagne (x2), Allemagne (x2), Suède (x2), Norvège, Suisse, Pays-Bas
|
États-Unis (x10), Espagne (x6), Allemagne (x2), Suède (x2), Norvège, Brésil, Pays-Bas
|
Espagne (x10), USA (x9), Suède (x4), Allemagne (x3), Norvège, Brésil, Pays-Bas
|
Groupe intervention thérapeutique
|
Hétérogénéité des programmes TCC (classique, thérapie d’acceptation et d’engagement, thérapie basée sur la méditation en pleine conscience, thérapie opérante, psychoéducation)
Hétérogénéité des modalités (individuels versus groupes ; face-à-face versus distance)
|
Groupes contrôles
|
Liste d’attente, traitement usuel (traitement pharmacologique, physiothérapie), thérapie active autre que TCC (éducation thérapeutique, relaxation, groupe de parole)
|
Durée des interventions
|
5 à 15 semaines
|
5 à 54 semaines
|
3 à 54 semaines
|
Durée médiane des suivis à long terme
|
12/14 RCT avec suivi
6 mois (2-48 mois)
|
17/23 RCT avec suivi
6 mois (3-48 mois)
|
18/29 RCT avec suivi
6 mois (3-48 mois)
|
Critères d’évaluation
|
– Critères d’évaluation primaires : intensité douloureuse, sommeil, fatigue, qualité de vie envers le syndrome
– Critères d’évaluation secondaires : humeur dépressive, sentiment d’auto-efficacité envers la douleur, comportements de recherche de réassurance auprès des soignants
|
– Critères d’évaluation primaires : intensité douloureuse, humeur dépressive, incapacité fonctionnelle, acceptabilité
– Critères d’évaluation secondaires : sentiment d’auto-efficacité envers la douleur, sommeil, fatigue, qualité de vie envers le syndrome
|
Critères d’évaluation primaires : intensité douloureuse ≤ 50 %, qualité de vie envers le syndrome ≥ 20 %, humeur négative, fatigue, incapacité fonctionnelle, acceptabilité de l’intervention, innocuité de l’intervention
Critères d’évaluation secondaires : coping, troubles du sommeil
|
Résultats post-interventionnels
|
– Faible taille d’effet
TCC améliorent l’humeur dépressive
– Taille d’effet élevée
TCC améliorent le sentiment d’auto-efficacité envers la douleur
|
– Faible taille d’effet
TCC améliorent l’intensité douloureuse, l’humeur dépressive, l’incapacité fonctionnelle, le sentiment d’auto-efficacité envers la douleur, la fatigue, la qualité de vie envers le syndrome
|
– Faible taille d’effet
TCC améliorent l’intensité douloureuse, la qualité de vie envers la maladie, la fatigue, l’incapacité fonctionnelle, et l’humeur négative
– Taille d’effet modérée
TCC améliorent le coping et les troubles du sommeil
|
Résultats suivis à long terme
|
– Taille d’effet élevée
TCC améliorent le sentiment d’auto-efficacité envers la douleur et diminuent le nombre de consultations médicales
|
– Faible taille d’effet
TCC améliorent l’intensité douloureuse, l’humeur dépressive et la fatigue
– Taille d’effet modérée
TCC améliorent l’incapacité fonctionnelle et le sentiment d’auto-efficacité envers la douleur
|
– Faible taille d’effet
TCC améliorent l’intensité douloureuse, la qualité de vie envers la maladie, la fatigue, et l’humeur négative
– Taille d’effet modérée
TCC améliorent l’incapacité fonctionnelle et les troubles du sommeil
– Taille d’effet élevée
TCC améliorent le coping
|
Enfin les méta-analyses les plus récentes visaient à évaluer l’efficacité des TCC sur les symptômes de la FM ainsi que leur acceptabilité par les personnes fibromyalgiques et leur innocuité comparativement à des groupes contrôles
14
Idem que méta-analyse de Bernardy et coll. (2010
).
