Approche de santé publique

2008


ANALYSE

18-

Perspectives en termes de prévention et politiques publiques

Devant la diffusion rapide des jeux de hasard et d’argent, l’augmentation exponentielle des sommes investies à ces jeux depuis une dizaine d’années qui génère un ensemble de dommages socioéconomiques parmi lesquels figure la ludopathie, les gouvernements de plusieurs pays ont décidé de considérer le jeu pathologique comme un problème de santé publique et ont développé différentes politiques de prévention.
Le développement de jeux de hasard et d’argent sur Internet en facilitant la pratique génère de plus grands risques et justifie une réflexion pour informer, éduquer et réguler l’accès, en particulier des plus jeunes.

Cadre général de la prévention du jeu pathologique

La prévention agit sur les facteurs de risque qui peuvent mener à un usage inapproprié des jeux de hasard et d’argent. Elle est antérieure à l’apparition des problèmes, afin d’éviter que le jeu n’ait des conséquences néfastes pour l’individu, pour sa famille ou pour la société. Dans le cas où un problème existe déjà, la prévention peut aussi réduire les méfaits découlant d’un usage inapproprié des jeux de hasard et d’argent (Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, 2002renvoi vers).
On distingue trois types de prévention selon leurs publics cibles :
• la prévention universelle ou à large échelle qui vise la population ou la communauté dans son ensemble sans profil de risque particulier (par exemple : campagnes d’information effectuées en partie avec des opérateurs de jeu, messages à la radio, spots télévisés précisant que le jeu peut être un problème, articles dans les journaux) ;
• la prévention sélective qui s’adresse aux groupes présentant des facteurs de risque (par exemple : information et conseils aux joueurs) ;
• la prévention ciblée ou indiquée qui s’intéresse aux sujets présentant un problème de jeu excessif et pathologique (par exemple : repérage des joueurs problématiques par auto-questionnaires, orientation vers des structures de soins).
La figure 18.1 Renvoi vers présente un exemple de politique de prévention impliquant différents acteurs (opérateurs de jeux, associations de prévention, législation) et s’adressant à différents groupes de population.
Figure 18.1 Exemples de différents niveaux de prévention du jeu pathologique en cours en Suisse Romande (d’après Al Kurdi et Savari, 2005renvoi vers)

Politiques mises en œuvre au Canada,
en Nouvelle-Zélande et en Espagne

Les articles analysés ont pour sujet les politiques définies et mises en œuvre de 1999 à 2007. Ils partent tous d’un constat identique : les jeux de hasard et d’argent ont connu une diffusion rapide ces dernières années, les sommes investies ont très fortement augmenté, le jeu excessif s’est développé. Le Canada et la Nouvelle-Zélande ont été les premiers à considérer le jeu pathologique comme un problème de santé publique. L’Espagne encadre étroitement le secteur d’activité ludique depuis sa légalisation de 1979.

Législation et organismes de contrôle

À partir des années 1999-2000, ces trois pays, Canada, Nouvelle-Zélande et Espagne, se sont tous dotés d’une législation en matière de jeux de hasard et d’argent, ainsi que d’organismes de surveillance et de contrôle, placés tantôt sous l’égide du ministère de la Santé (Nouvelle-Zélande), tantôt sous celle du ministère de l’Intérieur (Espagne).

