| |
| Med Sci (Paris). 35(12): 1146–1152. doi: 10.1051/medsci/2019215.Anticorps monoclonaux biosimilaires Étude comparative des qualités analytique et
fonctionnelle Alain Beck,1 Davy Guillarme,2 Sandrine Fleury-Souverain,2 Elsa Bodier-Montagutelli,3,4 and Renaud Respaud3,4* 1IRPF, Centre d’Immunologie Pierre Fabre
(CIPF), 5 avenue Napoléon
III, 74160Saint-Julien en Genevois,
France 2École des Sciences Pharmaceutiques, Université of Genève,
Université de Lausanne, CMU - Rue Michel-Servet, 1, 1206Genève,
Suisse 3Université François-Rabelais de Tours, UMR 1100, CHRU de
Tours, Service de pharmacie, F-37032Tours,
France 4Inserm, Centre d’étude des pathologies respiratoires, UMR
1100, F-37032Tours,
France |
L’agence européenne des médicaments (EMA) et l’Union européenne (UE) ont joué un rôle
pionnier dans la réglementation des médicaments biosimilaires en mettant en place un
cadre solide pour leur approbation et en influençant leur développement à l’échelle
mondiale, y compris pour les anticorps monoclonaux (AcM) et les protéines de fusion
impliquant la région Fc des immunoglobulines (Ig) [1]. L’approbation par l’UE du premier biosimilaire
de la somatropine (Omnitrope), en 2006, a été suivie par celles des biosimilaires de
protéines et de glycoprotéines plus complexes, puis des premiers biosimilaires d’AcM dès
2013 [Remsima® et Inflectra®, biosimilaires de l’infliximab
(Remicade®)] [2].
Parallèlement, les professionnels de santé ont pu approfondir leur expérience concernant
leur utilisation. Aujourd’hui, ces médicaments font partie intégrante de l’offre de
traitements biologiques efficaces dans l’UE tout en présentant des garanties adéquates
concernant la sécurité des patients. Actuellement, près de 30 biosimilaires d’AcM et de
protéines de fusion ont été approuvés en Europe [adalimumab (8), bévacizumab (2),
étanercept (2), infliximab (4), rituximab (6) et trastuzumab (5), voir Tableau I]. Il s’agit de copies des
premières générations d’AcM approuvés entre 1997 et 2005, dont les brevets princeps ont
expiré et dont les chiffres d’affaires annuels figurent dans le top 15 des médicaments
(de 7 à 19 milliards de dollars). Seul le cétuximab, qui cible le récepteur de l’EGF
(epidermal growth factor) manque pour l’instant à cette liste,
probablement en raison de la présence d’un second site de N-glycosylation dans la partie
Fab de l’immunoglobuline qui rend la démonstration de biosimilarité plus difficile
[3,4].
Tableau I.
