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Med Sci (Paris). 35(4): 381–384.
doi: 10.1051/medsci/2019070.

L’actualité immunologique sous l’oeil critique des étudiants de Master 2

Yannis Achari,1 Francesca Ali,1 Amel Boudache,1 Philomène Bui-Xuan,1 Philippine Furgé,1 Juliana Labatte,1 and Raluca Stanciu1

1Master sciences, technologies, santé, Mention biologie moléculaire et cellulaire, Parcours immunologie, Thématique immunothérapies et bio-ingénierie (ITB), Sorbonne Université, 4, place Jussieu, 75005Paris, France
 

L’équipe pédagogique du module Analyse Scientifique

Sophie Sibéril (Maître de Conférence, Sorbonne Université)

Signe Hässler (ATER, Sorbonne Université)

sophie.siberil@upmc.fr

L’inhibition d’EZH2 améliore l’efficacité anti-tumorale des anticorps anti-CTLA-4

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© CIML/Inserm/CNRS/Lelouard, Hugues

Le facteur EZH2 (enhancer of zeste homolog 2) est un régulateur épigénétique de la différenciation des lymphocytes T (LT) et de la fonction des lymphocytes T régulateurs (LTreg). En interagissant avec le facteur de transcription FoxP3, EZH2 joue un rôle dans le maintien et la fonction suppressive des LTreg qui contrôlent le développement de l’autoimmunité. Inversement, EZH2 peut inhiber la différenciation des LT en cellules effectrices et pourrait avoir ainsi un impact négatif sur l’immunité anti-tumorale. Dans un article récent, Goswami et al. ont observé que, chez des souris porteuses de cellules tumorales de vessie (MB49), l’invalidation génétique d’EZH2 spécifiquement dans les LTreg, induit une forte inhibition de la croissance tumorale [1]. L’analyse du microenvironnement tumoral dans ce modèle a permis d’observer une forte infiltration de LT CD8+ exprimant des cytokines proinflammatoires comme l’interféron (IFN)-γ ou sécrétant des enzymes cytotoxiques (perforine et granzyme). De même, les cellules FoxP3+ présentes dans la tumeur produisent de l’IFN-γ. In vitro, l’utilisation d’un inhibiteur pharmacologique d’EZH2 (le CPI-1205) altère la différenciation et les capacités suppressives de LTreg humains ou de souris. De même, en réalisant des tests de cytotoxicité in vitro en présence de lignées tumorales et de LT effecteurs CD4+ et CD8+, les auteurs ont observé que le CPI-1205 augmente la capacité de lyse des LT effecteurs. Ainsi, l’inhibition de EZH2 a un fort impact anti-tumoral en agissant sur les LT effecteurs et en entraînant la reprogrammation des LTreg vers un phénotype effecteur. Enfin, dans cette étude, les auteurs ont également observé que l’expression de EZH2 est augmentée dans les LT CD4+, les LT CD8+ et les LTreg de patients atteints de mélanome après l’injection d’un anticorps monoclonal thérapeutique anti-CTLA-4 (cytotoxic T-lymphocyte-associated protein 4), l’ipilimumab, utilisé pour activer l’immunité adaptative anti-tumorale. De plus, la combinaison d’un anticorps anti-CTLA-4 et de l’inhibiteur d’EZH2, CPI-1205, réduit de façon significative la croissance tumorale et améliore la survie de souris porteuses de lignées cellulaires tumorales de vessie (MB49) ou de mélanome (B6-F10), par rapport à la condition où seul l’anticorps anti-CTLA-4 est injecté. De même, la combinaison des deux traitements augmente la fréquence de LT CD4+ ou LT CD8+ effecteurs et, inversement, réduit le pourcentage de LTreg dans la tumeur. Ces résultats ouvrent donc des perspectives importantes pour l’amélioration de l’efficacité anti-tumorale de l’ipilimumab utilisé en première ligne de thérapie chez des patients atteints de mélanome métastatique.

Philomène Bui-Xuan, Francesca Ali

Philomène.bui-xuan@etu.upmc.fr

Francesca.ali@etu.upmc.fr

Signature moléculaire des cellules immunitaires infiltrant les tumeurs: Une clé pour prédire la réponse aux anticorps anti-PD-1 et anti-CTLA-4

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© Inserm/Mami-Chouaib, Fathia

