2008


ANALYSE

10-

Stratégies fondées sur la définition de zones à risque habitat

La plupart des activités de dépistage en France s’inscrivent dans une stratégie de repérage individuel des enfants à partir d’un questionnaire sur les facteurs de risque individuels (figure 10.1Renvoi vers). Cette activité est menée dans une zone où le risque habitat a été estimé élevé, soit par une connaissance historique d’une forte prévalence d’intoxications (premières années du dépistage parisien mené par la PMI), soit à la suite d’études des caractéristiques de l’habitat dans une entité géographique (département ou commune) ayant conduit à désigner une zone prioritaire (c’est le cas de départements de province démarrant une activité de dépistage). Le questionnaire individuel utilisé a parfois été réduit à une seule question sur la date de construction de l’habitation (Yvelines, 1995). Un dépistage systématique des enfants de la zone à risque a été parfois proposé (Belfort, 2003). Certains acteurs ont mis en œuvre une évaluation environnementale individuelle des immeubles de la zone à risque (visite et analyse du plomb dans les parties communes par un technicien sanitaire), cette évaluation débouchant sur une proposition de dépistage lorsque l’immeuble est jugé à risque.

Méthodes utilisées pour le ciblage des zones à risque

Les méthodes utilisées pour cibler les zones d’habitat à risque ont été plus ou moins sophistiquées. Dans les débuts du dépistage mené à Paris, le ciblage était fait en fonction des connaissances qu’avaient les acteurs de santé des caractéristiques de l’habitat et des conditions d’occupation des logements par les familles. Les données du recensement général de la population (RGP) ont ensuite été utilisées pour avoir une approche structurée sur une zone géographique. Les items utilisés ont été principalement les dates de construction des logements (antérieures à 1948 ou à 1915), le confort (s’appuyant sur l’existence de WC intérieur, baignoire ou douche et chauffage central), la suroccupation, la part de jeunes enfants dans la population, la taille des logements, les niveaux de revenus.
Figure 10.1 Entrées par zones à risque habitat
À Paris (Falcoff et coll., 1995renvoi vers), une cartographie du risque fondée sur le taux de logements antérieurs à 1949, le taux de logements antérieurs à 1949 sans confort, le taux de logements de 5 pièces et plus et le nombre de logements sans confort par îlot de recensement, servit de base pour le choix de la zone d’étude pour une action de dépistage par les médecins libéraux (étude Simel 2), qui montra une plus faible prévalence du saturnisme dans la clientèle de ces médecins par rapport à la clientèle des services de PMI.
Dans le Rhône, suite aux résultats de l’enquête DGS-Démoscopie de 1992, le plan de lutte contre le saturnisme élaboré en 1993 prévoyait au préalable la définition de secteurs géographiques prioritaires d’intervention. La cartographie élaborée fin 1993 par l’Agence d’urbanisme de la région lyonnaise visait les logements inconfortables antérieurs à 1915 et à 1948. Au final, plus de 6 000 logements construits avant 1915, sans confort (niveau 1 des critères Insee) ont été retenus. Néanmoins, ce projet initial – qui prévoyait l’examen de chaque immeuble inclus dans l’étude et la présence d’enfants de moins de 7 ans indiquée par les organismes sociaux du quartier – fut trop lourd et complexe à mettre en place à l’échelle du département. Ce dépistage avec entrée « par le logement » fut donc abandonné au profit d’un dépistage avec entrée « par l’enfant », semblable à celui de l’enquête Démoscopie. Ce type de dépistage fut poursuivi par le service de PMI et permit de repérer un grand nombre d’enfants intoxiqués (de 1992 à octobre 1995 : 630 enfants dépistés dont 352 intoxiqués avec comme référence une plombémie à 100 µg/l) (Fredouille, 1996renvoi vers).
