Fibromyalgie

2020


ANALYSE

11-

Atteinte cognitive
dans le syndrome fibromyalgique

Les fonctions cognitives, aussi appelées fonctions supérieures, désignent « l’ensemble des processus [mentaux] par lesquels un organisme acquiert des informations sur l’environnement et les élabore pour régler son comportement »1 . Elles recouvrent : la mémoire, les fonctions instrumentales (le langage, les gestes et le schéma corporel, les capacités visuo-spatiales, le calcul), les fonctions exécutives et l’attention.
Selon Wu et coll. (2018renvoi vers), 50 à 80 % des patients atteints de fibromyalgie (FM) présentent une altération de leurs fonctions cognitives qui retentit sur leurs activités de la vie quotidienne. Le terme de fibrofog et celui de « dyscognition » sont utilisés dans la littérature pour évoquer les difficultés cognitives de ces patients (Williams et coll., 2011renvoi vers). Le terme de « dyscognition » est employé pour faire référence à la perception subjective d’une atteinte des compétences cognitives et à la diminution objectivée des capacités cognitives évaluées par des tests neuropsychologiques.
Le terme de fibrofog est utilisé par les patients pour désigner leur perception d’une diminution de leurs compétences cognitives. Ce terme englobe un large spectre de difficultés cognitives rapportées par les patients (Kravitz et Katz, 2015renvoi vers). Celles-ci concernent les oublis et les trous de mémoire, une confusion mentale ou un affaiblissement de la clarté mentale, une surcharge sensorielle ou une perception sensorielle déformée, le mélange des mots ou la réduction de la fluence verbale, une réduction de la capacité à penser, à se concentrer ou à traiter les informations et à suivre une conversation. Les patients disent « regarder la vie à travers un brouillard » ou « fonctionner avec un esprit cotonneux ». Toujours selon Kravitz et Katz (2015renvoi vers), le terme fibrofog désigne la présence conjointe d’un sentiment de confusion mentale marquée par la perte de la clarté mentale ou mental fog, et d’une plainte subjective d’une perte de la mémoire (Kravitz et Katz, 2015renvoi vers). La perte de la clarté mentale est un symptôme majeur, tout aussi important que la perte de mémoire ou les troubles de l’attention. Il n’y a pas de symptôme sans importance car tous retentissent sur la vie quotidienne et le fonctionnement de l’individu.
Leavitt et Katz (2015renvoi vers) établissent une distinction entre ce qui est rapporté par les patients (expérience subjective) et ce qui est constaté par les experts aux épreuves cognitives (mesure objective de l’atteinte cognitive ; Leavitt et Katz, 2015renvoi vers). Les patients rapportent une perte de la mémoire à court terme (short term memory loss), une perte générale de l’acuité mentale (mental sharpness) et une perturbation de la clarté mentale (mental clarity). La perte de l’acuité mentale se manifeste par une manière de penser plutôt confuse, des troubles du traitement de l’information, une incapacité à rester concentré sur une tâche, une difficulté à amener les mots à la conscience de manière appropriée dans une conversation et une réduction de la capacité à alterner efficacement entre deux tâches. Une réduction de la clarté mentale induit un sentiment de torpeur ou d’obscurcissement des capacités mentales ou de « cerveau brumeux ». Ces auteurs notent que la perte de la mémoire survient souvent lorsque le processus d’encodage de l’information est interrompu par une tâche distractive. La mémoire épisodique2 fonctionnerait normalement chez les patients atteints de FM en condition « sans distraction ». Par exemple, l’interruption d’une conversation téléphonique pour répondre à une question augmente fortement la fréquence des oublis.
Le terme fibrofog désigne également la difficulté des patients à évaluer de manière appropriée leurs aptitudes cognitives (Walitt et coll., 2016renvoi vers). Il est difficile de savoir si la plainte reflète une altération réelle de la fonction ou si elle est un trouble de la perception du patient. Certaines données suggèrent que les patients surestiment l’importance de leurs déficits (Grace et coll., 1999renvoi vers), qu’ils évaluent leurs performances cognitives comme étant plus mauvaises que celles des volontaires sains ou des patients atteints d’affection chronique douloureuse (comme les maladies rhumatismales) ou non douloureuse (Katz et coll., 2004renvoi vers). Tous les patients atteints de FM ne présenteraient pas l’ensemble de ces manifestations cliniques mais il est difficile d’en évaluer le nombre (Reyes Del Paso et coll., 2012renvoi vers). Plusieurs auteurs ont montré que les patients les plus sévèrement atteints majorent leurs déficits cognitifs par rapport à ceux qui ont une forme plus légère (Tesio et coll., 2015renvoi vers).

Mesures des fonctions cognitives et limites des études d’évaluation

Deux catégories d’outils sont utilisées pour explorer le fonctionnement cognitif des patients atteints de douleurs chroniques : les tests neuropsychologiques standardisés ou expérimentaux et les questionnaires d’autoévaluation. Les premiers évaluent les capacités cognitives (mémoire, attention et concentration...) tandis que les seconds sont basés non pas sur la performance des individus, mais sur leurs jugements, c’est-à-dire sur la perception qu’ils ont de leur état cognitif. La diversité des outils utilisés pour évaluer le fonctionnement cognitif des patients rend difficile toute comparaison entre les différentes études et donne lieu à des résultats très hétérogènes, ce qui réduit d’autant la possibilité de parvenir à un consensus sur la nature du déficit cognitif des patients atteints de douleurs chroniques (y compris ceux atteints de FM). Dans leur revue systématique de la littérature consacrée aux méthodes et aux instruments d’évaluation des fonctions cognitives chez les patients atteints de douleurs chroniques, Ojeda et coll. (2016) ne comptent pas moins de 42 études mentionnant l’utilisation de 53 outils dont 9 auto-questionnaires (Ojeda et coll., 2016renvoi vers).
Les auteurs utilisent des batteries de tests standardisés (Wechsler Adult Intelligence and Wechsler Memory Scales) qui évaluent plusieurs aspects du fonctionnement cognitif. Toutefois, ces batteries, qui ont été validées chez des patients présentant des pathologies autres que la douleur chronique, utilisent des scores standardisés qui ont été normalisés auprès de la population générale pour des patients atteints de lésion cérébrale ou de démence (Ojeda et coll., 2016renvoi vers). Autre exemple, certains tests neuropsychologiques tels que le test de Stroop ne comptent pas moins de 6 versions, non validées chez le patient atteint de douleur chronique, pour lesquelles il n’y a pas toujours de normes, extraites à partir de grands échantillons distribués selon l’âge, le niveau socioculturel et le genre (Berryman et coll., 2014renvoi vers). Pour les auto-questionnaires, les auteurs utilisent les versions originales, les formes révisées ou encore les formes adaptées3 , mais ces versions ne sont pas toujours validées dans le cadre de la douleur chronique.
En général, les échantillons de patients atteints de FM étudiés ne sont pas clairement caractérisés. Selon les études, il y a peu ou pas d’indications concernant la durée de l’évolution de la FM ou sa sévérité. Les études récentes ont tendance à montrer que la sévérité de la FM, le plus souvent évaluée au moyen du Fibromyalgia Impact Questionnaire (FIQ), est corrélée positivement à l’atteinte cognitive et à la plainte se rapportant à la diminution des capacités cognitives (Leavitt et Katz, 2015renvoi vers ; McAllister et coll., 2016renvoi vers). En outre, les groupes de patients sont souvent constitués de personnes âgées dont le fonctionnement diffère de celui des sujets plus jeunes. Il est ainsi possible de conclure à tort au sein d’un effectif de petite taille que les patients atteints de FM présentent un déficit à une épreuve particulièrement sensible aux effets de l’âge (Cherry et coll., 2014renvoi vers). Le manque de données sur le caractère représentatif ou non de l’échantillon de patients ou des sujets de contrôle et le manque de puissance des études lié à l’utilisation de petits échantillons, sont les limites les plus fréquemment rencontrées.

L’atteinte cognitive du patient atteint de fibromyalgie

Avant 2001, les recherches dévolues au fonctionnement cognitif des patients atteints de FM ne sont pas nombreuses (Glass, 2009renvoi vers). Néanmoins, les études rapportent déjà des difficultés relatives à l’attention et à la concentration, à la mémoire épisodique et sémantique (mémoire à long terme) et à la mémoire de travail (mémoire à court terme). Depuis, le nombre des publications a significativement augmenté et avec lui la compréhension d’une partie des mécanismes qui sous-tendent les déficits cognitifs, notamment l’importance de la distraction dans la survenue des troubles mnésiques (Glass, 2009renvoi vers).
Les patients atteints de FM ont fait l’objet de nombreuses publications, plus que les autres populations de patients atteints de douleurs chroniques. Pour s’en rendre compte, il suffit de se reporter aux méta-analyses et revues systématiques de la littérature publiées ces dernières années. Ainsi, la revue de la littérature réalisée par Moriarty et coll. (2011renvoi vers) recense 30 études dont 7 (23 %) sont consacrées aux patients atteints de FM (Moriarty et coll., 2017renvoi vers). Les 2 méta-analyses publiées par Berryman et coll. en 2013renvoi vers et 2014renvoi vers, dédiées respectivement à l’étude de la mémoire de travail et à celle des fonctions exécutives chez les patients atteints de douleur chronique, retiennent 22 et 24 études ; plus de 40 % d’entre elles sont réalisées auprès de patients atteints de FM (Berryman et coll., 2013renvoi vers ; 2014renvoi vers). Ojeda et coll. (2016renvoi vers) considèrent que les personnes atteintes de FM ont été les plus étudiées car 75 % des articles de leur revue systématique de la littérature leur sont consacrés (Ojeda et coll., 2016renvoi vers). Enfin, 2 méta-analyses se rapportant au fonctionnement cognitif des patients atteints de FM ont été publiées en 2018 (Bell et coll., 2018renvoi vers ; Wu et coll., 2018renvoi vers).
Plusieurs études ont évalué les performances cognitives des patients atteints de FM et n’ont pas systématiquement trouvé de différences significatives entre les patients et les sujets de contrôle (Ambrose et coll., 2012renvoi vers). Plusieurs explications rendent compte de cette absence de différence : le manque de puissance de l’étude ou une situation expérimentale qui introduit des facteurs masquant ces différences. Ce résultat doit être interprété avec précaution, particulièrement lorsque les études utilisent des petits échantillons (souvent inférieurs à 30), ce qui est le cas de la majorité d’entre elles, ou lorsque les critères d’inclusion sont peu restrictifs. Certaines études comparent les patients à un groupe de contrôle, appariés selon l’âge, le genre et le niveau socioculturel tandis que d’autres comparent les performances des patients à des normes. Ces deux approches produisent parfois des résultats divergents pour une même épreuve. Ainsi, une évaluation appropriée qui utilise un groupe de contrôle peut révéler des différences significatives même si la performance se situe dans les limites de la normalité lorsque l’on utilise les normes.
Selon Ambrose et coll. (2012renvoi vers), les patients atteints de FM peuvent canaliser leurs ressources et réaliser de bonnes performances à des tests cognitifs simples et rapides (Ambrose et coll., 2012renvoi vers). Ils obtiennent ainsi des performances comparables à celles des sujets de contrôle à une seule session de tests, réalisée au cours d’un seul jour de test. Les sujets de contrôle font aussi bien le jour suivant tandis que les patients doivent récupérer de leurs efforts. Cette différence s’explique vraisemblablement par le fait que le niveau de performance ne peut pas être maintenu dans le temps par les patients atteints de FM. Les études d’imagerie cérébrale fonctionnelle suggèrent qu’ils peuvent acquérir un niveau de compétence identique à celui des sujets de contrôle, mais recrutent plus de « ressources cérébrales » (recrutement d’un plus grand nombre de régions cérébrales) pour accomplir la tâche (Glass et coll., 2011renvoi vers). Des résultats comparables ont été observés chez les patients présentant un syndrome de fatigue chronique, qui rapportent à l’issue des tests une fatigue mentale importante (Lange et coll., 2005renvoi vers). Toutefois, le recrutement de ressources cérébrales supplémentaires n’est pas toujours bénéfique. Montoro et coll. (2015renvoi vers) ont suggéré que l’allocation anormale de ressources lors de la réalisation d’une tâche est une explication possible aux faibles performances des patients atteints de FM (Montoro et coll., 2015renvoi vers). La situation appropriée pour tester cette hypothèse consisterait à évaluer les patients et les sujets de contrôle pendant plusieurs jours consécutifs. Finalement, l’absence de différence entre les patients et les volontaires sains témoigne de l’existence d’un fonctionnement cognitif normal ; la FM n’affecte pas l’ensemble du fonctionnement cognitif.
Les troubles cognitifs du patient atteint de douleur chronique (FM y compris) résulteraient d’une compétition entre la douleur et les activités cognitives pour l’acquisition des ressources attentionnelles (Eccleston et Crombez, 1999renvoi vers). La douleur aurait un accès privilégié aux ressources attentionnelles et consommerait une grande partie de ces ressources par ailleurs nécessaires à la réalisation des épreuves cognitives (Eccleston, 1994renvoi vers). Des déficits cognitifs ont été rapportés aux épreuves exigeantes en ressources attentionnelles, comme par exemple celles évaluant l’influence de la distraction sur la rétention d’information par rapport à celles qui n’incluent pas de condition distractive (Leavitt et Katz, 2009renvoi vers). Les études d’imagerie fonctionnelle cérébrale ont montré qu’il existait un chevauchement partiel entre les circuits cérébraux du traitement de la douleur (sensoriel et affectif) et ceux de la cognition (Canovas et coll., 2009renvoi vers). Ainsi, les aires du cortex préfrontal médian seraient impliquées à la fois dans les mécanismes nociceptifs et le priming verbal (Duschek et coll., 2013renvoi vers), la prise de décision et l’apprentissage associatif (Verdejo-García et coll., 2009renvoi vers). En outre, certains patients atteints de douleur chronique présentent une atrophie du cortex préfrontal dorsolatéral, également impliqué dans la réalisation des épreuves exécutives (Apkarian et coll., 2004renvoi vers). Le cortex pariétal postérieur et le cortex préfrontal dorsolatéral ont un rôle majeur dans les processus attentionnels et exécutifs, notamment lors de la réalisation de tâches d’attention visuelle (Schmidt-Wilcke et coll., 2014renvoi vers ; Schmidt et coll., 2017renvoi vers). Enfin, plusieurs études ont montré que la douleur persistante altère la fonction des aires cérébrales qui sont mises en Ĺ“uvre lors de la réalisation des tâches attentionnelles (Baliki et coll., 2006renvoi vers ; Schmidt-Wilcke et coll., 2014renvoi vers). L’ensemble de ces résultats suggèrent que le traitement de la douleur s’accapare les ressources nécessaires à la cognition.
Une autre hypothèse, plus récente, fait référence aux mécanismes d’hypervigilance4 . Selon cette hypothèse, les patients douloureux chroniques ne souffrent pas d’une réduction des ressources attentionnelles mais ont tendance à allouer leurs ressources différemment (Crombez et coll., 2005renvoi vers). Celles-ci sont majoritairement dirigées vers l’information se rapportant à la douleur (sensations, pensées et sentiments) perturbant ainsi le traitement cognitif. Les personnes atteintes de FM seraient plus sensibles aux stimulations sensorielles externes et internes, y compris nociceptives (Eccleston et coll., 1997renvoi vers ; Grisart et van der Linden, 2001), un état que McDermid et coll. (1996renvoi vers) qualifient « d’hypervigilance généralisée » envers les signaux sensoriels (McDermid et coll., 1996renvoi vers). Cet état serait caractérisé par une promptitude à distinguer les stimuli de faible intensité et peu fréquents et à y répondre. Les auteurs ont mesuré la tolérance au bruit en plus de celle à la douleur et ont montré que les personnes atteintes de FM avaient des seuils de douleur à la pression et des seuils de tolérance au bruit inférieurs à ceux des sujets de contrôle (sains et patients atteints d’arthrose rhumatoïde). Hollins et coll. (2009renvoi vers) ont partiellement confirmé ces résultats. Ils ont montré que les patients atteints de FM présentaient une perception sensorielle amplifiée en réponse à une stimulation mécanique (pression exercée au niveau de l’avant-bras ; Hollins et coll., 2009renvoi vers). En revanche, il y avait peu de résultats en faveur d’une amplification de stimuli auditifs. Plus récemment, Borg et coll. (2015renvoi vers) se sont intéressés à la sensibilité intéroceptive des patients atteints de FM (Borg et coll., 2015renvoi vers). L’objectif consistait à étudier les sensations spontanées telles que les picotements ou les fourmillements qui surviennent au repos. Les sensations spontanées perçues au niveau de la main testée occupaient une surface plus importante et étaient ressenties comme étant plus vives chez les patients atteints de FM comparés aux sujets de contrôle. Ces études suggèrent que les patients atteints de FM ont tendance à « scanner » méthodiquement leur corps afin d’anticiper toute sensation déplaisante. D’aucuns en ont conclu que l’atteinte cognitive de ces patients serait différente de celle des autres patients atteints de douleur en raison de l’augmentation anormale de l’attention portée aux stimuli externes et internes et de leur préoccupation concernant les sensations douloureuses (Almay, 1987renvoi vers). Grisart et coll. (2002renvoi vers) ont montré que les troubles cognitifs, notamment de la mémoire à l’épreuve de rappel indicé, étaient plus sévères chez les patients atteints de FM comparés aux patients présentant des douleurs localisées et aux volontaires sains (Grisart et coll., 2002renvoi vers). De plus, les troubles de la mémoire étaient liés à la condition douloureuse du patient atteint de FM (vigilance accrue envers les sensations corporelles et anxiété se rapportant à la douleur) plutôt qu’à ses caractéristiques individuelles. L’existence d’une plus grande altération de l’attention chez les patients atteints de FM est quelque peu remise en cause par certains auteurs (Berryman et coll., 2014renvoi vers). Dans un tout autre contexte, qui est celui de la douleur aiguë, Van Ryckeghem et coll. (2018renvoi vers) n’ont pas trouvé de différence significative entre les patients atteints de FM et les sujets de contrôle à une tâche de détection visuelle, contrairement à leur hypothèse initiale. L’amplitude de l’interférence de la douleur aiguë sur la performance attentionnelle était comparable entre les deux groupes, de même que l’efficacité de la distraction. Les auteurs soulignent que l’effet de l’interférence augmente avec l’intensité de la stimulation douloureuse au sein des deux groupes et concluent que les stimuli les plus intenses, les plus menaçants pour l’intégrité de la personne et les moins prévisibles sont plus aptes à capturer l’attention.
Dans le paragraphe ci-dessous, l’atteinte cognitive du patient souffrant de FM sera évoquée tout d’abord chez l’adulte, puis chez les jeunes (enfants et adolescents).