Dénomination commune internationale
(cible antigénique) |
Médicaments biosimilaires |
Médicament de référence |
|
Noms |
Dates AMM États-Unis / Européenne |
Indications thérapeutiques |
Chiffres d’affaire 2017* |
Noms |
Dates AMM Européenne** |
Adalimumab (TNF-α) |
Humira |
2003/ 2002 |
Spondylarthrite ankylosante
Maladie de Crohn
Arthrite
chronique juvénile
Psoriasis
Rhumatisme psoriasique
Polyarthrite
rhumatoïde
Rectocolite hémorragique |
18 937 milliards US$ (n° 1) |
8 biosimilaires :
Amgevita
Cyltezo
Halimatoz
Hefiya
Hulio
Hyrimoz
Imraldi
Solymbic |
2017
2017
2018
2018
2018
2017
2017
2017 |
|
Bévacizumab (VEGF-A) |
Avastin |
2005/ 2004 |
Cancer du sein
Cancer des trompes de Fallope
Cancer
bronchique non à petites cellules
Cancer de l’ovaire
Cancer
péritonéal
Cancer du rein |
7 042 milliards de dollars (n° 6) |
2 biosimilaires :
Mvasi
Zirabev |
2018
2019 |
|
Etanercept (TNF-α) |
Enbrel |
1998/2000 |
Spondyloarthrite axiale
Rhumatisme
psoriasique
Psoriasis en plaques
Polyarthrite rhumatoïde |
8 345 milliards US$ (n° 2) |
2 biosimilaires :
Benepali
Erelzi |
2016
2017 |
|
Infliximab (TNF-α) |
Remicade |
1999/1998 |
Spondylarthrite ankylosante
Maladie de
Crohn
Psoriasis
Rhumatisme psoriasique
Polyarthrite
rhumatoïde
Rectocolite hémorragique |
7 772 milliards US$ (n° 4) |
4 biosimilaires :
Flixabi
Inflectra
Remsima
Zessly) |
2016
2013
2013
2018 |
|
Rituximab (CD20) |
Rituxan/Mabthera |
1997/1998 |
Lymphome non-hodgkinien
Leucémie lymphoïde chronique à
cellules B
Granulomatose avec polyangéite
Polyangéite
microscopique
Polyarthrite rhumatoïde |
7 783 milliards US$ (n° 3) |
6 biosimilaires :
Blitzima
Ritemvia
Rituzena, ex-Tuxella
Rixathon
Riximyo
Truxima |
2017
2017
2017
2017
2017
2017 |
|
Trastuzumab (HER2/neu) |
Herceptine/Herceptin |
2000/1998 |
Cancer du sein précoce
Cancer du sein
métastatique
Cancer gastrique métastatique |
7 392 milliards US$ (n° 5) |
5 biosimilaires :
Herzuma
Kanjinti
Ogivri
Ontruzant
Trazimera |
2018
2018
2019
2017
2018 |
Anticorps et protéine de fusion-Fc approuvés par
l’EMA (références et biosimilaires, classement
alphabétique). Sources: *Chiffre d’affaires 2017 d’anticorps princeps (La
Merie Publishing, 9 mars 2018 ; info@lamerie.com).
**Biosimilaires approuvés en Europe, www.ema.europa.eu. AMM:
autorisation de mise sur le marché. |
Par rapport aux molécules chimiques de petite taille (entre 150 et 500 Da), les
médicaments biologiques de type AcM sont des macromolécules de structures très complexes
(150 000 Da) [5]
(→).
(→) Voir la Synthèse de A. Beck et al., m/s
n°12, décembre 2009, page 1024
Par définition, les AcM biosimilaires sont dotés de propriétés physiques, chimiques et
biologiques très semblables à celles des anticorps de références approuvés dans l’UE
[6]. Tout comme pour les AcM
originaux, de légères différences (micro-hétérogénéités ou protéoformes) sont tolérées,
à condition qu’elles ne soient pas cliniquement significatives en termes de sécurité ou
d’efficacité [7]. La marge de
variabilité autorisée pour un AcM biosimilaire est la même que celle autorisée entre les
lots de l’AcM de référence [8].
Le respect de cette marge est assuré par un procédé de fabrication robuste et validé,
permettant de garantir que tous les lots du médicament présentent les spécifications
requises, ainsi que par un ensemble de plus de 50 méthodes de contrôles de qualité
(Tableau II) que nous
discuterons.
Tableau II.