Dans les Yvelines, la première campagne de dépistage du saturnisme infantile, réalisée de novembre 1994 à décembre 1995, ciblait les enfants habitant dans les 23 communes du département comportant plus de 1 000 logements antérieurs à 1949 (Schützenberger et coll., 1995renvoi vers). Dans ces communes, les quartiers anciens ont été repérés par la Ddass en liaison avec les mairies. Le dépistage des enfants était réalisé par les services de PMI et la santé scolaire, lors des bilans de 4 et 6 ans, la seule question posée étant la date de construction du logement. Cette enquête avait permis la mise en évidence du problème : 10,6 % des enfants avaient une plombémie ≥ 100 µg/l ; n=1 011).
Dans les Hauts-de-Seine (Conseil général des Hauts-de-Seine et coll., 1999renvoi vers), une cartographie réalisée en 1999 était fondée sur le nombre de logements antérieurs à 1949 suroccupés par îlot de recensement, l’objectif de cette cartographie étant la mobilisation des médecins libéraux pour le dépistage. Malgré une distribution de cartes relativement précises à chaque médecin, accompagnée d’un dépliant d’information sur le saturnisme, cette action n’entraîna pas d’augmentation significative du volume du dépistage, ni en médecine de ville, ni en PMI ; cet élément de communication n’a pas été suffisant pour surmonter les nombreux blocages qui existaient alors pour le dépistage du saturnisme.
Après la publication de la loi de 1998 relative à la lutte contre les exclusions et ses décrets d’application, qui rendaient obligatoires les Erap (État des risques d’accessibilité au plomb) dans des zones à risque définies par les Préfets, les Ddass et les DDE ont cherché des méthodes pour définir ces zones à risque. Les données du RGP ont ainsi été utilisées dans ce cadre : en Bretagne par exemple, le Cete (Centre d’études techniques de l’équipement) a réalisé en 2002 une cartographie fondée sur la date de construction des immeubles, le niveau de confort sanitaire et le nombre de logements vacants, avec une maille communale (source Rese, Réseau d’échanges en santé environnementale) ; un indice de risque a été calculé par commune, 386 communes étant considérées comme ayant un indice de risque global fort ou très fort sur un total de 1 200 communes bretonnes ; cette étude a débouché sur un zonage partiel du département des Côtes-d’Armor pour l’application des Erap.
Dans le territoire de Belfort, le Cete de l’Est a réalisé en 2002 une étude plus complexe dans le même objectif (Clauss, 2007renvoi vers). Il a procédé à une analyse en composantes principales (ACP) à partir de 156 variables issues du RGP 1999 fournies par l’Insee au niveau géographique de l’Iris1 . Ce travail aboutissait à regrouper les variables en 6 facteurs : périurbain/urbain, personnes âgées/logements anciens/familles nombreuses, niveau d’éducation scolaire, jeunes couples et jeunes enfants, ruralité, petits ménages/familles. Des scores attribués aux différents facteurs permettaient de classer les ilôts Iris dans quatre classes de risque. Parallèlement, ont été réalisés des entretiens avec différents acteurs : Ddass, chambre des notaires, office départemental d’HLM, agence d’urbanisme, centre d’amélioration du logement, chambre des métiers, chambre des entrepreneurs, caisse d’allocations familiales, fonds de solidarité logement (FSL), confédération syndicale des familles, services du Conseil général (RMI, points d’accueil solidarité), service communal d’hygiène et de santé et centre communal d’action sociale de la ville de Belfort… La conclusion générale de ce travail était qu’aucune zone du département ne présentait de concentration suffisante d’immeubles anciens en mauvais état pour qu’elle puisse être considérée d’office comme zone à risque plomb, mais en revanche, que les immeubles à risque étaient « pour leur majorité, à un titre ou à un autre, connus ». Le rapport préconisait plutôt d’organiser un signalement systématique au Préfet des immeubles présentant un risque d’accessibilité au plomb plutôt que de réaliser une cartographie du risque. Un arrêté de zonage de l’ensemble du département a toutefois été pris par le Préfet en décembre 2003 et un dépistage du saturnisme a été lancé en 2003-2004 à partir d’une zone déterminée en couplant la proportion d’habitat ancien et la proportion d’enfants en bas âge (voir plus loin).
À Châtellerault, le dépistage organisé en 2003-2004 était ciblé dans certains quartiers en fonction de la proportion d’habitat ancien (voir plus loin).

