Lorsqu’a été publié, en 2009, le premier numéro thématique « Anticorps monoclonaux en thérapeutique » par médecine/sciences, le Groupement de recherche (GDR) CNRS 3260 « Anticorps et ciblage thérapeutique » venait d’être créé. C’était la seconde initiative de ce type (un précédent GDR, le GDR CNRS 2352, intitulé « Immuno-ciblage des Tumeurs » l’avait précédé de 2005 à 2008 et avait rassemblé 16 équipes de chercheurs impliqués dans la recherche et le développement d’anticorps, posant les bases de ce nouveau GDR) visant à structurer spécifiquement les acteurs français, malgré des moyens limités obtenus pour son animation. Actif jusqu’en 2016, sous la direction d’Hervé Watier, ce groupement de recherche rassemblait, deux fois par an, chercheurs académiques et venant de l’industrie, représentant des expertises complémentaires. En 2012, le LabEx (laboratoire d’excellence) MAbImprove, issu de ce GDR, a été financé par le Programme d’investissements d’avenir [1]. Bien que plus restreint dans son périmètre (équipes académiques de Tours et de Montpellier uniquement), le LabEx a poursuivi et relayé ce travail de structuration sur les deux sites, de 9 équipes en 2012 à 28 aujourd’hui ! En capitalisant sur sa complémentarité avec le GDR et sur sa capacité à apporter des moyens, notamment humains, MAbImprove s’est attaché à promouvoir la visibilité internationale du « réseau anticorps » français, via l’organisation d’Assises industrielles (aujourd’hui Antibody Industrial Symposia1) depuis 2013 [2–4], alternativement à Tours et Montpellier, permettant de rassembler les experts du secteur, académiques et privés, avec des invités internationaux prestigieux. Ce travail d’identification, d’attraction et d’animation du réseau anticorps français s’est poursuivi en étroite interaction avec la filière industrielle de l’immunothérapie MabDesign, également financée par le programme d’investissements d’avenir depuis fin 2014.
Néanmoins, il était nécessaire de pallier la fin du GDR en 2016, notamment pour les académiques hors LabEx. Le fait qu’un nombre croissant d’anticorps thérapeutiques soient dirigés contre une cible immunologique (CD20, interleukines, plus récemment CTLA-4, PD-1 et PD-L1) et que leur utilisation en clinique soulève des questions fondamentales a rendu encore plus indispensable un rapprochement avec les spécialistes de l’immunologie. C’est ainsi que le « réseau anticorps » français s’est structuré au sein de la Société Française d’Immunologie (SFI) en 2017, à l’initiative de son président, Hans Yssel, avec la création du Club anticorps2.
En novembre 2017, le congrès annuel de la SFI a accueilli la réunion de mise en place de ce club, en même temps qu’était organisée une séance plénière sur le thème des immunoglobulines : « Old is new again, the moving field of immunoglobulins ». Paul Parren (Genmab) y a présenté la résolution récente de la structure des hexamères d’immunoglobuline G (IgG) liés au premier composant du complément (le C1q) [5, 6], apportant un nouvel éclairage sur la physiologie et de nouvelles perspectives en thérapie. Giovanna Scapin (Merck Sharp and Dohme) a ensuite discuté la relation structure-fonction des IgG4 et l’influence de la mutation S228P sur le phénomène de Fab-arm exchange3, au regard de la résolution cristallographique du pembrolizumab en format entier [7]. Enfin, Valérie Gouilleux-Gruart (université de Tours) a proposé un tour d’horizon des multiples rôles physiopathologiques du récepteur néonatal FcRn (neonatal Fc receptor), allant de son affinité préférentielle pour certains allotypes d’immunoglobulines et ses conséquences pour la thérapie [8] jusqu’à l’influence de son niveau d’expression sur le pronostic des cancers [9].
En 2018, les premières journées du Club anticorps se sont tenues à Paris et ont rassemblé plus de 120 personnes sur deux jours, avec des thématiques aussi variées que l’isolement et l’immortalisation de lymphocytes B rares, le développement des anticorps conjugués, les modèles animaux dans les essais précliniques et l’immunomonitoring clinique lors du traitement par anticorps. Ce premier événement a accueilli des chercheurs français et étrangers, prestigieux ou prometteurs, ainsi que des présentations courtes d’étudiants et des posters4. La session d’ouverture a vu la présentation par le Pr Antonio Lanzavecchia de nouveaux mécanismes de diversification des immunoglobulines par l’insertion de séquences LAIR-1 (leukocyte-associated immunoglobulin like receptor 1) dans la boucle CDR3, conduisant à la sélection d’anticorps neutralisants à large spectre chez les patients atteints du paludisme [10]. Le Pr Michel Cogné a ensuite exposé des travaux récents sur les mécanismes de recombinaisons suicides lors de la commutation de classe dans les lymphocytes B5. Les exposés et échanges entre participants se sont poursuivis pendant deux jours, témoignant d’une réelle attente des acteurs français du domaine, chercheurs, biologistes, cliniciens, académiques et industriels.
En résumé, le Club anticorps se veut à la fois le reflet du dynamisme de la recherche française, un vecteur de partenariats avec les collègues en Europe et dans le monde et un lieu de connexions avec le tissu industriel, appelé à soutenir les ambitions de la recherche hexagonale.