Caractéristiques |
Techniques analytiques |
Paramètres analysés |
|
Caractérisation physico-chimique |
Propriétés générales |
Ultra-violets à 280 nm |
Teneur en protéines |
|
|
pH, osmolalité, concentration en surfactant |
|
|
Apparence, couleur, clarté |
|
Structure primaire |
Analyse de la protéine intacte par chromatographie en
phase liquide – spectrométrie de masse (LC-MS) |
Masse moléculaire de la protéine intacte |
Analyse des sous-unités protéiques par LC-MS |
Masse moléculaire des LC et HC réduites,
déglycosylées/glycosylées |
Carte peptidique par LC-MS/MS |
Séquence protéique (carte peptidique après
réduction)
Structure des ponts disulfures (carte peptidique sans
réduction)
Masse moléculaire de la protéine intacte
Masse
moléculaire des LC et HC réduites, déglycosylées/glycosylées
Niveau
de glycation |
Focalisation isoélectrique capillaire par image
(icIEF) |
Point isoélectrique |
Chromatographie + réaction ninhydrine |
Composition en acides aminés |
|
Modifications post-traductionnelles
enzymatiques (glycosylation) |
Carte peptique/glycopeptidique par LC-MS/MS |
Site d’occupation des N-glycanes |
Chromatographie d’interaction hydrophile
(HILIC)-MS/MS |
Identification des N-glycanes |
HILIC-FD (2-AB) |
Profilage des N-glycanes |
Électrophorèse capillaire de zone (CZE) - fluorescence
induite par laser (LIF) (APTS) |
Profilage des N-glycanes |
|
Structures d’ordres supérieurs |
Dichroïsme circulaire |
Structures secondaire et tertiaire |
Spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier
(FTIR) |
Structure secondaire |
Fluorescence (intrinsèque) |
Structure tertiaire |
Calorimétrie différentielle à balayage (DSC) |
Propriétés thermodynamiques, stabilité thermique,
identification des transitions thermiques |
|
Particules et agrégats |
Chromatographie d’exclusion stérique (SXC) |
Variants de taille de haut poids moléculaire (HMWS) et
de bas poids moléculaire (LMWS) |
Diffusion dynamique de la lumière (DLS) |
Particules submicroniques |
Fractionnement par couplage flux-force asymétrique
(A4F)-LS |
Particules submicroniques |
Ultracentrifugation analytique (AUC) |
Profil des agrégats |
Obscuration de la lumière (LO) |
Particules sub-visibles |
|
Substances apparentées et impuretés |
SEC - conditions natives |
Variants de taille |
Electrophorèse capillaire sur gel en milieu dénaturant
(CGE-SDS) |
Variants de taille |
Chromatographie d’échange de cations (CEX)
Focalisation
isoélectrique capillaire par image (icIEF) |
Variants de charge, distribution des isoformes
(déamidation, isomérisation, parties terminales N/C) |
|
Substances apparentées et impuretés |
Carte peptidique par LC-MS/MS |
Variants de charge, distribution des isoformes
(déamidation, isomérisation, parties terminales N/C) |
Oxydation |
|
Impuretés des cellules-hôtes |
ELISA
2D-LC-MS (avec chromatographie d’affinité) |
Protéines de cellules-hôtes |
qPCR |
ADN résiduel |
|
Caractérisation biologique |
|
Liaison du Fab et activité |
ELISA, Résonance plasmonique de surface (SPR) |
Affinité antigène-anticorps |
Tests cellulaires |
Cytotoxicité cellulaire dépendante des anticorps
(ADCC), cytotoxicité dépendante du complément (CDC), phagocytose
dépendante des anticorps (ADCP) |
|
Liaison de la région du Fc |
SPR
Tests cellulaires |
Interactions avec C1q, RFcγIIIa-V/F, RFcγIIIb, RFcγIIa,
RFcγIIb, FcRn |
Études comparatives de la qualité analytique (propriétés
physico-chimiques) et fonctionnelles (activité biologique /
pharmacologique): anticorps de références
vs biosimilaires (d’après [ 21- 23]). |
Des études de comparabilité de la qualité analytique et fonctionnelle [9], non cliniques (pharmacodynamique et
toxicologique) [10] et
cliniques sont la pierre angulaire du développement d’anticorps biosimilaires [11]. Comme indiqué dans le Tableau II,
de nombreux attributs critiques de qualité (physico-chimique et biologique) doivent être
comparés avec plusieurs lots de médicaments de référence. Les propriétés
physico-chimiques peuvent être classées en plusieurs catégories allant de