L’utilisation d’anticorps (Ac) dirigés contre des molécules régulatrices du système immunitaire (également appelées ICP pour immune checkpoint molecules), comme les Ac anti-PD-1 (programmed cell death-1) ou anti-CTLA-4 (cytotoxic T-lymphocyte associated protein 4), a conduit à des réponses durables dans les cancers métastatiques. Cependant, seulement un tiers des patients répond à ce type d’immunothérapie dans la plupart des cancers testés, et les mécanismes immunologiques sous-jacents à la réponse ou non au traitement restent encore mal connus [1]. Pour pouvoir prédire l’efficacité de la réponse anti-tumorale induite par les Ac anti-ICP, il est important de bien comprendre comment les tumeurs peuvent échapper au système immunitaire. Des équipes du Dana-Farber Cancer Institute et de Harvard [2] ont créé un outil informatique, le TIDE (tumor immune dysfunction and exclusion), permettant de définir des signatures moléculaires impliquées dans deux mécanismes d’échappement tumoral : (1) dans les tumeurs avec un fort infiltrat de lymphocytes T cytotoxiques (LTc), l’apparition d’un dysfonctionnement de ces cellules ; (2) dans les tumeurs avec un faible taux de lymphocytes, l’inhibition de l’infiltration des LTc. À partir de 189 études publiées sur des cancers primaires et métastatiques de différents types non traités, et incluant des données sur la survie des patients et sur l’analyse transcriptomique de la tumeur, les auteurs de ce travail ont ainsi montré que l’expression de certains gènes a un impact négatif (TGFb1 [transforming growth factor beta 1]) ou positif (SOX10 [SRY-Box 10]) en termes de pronostic d’une forte infiltration de LTc. Par ailleurs, les tumeurs présentant des profils d’expression de gènes fortement corrélés avec les signatures moléculaires de trois types de cellules immunosuppressives décrites comme induisant l’exclusion des lymphocytes T, les MDSC (myeloid-derived suppressor cells), les CAF (cancer-associated fibroblasts) et les macrophages associés aux tumeurs de type M2 sont celles qui sont le moins infiltrées en LTc. À partir de données de transcriptomique obtenues chez des patients atteints de mélanome et traités avec des Ac anti-PD-1 ou anti-CTLA-4, les auteurs ont pu démontrer une corrélation entre la signature moléculaire de dysfonctionnement ou la signature d’exclusion des LTc et la non réponse aux Ac anti-ICP. Remarquablement, les signatures TIDE sont associées à une meilleure prédiction de la réponse aux Ac anti-ICP dans le mélanome que d’autres biomarqueurs identifiés précédemment, comme la charge mutationnelle de la tumeur ou l’expression des ligands de PD-1. Enfin, l’approche décrite dans ce travail a permis également d’identifier de nouvelles cibles potentielles associées à la résistance aux Ac anti-ICP, parmi lesquelles la protéine SERPINB9, un inhibiteur du granzyme B produit par les LTc.

Raluca Stanciu, Philippine Furgé

r_stanciu@yahoo.fr

philippine.furge@ens.fr

L’IL-15 Une nouvelle piste thérapeutique pour restaurer les LT CD4+ chez les patients infectés par le VIH

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© Inserm/Institut Curie/Gaudin, Raphaël/Bernaroch, Philippe

Bien que les traitements anti-viraux permettent un contrôle de la réplication du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), un certain nombre d’individus traités, que l’on appelle non-répondeurs immunologiques (INR), ne parviennent pas à récupérer un taux normal de lymphocytes T CD4+ (LT CD4+). Ce phénomène, dont les mécanismes immunologiques ne sont pas encore totalement élucidés, conduit à une morbidité et une mortalité plus élevées par rapport aux patients répondeurs immunologiques (IR) [1]. Paradoxalement, malgré le faible nombre de LT CD4+ et la faible capacité de ces cellules à répondre à certaines cytokines homéostatiques comme l’IL(interleukine)-7, une fréquence plus importante de LT CD4+ engagés dans un cycle cellulaire a été observée chez les patients INR. Dans un article récent, Younes et al. ont comparé chez des patients INR ou IR, ou des donneurs sains, le transcriptome de LT CD4+ mémoire en cycle (CD4+CD71+CD45RA-)[2]. Les auteurs de l’étude ont observé chez les patients INR une activation importante de la voie de signalisation de l’interféron de type I, positivement corrélée à une surexpression de gènes pro-apoptotiques. Ex vivo, les LT CD4+ en cycle des patients INR sont incapables de finir le cycle cellulaire et de se diviser, et ont une mortalité accrue. De plus, pour les trois groupes d’individus, les LT CD4+ mémoire en cycle sont enrichis en lymphocytes T régulateurs (LTreg) par rapport aux LT CD4+ mémoire non en cycle. Cependant, le nombre absolu de LTreg (en cycle ou non) des patients INR est inférieur à celui des patients IR et des donneurs sains. L’expression des gènes de la différenciation et de la fonction des LTreg est fortement réduite chez les patients INR. Le dysfonctionnement des LTreg est notamment caractérisé par la diminution de leur capacité à produire du TGFβ (transforming growth factor b), une cytokine immunorégulatrice. Enfin, en utilisant la cytométrie en flux, les auteurs ont montré que les LTreg en cycle des patients INR ont une expression diminuée de la protéine PGC1α (peroxisome proliferator-activated receptor-g coactivator 1-a), impliquée dans la biogenèse des mitochondries, ainsi que du facteur de transcription TFAM (mitochondrial transcription factor A), régulateur de 13 gènes de la phosphorylation oxydative. De plus, leur masse mitochondriale est réduite. L’ensemble de ces résultats suggère que l’incapacité des patients INR à reconstituer leur pool de LT CD4+ peut s’expliquer par des dysfonctionnements mitochondriaux des LTreg, associés à une faible capacité de ces cellules à proliférer malgré leur entrée dans le cycle cellulaire. Enfin, les auteurs de l’article ont identifié l’interleukine-15 (IL-15) comme facteur capable de restaurer l’expression des gènes PGC1a et TFAM dans les LTreg, leur masse mitochondriale, ainsi que leur capacité à proliférer. La combinaison de la thérapie par IL-15 avec les traitements antirétroviraux actuels ouvre des perspectives thérapeutiques prometteuses pour les patients INR.