Sélection et recrutement des enfants

La sélection et le recrutement des enfants se font en consultations de PMI, bilans de santé (PMI, Santé scolaire), et par l’information des médecins libéraux de la zone… Il n’y a généralement pas de dépistage systématique pratiqué : les médecins utilisent un questionnaire individuel sur lequel figurent les différents facteurs de risque et prennent leur décision au cas par cas.
Une évaluation du risque par mesure du plomb dans les parties communes des immeubles de la zone à risque pour décider de l’opportunité du dépistage a été parfois menée. Cette méthode a été utilisée de façon expérimentale dans trois communes des Hauts-de-Seine en 1995 (Barbery Courcoux et coll., 1996renvoi vers) ; les parties communes des immeubles collectifs étaient visitées par un technicien sanitaire qui pratiquait une série d’analyses des peintures par fluorescence X ; dans les immeubles jugés à risque (environ les 2/3), les parents étaient contactés en porte à porte par un médecin vacataire pour leur proposer un dépistage. À Aubervilliers (Ginot et coll., 1995renvoi vers; Ginot, 1995renvoi vers), l’évaluation préalable des immeubles est utilisée de façon pérenne pour proposer le dépistage aux enfants habitant les immeubles jugés à risque. Ce type de dépistage rejoint la recherche d’adresses à risque (voir présentation plus approfondie dans le chapitre relatif aux stratégies basées sur la recherche d’adresses à risque).

Examen détaillé de quelques campagnes de dépistage

Les campagnes de dépistage menées à Châtellerault, Belfort et Roubaix sont présentées ici.

Campagne de dépistage à Châtellerault 2003-2004

Le département dispose depuis novembre 2001 d’un comité technique plomb (Comité technique plomb et Ddass de la Vienne, 2004renvoi vers).
Le nombre d’enfants de moins de 6 ans habitant un logement construit avant 1948 dans le département était de 7 500 soit 29 % de cette population (RGP, 1999)2 . D’après les estimations de l’expertise Inserm (1999), 350 cas de saturnisme infantile étaient attendus dans le département ; 30 cas ont été révélés depuis 1998, et depuis 2002, plus de 2 800 logements disposant d’un état des risques d’accessibilité au plomb (Erap) positif avaient été identifiés.

Expériences antérieures

Une enquête prospective à Poitiers en 1998-1999 (Macaigne-Sinnaeve, 1998renvoi vers) avait comparé l’exposition d’une population témoins (80 enfants de 3 mois à 15 ans fréquentant les urgences pédiatriques du CHU) et une population ciblée sur la précarité et la vétusté du logement (56 enfants vivant en centre ville de Poitiers, âgés de 1 mois à 15 ans et fréquentant les permanences de Médecins du monde). Un cas de saturnisme a été dépisté dans la population témoin et 11 cas de saturnisme dans la population ciblée (27 cas>50 µg/l).
Le repérage du plomb dans l’habitat ancien réhabilité d’un office HLM (PLAI) en 2000-2001 avait permis de cibler une population précaire identifiée dans les enquêtes de 1998. L’expertise de 93 logements (PLAI) a mis en évidence que 65 % présentaient des revêtements au plomb, et 41 % une accessibilité au plomb (dégradation) ; 30 % des logements ont fait l’objet d’une notification de travaux en raison de la présence de mineurs et d’une mise en sécurité et un nouveau cas de saturnisme a été révélé.