caractéristiques très simples (concentration, couleur, osmolalité, pH) que l’on retrouve
également pour les petites molécules, à des éléments bien plus spécifiques des AcM,
telles que leurs structures primaires, secondaires et tertiaires, la présence
d’agrégats, ou les modifications post-traductionnelles. Étant donné l’extrême complexité
des AcM, plusieurs méthodes analytiques orthogonales sont souvent mises en œuvre pour un
seul et même attribut critique de qualité (Tableau II), afin de pouvoir tirer des conclusions solides. |
La structure primaire de l’AcM biosimilaire Lors des études de comparabilité exhaustives avec le médicament de référence, une des
premières caractéristiques à prendre en compte est la structure primaire de l’AcM
biosimilaire. Pour cela, un certain nombre d’informations (masse molaire de l’AcM,
masse molaire des chaînes légères et lourdes, modifications post-traductionnelles)
peuvent être obtenues à l’échelle de la protéine intacte en utilisant la
chromatographie en phase liquide couplée à la spectrométrie de masse (LC-MS). Pour
obtenir des informations sur la séquence d’acides aminés, l’appariement des ponts
disulfures, ou la structure et la localisation des glycanes, il est de plus
nécessaire de digérer l’AcM à l’aide d’enzymes (trypsine ou endoprotéase Lys-C, par
exemple) en peptides de 0,5 à 6 kDa, qui sont ensuite analysés par LC-MS/MS. Cette
approche également connue sous le nom de cartographie peptidique a aujourd’hui
presque totalement remplacé les méthodes anciennes de séquençage des protéines,
longues, fastidieuses et coûteuses, comme la dégradation d’Edman. Ainsi, des cartes
peptidiques ont été réalisées pour deux AcM ou une protéine de fusion de référence
et leurs biosimilaires (rituximab [12,13],
adalimumab [14] et
étanercept [15]). Dans ces
études de comparabilité, la séquence d’acides aminés a été validée pour les
biosimilaires du rituximab et de l’adalimumab, avec une couverture de séquence très
proche ou égale à 100 %. Au contraire, dans le cas de l’étanercept, les cartes
peptidiques ont démontré des substitutions d’acides aminés pour certaines copies du
médicament de référence, qui ne peuvent donc pas être approuvées en Europe. |
Glycosylation de l’AcM biosimilaire Une autre caractéristique importante des AcM est leur glycosylation, avec en
particulier l’identification et le profilage des différents types de glycanes et la
détermination du site de leur N-glycosylation. Bien que représentant seulement 2-3 %
de la masse totale des AcM, ces glycanes jouent un rôle capital dans l’activité
biologique, la pharmacocinétique, la toxicité ou l’immunogénicité du produit. La
nature et la quantité des glycanes retrouvés dans les AcM dépendent des conditions
de production du produit biopharmaceutique [16,17]. Ces structures glucidiques peuvent être très hétérogènes, et jusqu’à
une centaine de glycanes différents peuvent être retrouvés dans les AcM. D’un point
de vue physico-chimique, il s’agit d’espèces très polaires, souvent électriquement
neutres et dépourvues de chromophores. Afin de les rendre compatibles avec des
techniques séparatives et une détection spectrophotométrique, les glycanes sont
libérés par clivage enzymatique puis dérivés chimiquement (par exemple avec du
2-aminobenzamide, 2-AB), avant d’être analysés par chromatographie d’interaction
hydrophile (HILIC) couplée à un détecteur de fluorescence (FD). Ce processus,
relativement long mais automatisable, est aujourd’hui reconnu comme méthode de
référence pour le profilage des glycanes d’un AcM. De nombreuses autres méthodes ont également été développées pour ces molécules, dont
l’électrophorèse capillaire de zone (CZE) couplée à la détection par fluorescence
induite par laser (LIF) après marquage par l’aminopyrène trisulfonate (APTS). Dans
la littérature traitant de la comparaison des AcM de référence à leurs
biosimilaires, la méthode HILIC-FD (2-AB) est très largement utilisée. Elle a, par