(Bernardy et coll., 2018
). Au total, 29 études
15
Dont vingt-deux identiques à la méta-analyse précédente.
ont été retenues avec 2 509 participants (97,5 % de femmes, de 15 à 55 ans et d’âge moyen de 47,4 ans), ayant reçu un diagnostic de FM selon les mêmes critères que précédemment. Les critères d’évaluation et la durée des interventions thérapeutiques étaient similaires à ceux des méta-analyses précédentes. Les résultats indiquent une amélioration de l’intensité douloureuse, de la qualité de vie, de la fatigue, de l’incapacité fonctionnelle, de l’humeur négative (faibles tailles d’effet) ainsi que des stratégies de
coping et des troubles du sommeil (tailles d’effet modérées) après les interventions TCC. À 6 mois en moyenne après les interventions thérapeutiques, les améliorations se maintiennent (tailles d’effet faibles à élevées). Aucune différence notable n’a pu être relevée entre les types de TCC mais les effets sont statistiquement plus importants pour les interventions longues (à partir de 25 h) comparativement aux interventions courtes. Enfin, aucune différence significative n’a pu être mise en évidence en ce qui concerne le taux d’abandon et les événements indésirables directement liés aux interventions thérapeutiques entre les TCC et les groupes contrôles
16
Idem que méta-analyse de Bernardy et coll. (2010
).
.
La satisfaction des patients
Des études randomisées et contrôlées ultérieures à ces méta-analyses semblent confirmer l’intérêt des TCC pour l’amélioration de la symptomatologie de la FM, y compris des thérapies dites « de la troisième vague » telles que la thérapie d’acceptation et d’engagement ou la thérapie de conscience et expression émotionnelle
17
Emotional Awareness and Expression Therapy (EAET).
(Vallejo et coll., 2015
; Thieme et coll., 2016
; Friesen et coll., 2017
; Lumley et coll., 2017
; Simister et coll., 2018
). Ainsi, malgré l’hétérogénéité importante des interventions thérapeutiques évaluées (contenu, cadre thérapeutique, etc.), les TCC améliorent de manière notable la symptomatologie et la qualité de vie des personnes atteintes de FM à court et moyen terme. Les différents types de TCC évalués semblent tout autant efficaces mais les bienfaits sont plus marqués pour les interventions thérapeutiques les plus longues (à partir de 25 heures) et menées en présentiel. Les participants se disent généralement satisfaits des interventions TCC proposées et les taux d’abandon sont équivalents à toutes les autres alternatives thérapeutiques comparées. Néanmoins, nous manquons d’informations qualitatives phénoménologiques sur le vécu des personnes atteintes de FM participant à ce type de programmes thérapeutiques. Une étude a ainsi exploré à partir de quatre
focus groups18
Méthode de recherche basée sur des entretiens semi-directifs en groupe qui explorent une question particulière ou un ensemble de questions spécifiées par le chercheur. Les focus groups comprennent généralement 4 à 12 personnes (Markova, 2003).
la perception de 17 participants à un programme interdisciplinaire de rééducation fonctionnelle dont une intervention TCC
19
Programme IMPRoVE de 2 semaines animé par un médecin rhumatologue, un psychologue, des infirmiers, des kinésithérapeutes et des ergothérapeutes (Amris et coll., 2014).
, concernant les bénéfices tirés du programme ainsi que de ses forces et limites potentielles (Rasmussen et coll., 2016
). Les participants estiment davantage accepter de vivre avec le SFM à l’issue du programme (figure 15.1
). Ils mettent également en avant l’intérêt d’avoir pu expérimenter l’acceptation et la reconnaissance de la part d’autrui et d’avoir développé de nouvelles stratégies d’ajustement qui améliorent leur sentiment d’auto-efficacité. Les limites évoquées par les participants sont la longue période d’attente avant l’admission dans le programme, le manque de temps pendant le programme, le manque de sessions individuelles avec le psychologue, l’absence de résolution des difficultés socio-économiques et professionnelles à l’issue du programme, et l’absence de suivi à long terme pour maintenir les acquis.