Principe de la campagne de dépistage 2003-2004

Il s’agissait d’un dépistage ciblé organisé sur la base du volontariat dans la deuxième ville du département (plus de 35 000 habitants), disposant d’un service d’hygiène et dont le centre historique fait l’objet d’une Opération programmée d’amélioration de l’habitat (Opah). Le dépistage biologique s’adressait aux enfants de 1-7 ans ayant au moins un facteur de risque et résidant dans « la zone de dépistage prioritaire ».
La « zone de dépistage prioritaire » était définie par 3 quartiers historiques à forte concentration (de 50 à 70 %) en immeubles construits avant 1948. Huit écoles et trois crèches susceptibles d’accueillir des enfants résidant dans le secteur prioritaire (d’après la carte scolaire) ont participé au dispo-sitif.
Une plombémie gratuite était prescrite, après entretien, lors du bilan de santé des enfants de 3 ans (PMI), de la visite scolaire (IA) ou de la visite d’entrée en crèche (CCAS). L’étalement des bilans de santé s’est fait sur l’année scolaire 2003-2004. Un médecin coordonnateur assurait une permanence de 2 demi-journées par semaine sur deux sites d’information à proximité des écoles, pour répondre aux sollicitations des parents et professionnels.
Les prélèvements étaient réalisés au choix des parents dans l’un des deux laboratoires locaux, et les dosages de plombémie étaient centralisés au laboratoire de biochimie du CHU de Poitiers. Parallèlement à cette action, une évaluation de danger était organisée aux domiciles des assistantes maternelles situés dans la zone prioritaire ainsi qu’auprès des personnes, jugées en situation précaire, connues des services de PMI et dont les enfants n’étaient pas scolarisés.
Le retour d’information était assuré par le médecin coordonnateur et une enquête environnementale était prévue le cas échéant.

Organisation de la campagne de dépistage 2003-2004

Cette action s’est construite grâce à un large partenariat formalisé par 5 conventions (générale, techniques et financières). Le dispositif s’articulait autour d’un protocole technique élaboré par le Comité technique plomb de la Vienne (CTP).
Le Comité régional et départemental d’éducation pour la santé (Cres), en qualité de porteur de projet, était le maître d’œuvre administratif et financier de la campagne. À ce titre, il a réalisé les appels à subventions nécessaires à la constitution du budget, procédé au recrutement du médecin coordonnateur mis à la disposition de l’État et fourni du temps de chargé de projet.
Un Comité local de suivi (CLS), animé par le médecin coordonnateur recruté, a été chargé de la mise en œuvre de la campagne.
La Ddass a assuré la coordination administrative et financière du dépistage et la présidence du CTP et du CLS.
La mise en place de l’action a nécessité plus de 6 mois de préparation et s’est étalée sur environ 8 autres mois (9 réunions du CTP, 7 réunions CLS, 15 réunions d’information).

Dépenses et financement

Le budget initial de la campagne était fixé à 39 025 euros équivalents aux dépenses à engager pour 300 dépistages et l’organisation de l’action (publicité, mi-temps du médecin coordonnateur…). Au final, 75 % des crédits alloués ont été engagés pour une dépense totale de 29 327 euros portant le coût de l’action à 488 euros par enfant dépisté. La mise à disposition de personnels et de locaux par les différents participants n’a pas été prise en compte. L’origine des fonds provenait de l’appel à projet Drass-Urcam et de crédits DGS pour l’organisation, de financements par la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) et la Mutualité sociale agricole (MSA) pour les prélèvements et analyses.

Résultats et mesures d’accompagnement

Au cours de cette campagne, 394 enfants ont été vus en consultation (dont 185 habitant la zone de dépistage prioritaire) ; 113 plombémies (pour 310 enfants habitant dans un logement construit avant 1948 en zone prioritaire d’après Insee-RGP, 1999) ont été prescrites, dont 60 ont été effectivement réalisées : aucun cas de saturnisme n’a été dépisté.
Six enfants avaient une plombémie supérieure à 50 µg/l et inférieure à 99 µg/l.
Sur les 40 visites de logements (enquêtes environnementales, contrôle du logement des assistantes maternelles, signalements des PMI, signalements du médecin coordonnateur) effectuées, 15 diagnostics de risque ont été portés par un opérateur agréé, ce qui a donné lieu à 7 notifications de travaux suivis de 6 réalisations (il n’y avait plus de situation d’urgence dans le dernier cas).

Observations

Ces résultats sont modestes en regard des estimations qui laissaient prévoir entre 2 % et 10 % de cas de saturnisme à révéler dans l’échantillon selon que le dépistage est ciblé ou non. Compte tenu des résultats obtenus, la campagne de dépistage n’a pas été étendue aux autres communes de la Communauté d’agglomération du Pays Châtelleraudais.