L’adulte atteint de fibromyalgie

Wu et coll. (2018renvoi vers) ont étudié quatre domaines cognitifs : 1) les fonctions exécutives, 2) la mémoire et l’apprentissage, 3) la mémoire de travail, et 4) l’attention et la rapidité psychomotrice (Wu et coll., 2018renvoi vers). Ces domaines cognitifs ont été sélectionnés par les auteurs sur la base des recommandations de la 5e édition du DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders)5 . Les tests évaluant chacun des domaines cognitifs retenus pour l’analyse quantitative ont été utilisés dans au moins trois études, ce qui représente un total de 13 tests sélectionnés en fonction de la fréquence de leur utilisation dans les études. Cette analyse, qui regroupe 2 096 patients répartis entre 23 études cas-témoin, nous fournit des indications en faveur d’une altération des fonctions cognitives chez les patients atteints de FM pour les quatre domaines cognitifs étudiés. La taille de l’effet pour l’attention, la mémoire et l’apprentissage est importante tandis qu’elle est modérée pour les fonctions exécutives et la mémoire de travail. Toutefois, les résultats entre les tests au sein de chaque domaine cognitif sont hétérogènes bien que les auteurs aient pris soin de ne considérer que les tests utilisés dans au moins 3 études.
Bell et coll. (2018renvoi vers) rapportent les résultats de 37 études incluant un total de 964 patients atteints de FM, à partir desquelles ils ont extrait les données se rapportant à 4 domaines cognitifs : 1) la rapidité du traitement de l’information, 2) la mémoire à court terme, 3) la mémoire à long terme et 4) les fonctions exécutives (Bell et coll., 2018renvoi vers). Ces dernières sont elles-mêmes composées de quatre sous-groupes : attention sélective/inhibition, flexibilité et « shifting », mise à jour de la mémoire de travail, et accès aux représentations en mémoire à long terme. Les résultats de cette étude sont également en faveur d’une atteinte des fonctions cognitives chez les patients atteints de FM par rapport aux volontaires sains. Cette atteinte concerne l’ensemble des quatre domaines cognitifs. L’amplitude du déficit selon les domaines est faible à modérée. La différence la plus importante concerne les processus d’inhibition (attention sélective et inhibition de la réponse).
Nous avons pris le parti de reprendre les résultats de l’étude de Bell et coll. (2018renvoi vers) pour mieux aborder l’atteinte du fonctionnement cognitif des patients atteints de FM car les résultats de cette analyse quantitative sont plus en lien avec les modèles théoriques actuels (Bell et coll., 2018renvoi vers ; Friedman et Miyake, 2004renvoi vers ; Miyake et coll., 2000renvoi vers). Miyake et coll. (2000renvoi vers) considèrent qu’il existe une certaine unité en deçà de la diversité des fonctions exécutives. En outre, Bell et coll. (2018renvoi vers) répertorient les performances des personnes atteintes de FM aux tests expérimentaux et aux épreuves cliniques. Le critère de sélection de Wu et coll. (2018renvoi vers) concernant les tests sélectionnés en fonction de leur utilisation, à savoir ne retenir le test que s’il a été utilisé dans au moins trois études, revient à écarter les résultats des études expérimentales, ce qui laisse de côté un nombre important d’études, y compris celles de bonne qualité méthodologique (Wu et coll., 2018renvoi vers). Autre point à souligner, Wu et coll. (2018renvoi vers) ont retenu uniquement dans leur méta-analyse les études de cas-témoins, c’est-à-dire des sujets exempts de maladie (volontaires sains). Or, il nous a paru intéressant de comparer les résultats des patients atteints de FM à d’autres pathologies chroniques, douloureuses ou non douloureuses, de manière à évaluer la sévérité des troubles des personnes atteintes de FM par rapport à celle de personnes atteintes d’autres pathologies chroniques qui présentent également des troubles cognitifs.
Néanmoins, l’ajout d’études et l’apport de critiques viennent compléter les résultats de la méta-analyse de Bell et coll. (2018renvoi vers). Ces ajouts concernent les résultats des études qui n’ont pas été retenues par les auteurs. Dans l’analyse détaillée ci-dessous, la méta-analyse de Bell et coll. (2018renvoi vers) nous sert de fil conducteur pour explorer la littérature abondante sur le fonctionnement cognitif des patients atteints de FM.

La mémoire à long terme

La mémoire à long terme permet de retenir, de manière illimitée, une information sur de très longues périodes de temps (des années). Bell et coll. (2018renvoi vers) ne considèrent que les performances du rappel différé et celles de la reconnaissance différée qui mesurent la capacité de l’individu à rappeler l’information après une période de temps plus ou moins longue (Bell et coll., 2018renvoi vers). Le rappel peut être spontané ou facilité par un indice sémantique (rappel indicé) ou autres (présentation des trois premières lettres du mot). Par exemple, Quel était le nom de l’oiseau (rappel indicé sémantique) ? Les différents tests utilisés et les résultats sont présentés dans le tableau 11.Irenvoi vers. Cette stratégie occulte cependant une partie des résultats se rapportant aux systèmes de mémoire (explicite versus implicite ou épisodique versus sémantique) que nous avons intégrée dans ce paragraphe consacré à la mémoire à long terme.

Tableau 11.I Mémoire à long terme et fibromyalgie : résultats résumés de la méta-analyse de Bell et coll. (2018renvoi vers)

Référence
Patients
Critères ACR
Tests
Résultats
Canovas et coll., 2009renvoi vers
FM = 15 (F)
SC = 15 (F)
1990
10/36 spatial recall test
• Rappel différé
Morris water maze
• Latence
• Distance parcourue
• Nombre d’erreurs
Boxes room
• Latence
• Distance parcourue
• Nombre d’erreurs
FM = SC
FM = SC
FM = SC
FM > SC
FM = SC
FM = SC
FM > SC
Cherry et coll., 2014renvoi vers
FM = 43 (F)
AD non FM = 44 (F)
1990
CERAD
• Rappel différé
• Reconnaissance différée
FM = AD
FM = AD
Di Tella et coll., 2015renvoi vers
FM = 40 (F)
SC = 41 (F)
ACR (np)
+
DSM IV-TR
Rey auditory verbal learning test
• Rappel différé
FM < SC
Grace et coll., 1999renvoi vers
FM = 30 (29 F/1 H)
SC = 30 (29 F/1 H)
1990
Wechsler memory scale
• Rappel différé
FM < SC
Kim et coll., 2012renvoi vers
FM = 23 (F)
SC = 24 (F)
1990
Kim auditory verbal learning test
• Rappel différé
Kim complex figure test
• Rappel différé
FM = SC$
FM < SC
Landro et coll., 1997renvoi vers
FM = 39 (F)
DE = 22 (18F/4H)
SC = 18 (14F/4H)
1990
Randt memory test
• Rappel explicite différé
• Rappel incident
Code memory test, part 1
FM < SC ; FM = DE
FM = SC ; FM = DE
FM < SC ; FM = DE
Roldan-Tapia et coll., 2007renvoi vers
FM = 15 (F)
PR = 15 (F)
SC = 15 (F)
np
Rey complex figure test
• Rappel différé
10/36 spatial recall test
• Rappel différé
Réponse visuelle à long terme
FM = SC ; FM = PR
FM < SC ; FM = PR
FM = SC ; FM = PR
Suhr et coll., 2003renvoi vers
FM = 23 (21F/2H)
AD = 22 (16F/6H)
SC = 21 (17F/4H)
np
Rey auditory verbal learning test
• Rappel différé
• Reconnaissance différée
Rey complex figure test
• Rappel différé
FM = SC ; FM = AD
FM = SC ; FM = AD
FM = SC ; FM = AD
Tesio et coll., 2015renvoi vers
FM = 30 (F)
SC = 30 (F)
2010
Rey auditory verbal learning test
• Rappel différé
FM < SC
Walitt et coll., 2008renvoi vers
FM = 27 (np)
SC = 27 (np)
MSQ = 18 (np)
1990
ANAM (sous-tests)
• Code substitution delay (mesure de mémoire différée)
FM = SC ; FM = MSQ

FM : patients atteints de fibromyalgie ; SC : sujets de contrôle sains ; DE : patients présentant un épisode dépressif majeur ; AD : autres douleurs (non fibromyalgiques) ; PR : polyarthrite rhumatoïde ; MSQ : douleurs musculo-squelettiques ; F : Femmes ; H : Hommes ; Np : non précisé ; CERAD : Consortium to Establish a Registry for Alzheimer’s Disease ; ANAM : Automated Neuropsychological Assessment Metrics. $ : la différence entre les deux groupes devient non significative après ajustement des résultats en fonction de la sévérité de la dépression.

Les résultats des 11 études sélectionnées montrent une diminution significative des performances de la mémoire à long terme des patients atteints de FM comparés aux sujets de contrôle. L’amplitude de la diminution est légère à modérée. L’hétérogénéité entre les études n’est pas significative (I2 = 39,76, P = 0,84) pour ce domaine cognitif. Toutefois, ces résultats ne permettent pas de conclure que les études sont homogènes car il n’y a pas suffisamment d’études permettant d’aboutir à cette conclusion.

• La dimension explicite de la mémoire à long terme

La mémoire explicite fait référence aux faits et aux données intentionnellement appris et aux expériences vécues consciemment exprimées. La mémoire explicite est constituée de deux systèmes : la mémoire épisodique et la mémoire sémantique. La mémoire épisodique concerne les souvenirs des événements personnellement vécus. Il s’agit d’une mémoire événementielle permettant au sujet d’actualiser des souvenirs référenciés dans le temps et dans l’espace qu’il reconnait « comme siens et comme passés » (Croisile, 2009renvoi vers).
Grisart et coll. (2002renvoi vers) ont examiné la contribution respective des processus automatiques et des processus de contrôle à une tâche de rappel indicé dans la survenue des difficultés mnésiques des patients atteints de FM (Grisart et coll., 2002renvoi vers). La douleur chronique chez les patients atteints de FM aurait une influence plus importante sur les processus de contrôle. Les processus de contrôle nécessitent la mise en place de procédures de recherche explicites et de stratégies particulières pour encoder le matériel à mémoriser et pour le restituer. Ceux-ci mobilisent d’importantes ressources attentionnelles pour la mise en place des stratégies au cours de l’encodage et pour maintenir l’effort attentionnel nécessaire à la manipulation des stratégies. L’usage des processus de contrôle qui requièrent une mobilisation importante des ressources attentionnelles est nécessairement en compétition avec la douleur pour l’accaparement des ressources attentionnelles (Schneider et coll., 1984renvoi vers). À l’inverse, les processus automatiques ne mobilisent que peu de ressources attentionnelles et interviennent dans les situations routinières ou habituelles.
Les études antérieures à celle de Grisart et coll. (2002renvoi vers) ont exploré la mémoire explicite au moyen d’épreuves telles que le Rey Auditory Verbal Learning test, le California Verbal Learning test ou encore l’épreuve de mémoire logique de la Wechsler Memory Scale qui requièrent le rappel conscient de l’information et sollicitent très largement les processus de contrôle. Ces études ont ainsi surestimé l’influence des processus de contrôle dans la survenue des difficultés mnésiques des patients atteints de douleur chronique (y compris de FM) comme nous le verrons ci-dessous. Le paradigme expérimental utilisé par Grisart et coll. (2002renvoi vers) est constitué de deux phases. Pendant la phase d’étude, les participants (17 patients avec une douleur localisée, 16 patients avec FM et 20 sujets de contrôle) ont pour instruction de mémoriser une liste de 40 mots composés de 5 lettres (par exemple SABOT). Les mots sont présentés un par un. Pendant la phase de test, les participants doivent compléter une liste de trigrammes correspondant aux trois premières lettres d’un mot composé de cinq lettres (SAB-- dans l’exemple). La liste des trigrammes est composée de 40 items : 20 items appartenant à la liste présentée au cours de la phase d’étude (20 items anciens) et 20 items issus d’une nouvelle liste (20 items nouveaux). En condition « inclusive », les participants doivent compléter la liste des trigrammes par le premier mot qui leur vient à l’esprit tandis qu’en condition « exclusive », ils doivent la compléter par un mot qui n’a pas été vu précédemment (dans l’exemple SAB-- par SABLE au lieu de SABOT, qui appartient à la première liste de mots). Les deux conditions sont administrées séparément. La moitié des participants complète le premier bloc puis le second bloc tandis que l’autre moitié procède de manière inverse. Le score tient compte uniquement des anciens items de la liste de la phase d’étude correctement rapportés (n = 20). La phase d’étude et la phase de test sont séparées par une période de cinq minutes durant laquelle des questions d’ordre médical et personnel sont posées aux participants. Les processus automatiques et les processus de contrôle sont supposés Ĺ“uvrer de concert pour faciliter la reconnaissance de l’item dans la condition « inclusive » alors que dans la condition « exclusive », ils sont supposés agir en totale opposition.
Les processus de contrôle en condition « exclusive » étaient plus altérés chez les patients souffrant de douleur (FM et douleurs localisées) que chez les sujets de contrôle. Ils étaient aussi plus altérés chez les patients atteints de FM par rapport aux patients présentant des douleurs localisées. En revanche, les processus automatiques étaient comparables entre les patients avec des douleurs localisées et les sujets de contrôle, mais ils étaient plus importants chez les patients atteints de FM. La sollicitation des processus automatiques plus importante chez les patients atteints de FM est selon les auteurs une réponse compensatrice à la diminution drastique de celle des processus de contrôle dans les mécanismes de mémorisation.
Glass (2009renvoi vers) a suggéré que la survenue des troubles de la mémoire épisodique chez les patients atteints de FM était sous-tendue par un déficit de l’attention. Les auteurs ont demandé aux participants de mémoriser une liste de 24 mots. En condition de « pleine attention », les participants n’étaient pas distraits par une tâche interférente pendant la phase de mémorisation (condition 1) ou pendant la phase de rappel des mots de la liste (condition 2). En condition d’attention partagée, les participants étaient distraits par la tâche interférente pendant l’apprentissage de la liste de mots (condition 3) ou le rappel de la liste (condition 4). La tâche interférente consistait pour les participants à appuyer sur un compteur lorsqu’ils entendaient un chiffre pair pour la moitié du groupe et un chiffre impair pour l’autre moitié. Les volontaires sains rappelaient plus de mots que les patients atteints de FM en condition 1 et 2. Ces derniers avaient encore plus de difficultés à mémoriser et à rappeler la liste de mots en situation d’attention partagée (conditions 3 et 4) par rapport aux volontaires sains. La tâche interférente entraînait une baisse supplémentaire des performances.
La mémoire sémantique est la mémoire des mots, des concepts et des connaissances générales sur le monde. Cette mémoire est nécessaire à l’utilisation du langage. Park et coll. (2001renvoi vers) ont suggéré que les personnes atteintes de FM présentaient une altération de la mémoire sémantique et avaient un fonctionnement cognitif anormal, comparable à celui de personnes âgées de vingt ans de plus qu’elles (Park et coll., 2001renvoi vers). Les auteurs ont comparé les performances de 23 patients avec FM à celles de 23 sujets de contrôle appariés selon l’âge et à celles de 22 sujets de contrôle ayant 20 ans de plus, à 3 épreuves de vocabulaire qui testent la connaissance verbale. À la tâche des antonymes, le sujet doit pour chaque item présenté sélectionner le mot approprié parmi ceux proposés en choix multiple. À une autre épreuve, le sujet doit pour chaque item sélectionner le synonyme présenté parmi un choix multiple. Les résultats ont montré qu’il n’y avait pas de différence significative entre les trois épreuves de vocabulaire au sein de chaque groupe de participants. En revanche, les patients atteints de FM avaient des performances inférieures à celles des sujets de contrôle appariés par l’âge et à celles des sujets de contrôle plus âgés de vingt ans à ces tests de connaissance verbale.
Park et coll. (2001renvoi vers) ont établi un parallèle entre les troubles de la connaissance verbale mesurés par les tests de vocabulaire (antonymes et synonymes) et la plainte des patients, qui porte sur la difficulté à trouver leurs mots et le sens des mots. Toutefois, ils n’ont pas trouvé de corrélation entre le questionnaire évaluant la plainte (Pincus Cognitive Symptoms Inventory ; Pincus et coll., 1996renvoi vers) et la performance cognitive aux tests de vocabulaire. Cela est probablement dû au fait que la mesure réalisée par les tests neuropsychologiques est trop restrictive par rapport à l’auto-questionnaire qui évalue différents aspects du fonctionnement journalier de la personne. Les résultats de cette étude ont été cités de nombreuses fois pour illustrer l’atteinte de la mémoire sémantique chez les patients atteints de FM (Park et coll., 2001renvoi vers). La petite taille des effectifs nécessiterait pourtant de confirmer ces résultats par des études incluant un plus grand nombre de participants.
Dick et coll. (2008renvoi vers) ont mesuré la mémoire sémantique de manière incidente au moyen d’empans de phrases de différentes tailles en demandant aux participants de se prononcer sur la correction grammaticale de la phrase lors de la réalisation d’une épreuve de mémoire de travail, le Reading Span tasks (Dick et coll., 2008renvoi vers). Ces auteurs ont trouvé que les patients commettaient des erreurs de jugement se rapportant à la correction grammaticale des phrases. Toutefois, cette épreuve était réalisée en situation de double tâche : les participants devaient à la fois mémoriser le dernier mot de chaque phrase appartenant à des empans de différentes longueurs et porter un jugement sur la correction grammaticale de la phrase. Cette situation expérimentale sollicite très largement les processus de contrôle à l’inverse de celle de Park et coll. (2001renvoi vers) décrite ci-dessus. En revanche, Canovas et coll. (2009renvoi vers), puis Kim et coll. (2012renvoi vers) n’ont pas montré de différence entre les patients atteints de FM et les sujets de contrôle au test de vocabulaire de la Wechsler Adults Intelligence Scale (Canovas et coll., 2009renvoi vers). Ces résultats contradictoires n’ont pas donné lieu à de nouvelles investigations de la mémoire sémantique, ce qui est regrettable car les procédures expérimentales mises en place pour explorer la mémoire sémantique nécessiteraient d’être mieux harmonisées.
Leavitt et Katz (2012renvoi vers) ont suggéré l’existence d’un déficit de l’accès au lexique chez les patients atteints de FM se traduisant par une lenteur pour rendre compte de leur difficulté à trouver les mots et à accéder aux sens des mots (Leavitt et Katz, 2012renvoi vers). Le lexique est une base de données mentale qui héberge la connaissance des mots et leurs significations en mémoire à long terme. Chaque fois que nous lisons, nous récupérons les représentations du mot stockées au sein du lexique. La dénomination d’un mot est basée sur l’appariement entre la séquence de lettres imprimées et la représentation mnésique activée au sein du lexique. La moitié des patients atteints de FM prenait plus de temps lors de la dénomination des mots du lexique mental par rapport aux normes (Leavitt et Katz, 2008renvoi vers). Ce délai supplémentaire (en moyenne 203 msec par rapport aux normes produites par les auteurs correspondant à un échantillon des sujets de contrôle présentant des troubles mnésiques) les désavantage lors du traitement de l’information au sein du lexique.

