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Med Sci (Paris). 35: 5–6.
doi: 10.1051/medsci/2019046.

Une ère nouvelle, à construire ensemble

Laurence Tiennot-Herment1*

1Présidente de l’AFM-Téléthon, 1, rue de l’internationale91002Évry, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Congrès comme sujet, Comportement coopératif, Programme clinique, France, Histoire du 20ème siècle, Histoire du 21ème siècle, Humains, Maladies musculaires, Sociétés médicales, Traitements en cours d'évaluation, organisation et administration, normes, histoire, thérapie, tendances, méthodes

 

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L’AFM-Téléthon a fêté son 60e anniversaire dans le cadre de la Grande Fête des Familles, le 15 septembre 2018, soit le lendemain de la Journée de Recherche Clinique « Innovation thérapeutique et parcours de soins ». C’est en effet dès 1958 que Mme Yolaine de Kepper a créé, avec d’autres familles de malades, l’AFM. C’était alors l’acronyme d’Association Française pour la Myopathie. Elle était maman de sept enfants, dont quatre fils atteints de la myopathie de Duchenne. Pour autant, elle fut présidente de notre association de 1958 à 1981.

Trois générations de familles de malades se sont succédées depuis. Elles ont, nous avons, des points communs et des préoccupations partagées qui constituent notre moteur associatif. Cet ADN qui nous caractérise peut se résumer en quelques mots clés. L’urgence de la maladie évolutive. La mort aux trousses, une sentence peut-être un peu moins présente aujourd’hui. Le refus de la fatalité. La volonté de soigner, de guérir et surtout de faire reculer les frontières de la maladie. Cette volonté a donné naissance au partenariat fort qui lie depuis près de 30 ans notre association et les experts médicaux ou paramédicaux investis dans nos maladies neuromusculaires. Cette collaboration est parfois chargée d’échanges et de débats passionnés. Nous ne sommes pas toujours d’accord. Nos tutelles sont différentes. Celles de l’AFM-Téléthon, ce sont les malades et les parents de malades. Nos contraintes et nos rythmes sont également différents. En revanche, nous partageons les mêmes objectifs.

Cette année anniversaire est l’occasion de rappeler quelques temps forts de nos rencontres au cours des dernières décennies. Dans les années 1990 à 2000, nous avons travaillé ensemble, à l’occasion de Journées Cliniques, sur des thématiques comme l’orthopédie, la gastroentérologie, la ventilation ou encore la stomatologie. Tous ces sujets restent d’actualité avec l’arrivée des thérapies innovantes, comme reste d’actualité la pluridisciplinarité, thème des Journées Jean Demos organisées en 2002. Ces mêmes journées étaient consacrées en 2005 à l’élaboration de recommandations après les premières labellisations des Centres de Référence puis, en 2007, au diagnostic, à la prise en charge et à l’émergence de projets de recherche clinique. En 2009, les Journées de Recherche Clinique avaient pour thème les recommandations, l’harmonisation des pratiques et une nouvelle fois l’émergence des projets cliniques. Les Journées de Réflexion Clinique de 2012 étaient centrées sur les urgences dans les maladies neuromusculaires.

Ce petit rappel de notre histoire commune me donne l’opportunité de partager avec vous quelques messages essentiels. Le premier d’entre eux est un immense merci pour votre engagement aux côtés des familles et votre investissement dans les pathologies neuromusculaires. Nos maladies sont lourdes, complexes, chroniques, évolutives et parfois mortelles. Elles demandent beaucoup de temps de consultation et d’accompagnement. Elles ont des répercussions familiales importantes. Elles nécessitent une approche particulière, pluridisciplinaire. Bien plus souvent que vous ne le souhaiteriez, vous devez annoncer à nos familles que la maladie a gagné du terrain. Les éléments factuels que vous leur apportez sont toujours accueillis douloureusement, avec un sentiment de révolte et d’injustice dont vous êtes parfois, malheureusement, les premières cibles. Le deuxième message important est que nous avons construit la pluridisciplinarité ensemble. Les premières consultations pluridisciplinaires, dont nous retrouvons la trace dès 1984, ont constitué les maillons forts à partir desquels ont pu se structurer les Centres de Référence et les Centres de compétences. La vision et les moyens apportés par notre association ont contribué à exercer un effet levier.

Le réseau des Centres de Référence a été la réalisation la plus citée et la plus valorisée dans le premier Plan National Maladies Rares (PNMR). Nous devons aujourd’hui continuer notre travail de co-construction. Le troisième PNMR a été annoncé en juillet 2018. Il est ambitieux. Les moyens qui lui sont attribués seront-ils à la hauteur de ses objectifs pour la période 2018-2022 ? C’est un point d’interrogation. Les filières de santé maladies rares occupent un rôle central dans ce nouveau PNMR. Encore une fois, auront-elles les moyens d’agir ? Plus que jamais, nous devons rester vigilants. Plus que jamais, nous devons avancer ensemble, d’autant que nous vivons aujourd’hui une véritable rupture. Pour la première fois, notre Journée de Recherche Clinique aborde l’innovation thérapeutique et le parcours de soins. Pour notre association de patients, la multiplication des essais cliniques et l’arrivée des premiers médicaments innovants représentent une formidable nouvelle, en même temps qu’une source de nouveaux questionnements et de nouvelles exigences. De nouveaux défis sont à relever. Comment garantir l’accès pour tous aux essais et aux traitements innovants ? C’est une priorité de notre association. Il serait absolument anormal qu’un malade, du fait de son lieu de vie, ou de ses conditions de vie, n’ait pas accès à un essai innovant s’il le souhaite. Le deuxième défi est lié au premier : commet lutter contre un accès à deux vitesses à l’innovation ? Nous avons commencé à voir poindre cet accès différencié, lié à certaines inerties, à des problèmes économiques et à des choix politiques. À nous de co-construire des solutions pour surmonter ensemble ces obstacles. Le troisième défi consiste à répondre à de nouvelles questions des malades. Pourquoi les autres participent à tel essai ou bénéficient de tel traitement, et pas moi alors que j’ai la même pathologie ? N’y aurait-il pas des privilégiés ? Pourquoi les enfants, et pas les adultes ? Notre dernier défi n’est pas le moindre. Il consiste à maintenir voire accroître la pluridisciplinarité et la qualité des soins, qui ne doivent pas pâtir de l’arrivée des thérapies innovantes.

Liens d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.