Quelques enseignements

Une attention particulière pendant le déroulement de la campagne doit être assurée afin que chaque étape conduisant de la découverte, par chaque famille, du danger présenté par le plomb jusqu’à l’accomplissement de l’acte de prélèvement sanguin sur l’enfant, se déroule sans écueil (réappropriation du danger, compréhension des enjeux et des solutions à apporter). Les procédures à mettre en œuvre doivent être simples et claires pour chaque acteur et des référents identifiés en cas de difficultés.
Le dispositif de dépistage a certaines limites qui ont été mises en évidence au cours de cette campagne. Les enfants non scolarisés et les tranches d’âge non visées par le contact médical institutionnel échappent à la sollicitation. Le taux de réalisation des prélèvements prescrits est très largement « personne dépendante » et les parents qui se manifestent sont déjà les plus sensibilisés par la qualité de leur environnement.
La campagne de dépistage pourrait être améliorée par la description des personnes incluses mais non dépistées ce qui permettrait de discuter la possibilité de l’existence de cas non identifiés dans ce sous-échantillon. La taille de l’échantillon est-elle suffisante ? Le site choisi est-il adéquat ?
L’expérience n’a pas été étendue à d’autres communes. Cependant, cinq nouveaux cas de saturnisme, inclus dans le même secteur géographique, ont été dépistés dans les 2 ans qui ont suivi la campagne et trois signalements ont été transmis par des médecins généralistes ou pédiatres. Les causes d’intoxication suspectées sont : l’activité de ferraillage, des travaux d’intérieurs après acquisition d’un logement ancien, et un pica développé dans un logement faiblement dégradé. Ces situations correspondent à 3 types de « populations cibles » différents.

Campagne de dépistage à Belfort 2003-2004renvoi vers

Depuis la mise en place de la déclaration obligatoire du saturnisme infantile, aucun cas n’avait été déclaré dans le Territoire de Belfort. Dans la perspective d’évaluer la réalité du risque d’intoxication par le plomb dans le département, il avait été décidé de mettre en place une campagne de dépistage du saturnisme infantile fondée essentiellement sur le risque habitat. Cette campagne a été pilotée par le pôle de compétence santé-bâtiment du Territoire de Belfort. Un comité de pilotage spécifique a été mis en place associant les principaux acteurs concernés par la problématique. Un protocole de fonctionnement de la campagne de dépistage a été rédigé : il avait pour objet de justifier la démarche, de préciser le rôle de chaque intervenant, de définir le déroulement précis de la campagne (période, population cible, modalités concrètes de réalisation du dépistage, règlement des aspects financiers…).
Pour le choix des zones à risque, les résultats de l’étude de hiérarchisation des zones à risque de plomb commanditée au Centre d’études techniques de l’équipement de l’est (Cete) ont été utilisés. Suite à cette étude, le Comité de pilotage a établi une zone prioritaire de dépistage en croisant la proportion d’habitats anciens par commune ou par quartier et la présence de ménages avec enfants en bas âge. Neuf communes ont été retenues en partie ou en totalité comme zone de dépistage.
Le dépistage a été proposé dans le cadre du bilan de santé de 3 ans. Ce bilan de santé est réalisé classiquement par le service de PMI du Conseil général du Territoire de Belfort, dans les écoles maternelles. À l’issue d’un entretien prenant appui sur un questionnaire rempli avec les parents et enfants, les médecins de la PMI proposent un dépistage aux enfants scolarisés dans les écoles maternelles des communes à risque. Le dépistage est proposé systématiquement, le questionnaire étant destiné à l’analyse des facteurs de risque en lien avec la plombémie.

Résultats

Sur l’ensemble des communes concernées, 462 enfants pouvaient bénéficier du dépistage ; 435 enfants (94 %) ont bénéficié d’un entretien avec proposition de plombémies, 189 plombémies (43,5 % des prescriptions) ont été réalisées. Les parents devaient emmener l’enfant à l’hôpital de Belfort. Pour les écoles situées hors de Belfort et qui ne jouxtent pas la ville, des puéricultrices hospitalières ont réalisé les prélèvements sanguins directement à l’école.
Aucun cas de saturnisme n’a été dépisté et 7 plombémies entre 50 µg/l et 99 µg/l (dont 2 >80 µg/l) ont été mises en évidence. La participation à la campagne de dépistage a été supérieure à celle attendue par le comité de pilotage (35 %). Ce dépistage était peu sélectif au niveau individuel.

