Logo of MSmédecine/sciences : m/s
Med Sci (Paris). 35(3): 275–278.
doi: 10.1051/medsci/2019056.

Contrôle de la localisation de la protéine kinase A, une propriété des AKAP partagée par une protéine précoce des adénovirus

Mériem Imarazène,1* Ouidad Aouragh,1** and Karim Benihoud2***

1M1 Biologie Santé, Université Paris-Saclay, 91405Orsay, France
2Vectorologie et thérapeutiques anticancéreuses, UMR 8203, CNRS, Université Paris-Sud, Institut Gustave Roussy, Université Paris-Saclay, 94800Villejuif, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Protéines d'ancrage aux protéines kinases A, Protéines E1A d'adénovirus, Adénovirus humains, Mimétisme biologique, Cyclic AMP-Dependent Protein Kinases, Interactions hôte-pathogène, Humains, Liaison aux protéines, Transport des protéines, Sérogroupe, métabolisme, physiologie, pathogénicité

Processus d’activation de la PKA

La protéine kinase A (PKA) est une protéine cytoplasmique organisée en tétramères (holoenzyme), composée de deux sous-unités régulatrices et deux sous-unités catalytiques. La liaison de l’adénosine monophosphate cyclique (AMPc) sur les sous-unités régulatrices (RIα et RIIα) entraîne la libération des sous-unités catalytiques (C) qui vont pouvoir exercer leur activité sur différents substrats. Le modèle classique décrit donc une dissociation de l’holoenzyme dans le cytoplasme après fixation de l’AMPc puis une phosphorylation, par les sous-unités catalytiques, de différents substrats protéiques situés à la membrane plasmique, dans le cytosol ou dans le noyau. Cependant, il a été montré plus récemment que l’activation de l’holoenzyme pouvait également avoir lieu dans le noyau [1]. Les PKA sont impliquées dans de nombreuses fonctions cellulaires et, en particulier, dans la régulation du métabolisme. Leur activation dépend du taux d’AMPc qui, lui, est régulé par différentes adénylates cyclases et phosphodiestérases. Cette activation dépend également de protéines d’échafaudage (scaffold protein) appelées A-kinase anchoring proteins (AKAP) qui compartimentalisent la PKA dans des régions cellulaires précises. En interagissant avec les sous-unités régulatrices de la PKA, les AKAP permettent de localiser les sous-unités catalytiques au voisinage de leurs substrats [2].

Dans des travaux précédents, le groupe de J.S. Mymryrk avait montré que les adénovirus (Ad) humains – une famille de virus à ADN – déclenchaient l’activation des PKA. Les auteurs s’étaient intéressés à une protéine précoce du cycle viral, la protéine E1A. Celle-ci était connue pour sa capacité à modifier les cellules infectées par différents mécanismes moléculaires de façon à les rendre aptes à la réplication virale. Les auteurs avaient révélé que cette protéine E1A possédait, au niveau de sa partie aminoterminale, un motif de type AKAP qui cible le domaine de dimérisation et d’ancrage (D/D pour docking and dimerization) des sous-unités régulatrices de la PKA [3]. Ce motif permet aux protéines E1A de l’Ad5 de relocaliser les sous-unités régulatrices RIα de la PKA du cytoplasme vers le noyau, conduisant à une augmentation de la transcription des gènes viraux précoces et à une augmentation de la production de virions. Plus récemment, King et al ont poursuivi leurs travaux en s’intéressant aux protéines E1A de différents sérotypes adénoviraux humains [4]. En particulier, les auteurs ont cherché à mieux comprendre les bases moléculaires de l’interaction entre les AKAP et les protéines E1A.

Ciblage des sous-unités régulatrices de la protéine kinase A par les protéines E1A de différents sérotypes d’adénovirus

Les auteurs ont tout d’abord réalisé des transfections de cellules avec des vecteurs codant les sous-unités régulatrices (RIα et RIIα) et catalytiques (Cα) de la PKA, et des protéines E1A provenant de différents sérotypes d’Ad humains. Puis, par des techniques de co-immunoprécipitation, ils ont montré que les protéines E1A issues des sérotypes 3, 5, 9, 12 et 40 (mais pas des sérotypes 4 et 52) étaient capables d’interagir avec les sous-unités RIα et RIIα. De plus, ils ont montré que, quand il y avait interaction, celle-ci se faisait via la liaison d’un motif d’une dizaine de résidus dans la partie amino-terminale des protéines E1A avec le domaine D/D des sous-unités régulatrices RIα et RIIα.