Canada

Au niveau fédéral, les jeux de hasard et d’argent sont régis par le Code criminel : seules les provinces sont autorisées à gérer directement le jeu (loteries, casinos…) ou à encadrer les jeux avec un prélèvement. Les mineurs bénéficient d’une protection législative. Depuis 1993, ils sont mieux protégés, car les jeux sont exploités dans des lieux dont l’accès leur est interdit. Depuis 1999, il est défendu de vendre l’ensemble de jeux de hasard et d’argent aux moins de 18 ans. Après avoir expérimenté un programme de prévention en 2001 et lancé en 2002-2003 un plan d’action gouvernemental sur le jeu pathologique, le Québec a mis en œuvre le plan stratégique montréalais entre 2003 et 2006. Le Plan d’action gouvernemental 2002-2003 mettait l’accent sur la formation des personnels et des consommateurs, par exemple l’information des tenanciers de bars et des membres du personnel de tous les sites de loterie vidéo (ALV) au Québec. Quatre initiatives préventives à l’égard des adeptes montréalais de machines à sous (MS) ou d’appareils de loterie vidéo ont été lancées : une campagne de sensibilisation s’adressant soit aux tenanciers de bars soit à leurs clients ; une campagne radiophonique, la diffusion d’un film d’auteur ; un projet exploratoire de mobilisation des tenanciers de bars locaux dans le but de mieux dépister et orienter les joueurs à risque vers des ressources thérapeutiques. Le plan envisageait une réduction du parc d’appareils de loterie vidéo dans les bars et les restaurants et une diminution du nombre de sites, mais l’exécution de ces deux actions a rencontré des obstacles. Un effort particulier de prévention a été mené en direction des jeunes, auxquels étaient destinées six initiatives préventives structurées. L’ensemble de ces interventions a été mené en collaboration entre Loto-Québec et le ministère de la Santé de la Province du Québec et très souvent avec le concours du Centre québécois d’excellence pour la prévention et le traitement du jeu (CQEPTJ) de l’Université de Laval.

Nouvelle-Zélande

En Nouvelle-Zélande a été créé en 1996 le Problem Gambling Committee (PGC), un organisme caritatif privé qui a obtenu la reconnaissance du gouvernement ; il est composé à parts égales de représentants des opérateurs et des usagers. La prise de conscience du phénomène date de l’année 1999 et doit beaucoup à l’action du National Prevalence Survey. La cartographie des offres et des problèmes de jeu a montré la vulnérabilité des populations défavorisées au plan socioéconomique (Wheeler, 2003renvoi vers). En 1999, 0,8 % de la population adulte souffrait de problèmes de jeu et une fraction de 0,5 % pouvait être considérée comme atteinte d’une addiction au jeu (Abott et -Volberg, 2000renvoi vers). Les groupes les plus touchés étaient les Maori et les populations mélanésiennes. Une Gaming Rewiew est entreprise en 2001 sous l’égide du Département des affaires intérieures. Selon le Gambling Act de 2003, la politique de prévention est financée par une taxe (Problem Gambling Levy) versée par 4 opérateurs de jeux. En juillet 2004, les responsabilités en matière de jeu pathologique sont transférées du PGC au ministère de la Santé. En 2004, est fondée la Gambling Commission, institution indépendante, établie par le Gambling Act de 2003 qui a pour mission de réunir les représentants des opérateurs acquittant la taxe, des consommateurs, du ministère de la Santé, du département des Affaires Intérieures et des autres parties concernées (Ministry of Health, 2005renvoi vers et 2006renvoi vers).

Espagne

En Espagne, l’État a défini les cadres législatifs régissant le secteur privé, dont il a transféré la gestion aux 12 communautés autonomes ; celles-ci, à leur tour, ont réglementé les conditions d’exploitation des jeux de hasard et d’argent (lieux, formalités d’accès aux jeux, matériel de jeu homologué, dépôt de cautions). Elles travaillent en collaboration avec le service de contrôle des jeux de hasard et d’argent, dépendant du Commissariat général de la police judiciaire au ministère de l’Intérieur. Tous les ans, depuis 1999, est publié et mis en ligne un rapport très détaillé sur les jeux de hasard et d’argent dans le pays (revenus globaux, revenus par communauté autonome, dépenses par habitant, par catégorie de jeux, législation en vigueur dans chaque communauté autonome, activités de prévention, ce dernier chapitre étant le moins développé sur le site Internet du ministère de l’Intérieur).