Campagne de dépistage à Roubaixrenvoi vers

Un programme de dépistage du saturnisme a démarré à Roubaix en septembre 2000, financé dans le cadre du Programme régional d’accès à la prévention et aux soins (Praps) puis du Programme régional d’action en santé environnement (Prase). Il était porté par le Centre hospitalier de Roubaix.
Ses objectifs étaient de « repérer de façon systématique les cas de saturnisme infantile dans la ville de Roubaix et de gérer le risque lié à l’habitat en organisant le partenariat entre les différents acteurs ».
La coordinatrice de ce projet a mis en place un comité de pilotage et a développé un important travail de sensibilisation des médecins libéraux, des services de PMI et de santé scolaire et des travailleurs sociaux (création d’une boîte à outils pour les travailleurs sociaux). Une plaquette d’information pour les familles a été réalisée. La ville de Roubaix a participé à cette action et s’est dotée d’un appareil de mesure du plomb des peintures. Une prise en charge à 100 % au titre de l’ALD a été obtenue pour les enfants ayant une plombémie ≥ 100 µg/l.
Le dépistage du saturnisme a été développé de différentes façons : dépistage lors de consultations par les médecins libéraux (30 sur 100 prescrivaient en 2004), bilan des enfants de 4 ans par la PMI, bilan des enfants de 5 ans par la Santé scolaire, repérage de familles à risque par les travailleurs sociaux qui en informent la coordonnatrice du projet, courrier type du médecin-inspecteur de la Ddass à destination du médecin traitant remis à la famille par le technicien du service santé environnement de la Ddass en cas de rencontre d’habitats présentant un risque plomb, diagnostic environnemental dans les écoles par le Service communal d’hygiène et de santé (SCHS) de la ville.
Les résultats du dépistage sont donnés dans le tableau 10.I.

Tableau 10.I Résultats de la campagne de dépistage de Roubaix

Année
Nombre total de plombémies réalisées
Nombre de nouveaux enfants dépistés
Cas de saturnisme
2001
335
277
13
2002
213
163
11
2003
180
117
20
Selon la coordonnatrice du projet, le rendement relativement élevé de cette action de dépistage était lié à un bon ciblage des familles habitant des logements à risque, à partir des visites des travailleurs sociaux ou des techniciens sanitaires. Ce type de ciblage, en raison de la connaissance des zones d’habitat par ces professionnels, se rapproche fortement du ciblage par définition de zones à risque.
Cette action a ensuite été élargie à d’autres villes du département, notamment Valenciennes.
En conclusion, l’efficacité des stratégies de dépistage fondées sur la définition de zones géographiques à risque d’exposition au plomb est inégale et globalement faible. Ces méthodes légitimement basées sur des éléments raisonnés (ancienneté du bâti, niveau de confort, vétusté des quartiers…) pèchent par le manque de puissance des outils de repérage, trop imprécis pour quantifier un degré de risque individuel, au sein de chaque logement. Ces stratégies apparaissent également fragilisées par un mode d’inclusion des familles dans le dépistage qui privilégie, in fine, l’autoévaluation du risque, y compris lors de la mise en place d’un questionnaire.
En revanche, lorsqu’il est pratiqué, le dépistage initié à la suite d’un repérage du plomb dans le logement s’avère plus efficace. Toutefois, les facteurs de réussite sont des facteurs limitants : nécessitant du matériel, plus lourd et plus complexe à mettre en œuvre, cette pratique n’est pas extensible à l’échelle d’un département et cantonne les expérimentations à des périmètres limités, le plus souvent autour de cas index.
Il semble finalement qu’une amélioration d’efficacité puisse être atteinte en couplant la détermination a priori de zones géographiques à risque et la connaissance (de terrain) de la présence effective du plomb à une échelle plus fine.

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