Étudier les modérateurs des bénéfices thérapeutiques
Les modérateurs
20
« Les modérateurs sont les variables antérieures à l’intervention thérapeutique qui auront un impact sur la thérapie, soit les conditions du changement. Elles spécifient pour qui et dans quelles conditions la thérapie sera efficace. » (Duriez, 2009).
des bénéfices thérapeutiques qui favorisent l’adhésion psychothérapique des participants restent encore méconnus. Une étude a mis en évidence que les progressions les plus importantes issues d’interventions TCC de la FM s’observent surtout chez les personnes présentant un score élevé de catastrophisme (Schreiber et coll., 2014
; Lazaridou et coll., 2017
). Par ailleurs, nous manquons encore d’informations sur les médiateurs
21
« Les médiateurs sont les différents processus ou mécanismes qui permettent d’obtenir les changements. Ce sont des variables qui expliquent pourquoi ou comment les interventions ont des effets sur le patient. » (Kendall, et coll., 2004).
thérapeutiques participant le plus efficacement à une évolution clinique favorable chez les personnes atteintes de FM. En effet, les programmes thérapeutiques sont testés dans leur intégralité sans qu’il soit possible de différencier les apports spécifiques de chaque élément. L’orientation des recherches actuelles tente de pallier progressivement ces manques. Pour exemple, une étude s’est intéressée à l’efficacité des thérapies par exposition visant à réduire les comportements d’évitement de l’activité auprès de 140 personnes atteintes de FM (Hedman-Lagerlof et coll., 2017
). La proportion des participants ayant mis en place un changement durable de leur mode de fonctionnement (suivi à un an) et ayant une diminution de la symptomatologie de la FM est quatre fois supérieure à celle du groupe contrôle (liste d’attente). L’amélioration de la gestion de l’activité des personnes atteintes de FM a également été constatée pour celles ayant eu recours aux techniques de réalité virtuelle visant un meilleur fractionnement des activités (Garcia et coll., 2015
). Une autre étude a examiné l’intérêt spécifique des stratégies de restructuration cognitive sur la tolérance à la douleur chez 62 femmes atteintes de FM (Kohl et coll., 2014
). Les résultats indiquaient une meilleure tolérance à la douleur après la mobilisation de stratégies de restructuration cognitive. De la même façon, une intervention en self-help basée sur la narration et la visualisation positive de soi et de son meilleur avenir possible intitulée «
Best Possible Self Intervention»
22
Les patients doivent imaginer et détailler par écrit (pendant 20 minutes) tous les aspects (personnel, social, professionnel et santé) d’un avenir qui soit le meilleur possible pour eux-mêmes, par le biais d’un système interactif « Book of Life » (le livre de la vie). Il s’agit d’une application numérique leur permettant de rédiger leur journal personnel et d’incorporer des contenus multimédias (images, sons, vidéos de la base de données book of life) visant à promouvoir une narration positive et une visualisation enrichie. Ensuite, ils sont invités à visualiser pendant 5 minutes ce qu’ils viennent d’écrire. Les contenus sont ensuite exportés sur une plateforme internet (Emotional Therapy Online) afin que les patients puissent y accéder et visualiser leur contenu chez eux au moins 3 fois par semaine.
a été testée chez 71 personnes atteintes de FM (Molinari et coll., 2017
). Les résultats encourageants indiquent que cette technique améliore significativement les symptômes dépressifs, l’affectivité, et le sentiment d’auto-efficacité des participants, et ce même après 3 mois de suivi, comparativement à un groupe contrôle décrivant simplement leurs actions des dernières 24 heures. Une autre étude s’est penchée sur l’intérêt d’un programme ciblé spécifiquement sur l’entraînement à la compassion basé sur l’attachement
23
La thérapie de la compassion basée sur l’attachement (attachment-based compassion therapy, ABCT), issue du courant de la psychologie positive, est basée sur l’augmentation de la capacité des patients à être prévenants et bienveillants vis-à-vis d’eux-mêmes, de leurs propres expériences et de celles d’autrui. 8 séances de 2 heures suivies de 3 sessions mensuelles de rappel impliquant des pratiques de mindfulness et de visualisation basées sur l’auto-compassion et le style d’attachement dans l’enfance.
auprès de 42 personnes atteintes de FM, et a montré une amélioration de la symptomatologie fibromyalgique médiée par une augmentation de la flexibilité psychologique et se maintenant à 3 mois, supérieure à un groupe de relaxation (Montero-Marin et coll., 2018
).
Les effets de l’hypnose et de la méditation en pleine conscience sur la symptomatologie et la qualité de vie
des personnes atteintes de fibromyalgie
L’hypnose et l’imagerie guidée
Ces dernières années, un vif regain d’intérêt des chercheurs s’observe concernant les apports de l’hypnose pour les soins de nombreux troubles et affections tels que la douleur chronique, comme en témoignent un nombre croissant d’études publiées dans ce domaine. Une équipe allemande a ainsi réalisé deux méta-analyses successives visant à évaluer l’efficacité de l’hypnose et de l’imagerie guidée sur la réduction des symptômes principaux de la FM, comparativement à d’autres formes de thérapies (liste d’attente, traitement usuel
24
Traitement pharmacologique ou physiothérapie.