exemple, permis de mettre en évidence que la nature des glycanes observés était
identique entre le rituximab de référence et l’un de ses biosimilaires [12]. Des différences mineures de proportions
des glycanes ont parfois été relevées pour ce rituximab biosimilaire, mais sans
impact sur l’efficacité ou la toxicité du produit. Dans le cas de l’étanercept, des
différences significatives ont été notées entre les profils de glycosylation de la
molécule de référence et quatre de ses biosimilaires vendus sur le marché asiatique
et sud-américain (nouveaux N-glycanes, quantités différentes de glycanes sialylés
[15]). Les auteurs ont logiquement conclu
que ces biosimilaires d’étanercept n’étaient pas comparables à la molécule de
référence. |
La nature et la quantité des variants La nature et la quantité des variants (oxydation, déamidation, isomérisation,
modification sur la partie N/C-terminale, par exemple) observées dans les
biosimilaires d’AcM doivent également être évaluées et comparées aux micro-variants
du produit de référence en utilisant différentes méthodes analytiques orthogonales
(Tableau II). La
chromatographie d’échange de cations (CEX) est l’une des méthodes les plus
intéressantes, car les modifications que nous avons mentionnées induisent des
variations dans la charge des AcM et peuvent être directement déterminées à
l’échelle de la protéine intacte. Dans la CEX, les variants acides et basiques sont
élués respectivement avant et après l’isoforme principale. Certaines de ces
modifications, en particulier la déamidation d’asparagines, ou l’isomérisation
d’acides aspartiques, sont communes et peuvent être particulièrement critiques en
termes d’efficacité ou de toxicité. À titre d’exemple, dans le cas d’un biosimilaire
de l’adalimumab, il a été démontré que les variants acides et basiques, bien que de
même nature, étaient présents en proportions différentes entre le produit de
référence et son biosimilaire (lysines C-terminales et glycanes sialylés
respectivement pour les variants basiques et acides) [14] ; ces différences étaient toutefois dépourvues d’impact sur
la qualité du produit et donc non critiques. |
Une autre caractéristique importante des AcM est la quantité d’agrégats, qui
correspond à l’association de plusieurs molécules protéiques conduisant à la
formation de dimères, trimères, voire de particules de taille plus importante
(subvisibles et visibles). Ces espèces sont connues pour être responsables d’une
éventuelle toxicité du produit (immunogénicité en particulier) lorsqu’elles sont
présentes en quantité trop importante. Différentes techniques peuvent être utilisées
pour caractériser l’agrégation (Tableau
II). Parmi elles, la chromatographie d’exclusion stérique
(SEC), qui permet de séparer et de quantifier des variants selon leur taille, est
sans aucun doute la plus utilisée en contrôle qualité du fait de sa simplicité, sa
rapidité et son coût modéré. Dans le cas du rituximab, un des biosimilaires testés
dans l’étude de Nupur et al. présentait une quantité d’agrégats
supérieure au produit de référence (1,9 % vs environ 0,5 %), mais
toujours dans les spécifications établies (inférieure à 2 %) [13]. Le taux d’agrégats du biosimilaire de l’adalimumab testé
par Lee et al. était également compris dans les limites
d’acceptabilité (0,5 % maximum) [14]. Cinq
des sept biosimilaires de l’étanercept évalués avaient des profils SEC non
comparables avec la molécule de référence [15], suggérant un faible niveau de qualité ainsi qu’un risque potentiel pour
le patient. |
Structures secondaires, tertiaires et quaternaires Il est également important de contrôler les structures secondaires, tertiaires et
quaternaires des protéines (structures d’ordre supérieur), qui peuvent impacter leur
activité biologique et/ou leur toxicité. Pour cette raison, ces dernières doivent
être caractérisées dans le cas d’un médicament biosimilaire et comparées au
médicament de référence. Différentes techniques spectroscopiques peuvent être
utilisées (Tableau II).