• La dimension implicite de la mémoire à long terme

La mémoire implicite (ou non déclarative) s’acquiert à notre insu, le rappel d’un souvenir se faisant automatiquement, de manière inconsciente, sans véritable effort de récupération de l’information préalablement stockée en mémoire. Les études consacrées à ce domaine du fonctionnement cognitif sont peu nombreuses dans la FM. La mémoire implicite est en général évaluée de manière incidente à l’issue par exemple d’une épreuve de substitution de symboles ou de codes (Suhr, 2003renvoi vers). Nous pouvons évoquer l’étude de Duschek et coll. (2013renvoi vers), l’une des rares études à explorer explicitement la mémoire implicite (Duschek et coll., 2013renvoi vers).
Les performances aux tests neuropsychologiques usuels dépendent en général de l’état motivationnel de l’individu. Les tests de mémoire implicite seraient plus aptes à prévenir l’étrangeté de certaines réponses se rapportant à la motivation que les tests cognitifs classiques. La mémoire implicite ne sollicite pas le rappel conscient de l’information, elle n’est pas intentionnelle et les efforts investis seraient par conséquent minimes. Les participants n’ont pas d’instruction se rapportant à la performance ou à la réussite alors qu’en condition de mémoire explicite, ils ont pour consigne d’accomplir la tâche le plus rapidement possible et le plus précisément possible. Le test de complétion de trigrammes (Word-Stem Memory) utilisé par Duschek et coll. (2013renvoi vers) (Duschek et coll., 2013renvoi vers) est sensiblement identique à celui présenté par Grisart et coll. (2002renvoi vers) (Grisart et coll., 2002renvoi vers). Les objectifs de l’étude de Duschek et coll. sont d’évaluer la contribution de chacune des caractéristiques cliniques de la FM dans la réduction des performances aux épreuves de mémoire implicite. Ils ont évalué les performances de 18 femmes atteintes de FM à celles de 24 sujets de contrôle sains au test de complétion de trigrammes (le rappel du mot est indicé par les trois premières lettres du mot). Les deux groupes de participants sont appariés selon le genre, l’âge et le niveau socioculturel. Dans un premier temps, les participantes mémorisent une liste de 60 mots (20 adjectifs de valence émotionnelle positive, 20 de valence négative et 20 adjectifs considérés comme ayant une valence émotionnelle neutre) présentés un par un sur l’écran d’un ordinateur de manière aléatoire. Les participantes ont pour consigne de lire les mots à haute voix. La présentation des mots est suivie par la réalisation d’une tâche interférente d’une durée de 5 min. Après cet intervalle de temps, il est demandé aux sujets des deux groupes de procéder au rappel des 60 mots de la liste. Les 3 premières lettres d’une liste de 120 mots sont présentées une à une aux participants. L’analyse des résultats tient compte de la présence et de la sévérité des troubles de l’humeur (symptômes dépressifs et anxieux) et de la prise de médicaments. Les patientes atteintes de FM ont dans cette étude des performances significativement inférieures à celles des volontaires sains. Il n’y avait pas de différence entre les patientes avec ou sans troubles de l’humeur ou entre les patientes avec ou sans traitement antalgique. Seule la sévérité de la douleur, évaluée au moyen du McGill Pain Questionnaire, prédisait la performance à l’épreuve de mémoire implicite dans le modèle de l’analyse de régression.
Le déficit de la mémoire implicite ne serait pas imputable à un déficit motivationnel, mais serait sous-tendu par les interférences fonctionnelles qui existent entre l’activité nociceptive du système nerveux central et le traitement cognitif. Les auteurs émettent cette hypothèse au motif que la sévérité de la douleur est étroitement liée à la performance de la mémoire implicite. Le traitement de la douleur au niveau du système nerveux central détournerait de la cognition les ressources neuronales en exigeant plus de ressources dans les régions cérébrales d’intérêt. Cette hypothèse est renforcée par l’existence de circuits cérébraux impliqués à la fois dans le traitement de la douleur et de la cognition (Henson, 2003renvoi vers).
La répartition du groupe de patientes atteintes de FM en sous-groupes qui tient compte de la présence des troubles de l’humeur ou de l’absence de traitement analgésique réduit encore plus la taille des effectifs et remet en question l’effet des comorbidités psychiatriques et du traitement dans la survenue de déficits de la mémoire implicite évalués dans cette étude (Duschek et coll., 2013renvoi vers). Autre critique, le matériel utilisé pour tester la mémoire implicite est composé aux deux tiers par des adjectifs de valence émotionnelle négative et positive. Or, les items de valence émotionnelle positive ou négative sont mieux mémorisés que les items neutres quel que soit le matériel utilisé (mots, images, phrases) (Ochsner, 2000renvoi vers ; Talmi et coll., 2007renvoi vers). Dans le cas présent, l’information émotionnelle des adjectifs n’a pas permis aux patients d’améliorer leurs performances par rapport aux volontaires sains. Il n’y a pas eu de facilitation mnésique pour le matériel émotionnel au contraire de ce qui est attendu en règle générale.

La vitesse du traitement de l’information

La vitesse du traitement de l’information peut se définir par le temps écoulé entre la présentation de la stimulation et la réponse qui est apportée. La méta-analyse de Bell et coll. (2018renvoi vers) fait état de 10 études mesurant les performances des patients atteints de FM à des épreuves qui évaluent soit la rapidité de la réalisation de la tâche soit la justesse de la réponse apportée en un temps limité. Les performances des patients ont été comparées à celles de volontaires sains et parfois à celles de patients atteints de douleur chronique autre que la FM (musculo-squelettique, traumatisme cervical). Les épreuves sont de différentes natures et sollicitent par conséquent différents processus cognitifs.
Les épreuves utilisées et les résultats sont présentés dans le tableau 11.IIrenvoi vers. Il existe des différences significatives uniquement entre les patients atteints de FM et les sujets sains aux épreuves évaluant la rapidité de la réalisation de la tâche et à celles évaluant la justesse de la réponse. La taille de l’effet est modérée et l’hétérogénéité entre les études n’est pas significative (I2 = 39,08 %, P = 0,097). Les auteurs ne rapportent pas de différence entre les patients atteints de FM et les autres populations douloureuses (musculo-squelettique, traumatisme cervical).

Tableau 11.II Fibromyalgie et vitesse du traitement de l’information : résultats de la méta-analyse de Bell et coll. (2018renvoi vers)

Référence
Patients
ACR
Tests
Résultats
Cherry et coll., 2014renvoi vers
FM = 43 (F)
AD = 44 (F)
1990
Trail making test
• Partie A (sec)
Digit symbol substitution coding
• Nombre de symboles corrects
FM = AD
FM < AD
Coppieters et coll., 2015renvoi vers
FM = 21 (np)
TC = 16 (np)
SC = 22 (np)
1990
Tâches de vigilance psychomotrice (PVT)
• Temps de réaction (msec)
• Nombre d’erreurs
Stroop test
• Dénomination couleurs (msec)
FM > SC ; FM = TC
FM > SC ; FM = TC
FM > SC ; FM = TC
Di Tella et coll., 2015renvoi vers
FM = 40 (F)
SC = 41 (F)
np
Trail making test
• Partie A (sec)
FM = SC
Grace et coll., 1999renvoi vers
FM = 30 (29 F/1 H)
SC = 30 (29 F/1 H)
1990
Symbol digit modalities test
• Nombre de symboles corrects
FM = SC
Park et coll., 2001renvoi vers
FM = 23 (F)
NC = 23 (F)
1990
Comparaison de chiffres, figures et lettres
FM = SC
Peters et coll., 2000renvoi vers
FM = 30 (F)
SC = 30 (F)
1990
Détection de stimuli visuels (figures géométriques)
• Temps de réaction (msec)
Détection : stimulations électriques
• Latence
Double tâche : détection de stimulations électriques et stimuli visuels
• Latence
FM = SC
FM = SC
FM = SC
Reyes Del Paso et coll., 2015renvoi vers
FM = 46 (F)
SC = 32 (F)
np
Tâches de temps de réaction indicé
• Réalisation des 15 essais (msec)
FM > SC
Sletvold et coll., 1995renvoi vers
FM = 25 (F)
DE = 22 (np)
SC = 18 (np)
1990
Digit symbol test
• Nombre de réponses
Trail making test
• Partie A (sec)
Automated psychological test
• Temps de réaction, main gauche
• Temps de réaction, main droite
FM < SC ; FM = DE
FM = SC ; FM = DE
FM > SC ; FM = DE
FM = SC ; FM = DE
Tesio et coll., 2015renvoi vers
FM = 30 (F)
SC = 30 (F)
2010
Trail making test
• Partie A (sec)
1-Back
• Temps de réaction
• Nombre d’erreurs
• Anticipation + omissions
FM = SC
FM > SC
FM = SC
FM = SC
Walitt et coll., 2008renvoi vers
FM = 27 (np)
SC = 27 (np)
MSQ = 18 (np)
1990
ANAM sous-tests
• Réponses visuo-motrices (temps)
• Appariement de matrices (temps)
Trail making test
• Partie A (sec)
Test de Stroop
• Lecture de mots
• Dénomination de couleurs
FM = SC ; FM = MSQ
FM = SC ; FM = MSQ
FM = SC
FM = SC
FM = SC

FM : patients atteints de fibromyalgie ; SC : sujets de contrôle sains ; AD : autres douleurs (non fibromyalgiques) ; DE : patients présentant un épisode dépressif majeur ; TC : traumatisme cervical (« coup du lapin ») ; MSQ : douleurs musculo-squelettiques ; Np : non précisé ; ANAM : Automated Neuropsychological Assessment Metrics ; F : femme ; H : homme.

• Les réseaux attentionnels de Posner et Rothbart

L’attention a été définie très grossièrement dans la plupart des études. Il n’existe pas un, mais différents types d’attention. Elle est au centre du fonctionnement cognitif, qu’il s’agisse de la mémoire, du raisonnement ou des fonctions exécutives.
Posner et Rothbart (2007renvoi vers) considèrent que le système attentionnel est composé de trois réseaux neuronaux qui sous-tendent chacun une des fonctions suivantes : l’alerte, l’orientation et le fonctionnement exécutif (Posner et Rothbart, 2007renvoi vers). Le réseau neuronal de l’alerte prépare le système à des réactions rapides au travers du changement de l’état interne. Ce réseau est chargé de maintenir le système cognitif en alerte. L’alerte tonique (ou la vigilance) fait référence à une activation soutenue pendant une période de temps tandis que l’alerte phasique s’apparente à une activation non spécifique ressentie lorsqu’un signal d’alarme précède la cible. Le réseau qui sous-tend l’orientation alloue sélectivement l’attention vers une aire du champ visuel potentiellement pertinente ou vers un objet qui favorise son traitement perceptuel. Le réseau neuronal qui sous-tend le fonctionnement exécutif est activé au cours des situations qui nécessitent la planification, le maintien des priorités pertinentes à la réalisation d’un objectif, la résistance aux interférences, la prise de décision ou encore la détection d’erreur...
Miró et coll. (2011renvoi vers) ont utilisé une batterie de tests (FAN-I ; Attentional Network Test-Interactions) développés par Callejas et coll. (2004renvoi vers), qui permettent d’évaluer de manière indépendante le fonctionnement de chacun de ces trois réseaux. Les participants doivent répondre en fonction de la direction d’une flèche positionnée au centre de l’écran de l’ordinateur. Cette flèche est flanquée de flèches distractives, qui peuvent ou pas avoir la même direction que la flèche centrale (mesure de la fonction exécutive). La flèche affichée au centre de l’écran est précédée d’un signal visuel, qui peut apparaître soit au même endroit que la cible soit à l’opposé (mesure de la fonction d’orientation). Enfin, la moitié des essais débutent par un signal sonore, qui incite les participants à répondre rapidement par rapport à la condition sans alarme (mesure de la fonction d’alerte). Les patients atteints de FM étaient en général plus lents que les volontaires sains aux différentes épreuves de cette batterie (Miró et coll., 2011renvoi vers). La FM occasionnerait une baisse de la vigilance, c’est-à-dire de la capacité endogène à maintenir le niveau d’activation nécessaire à la réalisation de la tâche. Ces résultats sont conformes à ceux de la méta-analyse de Bell et coll. (2018renvoi vers). De plus, les patients produisaient moins d’erreurs en condition d’alarme sonore par rapport à la condition sans alarme, ce qui est un argument supplémentaire en faveur d’une baisse de la vigilance. Les patients ont une moindre capacité à filtrer les informations distractives, c’est-à-dire qu’ils ont une faible résistance aux interférences. L’orientation visuelle n’est pas altérée car les tests qui évaluent cette fonction font appel selon les auteurs aux processus automatiques, des processus qui sont préservés dans la FM. Des résultats comparables concernant l’intégrité des processus automatiques ont été rapportés par d’autres auteurs (Grisart et coll., 2002renvoi vers ; Dick et coll., 2008renvoi vers).

• Le paradigme du clignement attentionnel

Harker et coll. (2011renvoi vers) ont cherché à identifier la cause des perturbations attentionnelles des patients atteints de FM en utilisant le paradigme du clignement attentionnel (Attentional Blink Paradigm). Ce paradigme est une méthode d’investigation des processus attentionnels précoces. Le réflexe de clignement se présente en amont du processus de détection des stimuli visuels et de leur reconnaissance.
Les cibles sont constituées de lettres majuscules extraites au hasard de l’alphabet à l’exception des lettres I et O. La cible est dissimulée par différents masques. Chaque essai débute par un point de fixation, qui est suivi d’un délai de 100 msec, 200 msec ou 300 msec avant que ne survienne la séquence de 4 items. La séquence des items est la manière suivante :
Cible 1 (T1) – Masque 1 (M1) – un intervalle inter-stimuli – Cible 2 (T2) – Masque 2 (M2).
Chaque paire « cible et masque » est présentée pendant une durée de 105 msec. La difficulté à identifier T1 peut être augmentée en faisant varier la durée entre T1 et M1 de la manière suivante : essai facile : T1 = 45 msec et M1 = 45 msec ; essai moyen : T1 = 30 msec et M1 = 60 msec ; essai difficile : T1 = 15 msec et M1 = 75 msec. En revanche, la durée de T2 et M2 est maintenue constante (T2 = 30 msec et M2 = 60 msec). La durée entre T1 et T2 peut également être modifiée en faisant varier l’intervalle inter-stimuli compris entre M1 (le masque de T1) et l’apparition de T2. Cette durée augmente de 120 msec à 600 msec avec des élévations de 120 msec à chaque fois6 . Le clignement attentionnel reflèterait une diminution de la capacité à réguler le rythme avec lequel les ressources attentionnelles consommées par T1 sont de nouveau disponibles pour identifier T2 (Marois et Ivanoff, 2005renvoi vers).
Harker et coll. (2011renvoi vers) émettent l’hypothèse d’une réduction des capacités de traitement attentionnel mesurées par le paradigme du clignement attentionnel chez les patients atteints de FM par rapport aux sujets de contrôle (Harker et coll., 2011renvoi vers). Ils ont montré que l’identification de T1 n’est pas altérée chez les patients FM par rapport aux sujets de contrôle, ce qui suggère que leur perturbation chronique de l’attention n’affecte pas leurs ressources cognitives permettant d’identifier la lettre. Toutefois, l’identification de la stimulation devient difficile pour tous les participants lorsque l’on réduit la durée de présentation de la stimulation T1. Les patients atteints de FM identifient correctement T2 lorsque T1 est identifié correctement. En revanche, la justesse de la réponse à T2 diminue uniquement chez les patients atteints de FM lorsque la difficulté de T1 augmente. Finalement, la justesse de la réponse à T2 s’améliore lorsque le temps entre M1 et T2 augmente (lag 1 : 120 msec à lag 5 : 600 msec) à la fois chez les patients atteints de FM et les sujets de contrôle.
Harker et coll. (2011renvoi vers) ont conclu que l’altération de l’attention des patients avec FM n’est pas liée à une difficulté à détecter un simple stimulus ou à une altération de l’allocation des ressources nécessaires à l’identification de T1 (tâche simple). Toutefois, les résultats de l’étude fournissent des indications en faveur de l’hypothèse d’un traitement attentionnel anormal chez les patients avec FM. L’efficience de la réponse qui consiste à identifier T2 diminue lorsque T1 devient plus difficile à détecter, ce qui n’est pas le cas dans le groupe contrôle. Ce résultat suggère que la douleur chronique est susceptible de perturber l’attention des patients en fonction de la difficulté de la tâche. Ceci est congruent à ce qui a été rapporté par les tests neuropsychologiques, à savoir que les troubles de l’attention se rencontrent aux épreuves requérant d’importantes ressources attentionnelles (Dick et Rashiq, 2007renvoi vers ; Glass, 2009renvoi vers).

La mémoire à court terme

La mémoire à court terme (MCT) se définit comme étant la capacité à retenir des informations pendant une courte période de temps. Les tâches d’empan de mémoire ont été considérées comme des mesures de la mémoire à court terme. La tâche consiste à répéter des séquences de plus en plus longues de chiffres, de lettres...
La plupart des auteurs utilisent des épreuves de mémoire auditive verbale à court terme (stimuli auditifs) et de mémoire visuelle à court terme (informations visuelles verbales ou visuo-spatiales) pour évaluer cette mémoire. On demande au sujet de mémoriser des symboles ou des stimuli sans signification, présentés brièvement pendant 100 à 200 msec (empan de mémoire visuelle), ou l’organisation spatiale des stimuli pour tester l’empan de mémoire visuo-spatiale (test des blocks de Corsi). Les performances aux tâches d’empan sont dépendantes de facteurs plus généraux tels que l’intervention des capacités attentionnelles. Des travaux récents montrent que les tâches de mémoire à court terme passives impliquant seulement le maintien temporaire de l’information verbale font intervenir des processus attentionnels (Majerus et coll., 2010renvoi vers). Les tâches de mémoire à court terme absorbent nos capacités attentionnelles ; plus la tâche est difficile et plus nos capacités attentionnelles sont monopolisées par cette tâche, et moins elles sont disponibles pour traiter une information non reliée à la tâche en cours.
Dans leur méta-analyse, Bell et coll. (2018renvoi vers) retiennent les résultats de 12 études. Les tâches de mémoire à court terme sont constituées d’épreuves très variées : rappel immédiat et reconnaissance de stimuli verbaux (liste de mots) et visuo-spatiaux (figure complexe), empans de chiffres, empans visuo-spatiaux, tests de réalité virtuelle... Ces épreuves ainsi que les résultats sont présentés dans le tableau 11.IIIrenvoi vers. Les résultats de l’ensemble des 12 études confirment l’existence d’une diminution modérée de la mémoire à court terme chez les patients atteints de FM comparés aux sujets de contrôle. La taille de la différence entre les patients et les sujets de contrôle est modérée pour les stimuli auditifs et verbaux (taille de l’effet Hedge’s g = 0,36). Elle est plus importante pour les tâches visuo-spatiales (g = 1,07). L’hétérogénéité entre les études suggère l’existence de différences substantielles entre les mesures de la mémoire à court terme.