, ou toute autre méthode thérapeutique
25
TCC, training autogène, éducation thérapeutique, relaxation ou groupe de parole.
) auprès de personnes atteintes de FM (tableau 15.IV
; Bernardy et coll., 2011
; Zech et coll., 2017
). Six études
26
5/6 études sur l’hypnose et 1/6 étude sur l’imagerie guidée.
ont été incluses dans la première méta-analyse (Bernardy et coll., 2011
), avec un total de 239 participants (96 % de femmes), âgés de 38 à 50 ans (âge médian 44 ans) et ayant reçu un diagnostic de FM selon les critères ACR 1990 (Wolfe et coll., 1990
), les critères de Smythe (Smythe, 1981
) ou des critères cliniques non spécifiés. Le nombre de séances avec un thérapeute variait de 7 à 12 séances hebdomadaires (nombre médian de séances de 9). Les critères d’auto-évaluation à partir de questionnaires étaient la diminution de l’intensité douloureuse, des troubles du sommeil, de la fatigue et de l’humeur dépressive ainsi que l’amélioration de la qualité de vie. Cette méta-analyse souligne la qualité des interventions thérapeutiques prodiguées, puisque le score médian de qualité des interventions est de 6 sur 9. L’hypnose et l’imagerie guidée diminuent significativement le niveau de douleur à la fin des interventions comparativement aux groupes contrôles (taille d’effet élevée). En revanche, aucun effet n’a pu être mis en évidence sur la qualité de vie. Ces résultats ne sont toutefois pas suffisamment robustes en regard des biais méthodologiques importants relevés dans les études incluses (score médian de qualité méthodologique des études est de 16 sur 26). Plus récemment, la seconde méta-analyse a porté sur 9 études, dont 4 déjà incluses dans la précédente méta-analyse (Zech et coll., 2017
). Les 457 participants (98 % de femmes), âgés de 40 à 50 ans, avaient reçu un diagnostic de FM à partir des critères ACR 1990 (Wolfe et coll., 1990
) ou des critères de Smythe (Smythe, 1981
). Le nombre de séances variait de 4 à 26 séances hebdomadaires (nombre médian de séances de 9). Les critères d’auto-évaluation à partir de questionnaires étaient une diminution de la douleur (au moins égale à 50 %), de la détresse psychologique, de l’incapacité fonctionnelle, de la fatigue et des troubles du sommeil, ainsi qu’une amélioration de la qualité de vie (au moins égale à 20 %), des stratégies d’ajustement et du sentiment d’auto-efficacité. L’hypnose et l’imagerie guidée améliorent l’intensité douloureuse et les troubles du sommeil (tailles d’effet élevées), ainsi que la détresse psychologique, la fatigue et les stratégies d’ajustement (faibles tailles d’effet). À 3 mois de suivi, l’hypnose seule améliore les troubles du sommeil (taille d’effet élevée) et l’intensité douloureuse (faible taille d’effet). Associée aux TCC, l’hypnose améliore davantage la détresse psychologique que les TCC seules, uniquement à l’issue des interventions. Enfin, l’hypnose améliore davantage l’intensité douloureuse que l’imagerie guidée. En revanche, aucune différence n’a pu être mise en évidence concernant les taux d’abandon entre les interventions thérapeutiques évaluées. Ainsi, l’hypnose et l’imagerie guidée ont un intérêt dans l’accompagnement thérapeutique des personnes atteintes de FM, surtout si elles sont associées à d’autres interventions thérapeutiques.
La méditation en pleine conscience
Une méta-analyse, incluant 6 études, a été menée par une équipe allemande pour évaluer l’efficacité et l’innocuité de la MBSR (
Mindfulness-Based Stress Reduction) comparativement à des groupes contrôles (liste d’attente, traitement usuel
27
Traitement pharmacologique ou physiothérapie.
, ou toute autre méthode thérapeutique
28
TCC, training autogène, éducation thérapeutique, relaxation ou groupe de parole.