Parmi ces approches, la plus communément utilisée est le dichroïsme circulaire (CD),
dont le principe de base est d’évaluer comment une molécule optiquement active (cas
des protéines) absorbe la lumière selon que sa polarisation est circulaire droite ou
gauche. En utilisant une détection par ultra-violets (UV) lointains (180-250 nm), la
structure secondaire (pourcentage d’hélices alpha, de feuillets bêta, etc.) peut
être déterminée, alors que la structure tertiaire (localisation des acides aminés
aromatiques – phénylalanine, tyrosine, tryptophane – et des ponts disulfures) est
accessible avec une détection par UV proche (250-350 nm). À titre d’exemple, cette
approche a été utilisée avec succès pour démontrer l’équivalence des structures
secondaires et tertiaires pour un biosimilaire de l’adalimumab [14]. Les résultats obtenus pour la structure
secondaire ont permis de confirmer que les feuillets bêta dominaient dans la
structure des AcM, et ont également été confirmés par spectroscopie infrarouge à
transformée de Fourier (FTIR). Il en est de même pour les méthodes de spectrométrie
de masse de type échanges de proton et de deutérium (HDX-MS) [18]. La structure quaternaire de
l’anticorps (hétérodimère de 2 chaînes lourdes et légères) peut être confirmée par
exemple par spectrométrie de masse. |
Le mode d’action des AcM est également spécifique de ces médicaments. Contrairement
aux petites molécules dont l’activité repose sur un schéma de type clé-serrure, le
mécanisme d’action des AcM est souvent complexe, reposant à la fois sur leurs
domaines de liaison à l’antigène (présents dans le fragment Fab) et sur des
fonctions effectrices attribuables à leur région Fc. Selon la cible, sa nature
(extracellulaire, membranaire, etc.) et le format de l’AcM, les fonctions à explorer
sont différentes. Même si la séquence primaire de l’AcM et du biosimilaire sont
identiques, il n’est pas assuré que le biosimilaire induise la même réponse
biologique que l’AcM original. à l’inverse, il est aussi possible que le biosimilaire présente des caractéristiques
physico-chimiques différentes mais une activité biologique similaire. Ainsi, Hassett
et al. [15] ont montré
que des biosimilaires de l’étanercept avec des attributs physico-chimiques
différents présentaient la même affinité pour leur cible. Il est donc impératif
d’associer une analyse physico-chimique à l’étude des fonctions biologiques des
biosimilaires. Comme indiqué dans le Tableau
II, la caractérisation biologique d’un AcM met en jeu: 1)
l’affinité de l’AcM pour sa cible et la modification de son activité biologique
intrinsèque, et 2) les fonctions effectrices liées à la région Fc de l’AcM.