Les fonctions exécutives

Le terme de fonctions exécutives fait référence à des capacités cognitives élaborées et complexes chargées du contrôle et de la régulation des processus cognitifs d’un moindre niveau (Alvarez et Emory, 2006renvoi vers). Sous ce terme sont rassemblées des aptitudes qui ont des rôles très hétérogènes comme la planification, la résolution de problème, les capacités d’inhibition, la flexibilité cognitive, la mise en Ĺ“uvre de stratégies. Ces fonctions ont un rôle essentiel dans notre vie de tous les jours car elles nous permettent de nous adapter aux situations nouvelles ou complexes. Dans leur méta-analyse, Bell et coll. (2018renvoi vers) abordent uniquement les « grandes fonctions exécutives » qui sont la fonction de mise à jour, les processus d’inhibition, la flexibilité cognitive et l’accès aux représentations en mémoire à long terme (Fisk et Sharp, 2004renvoi vers).

• La fonction de mise à jour de la mémoire de travail

Cette fonction permet « le désengagement des informations actives en mémoire de travail (MdT) afin d’activer de nouvelles informations pertinentes ». Dix-sept études sont prises en considération dans la méta-analyse de Bell et coll. (2018renvoi vers). Les résultats de ces études sont résumés dans le tableau 11.IVrenvoi vers. Le nombre élevé des études témoigne de l’intérêt des chercheurs pour cette aptitude cognitive. Vingt-neuf tests évaluent la fonction de mise à jour d’informations auditives et verbales, et quatre considèrent les informations visuo-spatiales. Les différences les plus importantes apparaissent aux tâches d’empans complexes comme l’Operational Span Task et le Reading Span (g = 0,93), puis à la Paced Auditory Serial Addition Task (g = 0,88) et au Digit Span Backward (g = 0,45). Les différences les plus faibles sont constatées aux épreuves de calcul mental (g = 0,36), au n-back (g = 0,33) et au Wisconsin Modified Card Sorting Test (g = 0,25). La mesure considérée pour évaluer la MdT au Wisconsin Modified Card Sorting Test est la difficulté à maintenir le critère de classement.
Les résultats confirment l’existence d’une difficulté légère à modérée selon les tests se rapportant à la fonction de mise à jour chez les patients atteints de FM par rapport aux volontaires sains. L’analyse révèle également l’existence d’une hétérogénéité entre les études (I2 = 44,14 % ; p = 0,026) qui ne sont pas d’égale difficulté. La fonction de mise à jour est à reconsidérer pour certaines épreuves.

Tableau 11.III Fibromyalgie et mémoire à court terme : résultats résumés de la méta-analyse de Bell et coll. (2018renvoi vers)

Référence
Patients
ACR
Tests
Résultats
Canovas et coll., 2009renvoi vers
FM = 15 (F)
SC = 15 (F)
1990
Digit span forward task
• Empans chiffres endroit
Corsi block tapping tasks
• Empans chiffres endroit
10/36 spatial recall test
• Rappel immédiat
FM = SC
FM = SC
FM = SC
Cherry et coll., 2014renvoi vers
FM = 43 (F)
AD = 44 (F)
1990
Digit span forward task
• Empans chiffres endroit
CERAD 10 items
• Rappel immédiat (1-3)
FM = AD
FM = AD
Di Tella et coll., 2015renvoi vers
FM = 40 (F)
SC = 41 (F)
np
Digit span forward task
• Empans chiffres endroit
FM < SC
Glass et coll., 2005renvoi vers
FM = 23 (F)
SC = 23 (F)
1990
Listes de mots
• Rappel immédiat (1-3)
• Reconnaissance immédiate
FM < SC
FM < SC
Grace et coll., 1999renvoi vers
FM = 30 (29F/1H)
SC = 30 (29F/1H)
1990
Mémoire verbale (WMS-R)
Mémoire visuelle (WMS-R)
FM < SC
FM = SC
Kim et coll., 2012renvoi vers
FM = 23 (F)
SC = 24 (F)
1990
Digit span forward task
• Empans chiffres endroit
Corsi Block Tapping Tasks
• Empans visuo-spatiaux endroit
FM = SC
FM = SC
Landro et coll., 1997renvoi vers
FM = 25 (F)
DE = 22 (18 F/4 H)
SC = 18 (14 F/4 H)
1990
Digit span forward task
• Empans chiffres endroit
K-RRFT
• Reconnaissance (réponses correctes)
FM = SC ; FM = DE
FM = SC ; FM = DE
Montoro et coll., 2015renvoi vers
FM = 45 (F)
SC = 32 (F)
1990
Rey auditory verbal memory test
• Rappel immédiat (1-5)
FM < SC
Park et coll., 2001renvoi vers
FM = 23 (F)
SC = 23 (F)
1990
Listes de mots
• Rappel immédiat (1-3)
• Reconnaissance immédiate
FM < SC
FM < SC
Roldan-Tapia et coll., 2007renvoi vers
FM = 15 (F)
PR = 15 (F)
SC = 15 (F)
 
Digit span forward task
• Empans chiffres endroit
10/36 spatial recall test (essai 1)
10/36 spatial recall test (essai 2)
10/36 spatial recall test (essai 3)
Benton visual retention test (formes)
Benton visual retention test (lignes)
Rey complex figure test
FM < SC ; FM = PR
FM = SC ; FM = PR
FM < SC ; FM = PR
FM < SC ; FM = PR
FM < SC ; FM = PR
FM = SC ; FM = PR
FM = SC ; FM = PR
Suhr, 2003renvoi vers
FM = 23 (21 F/2 H)
AD = 22 (16 F/6 H)
SC = 21 (17 F/4 H)
np
Rey auditory verbal learning test
• Rappel immédiat (1-5)
FM = SC ; FM = AD
Tesio et coll., 2015renvoi vers
FM = 30 (F)
SC = 30 (F)
2010
Digit span forward task
• Empans chiffres endroit
FM = SC
Walitt et coll., 2008renvoi vers
FM = 27 (np)
SC = 27 (np)
MSQ = 18 (np)
1990
ANAM sous-tests :
• Substitution de Code apprentissage (CDS)
FM = SC ; FM = MSQ
Walteros et coll., 2011renvoi vers
FM = 15 (np)
SC = 15 (np)
 
Digit span forward task
• Empans chiffres endroit
FM = SC

FM : patients atteints de fibromyalgie ; SC : sujets de contrôle sains ; F : femme ; H : homme ; AD : autres douleurs (non fibromyalgiques) ; PR : polyarthrite rhumatoïde ; DE : patients présentant un épisode dépressif majeur ; MSQ : douleurs musculo-squelettiques ; CERAD : Consortium to Establish a Registry for Alzheimer’s Disease ; WMS-R : Wechsler Memory Scale – Revised ; K-RRFT : Kimura Recurring Recognition Figures Test ; ANAM : Automated Neuropsychological Assessment Metrics ; Np : non précisé.

• La flexibilité cognitive

La flexibilité cognitive est l’aptitude à réaliser plusieurs tâches en passant de l’une à l’autre (alternance de tâches) et réciproquement. Le paradigme d’alternance de tâches est utilisé pour la mesurer. L’analyse quantitative dans la FM tient compte des résultats de 7 études (Bell et coll., 2018renvoi vers). Les tests utilisés pour mesurer la flexibilité cognitive sont présentés dans le tableau 11.Vrenvoi vers ; il s’agit pour l’essentiel du Trail Making Test (partie B) et du Wisconsin Card Sorting Test (nombre de persévérations). La diminution moyenne des scores observée entre les patients et les volontaires sains au Trail Making Test (partie B) est modérée (5 résultats). Cette diminution est plus importante au Trail Making Test qu’au Wisconsin Card Sorting Test (2 résultats). Les valeurs du g pour ces deux épreuves sont de 0,44 et de 0,06, respectivement. Les patients atteints de FM ont des performances significativement inférieures à celles des volontaires sains aux épreuves évaluant la flexibilité cognitive, mais cet effet est de faible intensité. Il n’y a pas d’hétérogénéité entre les études (I2 = 0 %, p = 0,49).

Tableau 11.IV Fibromyalgie et fonction de mise à jour. Résumé des résultats de la méta-analyse de Bell et coll. (2018renvoi vers)

Référence
Patients
ACR
Tests
Résultats
Canovas et coll., 2009renvoi vers
FM = 15 (F)
SC = 15 (F)
1990
Digit span backward
• Empans chiffres envers
Corsi block tapping test backward
• Empans visuospatiaux envers
FM = SC
FM = SC
Cherry et coll., 2014renvoi vers
FM = 43 (F)
AD = 44 (F)
1990
Digit span backward
• Empans chiffres envers
FM = AD
Coppieters et coll., 2015renvoi vers
FM = 21 (np)
TC = 16 (np)
SC = 22 (np)
1990
Operation span tasks
• Calcul mental (score)
FM < SC ; FM = TC
Dick et coll., 2008renvoi vers
FM = 30 (F)
SC = 30 (F)
1990
Auditory verbal working memory (TEA)
Reading span test
• Mémoire de travail (score)
• Jugement grammatical (réponses correctes)
Auditory consonant trigram (nombre de réponses considérées)
• Pas d’intervalle,
• Intervalle 9 sec
• Intervalle 18 sec
• Intervalle 36 sec
FM < SC
FM < SC
FM < SC
FM = SC
FM = SC
FM = SC
FM < SC
Di Tella et coll., 2015renvoi vers
FM = 40 (F)
SC = 41 (F)
np
Digit span backward
• Empans chiffres envers
FM < SC
Grace et coll., 1999renvoi vers
FM = 30 (29 F/1 H)
SC = 30 (29 F/1 H)
1990
Paced auditory serial additions test
(version np)
• Nombre bonnes réponses
FM < SC
Kim et coll., 2012renvoi vers
FM = 23 (F)
SC = 24 (F)
1990
Digit span backward
• Empans chiffres envers
Corsi block tapping test backward
• Empans visuo-spatiaux envers
FM = SC
FM = SC$
Landro et coll., 1997renvoi vers
FM = 25 (F)
DE = 22 (18 F/4 H)
SC = 18 (14 F/4 H)
1990
Digit Span Backward
• Empans chiffres envers
FM = SC ; FM = DE
Montoro et coll., 2015renvoi vers
FM = 45 (F)
SC = 32 (F)
1990
Tâches de calcul mental
• Temps de réaction (sec)
• Réponses correctes (%)
N-Back-1
• Nombre bonnes réponses (%)
• Fausses alarmes
N-Back-2
• Nombre bonnes réponses (%)
• Fausses alarmes
FM > SC
FM = SC
FM = SC
FM < SC
FM = SC
FM = SC
Park et coll., 2001renvoi vers
FM = 23 (F)
SC = 23 (F)
1990
Reading span tasks
• Rappel dernier mot de la phrase
Computational span
• Dernier chiffre de l’équation
FM < SC
FM < SC
Reyes del Paso et coll., 2012renvoi vers
FM = 35 (32 F/3 H)
SC = 29 (27 F/2 H)
1990
Tâches de calcul mental
• Nombre de calculs
• Nombre d’erreurs
FM < SC
FM = SC
Seo et coll., 2012renvoi vers
FM = 19 (F)
SC = 22 (F)
1990
N-back-0
• Temps de réaction (msec)
• Nombre bonnes réponses (%)
N-back-2
• Temps de réaction (msec)
• Nombre bonnes réponses (%)
FM > SC
FM = SC
FM > SC
FM < SC
Sletvold et coll., 1995renvoi vers
FM = 25 (F)
DE = 22 (np)
SC = 18 (np)
1990
Paced Auditory Serial Addition Task 2.0s
• Nombre bonnes réponses (%)
Paced auditory serial addition task 4.0s
• Nombre bonnes réponses (%)
FM < SC ; FM = DE
FM < SC ; FM = DE
Roldan-Tapia et coll., 2007renvoi vers*
FM = 15 (F)
PR = 15 (F)
SC = 15 (F)
1990
Digit Span Backward
• Empans chiffres envers
FM = SC ; FM = PR
Suhr, 2003renvoi vers
FM = 23 (21 F/2 H)
AD = 22 (16 F/6 H)
SC = 21 (17 F/4 H)
np
Wisconsin Card Sorting Test (WCST)
• Nombre de catégories
• Calcul mental (WAIS III)
Letter Number Sequencing
Paced Auditory Serial Additions Test (version np)
FM = SC ; FM = AD
FM = SC ; FM = AD
FM = SC ; FM = AD
FM = SC ; FM = AD
Tesio et coll., 2015renvoi vers
FM = 30 (F)
SC =30 (F)
2010
Digit span backward
• Empans chiffres envers
N-back-1
• Temps de réaction
• Nombre d’erreurs
• Anticipations et omissions
FM < SC
FM > SC
FM = SC
FM = SC
Verdejo-García et coll., 2009renvoi vers
FM = 35 (F)
SC = 36 (F)
1990
Wisconsin card sorting test
• Difficulté à maintenir la catégorie
FM = SC
Walitt et coll., 2008renvoi vers
FM = 27 (np)
SC = 27 (np)
MSQ = 18 (np)
1990
ANAM sous-tests
• Calcul mental (bonnes réponses)
Continual performance test
FM > SC§ ; FM = MSQ
FM = SC ; FM = MSQ
Walteros et coll., 2011renvoi vers
FM = 15 (np)
SC = 15 (np)
np
Block Design
• Empans visuo-spatiaux envers
FM = SC

FM : patients atteints de fibromyalgie ; SC : sujets de contrôle sains ; AD : autres douleurs (non fibromyalgiques) ; TC : traumatisme cervical (« coup du lapin ») ; PR : polyarthrite rhumatoïde ; MSQ : douleurs musculo-squelettiques ; DE : patients présentant un épisode dépressif majeur ; F : femme ; H : homme ; TEA : Test of Everyday Attention ; WAIS III : Wechsler Adult Intelligence Scale – III ; ANAM  : Automated Neuropsychological Assessment Metrics. Np : non précisé. $ La différence entre les deux groupes devient non significative après ajustement des résultats en fonction de la sévérité de la dépression. § La différence entre les patients atteints de fibromyalgie et les sujets de contrôle devient significative après ajustement des résultats en fonction de la dépression et du fonctionnement intellectuel prémorbide. * Les résultats de l’étude de Roldan-Tapia et coll. (2007renvoi vers) pourtant répertoriée dans la méta-analyse, n’ont pas été indiqués dans cette dernière.

Tableau 11.V Fibromyalgie et flexibilité cognitive. Synthèse des résultats rapportés dans la méta-analyse de Bell et coll. (2018renvoi vers)

Référence
Patients
ACR
Tests
Résultats
Cherry et coll., 2014renvoi vers
FM = 43 F
AD = 44 F
1990
Trail making test
• Partie B (sec)
FM = AD
Di Tella et coll., 2015renvoi vers
FM = 40 F
SC = 41 F
np
Trail Making test
• Partie B (sec)
• B-A (temps)
FM > SC
FM > SC
Sletvold et coll., 1995renvoi vers
FM = 25 (F)
DE = 22 (np)
SC = 18 (np)
1990
Trail Making test
• Temps (sec)
FM = NC ; FM = DE
Suhr, 2003renvoi vers
FM = 23 (21F/2H)
AD = 22 (16F/6H)
SC = 21 (17/4)
np
Wisconsin Card Sorting test
• Persévérations (nombre)
FM = SC ; FM = A
Tesio et coll., 2015renvoi vers
FM = 30 (F)
SC =30 (F)
2010
Trail making test
• Partie B (sec)
• B-A (temps)
FM > SC
FM > SC
Verdejo-García et coll., 2009renvoi vers
FM = 35 (F)
SC = 36 (F)
1990
Wisconsin card sorting test
• Persévérations (%, T score)
FM = SC
Walitt et coll., 2008renvoi vers
FM = 27 (np)
SC = 27 (np)
MSQ = 18 (np)
1990
Trail making test
• Partie B (sec)
FM = SC ; FM = MSQ

FM : patients atteints de fibromyalgie ; SC : sujets de contrôle sains ; F : femme ; H : homme ; AD : autres douleurs ; MSQ : douleurs musculo-squelettiques ; DE : patients présentant un épisode dépressif majeur ; Np : non précisé.

• Les capacités d’inhibition

La fonction d’inhibition renvoie à des mécanismes très distincts selon les situations rencontrées. Les capacités d’inhibition considérées ici font référence d’une part aux mécanismes qui permettent d’empêcher que les informations non pertinentes n’entrent en mémoire de travail, et d’autre part d’ignorer les informations qui ne sont pas pertinentes à la réalisation de la tâche (attention sélective).
La méta-analyse de Bell et coll. (2018renvoi vers) prend en compte les résultats de 18 études (Bell et coll., 2018renvoi vers). L’inhibition des réponses non pertinentes est évaluée au moyen du Stroop Test (résistance aux interférences), de la tâche du Go/NoGo, du Code Memory Test, partie 2. Ce dernier test fournit une mesure de l’interférence proactive. La mesure de l’attention sélective est évaluée au moyen du Test of Everyday Attention. Les résultats de la méta-analyse sont en faveur d’une atteinte des processus d’inhibition, de légère à modérée chez les patients atteints de FM par rapport aux volontaires sains (tableau 11.VIrenvoi vers). Des différences modérées sont observées entre les patients avec FM et les volontaires sains au Stroop Color Word Test (g = 0,61) et au TEA-attention sélective (Test of Everyday Attention ; g = 0,54). Ces différences sont plus faibles au test du Go/NoGo. L’hétérogénéité entre les études est supérieure à ce que l’on pourrait s’attendre du fait du hasard (I2 = 65,5 %, p = 0,0001). Le retrait des outils d’évaluation de l’attention sélective ne permet pas de réduire cette hétérogénéité ou ne modifie pas significativement la différence moyenne normalisée. De même, l’hétérogénéité entre les études persiste après le retrait des tâches de Go/NoGo.