) auprès des personnes atteintes de FM (tableau 15.IV
; Lauche et coll., 2013
). Les 674 participants (99,4 % de femmes, d’âge moyen de 47,4 ans) ont reçu un diagnostic de FM selon les critères ACR 1990 (Wolfe et coll., 1990
) ou selon l’entretien diagnostique semi-structuré
Schedules for Clinical Assessment In Neuropsychiatry Interview (Wing et coll., 1990
). Le nombre de séances, classique pour un protocole MBSR, variait de 8 à 10 avec une journée de retraite silencieuse dans la plupart des études. Les critères d’auto-évaluation à partir de questionnaires étaient l’intensité douloureuse, la qualité de vie, la qualité du sommeil, la fatigue, et la dépression. La MBSR améliore l’intensité douloureuse et la qualité de vie (faibles tailles d’effet), mais les effets ne perdurent pas à moyen terme. Par ailleurs, après l’exclusion des études ayant des biais méthodologiques importants, les effets de la MBSR sur la qualité de vie et l’intensité douloureuse disparaissent.
Tableau 15.IV Synthèse des méta-analyses des effets de l’hypnose, de l’imagerie guidée et de la MBSR chez les personnes atteintes de fibromyalgie
|
Bernardy et coll., 2011
|
Lauche et coll., 2013
|
Zech et coll., 2017
|
Nombre d’études incluses / nombre d’études identifiées
|
6/10 (soit 60 %)
Études publiées jusqu’en 2010
|
6/266 (soit 0,7 %)
Études publiées jusqu’en 2013
|
9/21 (soit 43 %)
Études publiées jusqu’en 2016
|
Participants
|
n = 239
96 % de femmes
Âge moyen = 44 ans
(38-50 ans)
|
n = 653
99,4 % de femmes
Âge moyen = 47,4 ans
|
n = 457
98 % de femmes
Âge moyen entre 40 et 50 ans
|
Critères diagnostiques fibromyalgie
|
– 3/6 : ACR 1990 (Wolfe et coll., 1990 )
– 2/6 : critères cliniques non spécifiés
– 1/6 : critères de Smythe (Smythe, 1981 )
|
– 5/6 : ACR 1990 (Wolfe et coll., 1990 )
– 1/6 : Schedules for Clinical Assessment In Neuropsychiatry Interview (Wing et coll., 1990 )
|
– 8/9 : ACR 1990 (Wolfe et coll., 1990 )
– 1/9 : critères de Smythe (Smythe, 1981 )
|
Origine géographique des études incluses
|
Espagne, Norvège, Italie, Pays-Bas, États-Unis, Mexique
|
États-Unis (x3), Danemark, Allemagne, Autriche
|
Espagne (x3), États-Unis (x2), Pays-Bas (x2), France, Italie
|
Groupe intervention thérapeutique
|
Hypnose (5/6) ou Imagerie guidée (1/6)
|
Mindfulness-Based Stress Reduction (MBSR)
|
Hypnose (5/9) ou imagerie guidée (4/9)
|
Groupes contrôles
|
Liste d’attente, traitement usuel (traitement pharmacologique, physiothérapie), toute autre méthode thérapeutique (TCC, training autogène, éducation thérapeutique, relaxation, groupe de parole)
| | |
Durée des interventions
|
7 à 12 semaines
|
8 ou 10 semaines
4/6 : avec une journée de retraite
|
4 à 26 semaines
|
Durée médiane des suivis à long terme
|
3/6 études avec suivi
8 semaines (4-12 semaines)
|
6/6 études avec suivi
5,5 mois (4-36 mois)
|
4/9 études avec suivi
3 mois (1-6 mois)
|
Critères d’évaluation
|
Critères d’évaluation primaires :
intensité douloureuse, sommeil, fatigue, qualité de vie liée à la santé
Critères d’évaluation secondaires :
humeur dépressive
|
Critères d’évaluation primaires :
intensité douloureuse, qualité de vie / santé
Critères d’évaluation secondaires :
qualité du sommeil, fatigue, dépression, innocuité de l’intervention
|
Critères d’évaluation primaires :
intensité douloureuse ≤ 50 %, qualité de vie envers le syndrome ≥ 20 %, détresse psychologique, invalidité, taux d’abandon, innocuité
Critères d’évaluation secondaires :
Intensité douloureuse ≤ 30 %, douleur moyenne, coping, sentiment d’auto-efficacité, fatigue, troubles du sommeil
|
Résultats post-interventionnels
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– Taille d’effet élevée
Hypnose améliore l’intensité douloureuse
Résultat associé à une faible qualité méthodologique et une faible qualité des interventions dans les études
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– Faible taille d’effet
MBSR améliore l’intensité douloureuse et la qualité de vie
|
– Faible taille d’effet
Hypnose et imagerie guidée améliorent la détresse psychologique, la fatigue et le coping
– Taille d’effet élevée
Hypnose et imagerie guidée améliorent l’intensité douloureuse et les troubles du sommeil
|
Résultats suivis à long terme
|
Données disponibles insuffisantes
|
Aucun effet significatif
|
– Faible taille d’effet
Hypnose améliore l’intensité douloureuse