L’analyse de ces dernières repose essentiellement sur des tests cellulaires faisant
intervenir différents partenaires selon la fonction étudiée (cellules immunitaires
pour caractériser l’ADCC (cytotoxicité cellulaire dépendante des anticorps) et
l’ADCP (phagocytose dépendante des anticorps). Par ailleurs, la glycosylation des
anticorps, qui peut être modifiée dans le cas d’un biosimilaire, joue un rôle
important dans la CDC (cytotoxicité dépendante du complément) et l’ADCC. À titre
d’exemple, l’affinité du CT-P10 (biosimilaire du rituximab) pour CD20 a été comparée
à celle du rituximab par la méthode ELISA (enzyme-linked immunosorbent
assay) [12]. Les résultats n’ont
pas montré de différences notables, avec des concentrations efficaces médianes
(EC50) similaires. Le CT-P10 présentait des différences mineures de
composition en glycanes (proportion de formes afucosylées et riches en mannose), qui
n’avaient pas d’impact sur les activités CDC et ADCC. La situation est différente
pour deux biosimilaires de l’infliximab (Flixabi® et
Remsima®). En dépit d’une affinité identique pour le TNF-α (tumor
necrosis factor alpha), l’activité ADCC de ces trois molécules diffère:
la forte proportion de formes afucosylées et riches en mannose du
Flixabi® est associée à une plus forte activité d’ADCC in
vitro en comparaison avec le Remsima® et le
Remicade® [19]. Les fonctions effectrices des anticorps peuvent également être caractérisées
indirectement en étudiant l’affinité de la région Fc pour ses partenaires
moléculaires – les récepteurs de la région Fc (RFcγ) pour les fonctions d’ADCC/ADCP
et le C1q pour l’activité CDC – par résonance plasmonique de surface [20]. En accord avec les
résultats des tests cellulaires des fonctions effectrices, l’analyse comparative de
CT-P10 et du rituximab n’a pas révélé de différences d’affinité des ligands de la
région Fc (C1q, RFcγIIIa-V/F, RFcγIIIb, RFcγIIa, RFcγIIb et FcRn) [12]. A contrario, les
biosimilaires de l’infliximab ont montré des différences de comportement in
vitro, notamment en ce qui concerne leur fixation au RFcγIIIa [19]. Conclusion
En conclusion, malgré la complexité structurale, physico-chimique et
fonctionnelle des AcM, la réalisation de copies similaires est possible, mais des
contrôles multiples et minutieux sont nécessaires pour établir cette similarité.
L’analyse physico-chimique et fonctionnelle est la première étape de cette
démonstration en comparaison au biomédicament princeps (le produit de référence) par
des études in vitro qui nécessitent des investissements analytiques
importants pour garantir cette biosimilarité. Une fois ces études préliminaires
réalisées et validées, il faut envisager des études précliniques pour évaluer la
pharmacodynamie et la toxicologie, puis des études cliniques de biosimilarité chez
l’homme afin d’évaluer la pharmacocinétique (PK)/pharmacodynamie (PD), l’efficacité,
la sécurité d’utilisation et l’immunogénicité au cours d’essais cliniques de phase
III. La réalisation de ces études, coûteuses mais indispensables, a permis depuis
2013 l’autorisation en Europe de près de 30 biosimilaires des 6 anticorps
monoclonaux ou protéine de fusion ayant les plus importants chiffres d’affaires,
mais à un prix de vente inférieur à celui du biomédicament référent, offrant ainsi
un accès à ces thérapies innovantes pour un plus grand nombre de patients. |
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les
données publiées dans cet article.
|
1. Reichert
JM,
Beck
A. European
medicines agency workshop on biosimilar monoclonal
antibodies . MAbs.
2009; ; 1:
:394.–416. 2. Beck
A,
Reichert
JM. Approval of the
first biosimilar antibodies in Europe: a major landmark for the
biopharmaceutical industry .
MAbs.
2013; ; 5:
:621.–623. 3. Ayoub
D,
Jabs
W,
Resemann
A, et al.
Correct primary structure assessment and extensive
glyco-profiling of cetuximab by a combination of intact, middle-up,
middle-down and bottom-up ESI and MALDI mass spectrometry
techniques . MAbs.
2013 ; :699.–710. 4. Gahoual
R,
Biacchi
M,
Chicher
J, et al.
Monoclonal antibodies biosimilarity assessment using transient
isotachophoresis capillary zone electrophoresis-tandem mass
spectrometry . MAbs.
2014; ; 6:
:1464.–1473. 5. Beck
A,
Wagner-Rousset
E,
Wurch
T, et al.
Anticorps thérapeutiques et dérivés: une palette de structures
pour une pléthore d’indications. Quel format et quelle glycosylation choisir
? Pour quelles applications ? . Med Sci
(Paris).
2009; ; 25:
:1024.–1032. 6. Beck
A.. Biosimilar,
biobetter and next generation therapeutic antibodies .
MAbs.
2011; ; 3:
:107.–110. 7. Beck
A,
Sanglier-Cianférani
S,
Van
Dorsselaer A.