Tableau 11.VI Capacités d’inhibition et fibromyalgie, résumé de la méta-analyse de Bell et coll. (2018renvoi vers)

Référence
Patients
ACR
Tests
Résultats
Akdogan et coll., 2013renvoi vers
FM = 40 (F)
PR = 28 (F)
SC = 30 (F)
1990
Stroop color word interference test
• Lecture du nom des couleurs imprimés en noir (sec)
• Lecture du nom des couleurs imprimés en couleur (sec)
• Dénomination des couleurs (sec)
Dénomination de la couleur de mots neutres imprimés en différentes couleurs (sec)
• Condition interférente (sec)
FM > SC  ; FM = PA
FM > SC  ; FM = PA
FM > SC  ; FM = PA
FM > SC  ; FM = PA
FM > SC  ; FM = PA
Cherry et coll., 2014renvoi vers
FM = 43 (F)
AD = 44 (F)
1990
Stroop color / word test
• 112 items (temps, sec)
FM > AD
Coppieters et coll., 2015renvoi vers
FM = 21 (np)
TC = 16 (np)
SC = 22 (np)
1990
Stroop task
• Interférences (temps, sec)
FM > SC ; FM = TC
Correa et coll., 2011renvoi vers
FM = 18 (F)
SC = 19 (F)
1990
Go / No Go (E-prime software)
• Bonnes réponses (nombre)
FM < SC
Dick et coll., 2008renvoi vers
FM = 30 (F)
SC = 30 (F)
1990
Test of everyday attention
• Interférence entre les stimuli
FM < SC
Duschek et coll., 2014renvoi vers
FM = 18 (F)
SC = 25 (F)
1990
Word-stem completion task
FM < SC
Glass et coll., 2011renvoi vers
FM = 18 (np)
SC = 14 (np)
1990
Go / No go : inhibition lettre X (60/245 items)
• Nombres d’erreurs
• Temps
FM = SC
FM = SC
González et coll., 2010renvoi vers
FM = 25 (F)
SC = 24 (F)
1990
Stroop test émotionnel (128 items)
• Interférences : mots neutres (msec)
FM > SC
Landro et coll., 1997renvoi vers*
FM = 25 (F)
DE = 22 (18 F/4 H)
SC = 18 (14 F/ 4H)
 
Code memory test, partie 2
• Interférences proactives (nombre d’erreurs)
FM < SC ; FM = DE
Martinsen et coll., 2014renvoi vers
FM = 29 (F)
SC = 31 (F)
1990
Stroop color word test
• Interférences (temps)
FM > SC
Mercado et coll., 2013renvoi vers
FM = 25 (F)
SC = 25 (F)
1990
Stroop émotionnel
• Interférences (temps)
• Interférences (nombre d’erreurs)
FM = SC
FM = SC
Miró et coll., 2011renvoi vers
FM = 33 (F)
SC = 28 (F)
1990
Attentional network test-interactions
• Interférences (temps)
• Interférences (nombre d’erreurs)
FM > SC
FM < SC
Miró et coll., 2015renvoi vers
FM = 78 (58 F/20 H)
SC = 48 (21 F/27 H)
1990
Attentional network test-interactions
• Interférences (temps)
• Interférences (nombre d’erreurs)
FM > SC
FM < SC
Roldan-Tapia et coll., 2007renvoi vers
FM = 15 (F)
PR = 15 (F)
SC = 15 (F)
1990
Stroop color word test
• Interférences (temps, sec)
FM = SC ; FM = PR
Sletvold et coll., 1995renvoi vers
FM = 25 (F)
DE = 22 (np)
SC = 18 (np)
1990
Automated psychological test
• Condition inhibition, main gauche (temps)
• Condition inhibition, main droite (temps)
FM > SC ; FM = SC
FM = SC ; FM = DE
Suhr, 2003renvoi vers
FM = 23 (21 F/2 H)
AD = 22 (16 F/6 H)
SC = 21 (17 F/4 H)
Np
Stroop color word test
• Interférences (temps, sec)
FM = SC ; FM = AD
Veldhuijzen et coll., 2012renvoi vers
FM = 35 (F)
SC = 35 (F)
1990
Stroop color word test
• Interférences (temps, 144 items)
Multi-source interference test
• Interférences (temps, 84 items)
FM > SC
FM > SC
Walitt et coll., 2008renvoi vers
FM = 27 (np)
SC = 27 (np)
MSQ = 18 (np)
1990
Stroop color word test
• Interférences (temps, sec)
FM > SC§ ; MSQ > SC§
Walteros et coll., 2011renvoi vers
FM = 15 (np)
SC = 15(np)
np
Stroop color-word interference test
• 100 items (45 sec)
FM = SC

FM : patients atteints de fibromyalgie ; SC : sujets de contrôle sains ; F : femme ; H : homme ; AD : autres douleurs (non fibromyalgiques) ; TC : traumatisme cervical (« coup du lapin ») ; PR : polyarthrite rhumatoïde ; MSQ : douleurs musculo-squelettiques ; DE : patients présentant un épisode dépressif majeur ; Np : non précisé.
§ La différence entre les patients douloureux chroniques et les sujets de contrôle devient significative après ajustement des résultats en fonction de la dépression et du fonctionnement intellectuel prémorbide. * Les résultats de l’étude de Landro et coll. (1997renvoi vers) concernant le « Code Memory Test », partie 2, pourtant cités par les auteurs, n’ont pas été indiqués dans la méta-analyse.

• L’accès aux représentations en mémoire à long terme

Cette fonction mesure les capacités de récupération volontaire de l’information en mémoire à long terme. Cette aptitude est mesurée à partir d’épreuves de fluence catégorielle (par exemple la catégorie des animaux) ou phonémique (mots commençant par une lettre donnée). La personne énumère le plus rapidement possible, autant de mots que possible appartenant à une catégorie sémantique donnée (animaux, légumes...) ou des mots commençant par la lettre F, A et S pour la langue anglaise ou la lettre P, V, R pour la langue française (fluence phonémique). La méta-analyse de Bell et col rapporte les résultats de six études (tableau 11.VIIrenvoi vers). La différence entre les patients souffrant de FM et les volontaires sains est faible pour cette fonction. Les patients ont plus de difficultés aux épreuves de fluence phonémique comparés aux volontaires sains. Il existe une hétérogénéité significative entre les études (I2 = 62,9 %, p = 0,19) qui pourrait être due à l’étude évaluant les performances des sujets âgés à l’épreuve de fluence catégorielle (Cherry et coll., 2014renvoi vers).

Tableau 11.VII Résultats sur accès aux représentations en mémoire à long terme et fibromyalgie résumés de la méta-analyse de Bell et coll. (2018renvoi vers)

Référence
Patients
ARC
Tests
Résultats
Cherry et coll., 2014renvoi vers
FM = 43 (F)
AD = 44 (F)
1990
Fluence verbale : catégorielle
• Animaux (nombre réponses)
FM = AD
Di Tella et coll., 2015renvoi vers
FM = 40 (F)
SC = 41 (F)
np
Fluence verbale : lettres
• FAS (nombre réponses)
FM < SC
Landro et coll., 1997renvoi vers
FM = 25 (F)
DE = 22 (18 F/4 H)
SC = 18 (14 F/4 H)
1990
Fluence verbale :
• Animaux + FAS (nombre réponses)
FM < SC ; FM = DE
Park et coll., 2001renvoi vers
FM = 23 (F)
SC = 23 (F)
1990
Fluence verbale : lettres
• FAS (nombre réponses)
FM = SC
Suhr, 2003renvoi vers
FM = 23 (21 F/2 H)
AD = 22 (16 F/6 H)
SC = 21 (17 F/4 H)
Np
Fluence verbale : lettres
• FAS (nombre réponses)
FM = SC
Tesio et coll., 2015renvoi vers
FM = 30 (F)
SC =30 (F)
2010
Fluence verbale : lettres
• FAS (nombre réponses)
FM = SC

FM : patients atteints de fibromyalgie ; SC : sujets de contrôle sains ; F : femme ; H : homme ; AD : autres douleurs (non fibromyalgiques) ; DE : patients présentant un épisode dépressif majeur ; FAS : mots commençant par la lettre F, puis la lettre A et pour finir la lettre S. Np : non précisé.

En résumé, les patients atteints de FM ont des difficultés cognitives par rapport aux volontaires sains. En revanche, ils obtiennent des performances comparables à celles des autres patients douloureux chroniques sauf au test du Digit Symbol Substitution Coding (Cherry et coll., 2014renvoi vers). Les difficultés rencontrées concernent la mémoire à court et long terme, la vitesse du traitement de l’information et les fonctions exécutives (fonction de mise à jour, flexibilité cognitive, capacités d’inhibition et accès aux représentations en mémoire à long terme). La différence la plus importante constatée entre les patients et les volontaires sains concerne les capacités d’inhibition, mais c’est aussi ce domaine qui montre la plus grande hétérogénéité entre les études. La taille de l’effet est modérée pour la vitesse du traitement de l’information, la mémoire à court et long terme et la mise à jour, alors qu’elle est faible pour la flexibilité et l’accès aux représentations en mémoire à long terme. Les résultats révèlent également la présence de difficultés mnésiques particulières : 1) la rétention à court terme est plus altérée que celle à long terme ; 2) les déficits aux épreuves de mémoire visuelles sont plus marqués que ceux aux épreuves de mémoire verbale. Enfin, Bell et coll. (2018renvoi vers) concluent que l’atteinte du fonctionnement exécutif serait responsable à la fois des difficultés mnésiques et de la lenteur du traitement de l’information dans la FM.
Les résultats de cette méta-analyse doivent être considérés avec prudence car l’analyse n’a pas permis de contrôler l’ensemble des facteurs tels que les troubles psychologiques ou l’emploi d’un traitement médicamenteux. La compréhension des effets de la douleur sur le fonctionnement cognitif nécessite de mieux connaître la répercussion des symptômes dépressifs et anxieux, qui sont fréquents chez les patients atteints de FM (voir paragraphe « Les comorbidités : facteurs aggravants »). Des biais méthodologiques ont probablement amplifié la taille des effets de certains domaines cognitifs. Cette limite doit être soulignée pour les études qui n’ont pas apparié leurs sujets de contrôle en fonction du niveau socio-culturel, et pour celles qui n’ont pas évalué le fonctionnement intellectuel pré-morbide au moyen de tests ou de questionnaires spécifiques. En conséquence, l’atteinte cognitive de ces individus peut être surestimée. Dans le même registre, le mode de recrutement des sujets de contrôle peut biaiser l’échantillon car les personnes recrutées dans un environnement clinique ont plus de problèmes de santé que les sujets de contrôle recrutés au sein de la communauté. Une autre limite importante concerne l’âge des participants, qui est compris entre 36 et 59 ans. Les résultats de cette méta-analyse ne peuvent donc pas être généralisés à des individus appartenant à un autre groupe d’âge.
Une limite, non évoquée par les auteurs, concerne l’assignation des tests au sein des différents domaines cognitifs qui est parfois discutable. Les performances se rapportant aux capacités mnésiques mesurées par le Rey-Auditory Verbal Learning Test et le California Verbal Learning Test (somme des rappels de 1 à 5) sont considérées comme des mesures de la mémoire à court terme. Le rappel immédiat des mots de la liste, 5 fois de suite, facilite leur encodage en mémoire à long terme même si le souvenir est encore fragile. Le premier des 5 rappels peut donc être considéré comme de la mémoire à court terme, contrairement aux autres rappels (2 à 5) puisque l’on procède à chaque fois au rappel des mots de la liste jusqu’au cinquième et dernier rappel7 . À chaque rappel, il y a un peu plus de mots qui passent de la mémoire à court terme vers la mémoire à long terme. En outre, la performance au 5e et dernier rappel est souvent identique à celle du rappel différé, considéré comme de la mémoire à long terme. Berryman et coll. (2014renvoi vers) ont exclu la somme des rappels libres de leurs résultats lorsqu’ils ont procédé à une revue systématique de la littérature concernant les effets de la douleur chronique sur les capacités mnésiques à court terme et à long terme (Berryman et coll., 2014renvoi vers).
L’étude des fonctions exécutives s’est étendue à la prise de décision (Walteros et coll., 2011renvoi vers) et aux capacités de planification (Muñoz Ladrón de Guevara et coll., 2018renvoi vers) ; des compétences qui ne sont pas abordées par Bell et coll. (2018renvoi vers). Ainsi, Muñoz Ladrón de Guevara et coll. (2018renvoi vers) ont montré que le pattern de la réponse des patients souffrant de FM au Iowa Gambling Test (IGT), une mesure de la prise de décision, diffère de celui des sujets de contrôle. Les performances augmentent fortement chez les sujets de contrôle alors que cette augmentation est faible et non significative chez les patients. Ces résultats confirment ceux des études précédentes (Walteros et coll., 2011renvoi vers) qui ont montré une courbe d’apprentissage anormale à cette tâche, ce qui suggère une altération de la prise de décision et un apprentissage plus lent chez les patients atteints de FM. Les capacités de planification des patients sont également altérées par rapport à celles des sujets de contrôle à deux des trois tests les évaluant : au Key Search Test et au Zoo Map Task, mais pas au Revised Strategy Application Test. La validité écologique (tâches proches de la vie quotidienne qui se révèlent plus sensibles aux troubles des fonctions exécutives) de ces deux tests serait selon les auteurs, supérieure à celles des tests classiques, ce qui expliquerait ces résultats.
L’étude de Muñoz Ladrón de Guevara et coll. (2018renvoi vers) apporte des arguments supplémentaires en faveur d’une atteinte des fonctions exécutives chez les patients atteints de FM (Muñoz Ladrón de Guevara et coll., 2018renvoi vers). Ces auteurs confirment aussi l’atteinte de la mise à jour de la MdT et celle des capacités d’inhibition, mais leurs résultats ne permettent pas de conclure au regard de la flexibilité cognitive. Enfin, ils soulignent une influence de l’indice de masse corporelle sur l’atteinte des fonctions exécutives des patients atteints de FM (Muñoz Ladrón de Guevara et coll., 2018renvoi vers). En revanche, Fava et coll. (2013) considèrent que c’est la résistance à l’insuline et non l’indice de masse corporelle qui est associée à un risque élevé de détérioration cognitive chez les patients avec un indice de masse corporelle élevé. Le rôle de ces différents facteurs dans la survenue des troubles cognitifs est à considérer dans les études futures (Fava et coll., 2013renvoi vers).
Trois épreuves sont répertoriées par Muñoz Ladrón de Guevara et coll. (2018renvoi vers) comme évaluant la flexibilité cognitive : le Stroop Test Shifting, le Five digits Test Shifting et le nombre de persévérations au Wisconsin Card Sorting Test (Muñoz Ladrón de Guevara et coll., 2018renvoi vers). Toutefois, les auteurs n’ont pas considéré la fluence verbale phonémique et le Ruff Figural Fluency Test, qui sont deux épreuves évaluant pourtant la flexibilité spontanée8 . Les auteurs proposent de discuter les résultats de ces épreuves dans le contexte de la mise à jour de la mémoire de travail. Le déplacement d’une épreuve d’un domaine cognitif à un autre accroît l’hétérogénéité entre les études (voir nos commentaires ci-dessus concernant les limites de la méta-analyse de Bell et coll., 2018renvoi vers). En outre, il est regrettable que cette étude, comme beaucoup d’autres, n’apporte pas d’information sur la sévérité de la FM. Cela pourrait expliquer la présence de déficits au test des similitudes, ce qui est inhabituel chez les patients atteints de FM si l’on considère les résultats des autres études (Walteros et coll., 2011renvoi vers).

L’atteinte cognitive du jeune patient

Peu d’études ont exploré le fonctionnement cognitif des jeunes patients diagnostiqués comme atteints de FM. L’atteinte cognitive est pourtant reconnue comme étant une composante importante du handicap lié à la douleur chronique. Les études rapportent en général des informations concernant l’assiduité et la réussite scolaire de ces patients. Dick et Pillai Riddell (2010renvoi vers) ont réalisé une revue critique de la littérature focalisée sur les fonctions cognitives et le fonctionnement scolaire des jeunes patients avec des douleurs chroniques (Dick et Pillai Riddell, 2010renvoi vers). Parmi les 9 études retenues, seule celle de Bell et coll. (1994renvoi vers) concerne explicitement les jeunes patients diagnostiqués comme atteints de FM (Bell et coll., 1994renvoi vers).
Bell et coll. (1994renvoi vers) ont évalué 8 jeunes filles âgées en moyenne de 12 ans. Elles présentent des douleurs musculaires (8,5 sur une échelle de 10) et des troubles cognitifs importants (6,75 sur une échelle de 10), évalués au moyen d’une échelle visuelle analogique, qui s’ajoutent à d’autres difficultés (non précisées). Les données de cette étude sont exclusivement subjectives, restituées par les participantes. De plus, les différents aspects de l’atteinte cognitive ne sont pas décrits. La petite taille de l’effectif et l’utilisation exclusive d’une échelle visuelle analogique pour évaluer la douleur limitent les conclusions se rapportant à la perception subjective de l’enfant de l’atteinte cognitive.
Sherry et coll. (1991) ont évalué l’efficience intellectuelle d’un échantillon composé de 100 jeunes patients atteints de douleurs musculo-squelettiques chroniques dont l’origine est indéterminée (Sherry et coll., 1991). Seuls 62 % des participants ont réalisé une évaluation de l’efficience intellectuelle au moyen de la Wechsler Intelligence Scale for Children (WISC) révisée, du Wide Range Achievement Test (WRAT) et de la Woodcock-Johnson Psychoeducational Battery (WRAT). Les performances de ces patients se trouvaient dans les limites de la normalité. Sur la base de ces résultats, les auteurs ont conclu qu’il n’y avait pas de raison de croire que les enfants et les adolescents avec des douleurs chroniques étaient à risque de développer un déficit intellectuel. Toutefois, l’efficience intellectuelle n’a pas été évaluée chez tous les participants. De plus, les participants sont grossièrement caractérisés comme ayant des douleurs récurrentes en l’absence d’étiologie organique claire. Koutantji et coll. (1999renvoi vers) ont montré que les enfants inclus dans leur étude, âgés de 10 à 16 ans, souffrant de douleurs musculo-squelettiques (arthrite) présentaient un biais cognitif envers les informations se rapportant à la douleur (Koutantji et coll., 1999renvoi vers). Ces enfants avaient une meilleure mémoire, disproportionnée selon les auteurs, pour les mots ayant un rapport avec la douleur. D’autres auteurs ont examiné le fonctionnement cognitif de jeunes patients atteints de migraine (Buodo et coll., 2004renvoi vers), de douleurs chroniques (Logan et coll., 2008renvoi vers) ou présentant des douleurs abdominales (Boyer et coll., 2006renvoi vers). Ces études montrent que le quotient intellectuel mesuré par des outils tels que la Wechsler Intelligence Scale for Children n’est pas altéré par la douleur chronique. En revanche, il n’y a pas d’information relative au fonctionnement (capacités d’apprentissage, mnésiques ou attentionnelles...) ou au développement cognitif de ces jeunes patients.
Une des raisons possibles au manque de données inhérent à ce domaine de recherche concerne les difficultés méthodologiques se rapportant à l’étude des effets de la douleur chronique sur le fonctionnement cognitif de l’adolescent et surtout de l’enfant étant donné le manque de tests validés et de normes pour examiner cette population. L’essor actuel de la neuropsychologie du développement devrait nous permettre de mieux appréhender les effets de la douleur sur le fonctionnement cognitif du jeune individu. L’étude des capacités cognitives implique nécessairement de se référer aux processus de maturation et de plasticité cérébrale de l’enfant en cours de développement (Billard et Jambaque, 2008renvoi vers). Le manque de professionnels qualifiés présentant des compétences à la fois en neuropsychologie du développement et dans le domaine de la douleur est un frein à l’évaluation de ces jeunes patients.
En résumé, les études concernant le fonctionnement cognitif du jeune patient atteint de douleurs chroniques en général sont très insuffisantes et présentent des faiblesses méthodologiques importantes. Les futures études devront s’employer à utiliser des critères diagnostiques standardisés et des outils de mesure validés pour cette population.