Amel Boudache, Juliana Labatte

Boudachea@yahoo.com

Julianalabatte@yahoo.fr

Des lymphocytes T CD8+ effecteurs, immuno-régulateurs dans le diabète de type I

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© Inserm/Annicotte, Jean-Sébastien

Le diabète de type I (DTI) est une maladie auto-immune caractérisée par l’infiltration de cellules immunitaires auto-réactives dans les îlots de Langerhans du pancréas, conduisant à la destruction des cellules bêta, cellules sécrétrices de l’insuline. Les lésions pancréatiques dans le DTI contiennent un infiltrat hétérogène de lymphocytes T cytotoxiques (LTC) CD8+ dont une majorité ne sont pas auto-réactifs. La contribution de ces derniers dans l’établissement de la pathologie ainsi que leur impact sur la fonction des LTC CD8+ auto-réactifs ne sont pas connus. Dans une étude récente, Christoffersson et al. abordent ces questions en utilisant un modèle de souris transgéniques exprimant l’antigène GP (glycoprotéine du virus de la chorioméningite lymphocytaire ou LCMV) sous le contrôle d’un promoteur du gène codant l’insuline [1]. Dans ce modèle, l’antigène GP est exprimé exclusivement dans les îlots de Langerhans et joue le rôle d’auto-antigène. Ces souris reçoivent par la suite un transfert adoptif de LT CD8+ P14, exprimant un récepteur spécifique d’un peptide dérivé de GP, et de LT CD8+ OT-I, reconnaissant un peptide dérivé de l’ovalbumine. Grâce à la technique de microscopie intra-vitale qui permet de suivre la cinétique de migration des cellules transférées et leur localisation, les auteurs ont montré qu’une fois activés, les LT CD8+ P14 et les LT CD8+ OT-I migrent de façon équivalente dans le pancréas. Ils ont également comparé des transferts de différents ratios de LT P14 et LT OT-I et ont observé des différences sur le développement du diabète. Le transfert d’un ratio de 1:1 (P14 : OT-I) conduit à une faible destruction des cellules bêta des îlots et une glycémie normale. En revanche, lorsqu’un ratio de 1000:1 (P14 : OT-I) est utilisé, le nombre de souris développant un diabète est beaucoup plus important. Dans le ratio 1:1, les LT OT-I non spécifiques exercent une action immunosuppressive sur les LT P14 qui sont alors moins activés, prolifèrent moins et produisent moins de cytokines pro-inflammatoires comme l’IFN (interféron)-γ par rapport à la condition expérimentale 1000:1. Une des raisons pouvant expliquer cette moindre activation dans le ratio 1:1 serait une moindre interaction des LT P14 avec les cellules présentatrices d’antigène (CPA) présentes dans les îlots pancréatiques, ces dernières étant occupées par les cellules T CD8+ non auto-réactives (LT OT-I et LT endogènes du pancréas). Ces résultats montrent, que dans un contexte inflammatoire, l’infiltration dans un tissu de LTC CD8+ non auto-réactifs peut avoir un effet immuno-régulateur sur les fonctions effectrices des LTC CD8+ spécifiques d’antigènes, en limitant leurs interactions avec des CPA, limitant ainsi la réaction inflammatoire dans les organes.

Yannis Achari

yannis.achari@free.fr

References
1.
Goswami S, et al. J Clin Invest. 2018; ; 128 : :3813.-8.
1.
Sharma P, et al. Cell. 2017; ; 168 : :707.-23.
2.
Jiang P, et al. Nat Med. 2018; ; 24 : :1550.-8.
1.
Lederman MM, et al. J Infect Dis. 2011; ; 204 : :1217.-26.
2.
Younes S, et al. J Clin Invest. 2018; ; 128 : :5083.-94.
1.
Christofferson G, et al. Sci Immunol. 2018 ; :3.. pii : eaam6533. doi : doi: 10.1126/sciimmunol.aam6533..