– Taille d’effet élevée
Hypnose améliore les troubles du sommeil
|
Quelques études ultérieures à cette méta-analyse avec des protocoles contrôlés et randomisés viennent compléter ces premiers résultats. Deux études récentes indiquent que, comparativement à un groupe de psychoéducation ou à une liste d’attente, la MBSR améliore davantage la perception de la douleur, la qualité du sommeil, la fatigue, la détresse psychologique, et le détachement des symptômes à l’issue de l’intervention (Cash et coll., 2015
; Van Gordon et coll., 2017
). Ces effets tendent à se maintenir dans le temps (lors de suivis de 2 et 6 mois, respectivement). En revanche, il n’y a aucune différence significative sur l’intensité douloureuse ou la capacité fonctionnelle. Néanmoins, la pratique régulière de la méditation à domicile prédit une diminution persistante de la douleur et de la sévérité des symptômes (Cash et coll., 2015
; Van Gordon et coll., 2017
). À l’inverse, une autre étude indique que la MBSR ne serait pas plus efficace qu’un groupe de relaxation pour l’amélioration de l’anxiété et de la qualité de vie des personnes atteintes de FM (Grossman et coll., 2017
). Par ailleurs, il n’y aurait aucune influence de l’entraînement MBSR sur le niveau d’activité physique au cours de la journée et le système autonome cardiovasculaire, selon cette même étude. De nouvelles études sont donc nécessaires afin de mieux comprendre ces résultats et la portée de la MBSR dans le cadre de la FM. Il semble que certains obstacles à la participation à un groupe MBSR entraveraient son efficacité (Adler-Neal et Zeidan, 2017
). En effet, le niveau de fatigue sévère des personnes atteintes de FM gêne la pratique de la méditation qui requiert une attention soutenue et constante (voir également chapitre « Atteinte cognitive dans le syndrome fibromyalgique »). Ainsi, il serait intéressant de tester des interventions plus courtes, plus accessibles et adaptables pour cibler spécifiquement les mécanismes intervenant dans l’amélioration des conséquences associées à la FM. Des interventions de ce type (par exemple la
Mindfulness Socioemotional Regulation) ont été testées auprès de personnes atteintes de FM (Davis et Zautra, 2013
). Ces interventions n’améliorent pas la douleur mais les comorbidités psychologiques associées.
Une étude qualitative avec une méthode phénoménologique interprétative a été menée auprès de 10 participants atteints de FM afin d’explorer leur vécu de l’intervention MBSR (Van Gordon et coll., 2016
). Les cinq thématiques suivantes ont émergé du discours des participants :
• « Réserves et réticences préalables à la participation au programme de méditation » : avant de s’engager dans le groupe MBSR, les participants cultivaient des stéréotypes liés à des connaissances limitées sur la méditation en pleine conscience. Ils faisaient notamment une confusion avec des pratiques médiumniques ou paranormales. Par ailleurs, ils craignaient de s’engager dans une intervention potentiellement efficace de peur de perdre le diagnostic médical de FM (partie intégrante de leur identité) et des conséquences d’un éventuel retour à une vie sans FM (travail, etc.) ;
• « Améliorations du bien-être psychosomatique » : à l’issue de l’intervention MBSR, les participants notent une amélioration de leur capacité à s’ajuster à la douleur et de leur qualité de vie (notamment bien-être psychologique [auto-efficacité, bonheur, énergie et motivation] et qualité du sommeil) ;
• « Croissance spirituelle » : à l’issue de l’intervention MBSR, les participants évoquent une curiosité accrue envers la dimension spirituelle de soi, avec le sentiment d’être dans un processus de voyage spirituel personnel ;
• « Conscience de sa propre finitude » : à l’issue de l’intervention MBSR, les participants décrivent une meilleure compréhension de l’incertitude de la vie (le moment présent ne dure pas). Une conscience accrue de sa propre finitude les aide à mieux mettre les tracas du quotidien en perspective et à savourer l’instant présent ;
• « Augmentation du sens de la citoyenneté » : à l’issue du groupe MBSR, les participants constatent une motivation plus importante à contribuer au bien-être de la société et à l’influencer par leurs actions. Ils admettent ressentir davantage de compassion et d’empathie envers autrui.