Les comorbidités : facteurs aggravants ?

La performance cognitive des patients atteints de FM est influencée par de nombreux facteurs. Certains sont sans rapport avec la FM, tels que l’âge, le niveau socioculturel ou la motivation alors que d’autres y sont associés. La douleur, les troubles de l’humeur, la fatigue, les troubles du sommeil et le traitement médicamenteux sont autant de facteurs qui ont un rôle potentiel dans la survenue des troubles cognitifs (Glass, 2009renvoi vers).

Les troubles de l’humeur, dépression et anxiété

Landro et coll. (1997renvoi vers) ont considéré que la dépression n’avait pas d’influence sur le fonctionnement cognitif des patients atteints de FM parce qu’ils n’observaient pas de différence significative entre les patients avec ou sans antécédents d’épisode dépressif majeur (Landro et coll., 1997renvoi vers). Glass (2009renvoi vers) a proposé une interprétation différente des résultats de cette étude : le manque de puissance statistique lié à la petite taille de l’effectif ne permettrait pas d’inférer une telle conclusion (Glass, 2009renvoi vers). La taille de l’effectif s’en trouve encore plus réduite lorsque les auteurs scindent leur groupe d’origine en deux en fonction de la présence ou de l’absence d’antécédents d’épisode dépressif majeur chez leurs patients atteints de FM.
Grace et coll. (1999renvoi vers) ont montré que seuls les symptômes anxieux étaient corrélés négativement aux mesures de la mémoire et de la concentration (Grace et coll., 1999renvoi vers). À l’inverse, Sephton et coll. (2003renvoi vers) puis Suhr (2003renvoi vers) ont rapporté des corrélations négatives entre les symptômes dépressifs et les performances mnésiques (Suhr, 2003renvoi vers). Dick et coll. (2008renvoi vers) ont également rapporté une association entre l’altération des fonctions cognitives et les symptômes dépressifs d’une part, et les symptômes anxieux d’autre part (Dick et coll., 2008renvoi vers). En outre, les différences entre les patients atteints de FM et les sujets de contrôle aux épreuves cognitives se sont maintenues même lorsque les auteurs ont ajusté les résultats en fonction de l’intensité des symptômes dépressifs et anxieux.
Au contraire des études précédentes, Park et coll. (2001renvoi vers) ont pris soin d’exclure les patients présentant un épisode dépressif majeur, même s’il s’avère au final que les patients présentaient des symptômes dépressifs et anxieux plus importants que ceux des sujets de contrôle (Park et coll., 2001renvoi vers). Cependant, ni les symptômes dépressifs ni les symptômes anxieux n’étaient corrélés aux performances cognitives. Ce résultat a été corroboré par une étude plus récente qui incluait des épreuves de flexibilité cognitive, d’inhibition et d’attention sélective en plus des épreuves plus traditionnelles visant à évaluer la mémoire épisodique et la vitesse de traitement de l’information (Baudic et coll., 2013renvoi vers). Enfin, Verdejo-García et coll. (2009renvoi vers) n’ont pas trouvé de corrélation entre la détresse émotionnelle et les performances cognitives (Verdejo-García et coll., 2009renvoi vers).
Montoro et coll. (2015renvoi vers) ont testé la rapidité de 45 patientes atteintes de FM à une tâche de calcul mental comparées à 32 sujets de contrôle appariées en fonction de l’âge (Montoro et coll., 2015renvoi vers). Malgré la simplicité de la tâche, les patientes mettaient plus de temps à réaliser les opérations mentales que les sujets de contrôle. Ni les troubles émotionnels ni le traitement médicamenteux n’expliquaient cette lenteur. En revanche, les symptômes dépressifs étaient associés à la lenteur de la réalisation de la tâche à la fois chez les patientes et les volontaires sains. Munguía-Izquierdo et Legaz-Arrese (2008renvoi vers) ont rapporté également une association négative entre l’intensité des symptômes anxieux et les performances cognitives (Munguía-Izquierdo et Legaz-Arrese, 2008renvoi vers). Dans une autre étude, les temps de réaction étaient corrélés à l’intensité des symptômes dépressifs et anxieux (Miró et coll., 2015renvoi vers). Au contraire, Reyes del Paso et coll. (2012renvoi vers) n’ont pas trouvé de corrélations négatives entre les symptômes anxieux et les performances cognitives à une épreuve de calcul mental, mais ils ont noté que les patients anxieux faisaient moins d’erreurs que ceux qui ne l’étaient pas (Reyes Del Paso et coll., 2012renvoi vers). Plus récemment, Gelonch et coll. (2016renvoi vers) ont constaté que les troubles de l’humeur étaient associés à l’altération des épreuves exécutives (Gelonch et coll., 2016renvoi vers). À l’inverse, d’autres études n’ont pas trouvé de corrélation entre les scores de dépression ou d’anxiété et les performances aux épreuves exécutives : Wisconsin Card Shorting Test (Cuevas-Toro et coll., 2014renvoi vers) et Iowa Gambling Task (Walteros et coll., 2011renvoi vers). Muñoz Ladrón de Guevara et coll. (2018renvoi vers) ont obtenu des résultats comparables à un plus large éventail d’épreuves exécutives (Muñoz Ladrón de Guevara et coll., 2018renvoi vers). Seul l’indice d’inhibition du test de Stroop était corrélé au trait anxieux. En outre, l’analyse permettant de comparer les patients atteints de FM en fonction de l’intensité des symptômes dépressifs ou anxieux n’a pas produit de résultats en faveur d’une relation entre ces derniers et les performances exécutives.
Ojeda et coll. (2018renvoi vers) ont comparé trois groupes de patients douloureux chroniques (99 patients avec des douleurs musculo-squelettiques, 51 patients atteints de FM et 104 patients avec douleurs neuropathiques) à 72 sujets contrôles (Ojeda et coll., 2018renvoi vers). La dépression était associée au dysfonctionnement cognitif évalué par un auto-questionnaire (Test Your Memory) dans les groupes de patients atteints de FM ou de douleurs musculo-squelettiques. Les auteurs évoquent deux possibilités pour expliquer l’atteinte cognitive. Celle-ci serait sous-tendue soit par le manque d’effort ou d’intérêt du patient pendant la réalisation de la tâche cognitive, soit par l’influence des symptômes dépressifs sur le traitement cognitif. En revanche, les symptômes anxieux ne semblent pas affecter les performances cognitives des patients atteints de FM dans cette étude.
En résumé, des corrélations importantes ont été rapportées entre l’état dépressif et les troubles cognitifs lorsque la sévérité des symptômes dépressifs était élevée, comme dans le cas d’un épisode dépressif majeur (Kravitz et Katz, 2015renvoi vers). En revanche, les symptômes dépressifs expliquent partiellement les déficits cognitifs ou n’entretiennent pas de relation (Verdejo-García et coll., 2009renvoi vers). Des différences entre les patients atteints de FM et les sujets contrôles apparaissent parce que les effets de la dépression sont dépendants soit du domaine (mémoire, attention et fonctions exécutives) soit de la tâche (exigeante ou pas en ressources attentionnelles) (Borchers et Gershwin, 2015renvoi vers). Au vu de ces résultats, il semblerait que les symptômes dépressifs ou anxieux de faible intensité aient un rôle secondaire par rapport à la douleur dans la survenue des troubles cognitifs des patients atteints de FM.
Les outils utilisés pour évaluer les symptômes dépressifs dans ces études sont nombreux (plus d’une dizaine) et sont différents les uns des autres (Wu et coll., 2018renvoi vers). Les mesures obtenues à ces outils ne sont pas toujours fiables car l’évaluation des symptômes dépressifs est basée sur la perception de soi qui dépend de l’état émotionnel du patient. Or, certains individus s’ignorent en tant que sujet déprimé et d’autres ont tendance à minorer leur état. La tendance à majorer les troubles n’est pas envisagée ici car les personnes ont souvent des difficultés à reconnaître qu’elles sont déprimées. De plus, la plupart des outils utilisés n’ont pas toujours été validés chez le patient douloureux chronique.
Les études actuelles ne fournissent guère d’indication sur l’état dépressif des patients atteints de FM ou sur la présence d’antécédents (durée et nombre des épisodes antérieurs). Cette absence d’information peut expliquer les résultats divergents de la littérature. En effet, il est connu que la récurrence (durée et nombre) des épisodes dépressifs majeurs au cours de la vie est associée à un plus grand nombre de troubles cognitifs chez les patients déprimés sans FM (Gorwood et coll., 2008renvoi vers).

La fatigue chronique

Les patients souffrant de FM considèrent que la fatigue a un retentissement important sur leur fonctionnement cognitif (Oncu et coll., 2013renvoi vers). L’évaluation de la fatigue est associée chez ces patients à la perception d’une atteinte des fonctions cognitives (Williams et coll., 2011renvoi vers). Toutefois, la majorité des études n’établissent pas de lien entre la fatigue et les performances aux tests neuropsychologiques (Reyes Del Paso et coll., 2012renvoi vers).
Teodoro et coll. (2018renvoi vers) ont réalisé une revue systématique de la littérature se rapportant aux résultats cognitifs de trois groupes de patients : 1) atteints de FM, 2) présentant un syndrome de fatigue chronique et 3) atteints de troubles neurologiques fonctionnels (Teodoro et coll., 2018renvoi vers). Ces patients ont plusieurs anomalies cognitives en commun, notamment un déficit de la mémoire et de l’attention. Les auteurs constatent que la fatigue n’a pas un rôle déterminant dans les difficultés cognitives chez les patients avec FM. Dans une autre étude, Schmaling et Betterton (2016renvoi vers) ont privilégié une méthodologie distincte pour évaluer l’effet de la fatigue sur le fonctionnement cognitif (Schmaling et Betterton, 2016renvoi vers). Ils ont comparé la plainte cognitive de patients présentant un syndrome de fatigue chronique avec ou sans FM (43 et 50 patientes, respectivement) et les ont suivis tous les 6 mois sur une période de 18 mois. Les patientes présentant un syndrome de fatigue chronique associé à une FM avaient plus de plaintes se rapportant à la diminution des capacités cognitives et un handicap fonctionnel plus important que les autres patientes. Ces patientes s’amélioraient aussi plus lentement au cours du temps par rapport aux autres patients sans FM concomitante.

Les troubles du sommeil

Les troubles du sommeil qui sont fréquents dans la FM sont aussi associés à la présence de troubles cognitifs (Côté et Moldofsky, 1997renvoi vers). Côté et Moldofsky (1997renvoi vers) ont été les premiers à établir une relation entre l’altération de l’architecture du sommeil et les performances cognitives dans la FM (Côté et Moldofsky, 1997renvoi vers). D’autres études ont confirmé ces résultats en montrant que les troubles du sommeil étaient corrélés aux performances à des épreuves exécutives (Muñoz Ladrón de Guevara et coll., 2018renvoi vers), à la plainte mnésique (Williams et coll., 2011renvoi vers) et prédisaient les performances aux tests de vigilance (Mohs et coll., 2012renvoi vers). En revanche, Dick et coll. (2008renvoi vers) ont montré que les déficits aux épreuves d’attention et de mémoire des patients avec FM persistaient après ajustement des résultats en fonction de la qualité et de la durée du sommeil. D’autres n’ont pas trouvé de corrélation entre les troubles du sommeil et les performances cognitives (Verdejo-García et coll., 2009renvoi vers). Muñoz Ladrón de Guevara et coll. (2018renvoi vers) ont récemment montré que l’hypersomnie était inversement corrélée au score total du Iowa Gambling Task9 . Toutefois, cette corrélation négative ne concernait que le score total du Iowa Gambling Task parmi un ensemble d’autres épreuves évaluant plusieurs aspects des fonctions exécutives : la mise à jour, la flexibilité, l’inhibition, la prise de décision et la planification. La somnolence au cours de la journée a quant à elle été corrélée au faible nombre des réponses correctes à la tâche de calcul mental (Montoro et coll., 2015renvoi vers), mais n’était pas associée au Go/NoGo, une épreuve qui permet d’évaluer les capacités d’inhibition.
Les troubles du sommeil auraient donc une influence limitée sur le fonctionnement cognitif. Toutefois, la qualité du sommeil ressentie par les patients peut moduler la relation entre la douleur et la détresse émotionnelle d’une part et le fonctionnement journalier d’autre part, retentissant ainsi sur l’état de santé général et modifiant au final le fonctionnement cognitif (Bertolucci et de Oliveira, 2013renvoi vers). Ces études soulignent la nécessité d’évaluer les troubles du sommeil de manière plus qualitative que quantitative (Muñoz Ladrón de Guevara et coll., 2018renvoi vers).

L’effort cognitif

Quelques auteurs ont évoqué la possibilité que les troubles cognitifs chez les patients atteints de FM soient le reflet d’un moindre effort lors de la réalisation des tests neuropsychologiques (Suhr, 2003renvoi vers). En effet, les patients douloureux chroniques (y compris la FM) ne peuvent consacrer autant d’effort que les volontaires sains aux tests neuropsychologiques à cause de la douleur, de la fatigue, des effets indésirables du traitement ou par manque de motivation, pensant qu’ils ne pourront pas réaliser la ou les tâches correctement. Cela peut être aussi une tentative d’éviter « de penser trop fortement » par crainte d’occasionner de la douleur, particulièrement chez les patients atteints de migraine. La peur de la douleur entraîne un évitement des tâches cognitives (Ojeda et coll., 2016renvoi vers).
Bar-On Kalfon et coll. (2016renvoi vers) ont montré que l’effort cognitif est sous-optimal chez 16 % (n = 50) des patientes atteintes de FM (Bar-On Kalfon et coll., 2016renvoi vers). Lorsque la variable « effort cognitif » est contrôlée, il n’y a plus de différences aux scores de mémoire, mais les scores d’attention et de rapidité du traitement de l’information restent faibles. Des analyses de régression multiple ont été réalisées pour évaluer le rôle de l’effort cognitif, mais aussi celui de la douleur, de la fatigue et de la dépression dans la survenue des troubles cognitifs. Les résultats de cette étude ont montré que seul l’effort cognitif rend compte de la survenue des troubles cognitifs (mémoire, fonctions exécutives, attention et vitesse du traitement de l’information) (Bar-On Kalfon et coll., 2016renvoi vers).
Suhr (2003renvoi vers) a montré que les performances des patients atteints de FM étaient comparables à celles des sujets contrôles aux tests cognitifs lorsque les participants présentant un effort cognitif moindre, mesuré au moyen du test de validité de la performance, étaient exclus de l’étude (Suhr, 2003renvoi vers). Le test de validité de la performance, censé refléter l’effort cognitif des participants, est basé sur les performances de la mémoire épisodique au test du « Auditory Verbal Learning Test ». En revanche, Montoro et coll. (2015renvoi vers) n’ont pas identifié de patients susceptibles au sein de leur effectif (45 patientes) de faire preuve d’un moindre effort lors de la réalisation des tests cognitifs (Montoro et coll., 2015renvoi vers).
Certains auteurs anglo-saxons établissent un lien entre la reconnaissance du handicap et un moindre effort cognitif aux tests en cas de litige, ce qui sous-entend que les patients dans cette situation ne peuvent pas s’améliorer avant que les tribunaux n’aient statué sur leur situation (Gervais et coll., 2001renvoi vers). Les recherches dans ce domaine sont encore limitées et les résultats sont à considérer avec prudence car les patients atteints de FM comme les sujets contrôles échouent à ce test de validité de performance. En outre, ce test peut produire un nombre élevé de « faux positifs », à savoir désigner à tort des participants comme faisant preuve d’un moindre effort cognitif (Johnson-Greene et coll., 2013renvoi vers).

Les traitements médicamenteux associés

Les patients atteints de FM peuvent être sous traitement antidépresseurs (amitriptyline, duloxetine, milnacipran), antiépileptiques (gabapentin, pregabalin) ou analgésiques (tramadol, opioïdes) au long cours. La plupart des études qui évaluent l’effet des traitements sur le fonctionnement cognitif présentent des petits effectifs composés de patients qui prennent différents types de médicaments, ce qui complique la détection d’un éventuel effet de la classe du médicament et le rend presque impossible à contrôler statistiquement. Quand l’effet du traitement est pris en compte, les études prises dans leur ensemble produisent des résultats contradictoires, les unes en faveur et les autres contre un effet délétère du traitement sur le fonctionnement cognitif (Cherry et coll., 2014renvoi vers).
Seo et coll. (2012renvoi vers) n’ont pas trouvé de différence entre les patients atteints de FM sous traitement antidépresseur et ceux sans traitement aux épreuves de mémoire de travail (Seo et coll., 2012renvoi vers). Des résultats comparables sont rapportés par plusieurs auteurs (Montoro et coll., 2015renvoi vers). Toutefois, les auteurs ne mentionnent pas quels types d’antidépresseurs sont prescrits aux patients. Les quelques études qui ont évalué les effets du milnacipran et de la duloxetine, deux antidépresseurs utilisés pour traiter la douleur chronique, n’ont pas montré d’effet délétère sur le fonctionnement cognitif (Kim et coll., 2013renvoi vers). Dans une autre étude, les auteurs ont montré que les répondeurs à la duloxetine étaient améliorés au test d’attention après 7 jours de traitement alors que les non-répondeurs ne l’étaient pas (Schmidt et coll., 2017renvoi vers). Il est à noter que Kim et coll. ont été subventionnés par un laboratoire pharmaceutique.
Des résultats contradictoires ont été observés dans le cas d’une utilisation d’opioïdes. Alors que la plupart des études montrent l’existence d’un effet délétère des opioïdes sur le fonctionnement cognitif, Reyes del Paso et coll. (2012renvoi vers) ont trouvé que les patients sous opioïdes avaient de meilleures performances à une tâche de calcul mental comparés aux patients qui n’utilisaient pas ces médicaments (Reyes Del Paso et coll., 2012renvoi vers). Dick et coll. (2008renvoi vers) ont également conclu que l’utilisation des opioïdes améliore le fonctionnement cognitif (Dick et coll., 2008renvoi vers). Il est cependant important de noter que ce n’était pas le cas dans leur étude antérieure (Dick et coll., 2002renvoi vers). On peut supposer que les opioïdes administrés pour traiter la douleur ont contribué à réduire son intensité, ce qui a entraîné une amélioration des fonctions cognitives.
L’interruption brutale du traitement quelques semaines avant l’évaluation des fonctions cognitives, comme cela est réalisé dans certaines études, pour s’affranchir des effets du traitement sur le fonctionnement cognitif, peut aussi altérer ce dernier et ainsi biaiser les résultats (Borchers et Gershwin, 2015renvoi vers).