Biosimilar, biobetter, and next generation antibody
characterization by mass spectrometry . Anal
Chem.
2012; ; 84:
:4637.–4646. 8. Beck
A,
Debaene
F,
Diemer
H, et al.
Cutting-edge mass spectrometry characterization of originator,
biosimilar and biobetter antibodies . J Mass
Spectrom.
2015; ; 50:
:285.–297. 9. Ambrogelly
A,
Gozo
S,
Katiyar
A, et al.
Analytical comparability study of recombinant monoclonal antibody
therapeutics . MAbs.
2018; ; 10:
:513.–538. 10. van Aerts
L, De
Smet
K,
Reichmann
G, et al.
Biosimilars entering the clinic without animal studies. A
paradigm shift in the European Union .
MAbs.
2014;; 6:
:1155.–62. 11. Rahalkar
H,
Cetintas
HC,
Salek
S. Quality,
non-clinical and clinical considerations for biosimilar monoclonal antibody
development: EU, WHO, USA, Canada, and BRICS-TM regulatory
guidelines . Front
Pharmacol.
2018;; 9. 12. Lee
KH,
Lee
J,
Bae
JS, et al.
Analytical similarity assessment of rituximab biosimilar CT-P10
to reference medicinal product .
MAbs.
2018; ; 10:
:380.–396. 13. Nupur
N,
Chhabra
N,
Dash
R, et al.
Assessment of structural and functional similarity of biosimilar
products: Rituximab as a case study .
MAbs.
2018; ; 10:
:143.–158. 14. Lee
N,
Lee
JAJ,
Yang
H, et al.
Evaluation of similar quality attribute characteristics in SB5
and reference product of adalimumab .
MAbs.
2018; ; 11:
:129.–144. 15. Hassett
B,
Scheinberg
M,
Castañeda-Hernández
G, et al.
Variability of intended copies for etanercept
(Enbrel®): data on multiple batches of seven
products . MAbs.
2018; ; 10:
:166.–176. 16. Beck
A,
Wagner-Rousset
E,
Bussat
MC, et al.
Trends in glycosylation, glycoanalysis and glycoengineering of
therapeutic antibodies and Fc-fusion proteins .
Curr Pharm Biotechnol.
2008; ; 9:
:482.–501. 17. Largy
E,
Cantais
F,
Van
Vyncht G, et al.
Orthogonal liquid chromatography-mass spectrometry methods for
the comprehensive characterization of therapeutic glycoproteins, from
released glycans to intact protein level . J
Chromatogr A.
2017; ; 1498:
:128.–146. 18. Fang
J,
Doneanu
C,
Alley
WRJ, et al.
Advanced assessment of the physicochemical characteristics of
Remicade® and Inflectra® by sensitive LC/MS
techniques . MAbs.
2016; ; 8:
:1021.–1034. 19. Lee
C,
Jeong
M,
Lee
JAJ, et al.
Glycosylation profile and biological activity of
Remicade® compared with Flixabi® and
Remsima® .
MAbs.
2017; ; 9:
:968.–977. 20. Brachet
G,
Respaud
R,
Arnoult
C, et al.
Increment in drug loading on an antibody-drug conjugate increases
its binding to the human neonatal Fc receptor in vitro .
Mol Pharm.
2016; ; 13:
:1405.–1412. 21. Seo
N,
Polozova
A,
Zhang
M, et al.
Analytical and functional similarity of Amgen biosimilar ABP 215
to bevacizumab . MAbs.
2018; ; 10:
:678.–691. 22. Liu
J,
Eris
T,
Li
C, et al.
Assessing analytical similarity of proposed amgen biosimilar ABP
501 to Adalimumab .
BioDrugs.
2016; ; 30:
:321.–338. 23. Magnenata
L,
Palmeseb
A,
Fremauxc
C
ele., et al.
Demonstration of physicochemical and functional similarity
between the proposed . MAbs.
2017;; 9:
:127.–39. |