Conclusion
L’état actuel des connaissances dans le domaine de l’accompagnement thérapeutique des personnes atteintes de FM converge vers des approches thérapeutiques pluridisciplinaires et personnalisées, mobilisant des programmes d’éducation thérapeutique, de reconditionnement à l’activité physique aérobie, des interventions psychothérapiques et d’apprentissage de la relaxation (Häuser et coll., 2008
; Fitzcharles et coll., 2012
; Köllner et coll., 2012
; Fitzcharles et coll., 2013
; Borchers et Gershwin, 2015
; Bennett, 2016
; Häuser et coll., 2018
). Rappelons que la prise de décision partagée, l’adhésion et la participation active des personnes atteintes de FM sont absolument nécessaires pour la réussite de ces approches (Häuser et coll., 2008
; Fitzcharles et coll., 2012
; Fatemi et coll., 2015
), qui seront d’autant plus efficaces chez les personnes ayant plutôt un lieu de contrôle interne
29
Les personnes ayant un lieu de contrôle interne (ou internalisé) ont plutôt le sentiment de pouvoir influencer par leurs actions les événements ou les situations.
, une forte disposition au changement, un sentiment d’auto-efficacité élevé et un soutien social perçu comme solide (Rossy et coll., 1999
; Beal et coll., 2009
; Du Plessis et coll., 2009
; Torres et coll., 2009
). Les objectifs principaux des psychothérapies sont l’adaptation à la symptomatologie de la FM, l’amélioration des capacités fonctionnelles, de la qualité de vie et du bien-être psychologique (Häuser et coll., 2008
; Fatemi et coll., 2015
). Les psychothérapies sont particulièrement recommandées pour les personnes atteintes de FM ayant des difficultés à s’adapter à la pathologie, à moduler les répercussions émotionnelles liées à des événements de vie stressants, ou atteintes de troubles psychopathologiques comorbides. Les interventions psychothérapiques seront idéalement proposées dans le cadre de séances régulières répétées en présentiel (Fitzcharles et coll., 2012
), même si des programmes thérapeutiques à distance, préférables à une absence d’accompagnement, fleurissent compte tenu du manque d’accessibilité aux soins pour certaines personnes. L’efficacité des TCC, incluant les thérapies de la troisième vague, et de l’hypnose dans l’accompagnement des personnes atteintes de FM est relativement bien établie (Häuser et coll., 2008
; Köllner et coll., 2012
; Fatemi et coll., 2015
; Laroche et Guérin, 2015
; Garcia-Fontanals et coll., 2016
). En effet, si les tailles d’effet sont faibles à modérées dans la plupart des études évaluant l’efficacité de ces thérapies dans la FM, elles sont toutefois robustes et se voient souvent confirmées par le niveau de satisfaction des personnes atteintes de FM dans la pratique clinique. Il serait néanmoins intéressant de multiplier les travaux de recherches concernant les apports et l’intérêt de chaque technique thérapeutique pour construire des protocoles mieux ciblés et plus efficaces (Häuser, 2018
). L’efficacité des thérapies de méditation en pleine conscience reste à confirmer par des études complémentaires basées sur des protocoles méthodologiques solides, même si les premiers résultats sont plutôt encourageants (Laroche et Guérin, 2015
; Garcia-Fontanals et coll., 2016
). Nous manquons en revanche de données concernant l’efficacité des thérapies humanistes, systémiques, psychanalytiques, narratives et EMDR pour lesquelles des études complémentaires bien menées sont nécessaires dans le cadre de la FM (Köllner et coll., 2012
; Garcia-Fontanals et coll., 2016
; Häuser et coll., 2018
).
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