Plainte cognitive du patient souffrant de fibromyalgie

Les cliniciens se sont principalement intéressés au traitement de la douleur et n’ont porté que peu d’attention à la plainte des patients se rapportant à l’expérience d’une diminution des capacités cognitives, probablement parce que les troubles cognitifs dans la FM ne sont pas perceptibles lors de l’examen médical. Nous avons vu précédemment que les patients atteints de FM sont capables de canaliser leurs ressources, les difficultés apparaissant lorsqu’ils doivent maintenir leurs efforts ou lorsqu’ils doivent gérer les interférences (distraction qui vient interrompre le déroulement d’une tâche en cours).
Lorsque l’on interroge séparément les médecins et les patients et qu’on leur demande d’évaluer l’importance des symptômes communément associés à la FM, les médecins classent les troubles cognitifs au 10e rang d’importance après la douleur, la fatigue, l’humeur et les effets indésirables du traitement (Mease, 2005renvoi vers). Seuls 21 % d’entre eux considèrent qu’il est essentiel d’évaluer les troubles cognitifs dans les essais cliniques. Lorsque les patients sont interrogés, ils classent les troubles cognitifs au 5e rang d’importance après la douleur en général, les douleurs articulaires, la fatigue et les troubles du sommeil (Mease et coll., 2008renvoi vers). Dans une autre étude, les auteurs ont interrogé via internet 2 569 patients (Bennett et coll., 2007). Ceux-ci ont considéré que la raideur, la fatigue, le sommeil non réparateur, la douleur, les problèmes de concentration et de mémoire étaient les symptômes les plus préoccupants, suggérant une nouvelle fois que les troubles cognitifs sont au cĹ“ur de leurs inquiétudes. Au moins 76 % des patients atteints de FM rapportent des problèmes de concentration, des oublis et une confusion mentale ou encore se plaignent de l’ensemble de ces symptômes (Katz et coll., 2004renvoi vers). La moitié d’entre eux évalue la sévérité de ces symptômes comme étant au moins égale à 6 sur une échelle allant de 0 à 10 (Rutledge et coll., 2009renvoi vers).
Les travaux de recherche se rapportant à la plainte du patient atteint de FM sont présentés ici selon un ordre chronologique, allant des plus anciens aux plus récents, ce qui nous permet de suivre l’évolution des travaux de recherche. Cela est d’autant plus facile que les études consacrées à la plainte du patient sont peu nombreuses, représentant une poignée par rapport au nombre important des études consacrées au fonctionnement cognitif. La plainte (sentiment, expérience ou perception subjective d’une diminution ou d’une atteinte des capacités cognitives), encore appelée symptômes cognitifs (Teodoro et coll., 2018renvoi vers) ou plainte subjective (Gelonch et coll., 2017renvoi vers), est évaluée au moyen d’auto-questionnaires qui demandent à la personne de porter une appréciation sur le fonctionnement de ses capacités cognitives à l’instant présent ou par rapport à un fonctionnement antérieur (avant le syndrome). Le score est comparé aux performances obtenues aux tests neuropsychologiques réalisés conjointement. La plainte est considérée en fonction de la performance réalisée aux tests neuropsychologiques, elle est en général créditée lorsque les résultats des tests sont altérés. La plainte est majeure, mais les résultats des études suggèrent que les patients surestiment leurs difficultés cognitives (Teodoro et coll., 2018renvoi vers).

Ressenti d’une diminution des capacités mnésiques et attentionnelles

Grace et coll. (1999renvoi vers) ont été les premiers à examiner directement et méthodiquement la plainte mnésique des patients atteints de FM (Grace et coll., 1999renvoi vers). Les auteurs ont utilisé le Memory Observation Questionnaire ou MOQ, pour évaluer la plainte se rapportant à la perception d’une diminution des capacités mnésiques et attentionnelles (Humphrey et coll., 1991renvoi vers). Le score de la plainte a été comparé aux performances réalisées par les patients aux épreuves de mémoire à court et à long terme (verbale, visuelle, immédiate et différée), d’attention et de concentration. Les résultats ont montré que les patients avaient le sentiment que leurs capacités mnésiques étaient inférieures à celles des volontaires sains. Ce sentiment n’a pas été confirmé par les résultats aux tests neuropsychologiques car les patients avaient des performances comparables à celles des sujets contrôles. Les auteurs en ont conclu que les patients ont à tort estimé qu’ils avaient des difficultés mnésiques et attentionnelles.
À l’inverse, Glass et coll. (2005renvoi vers) estiment que les patients atteints de FM évaluent correctement leurs difficultés mnésiques (Glass et coll., 2005renvoi vers). L’évaluation de la plainte mnésique mesurée par le Metamemory In Adulthood (MIA) était corrélée aux performances à une épreuve de mémoire (Dixon et coll., 1988renvoi vers). Le score total des patients à cette épreuve était inférieur à celui des sujets contrôles appariés par l’âge. Les patients comparés aux sujets contrôles avaient le sentiment d’utiliser un plus grand nombre de stratégies pour étayer leur mémoire, d’avoir une moins bonne stabilité de leurs capacités mnésiques et un moins bon contrôle de leur mémoire. Ils étaient aussi plus anxieux à propos de leur mémoire, plus motivés à réaliser de bonnes performances et avaient le sentiment que leurs capacités mnésiques étaient inférieures à celles des contrôles. En revanche, leur connaissance du fonctionnement de leur mémoire était comparable à celle des sujets contrôles appariés par l’âge.
Landro et coll. (2013renvoi vers) ont évalué la contribution des symptômes dépressifs dans l’élaboration de la plainte mnésique (Landro et coll., 2013renvoi vers). Les participants répartis en trois groupes de patients avec douleur (douleurs diffuses dont la FM, douleurs localisées et douleurs neuropathiques) ont complété un questionnaire de plainte mnésique et attentionnelle (Everyday Memory Questionnaire (EMQ) ; Sunderland et coll., 1983renvoi vers) et ont réalisé une batterie de tests évaluant différents aspects du fonctionnement cognitif. Vingt pour cent de l’ensemble des patients atteints de douleur chronique présentaient une altération aux tests cognitifs (< 1,5 SD). Les tests cognitifs étaient pour la plupart corrélés au sentiment d’une diminution des capacités mnésiques et attentionnelles. Ce sentiment était plus important chez les patients atteints de FM et chez ceux atteints de douleur neuropathique comparés aux patients présentant une douleur chronique localisée. La plainte mnésique et attentionnelle de l’ensemble des trois groupes de patients douloureux chroniques évaluée par le EMQ était corrélée au score de dépression et aux différents scores du test de Stroop (lecture, dénomination, interférence et flexibilité). La seconde série d’analyses tenant compte de l’intensité des symptômes dépressifs a montré que le sentiment d’une diminution des capacités mnésiques et attentionnelles était corrélé uniquement aux scores d’interférence et de flexibilité du test de Stroop. Landro et coll. ont conclu que la plainte relative au sentiment d’une diminution de la mémoire et de l’attention était sous-tendue par un déficit cognitif réel, plus surement que ce qui avait été envisagé auparavant, notamment parce que les précédentes études n’avaient pas cherché à contrôler l’effet des symptômes dépressifs, qui sont apparemment associés à la plainte (Landro et coll., 2013renvoi vers).

L’expérience d’une diminution générale des capacités cognitives

Les auteurs ont proposé aux patients atteints de FM de compléter des auto-questionnaires plus généraux, s’étendant à plusieurs domaines du fonctionnement cognitif. Williams et coll. (2011renvoi vers) ont utilisé le Multiple Abilities Self-Report Questionnaire (MASQ) pour évaluer l’expérience subjective d’une diminution des capacités cognitives chez les patients (Williams et coll., 2011renvoi vers). Cet outil évalue cinq domaines cognitifs : le langage, les capacités visuo-perceptives, la mémoire verbale et visuelle et l’attention/concentration (Seidenberg et coll., 1994renvoi vers). Les patients ont aussi complété des questionnaires évaluant la fatigue, les troubles du sommeil et de l’humeur. L’expérience subjective d’une diminution des capacités cognitives était plus importante chez les patients que chez les volontaires sains et concernait l’ensemble des domaines cognitifs du MASQ. Toutefois, la plainte était fortement reliée à la mémoire verbale, l’attention/concentration et le langage. Les analyses multivariées montrent que la fatigue, les troubles du sommeil et de l’humeur prédisaient le score de chaque domaine cognitif du MASQ (tableau 11.VIIIrenvoi vers).

Tableau 11.VIII Facteurs contribuant à la perception d’une diminution des capacités cognitives aux sous-scores du Multiple Abilities Self-Report Questionnaire (MASQ ; d’après Williams et coll., 2011renvoi vers)

Facteurs cliniques
Domaine cognitif perçu comme altéré
Résultats
R2
Distribution corporelle de la douleur
Fatigue
Trait anxieux
Langage
F [3, 68] 9,70
P < 0,0001
0,30
Fatigue
Trait anxieux
Nombre de symptômes
Capacités
visuo-perceptives
F [3, 68] 8,18
P < 0,0001
0,27
Somnolence
Trait dépressif
Nombre de symptômes
Mémoire verbale
F [3, 68] 7,67
P < 0,0001
0,25
Ronflement
Somnolence
Trait anxieux
Mémoire visuelle
F [3, 68] 9,06
P < 0,0001
0,29
Fatigue
Trait dépressif
Attention / concentration
F [2, 69] 12,29
P < 0,0001
0,26

R2 indique la proportion de variance estimée par le modèle statistique, qui est le rapport entre la variance expliquée et la variance totale.

Il s’avère que la douleur n’intervient que peu dans l’expérience subjective d’une atteinte des capacités cognitives. En revanche, les troubles de l’humeur sont impliqués de manière significative dans les cinq modèles de régression. Les troubles du sommeil participent uniquement à la perception d’une diminution des capacités mnésiques tandis que la fatigue est associée à tous les sous-scores du MASQ, exception faite de la mémoire (verbale et visuelle). Pour les auteurs, la perception d’une diminution des capacités cognitives ne serait pas liée aux comorbidités de manière égale, mais serait influencée par des combinaisons de symptômes. Une des limites de l’étude de Williams et de ses collaborateurs concerne l’impact éventuel des médicaments. En effet, les auteurs n’ont pas contrôlé la prise de médicaments lors de l’évaluation des troubles cognitifs. De plus, les modèles de régression n’expliquent que 30 % de la variance observée. Cela suggère qu’il y a d’autres facteurs qui sont impliqués. Enfin, la stabilité des modèles de régression peut être remise en cause en raison de la petite taille de l’effectif (72 patients).
McAllister et coll. (2016renvoi vers) ont confirmé partiellement les résultats de cette étude à partir d’un plus grand nombre de patients atteints de FM (n = 681), dont la gravité évaluée au moyen du FIQ était modérée à sévère (McAllister et coll., 2016renvoi vers). Une fois encore, les patients avaient une perception de la diminution de leurs capacités cognitives plus importante que celle des sujets de contrôle. Quarante pour cent d’entre eux avaient un score supérieur ou égal à 2 écarts-types par rapport aux sujets de contrôle à tous les domaines cognitifs du MASQ, exception faite de la perception visuelle. Contrairement aux résultats de Williams et coll. (2011renvoi vers), la sévérité de la douleur était fortement impliquée dans la perception subjective d’une atteinte des fonctions cognitives (Williams et coll., 2011renvoi vers). Celle-ci prédisait les scores de perception visuelle, de mémoire verbale et visuo-spatiale, d’attention/concentration en association avec d’autres facteurs tels que l’âge, la fatigue générale, l’anxiété, la dépression et les troubles du système nerveux autonome (augmentation du rythme cardiaque, de la pression artérielle...). La perception d’une atteinte des capacités cognitives est, comme pour l’étude de Williams et coll. (2011renvoi vers), le reflet de plusieurs combinaisons de facteurs dont le contenu varie d’un domaine cognitif à l’autre. Les troubles du système nerveux autonome ont un rôle majeur dans l’étude de McAllister et coll. (2016renvoi vers) car ils prédisent les scores du langage, de la mémoire (verbale et visuelle) et de l’attention, à savoir les scores de quatre des cinq domaines cognitifs du MASQ.
Tesio et coll. (2015renvoi vers) ont utilisé un autre questionnaire, le Functional Assessment of Cancer Therapy-Cognition Scale (FACT-Cog 2 ; Wagner et coll., 2009) pour évaluer l’expérience subjective d’une atteinte des fonctions cognitives (Tesio et coll., 2015renvoi vers). Ce questionnaire, développé initialement pour les patients atteints d’un cancer et traités par chimiothérapie, est composé de 50 items. Ceux-ci sont répartis en 7 domaines : l’acuité mentale, la concentration, la mémoire verbale et non verbale, la fluence verbale, l’interférence fonctionnelle, le sentiment que les déficits sont remarqués par les autres personnes, et l’impact sur la qualité de vie. La perception d’une diminution des capacités cognitives était plus importante chez les patients atteints de FM que chez les volontaires sains (Tesio et coll., 2015renvoi vers). Cette perception était amplifiée chez les patients présentant les formes les plus sévères de la FM (Burckhardt et coll., 1991renvoi vers). Les patients atteints de FM avaient aussi le sentiment que leurs difficultés cognitives étaient perçues par les autres. La perception de la diminution des capacités cognitives était faiblement corrélée aux scores des épreuves évaluant la mémoire de travail (empans de chiffres envers) et les fonctions exécutives (Trail Making test-B). Le FACT-Cog comme la plupart des outils utilisés n’a pas été validé chez les patients atteints de FM (Ojeda et coll., 2016renvoi vers). De plus, les auteurs font un parallèle excessif entre le fibrofog et le chemofog (atteinte cognitive liée au traitement par chimiothérapie) pour justifier l’utilisation de cet outil, sans considérer la spécificité éventuelle de l’atteinte cognitive du patient atteint de FM par rapport à celle du patient atteint d’un cancer traité par chimiothérapie.
Walitt et coll. (2016renvoi vers) ont émis l’hypothèse qu’il est possible de dissocier les mécanismes cérébraux se rapportant à l’évaluation subjective d’une atteinte des capacités cognitives de ceux se rapportant à la performance cognitive, mesurée à partir d’une épreuve de mémoire de travail (Walitt et coll., 2016renvoi vers). Les auteurs ont évalué l’activité cérébrale durant la réalisation de la tâche cognitive, à savoir le n-back, une tâche de mise à jour de la mémoire de travail. La perception subjective d’une atteinte des capacités cognitives a été évaluée au moyen du MASQ. Les résultats ont montré que les patients atteints de FM avaient des scores inférieurs à ceux des sujets contrôles aux différents domaines cognitifs à cet auto-questionnaire. En outre, il n’y avait pas de différence significative entre les patients et les sujets contrôles à la tâche du n-back, quelle que soit la condition (0-back vs 2-back)10 . Les temps de réaction des deux groupes étaient comparables pour les deux conditions du n-back (0-back vs 2-back). L’évaluation subjective du fonctionnement cognitif était corrélée aux performances à la tâche de mémoire de travail chez les volontaires sains uniquement. Enfin, les difficultés cognitives perçues par les patients atteints de FM étaient corrélées positivement à la sévérité de leurs symptômes. En ce qui concerne l’activité cérébrale durant la réalisation de la tâche cognitive, les auteurs ont montré qu’il n’y avait pas de différence de contraste (2-back > 0-back) significative entre les deux groupes. Ceux-ci notent cependant une association positive entre la réponse BOLD et l’exactitude de la réponse à la condition 2-back de la tâche chez les volontaires sains, mais pas chez les patients atteints de FM. Le sentiment accru d’une altération des fonctions cognitives évaluée par le MASQ était corrélé à la réduction de la réponse BOLD au sein des deux groupes, mais celle-ci concernait un plus grand nombre de régions cérébrales chez les patients atteints de FM par rapport à ce qui était observé chez les volontaires sains. Les auteurs ont conclu que la perception d’une diminution des capacités cognitives caractérise mieux l’atteinte cognitive des patients atteints de FM que l’évaluation objective réalisée au moyen des tests neuropsychologiques.
Gelonch et coll. (2017renvoi vers) ont évalué la fréquence de la plainte, la participation éventuelle des variables démographiques, cliniques et psychologiques dans la survenue de la plainte et ont analysé les relations entre plainte et mesures aux tests neuropsychologiques (Gelonch et coll., 2017renvoi vers). Ils ont utilisé le Memory Failures of Everyday (MFE ; Sunderland et coll., 1983renvoi vers) pour évaluer la plainte des patients atteints de FM. Cet instrument cible les problèmes se rapportant à la mémoire, à l’attention, au langage (récupération des mots et planification du langage) et aux fonctions exécutives. L’étude a été réalisée chez 105 patientes atteintes de FM dont la gravité est considérée comme étant modérée à sévère pour 97 % d’entre elles. Les patientes présentent des symptômes dépressifs (81,9 %), des troubles anxieux (70 %) et certaines sont à la fois déprimées et anxieuses (68,6 %). Plus de 82 % d’entre elles ont une plainte et 99 % considèrent qu’elles ont une piètre qualité de sommeil. Les patientes dans leur majorité (89 %) prennent un traitement pharmacologique (analgésiques et anti-inflammatoires non stéroïdiens : 66 % ; benzodiazépines : 48 % ; opioïdes : 21 %). Les auteurs ont trouvé une forte association entre d’une part la plainte et les troubles de l’humeur (symptômes dépressifs et anxieux), et d’autre part entre la plainte et la sévérité de la FM. Cette dernière était également corrélée à la condition physique et à la piètre qualité du sommeil. L’analyse a montré que les symptômes dépressifs, la mise à jour de la mémoire de travail et les activités physiques journalières étaient fortement associés à la plainte de manière indépendante. Les auteurs de ce travail ont conclu que la plainte est fréquente chez les patients atteints de FM et qu’il est nécessaire de quantifier davantage ce phénomène.