Relocalisation nucléaire des sous-unités régulatrices de la PKA par les protéines E1A de certains sérotypes adénoviraux

Pour étudier l’impact de l’interaction des protéines E1A sur la localisation intracellulaire des sous-unités RIα et RIIα, les auteurs ont ensuite utilisé des techniques d’immunofluorescence et d’imagerie cellulaire. L’analyse des cellules HeLa exprimant différentes protéines E1A (à la suite de la transfection par des plasmides ou l’infection par différents adénovirus) a permis de répartir les protéines E1A en 3 groupes : des protéines E1A (Ad4, Ad40 et Ad52) incapables de relocaliser les sous-unités régulatrices du cytoplasme vers le noyau, des protéines E1A capables de relocaliser spécifiquement la sous-unité RIα (Ad5 et Ad9) ou la sous-unité RIIα (Ad12 et Ad3). Dans le cas particulier de l’Ad5, les expériences ont révélé que cette relocalisation nécessitait le site de localisation nucléaire présent dans la région carboxy-terminale de la protéine E1A. Enfin, l’étude de protéines E1A chimères entre la protéine E1A de l’Ad5, capable de fixer RIα mais pas RIIα, et la protéine E1A de l’Ad4, incapable de fixer RIα mais fixant RIIα, a démontré que le domaine amino-teminal des protéines E1A dictait la spécificité d’interaction avec les sous-unités régulatrices et, par voie de conséquence, la localisation de ces sous-unités. Il suffit de muter quelques résidus de cette région amino-terminale des protéines E1A pour perdre l’interaction avec les sous-unités régulatrices.

L’interaction des protéines E1A avec la PKA, une étape indispensable à la production de différents sérotypes adénoviraux

Les chercheurs ont ensuite voulu comprendre l’intérêt fonctionnel de l’interaction entre les protéines E1A et les sous-unités régulatrices de la PKA. Ils ont tout d’abord montré que l’expression d’un gène rapporteur sous le contrôle d’un promoteur répondant à l’AMPc était induite dans des cellules exprimant les protéines E1A de différents sérotypes, mais pas lorsqu’on exprimait des protéines E1A mutées pour le domaine d’interaction avec les sous-unités régulatrices de la PKA. Ceci démontrait l’importance de l’interaction entre E1A et les sous-unités régulatrices pour le déclenchement de l’activité transactivatrice de la PKA sur les promoteurs qu’elle contrôle. De plus, l’inhibition des sous-unités régulatrices ou/et catalytiques de la PKA par interférence ARN dans les cellules infectées par différents sérotypes adénoviraux conduit à une diminution de la réplication du génome viral et de la production des virions. Ces résultats soulignent l’importance de l’activité PKA et donc de l’interaction entre E1A et la sous-unité régulatrice dans le cycle infectieux des adénovirus humains. Ils sont en accord avec l’étude précédente du même groupe montrant, dans le cas de l’Ad5, que l’interaction E1A-PKA était nécessaire à la transcription des gènes viraux précoces [3]. Il faut noter cependant que, dans la nouvelle étude, l’inhibition des sous-unités catalytiques réduit la réplication virale de tous les sérotypes adénoviraux testés, y compris l’Ad4 dont la protéine E1A n’interagit pas avec les sous-unités régulatrices de la PKA. Ceci suggère qu’à côté d’une activité PKA mobilisée de manière dépendante de la protéine E1A, il existe une activité PKA mobilisée indépendamment des protéines E1A.

Les données de cette étude [4], combinées aux travaux précédents de la même équipe [3], démontrent que l’interaction des protéines E1A de l’adénovirus avec la PKA est une caractéristique commune à de nombreux sérotypes adénoviraux. Les résultats obtenus ont révélé un mécanisme moléculaire original fondé sur l’interaction des protéines E1A avec le domaine D/D des sous-unités régulatrices de la PKA via un motif similaire à celui des AKAP cellulaires. Ainsi, ces travaux démontrent pour la première fois l’existence d’AKAP virales et ajoutent une nouvelle fonction à celles déjà identifiées pour les protéines E1A comme l’interaction avec la protéine Rb (rétinoblastome) [5] ou la modulation du programme épigénétique [6] de la cellule hôte. De manière plus générale, l’étude de la façon dont les protéines virales s’intègrent dans les réseaux de signalisation des cellules hôtes permet de mieux comprendre comment les virus prennent le contrôle de ces cellules pour créer un environnement propice à leur réplication.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

References
1.
Sample V, DiPilato LM, Yang JH, et al. Regulation of nuclear PKA revealed by spatiotemporal manipulation of cyclic AMP . Nat Chem Biol. 2012; ; 8 : :375.–382.
2.
Torres-Quesada O, Mayrhofer JE, Stefan E. The many faces of compartmentalized PKA signalosomes . Cell Signal. 2017; ; 37 : :1.–11.
3.
King CR, Cohen MJ, Fonseca GJ, et al. Functional and structural mimicry of cellular protein kinase A anchoring proteins by a viral oncoprotein . PLoS Pathog. 2016; ; 12 : :e1005621..
4.
King CR, Gameiro SF, Tessier TM, et al. Mimicry of cellular A kinase-anchoring proteins is a conserved and critical function of E1A across various human adenovirus species . J Virol. 2018; ; 92 : :e01902.–e01917.
5.
Whyte P, Buchkovich KJ, Horowitz JM, et al. Association between an oncogene and an anti-oncogene: the adenovirus E1A proteins bind to the retinoblastoma gene product . Nature. 1988; ; 334 : :124.–129.
6.
Horwitz GA, Zhang K, McBrian MA, et al. Adenovirus small e1a alters global patterns of histone modification . Science. 2008; ; 321 : :1084.–1085.