L’expérience subjective d’une atteinte des fonctions exécutives

Gelonch et coll. (2016renvoi vers) ont émis l’hypothèse d’une altération aux mesures objectives et subjectives des fonctions exécutives chez les patients atteints de FM comparés aux volontaires sains. L’expérience subjective d’une atteinte des fonctions exécutives a été évaluée par le Behavior Rating Inventory of Executive Function – Adult Version (BRIEF-AD ; Roth et coll., 2005renvoi vers). Cet outil permet d’identifier les difficultés rencontrées dans la vie quotidienne qui sont attribuées à l’atteinte des fonctions exécutives. Les résultats des analyses ont montré que les symptômes dépressifs ont une influence importante dans la survenue des troubles aux épreuves exécutives (test de Stroop) et participent fortement à la perception d’une atteinte des fonctions exécutives rapportée par le BRIEF-AD (Gelonch et coll., 2016renvoi vers). Les auteurs ont conclu que ces deux aspects de la mesure du fonctionnement exécutif étaient distincts en l’absence de corrélation entre les outils. Les tests neuropsychologiques seraient selon eux trop restrictifs au contraire du BRIEF-AD, qui évalue différents aspects de la vie quotidienne. Ces aspects ne peuvent être appréhendés par la seule mesure du test de Stroop.
En résumé, la plainte se rapportant à la diminution des capacités cognitives est fréquente dans la FM (82 % des patients avec FM d’intensité modérée à sévère ; Gelonch et coll., 2017renvoi vers). La plainte retentit sur la qualité de vie de la personne, sur son bien-être et son fonctionnement journalier et témoigne de la détresse du patient (5e rang au classement après la douleur, la fatigue et les troubles du sommeil). La performance à une épreuve de reconnaissance qui teste la mémoire est basée soit sur la certitude soit sur l’impression vague que l’item a déjà été présenté. La performance peut être la même, mais la personne qui agit selon son impression aura moins confiance en ses capacités cognitives.
Les patients atteints de FM ne sont pas les seuls patients à présenter une plainte se rapportant à la perception d’une diminution des capacités cognitives. Selon Schmaling et Betterton (2016renvoi vers), 75 % des patients présentant un syndrome de fatigue chronique ont l’expérience d’une diminution des capacités mnésiques et 86,6 % d’entre eux ont le sentiment de présenter des difficultés d’attention et de concentration (Schmaling et Betterton, 2016renvoi vers). La comorbidité fréquente entre la FM et le syndrome de fatigue chronique peut majorer la plainte. Une étude récente a montré que les patients présentant des douleurs chroniques résultant d’un traumatisme cervical (whiplash, ou « coup du lapin ») avaient, comme les patients atteints de FM, l’expérience d’une diminution des capacités cognitives plus importante que les volontaires sains évalués par le questionnaire de plainte cognitive modified Perceived Deficits Questionnaire ou mPDQ (Lenoir et coll., 2018renvoi vers).
La perception subjective d’une diminution des capacités cognitives n’est pas corrélée de manière significative à la performance cognitive chez les patients atteints de FM (Grace et coll., 1999renvoi vers). Cette absence de corrélation ne leur est pas spécifique : elle est également présente chez les patients présentant un autre syndrome douloureux (Roth et coll., 2005renvoi vers), une affection chronique autre que la douleur (Svendsen et coll., 2012renvoi vers) ou chez le sujet âgé (Balash et coll., 2013renvoi vers). Selon Williams et coll. (2011renvoi vers), la perception d’une diminution des capacités cognitives est conceptuellement différente de la performance cognitive, ce qui explique l’absence de corrélation entre les deux (Williams et coll., 2011renvoi vers). Selon Gelonch et coll. (2016renvoi vers), les mesures des tests neuropsychologiques seraient trop restrictives par rapport aux évaluations des auto-questionnaires (Gelonch et coll., 2016renvoi vers). La perception d’une atteinte cognitive impliquerait de nombreux aspects en plus de la performance, et ces aspects ne peuvent être appréhendés par une mesure objective unique. L’absence de corrélation entre la plainte et les performances aux tests neuropsychologiques s’explique selon Tesio et coll. (2015renvoi vers) par le manque d’opérationnalité de la définition du concept testé (Tesio et coll., 2015renvoi vers). Les tests neuropsychologiques et les auto-questionnaires n’englobent pas le même niveau de définition, et par conséquent, ne peuvent pas être significativement corrélés. Il est important de noter que la plupart des outils mentionnés ici n’ont pas été développés ni validés spécifiquement chez les patients avec douleurs chroniques (y compris FM), ce qui est regrettable car on obtient de meilleurs résultats aux outils qui sont spécifiques de la population étudiée par rapport à ceux provenant d’outils utilisant des items plus généraux (Hertzog et coll., 2000renvoi vers ; Ojeda et coll., 2016renvoi vers). Par exemple, les outils spécifiques des patients atteints de FM tels que mPDQ sont plus sensibles (Lenoir et coll., 2018renvoi vers).
La plainte cognitive est très souvent associée à l’intensité des symptômes dépressifs (Gelonch et coll., 2016renvoi vers), à la gravité de la FM (Williams et coll., 2011renvoi vers) et rarement au fonctionnement physique journalier (Gelonch et coll., 2017renvoi vers). Certains préconisent d’utiliser les outils d’évaluation de la plainte cognitive chez les patients souffrant de FM dans le dépistage des troubles cognitifs, en amont du bilan neuropsychologique, plus long et réservé aux spécialistes du domaine. Des études de validation d’outils d’évaluation de la plainte cognitive permettant de mesurer les fonctions cognitives aisément et de manière fiable sont en cours (Kratz et coll., 2015renvoi vers). D’autres auteurs concentrent leurs efforts sur le développement d’outils neuropsychologiques de dépistage (Rodríguez-Andreu et coll., 2009renvoi vers).

La « dyscognition » : un symptôme de la douleur
ou de la fibromyalgie ?

L’intensité de la douleur est un facteur déterminant de la sévérité des troubles cognitifs chez les patients atteints de FM (Glass, 2009renvoi vers). Selon Borchers et Gershwin, la douleur rend compte de la presque totalité des troubles de l’attention et de la lenteur du traitement de l’information (Borchers et Gershwin, 2015renvoi vers). Dick et coll. (2008renvoi vers) ont montré que les différences entre les patients atteints de FM et les sujets de contrôle disparaissaient au sous-test de l’attention sélective du Test of Everyday Attention lorsque l’intensité de la douleur était prise en compte par l’analyse statistique (Dick et coll., 2008renvoi vers). Miró et coll. (2011renvoi vers) ont constaté que les corrélations entre la douleur et les performances cognitives apparaissent lorsque l’on tient compte de la douleur au moment de l’évaluation neuropsychologique et non de son intensité moyenne au cours de la semaine écoulée (Miró et coll., 2011renvoi vers). Coppieters et coll. (2015renvoi vers) rapportent l’existence de fortes corrélations entre les performances cognitives et différentes mesures de la sensibilisation centrale chez les patients atteints de FM, mais pas chez les patients présentant un traumatisme cervical ni chez les volontaires sains (Coppieters et coll., 2015renvoi vers). Les troubles de la mémoire de travail et de l’attention sélective étaient significativement corrélés aux scores de sommation temporelle tandis que les troubles de l’attention soutenue étaient corrélés à une moindre efficacité des mécanismes endogènes de modulation de la douleur. Dans une autre étude réalisée par la même équipe, Ickmans et coll. (2015renvoi vers) ont montré que l’inhibition cognitive était corrélée à la capacité à inhiber la douleur chez les patients présentant un syndrome de fatigue chronique associé à une FM (Ickmans et coll., 2015renvoi vers). Ces patients présentaient également un abaissement significatif des seuils de douleur à la pression et une sommation temporelle amplifiée. Ces modifications n’étaient pas observées chez les patients présentant uniquement un syndrome de fatigue chronique ou chez les sujets contrôles. Cette étude montre que l’association entre les performances cognitives et les mesures de la sensibilisation centrale ne s’observe que chez les patients présentant un syndrome de fatigue chronique concomitant à une FM.
Teodoro et coll. (2018renvoi vers) ont recueilli les données de la littérature relative à l’atteinte cognitive de trois populations distinctes : des patients atteints de FM, des patients présentant un syndrome de fatigue chronique et des patients atteints de troubles neurologiques fonctionnels, notamment les crises psychogènes non-épileptiques11 (Teodoro et coll., 2018renvoi vers). L’ensemble de ces patients ont en commun de présenter des troubles cognitifs fonctionnels. L’analyse minutieuse des données de la littérature montre que ces trois groupes présentent un pattern d’altérations cognitives comparable constitué par des oublis, une sensibilité aux distractions, et une difficulté à trouver les mots. Ces symptômes cognitifs seraient sous-tendus par des troubles attentionnels (attention sélective, attention partagée, lenteur du traitement de l’information). Les oublis refléteraient une vulnérabilité accrue aux distractions qui perturbent la mémorisation. Selon les auteurs, cette atteinte cognitive fonctionnelle serait fréquemment corrélée à la douleur chronique chez les patients atteints de FM.
En résumé, une relation étroite subsiste entre l’intensité de la douleur et la sévérité de l’atteinte cognitive aux épreuves évaluant la mémoire implicite, l’attention soutenue, la mémoire de travail et les fonctions exécutives dans la FM (Glass et coll., 2005renvoi vers). Les déficits cognitifs sont en général plus corrélés à l’intensité de la douleur qu’aux autres symptômes de la FM tels que l’insomnie, les symptômes dépressifs ou l’anxiété (Napadow et coll., 2010renvoi vers). Ces résultats suggèrent que ces facteurs ont un rôle secondaire par rapport à la douleur dans la survenue des troubles cognitifs, un constat que l’on peut faire pour l’ensemble des patients avec douleurs chroniques (Moriarty et coll., 2017renvoi vers).

L’évolution des troubles cognitifs à long terme

Une seule étude de cohorte a été réalisée dans ce domaine (Tzeng et coll., 2018renvoi vers). Un total de 41 612 patients atteints de FM (nouvellement diagnostiqués selon les critères ACR 1990 et les critères de l’International Classification of Diseases, 9th Revision), âgés de plus de 50 ans, ont été sélectionnés entre janvier et décembre 2000. Chaque patient sélectionné a consulté au moins trois fois en raison de la FM au cours de cette période. Les patients atteints de FM ont été appariés à 124 836 sujets contrôles en fonction de l’âge et du sexe et indexés sur l’année. Les auteurs ont comparé le risque de développer une démence12 au cours des 10 années de suivi après ajustement de l’analyse statistique en fonction de facteurs confondants13 tels que l’âge, les comorbidités, lieu de résidence... Le risque de développer une démence a été défini à partir d’une précédente étude de cohorte qui a permis d’identifier les comorbidités associées à ce risque telles que l’hypertension, l’hypercholestérolémie, les pathologies cardiovasculaire (cf. Tzeng et coll., 2018renvoi vers pour la liste exhaustive des comorbidités associées au risque de développer une démence). Les comorbidités associées au risque de développer une démence sont identifiées à l’aide du code CIM-9-CM et classifiées à l’inclusion. Tous les participants ont été suivis à partir du début de l’étude jusqu’à la survenue de la démence, le retrait du programme National Health Insurance en juin 2009 ou la fin de l’année 201014 . Les résultats révèlent que 1 704 des 41 612 patients atteints de FM (soit 21,23 pour 1 000 personnes par an) ont développé une démence. Ce rapport est légèrement plus faible chez les sujets contrôles, qui était de 18,94 pour 1 000 personnes par an. Les auteurs concluent que la FM est associée à un risque plus élevé (2,77 fois) que les sujets contrôles d’évoluer vers une démence au cours des 10 années de suivi. Ce risque tient compte de l’existence de facteurs tels que l’âge, le sexe, les comorbidités, le niveau d’urbanisation du lieu de résidence (densité de la population allant de 1, la plus élevée, à 4, la plus faible), la localisation géographique du lieu de résidence (nord, centre, sud et est de Taiwan) et le salaire mensuel. Cette étude observationnelle suggère l’existence d’une association, et non celle d’une causalité, entre la FM et le risque de démence. Les auteurs soulignent qu’il existe des limites à leur étude, notamment celle concernant l’absence de données relatives à la sévérité de la FM. Par conséquent, il n’a pas été possible d’examiner l’influence de la gravité de la FM sur le risque d’évoluer vers une démence. En outre, le traitement des patients n’a pas été considéré dans l’analyse ni même le niveau socioculturel ou le statut marital. Bien que seules les démences nouvellement diagnostiquées aient été incluses dans le suivi longitudinal, il n’est pas exclu que certains participants aient développé une FM après le début du déclin cognitif. Des études supplémentaires sont donc nécessaires pour explorer l’évolution des troubles cognitifs des patients atteints de FM.

Troubles cognitifs et prise en charge

Les solutions qui peuvent être apportées pour améliorer le fonctionnement cognitif des patients sont à définir car il y a peu de données concernant cette question. Des propositions se rapportant à une prise en charge médicamenteuse et rééducative des troubles cognitifs ont été envisagées. Dick et Rashiq (2007renvoi vers) n’ont pas montré d’amélioration du fonctionnement cognitif après injection d’analgésique local de courte durée (Dick et Rashiq, 2007renvoi vers). Munguía-Izquierdo et Lagaz-Arrese (2008renvoi vers) ont montré que l’activité physique adaptée (exercices dans l’eau chaude) amélioraient plusieurs des symptômes de FM, y compris les fonctions cognitives dont la mémoire de travail, la mémoire épisodique et la mémoire sémantique (Munguía-Izquierdo et Legaz-Arrese, 2008renvoi vers). Après 16 semaines de traitement, les patients du groupe exercices dans l’eau s’amélioraient significativement à toutes les épreuves tandis que le second groupe de patients, « privés d’activité physique adaptée », ne montraient pas ces améliorations. Cherry et coll. ont montré que l’activité physique (mesures objectives de la performance physique) est fortement associée aux capacités cognitives des patients atteints de FM (Cherry et coll., 2009renvoi vers). Ainsi, plus les performances physiques évaluant la force, la flexibilité, l’équilibre et la mobilité fonctionnelle sont élevées et meilleures sont les performances cognitives aux épreuves de mémoire de travail, de flexibilité et d’attention. Plus récemment, Martinsen et coll. (2018renvoi vers) ont montré que l’activité physique adaptée, pratiquée sur une période d’une durée de 15 semaines, réduisait les symptômes de la FM et améliorait la vitesse du traitement cognitif au Stroop Color Word test (Martinsen et coll., 2018renvoi vers). En revanche, l’activité physique n’avait pas d’effet sur l’analgésie induite par une distraction ou sur le seuil de douleur à la pression.
Les méthodes de rééducation cognitive des patients avec douleurs chroniques impliquent des stratégies qui ciblent soit les facteurs qui ont vraisemblablement une action dans la survenue des déficits cognitifs (traitement médicamenteux, troubles de l’humeur ou troubles du sommeil) soit directement le fonctionnement cognitif (voir Baker et coll., 2017renvoi vers pour une description détaillée des approches). Les approches qui permettent d’optimiser directement le fonctionnement cognitif sont restauratrices ou compensatrices. L’approche réparatrice est basée sur le principe que l’exercice peut restaurer une fonction compromise tandis que l’approche compensatrice est quant à elle centrée sur l’utilisation de stratégies internes et d’aides extérieures pour circonvenir les troubles d’une fonction.
Enfin, Santos et coll. (2018renvoi vers) ont testé les effets de 8 séances de stimulation transcrânienne à courant continu (tDCS) d’une intensité de 2 mA, appliquées au niveau du cortex préfrontal dorsolatéral chez 40 patientes atteintes de FM (Santos et coll., 2018renvoi vers). Les patientes ont également effectué un entraînement cognitif à la réalisation d’une tâche de mémoire de travail (dual n-back) pendant 20 min. Les mesures de la mémoire de travail étaient réalisées pendant la tDCS. Les auteurs ont également procédé à une évaluation des performances cognitives de la mémoire épisodique (rappel libre et différé), de la fluence verbale et de la mémoire de travail avant et après la tDCS. La tDCS couplée à l’entraînement cognitif à la tâche de la mémoire de travail a permis aux patientes du groupe « stimulation active » d’améliorer leurs performances aux épreuves de fluence verbale (catégorielle et phonémique) et à l’épreuve de mémoire à court terme (empans chiffres à restituer à l’endroit) par rapport à celles du groupe « stimulation sham ». La combinaison des deux techniques (tDCS et entraînement cognitif) a permis d’induire des effets spécifiques sur les fonctions cognitives (mémoire à court terme, fonctions exécutives et mémoire à long terme). Malgré la lourdeur de la procédure, le couplage de ces deux techniques présente une pertinence clinique, notamment si elles sont utilisées en appui d’un programme de rééducation cognitive. D’autres auteurs ont choisi le reconditionnement cognitif. Ainsi, Leavitt et Katz (2009renvoi vers) ont montré que la répétition de la tâche de rappel en condition interférente aide les patients à surmonter l’effet des distractions à une tâche de mémoire verbale (Leavitt et Katz, 2009renvoi vers). Reste à déterminer l’effet à long terme de ces approches, non évalué dans ces études.

Conclusion

Les troubles cognitifs ont été pris en considération dans les critères diagnostiques de la FM de l’American College of Rheumatology de 2010 et 2016, de même que dans le questionnaire de dépistage FIRST dans l’item « Mes douleurs ont un retentissement important dans ma vie : en particulier, sur mon sommeil, ma capacité à me concentrer avec une impression de fonctionner au ralenti » (Wolfe et coll., 2010renvoi vers). Malgré leur importance, l’identification et la caractérisation des troubles cognitifs en pratique clinique restent très insuffisantes en raison notamment de l’absence de formation des généralistes ou même des spécialistes de la douleur à l’évaluation neuropsychologique, souvent considérée comme difficile et réservée aux spécialistes du domaine.
Malgré la diversité des résultats et la petite taille des effectifs étudiés, il est possible de conclure que les patients atteints de FM présentent une altération du fonctionnement cognitif. L’atteinte cognitive la plus forte concerne la mise à jour de la mémoire de travail et les capacités d’inhibition (attention sélective et résistances aux interférences). Les troubles mnésiques n’interviennent qu’en situation d’interférence, c’est-à-dire lorsqu’une information distrayante vient interrompre la tâche en cours. Ces compétences recrutent d’importantes ressources attentionnelles, qui sont par ailleurs engagées dans les mécanismes d’hypervigilance se rapportant à la douleur. Les ressources attentionnelles ne seraient alors plus disponibles en quantité suffisante pour réaliser les tâches cognitives (1re hypothèse) ou seraient majoritairement redirigées vers l’information se rapportant à la douleur, perturbant ainsi le traitement cognitif (2de hypothèse). Cette « capture de l’attention » au profit de la douleur est soutenue par les études d’imagerie fonctionnelle cérébrale qui montrent qu’il existe des chevauchements partiels entre les circuits cérébraux impliqués dans le traitement (sensoriel et affectif) de la douleur et de la cognition.
Les déficits cognitifs sont en général plus corrélés à l’intensité de la douleur qu’aux symptômes dépressifs et anxieux, aux troubles du sommeil, à la fatigue ou encore à l’effort cognitif, ce qui suggère que ces facteurs ont un rôle secondaire comparé à la douleur dans la survenue des troubles cognitifs. En revanche, la sévérité de la FM n’a pas été suffisamment prise en compte dans la survenue des troubles cognitifs. Les patients les plus sévèrement atteints sont aussi ceux qui rapportent le plus de difficultés cognitives.
Bien qu’il retentisse sur la qualité de vie et l’autonomie de la personne, le sentiment d’une diminution des capacités cognitives a été moins bien étudié. Il concerne 82 % des patients et est au premier plan, à savoir au 5e rang d’importance après la douleur en général, les douleurs articulaires, la fatigue et les troubles du sommeil. Le sentiment d’une diminution des capacités cognitives est peu ou pas corrélé aux performances cognitives car il impliquerait plusieurs aspects de la vie quotidienne qui ne peuvent pas être appréhendés par une mesure objective qui est le reflet de la performance du sujet évalué à une épreuve cognitive unique.
Des études supplémentaires sont nécessaires pour définir l’évolution des troubles cognitifs et la nature exacte de l’altération cognitive chez l’adulte et chez le jeune, le « parent pauvre » de ce domaine de recherche, et mettre en place des programmes adaptés pour la prise en charge de ces troubles qui font partie intégrante de la FM.

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