Stratégies de prévention

Les politiques de prévention menées par le Canada et la Nouvelle-Zélande, pays pionniers dans la lutte contre le jeu pathologique, suivent le schéma bien connu du « Gambling harm continuum of need and intervention » qui consiste à adapter les interventions selon le niveau de risque de la population à laquelle on s’adresse. Deux types de stratégie sont proposées : prévention, promotion de la santé et réduction des risques (stratégies populationnelles), interventions précoces, prise en charge des effets à long terme du gambling (stratégies individuelles).
Les stratégies employées dans ces deux pays visent de plus à améliorer la connaissance de la problématique émergente du jeu pathologique et de sa prévention par des études épidémiologiques et sociologiques, à améliorer la formation des intervenants du réseau public et privé qui travaillent sur l’addiction au jeu, à agir par des projets adaptés à des contextes spécifiques (moyens d’information appropriés aux milieux ethniques, aux groupes cibles tels les seniors ou les travailleurs).
Le Canada comme la Nouvelle-Zélande qui ont expérimenté deux approches préventives, insistent sur l’action de proximité, la seule vraiment efficace.

Expérimentations au Canada

Au Canada (Québec), six programmes préventifs structurés destinés aux mineurs sont testés auprès des jeunes : on peut citer le programme « Lucky, le hasard on ne peut rien y changer » réservé aux jeunes et aux enseignants du secondaire (cassette vidéo) ou les tournées communautaires « Virage » qui présentent un film intitulé « Un jeu d’enfants » utilisé comme base de discussion en l’associant à des témoignages. Leur objectif est pédagogique avant tout. Ces programmes visent à renforcer la capacité des jeunes à affronter les dangers des jeux de hasard et d’argent ; ils essaient de rendre le milieu scolaire plus propice à la prévention des problèmes de jeu chez les jeunes ; ils s’emploient à sensibiliser davantage les parents et demandent de renforcer encore le contrôle de l’accès aux jeux étatisés pour les mineurs.
La population en général et les groupes ciblés font également l’objet de campagnes d’information, par le biais d’émissions télévisées et de chroniques réalisées par Loto-Québec et ses partenaires, mais aussi par le biais de documentaires, de dépliants, de bulletins d’information réalisés par des partenaires indépendants comme le Centre d’excellence sur la prévention et le traitement du jeu pathologique de l’Université de Laval. L’objectif de ces campagnes est de contrebalancer la publicité des opérateurs de jeux et de susciter une prise de conscience accrue des populations, en adaptant l’information aux clientèles spécifiques.

Expérimentations en Nouvelle-Zélande

La seconde approche, testée en Nouvelle-Zélande, et qui bénéficie d’un support financier régulier venant de la taxe sur le jeu, soutient la poursuite de recherches, lance des campagnes dans les médias et organise des débats publics. La coordination accrue des services nationaux impliqués dans le programme renforce l’efficacité des actions entreprises. L’action préventive est menée de façon graduelle le long du continuum, les joueurs peuvent recourir à des lignes d’appel, bénéficier d’interventions psychosociales individuelles ou collectives. Les problèmes de jeu enregistrés par le PGC sont répertoriés de façon systématique. Des groupes d’intervention sont formés en plus grand nombre pour agir sur les problèmes de jeu pathologique. L’objectif de cette politique est de renforcer la recherche pour réduire les effets du jeu pathologique, en analysant ses effets socioéconomiques et le rapport coût/bénéfice. Études et actions s’intègrent dans l’Observatoire de la santé publique.
En résumé, les politiques menées par l’Espagne, le Canada et la Nouvelle-Zélande reposent d’abord sur une meilleure connaissance du phénomène du jeu pathologique. En outre, le Canada et la Nouvelle-Zélande ont développé des politiques sociales de prévention valorisant l’éducation, la communication, l’information, pour empêcher l’adoption de pratiques de jeu à risque parmi les joueurs à faible risque auxquelles s’ajoutent pour les joueurs à risque modéré et à haut risque des services de conseil, en groupe ou individuel et des lignes téléphoniques d’aide. Il faut toutefois rappeler que les résultats de ces politiques récentes restent à évaluer sur une plus longue durée, de façon à mieux en mesurer l’efficacité. Une question reste posée : sont-elles adaptées aux joueurs en danger d’Europe, en particulier à ceux résidant en France ?

Prévention des jeux de hasard et d’argent en France

Historiquement, la prohibition des jeux de hasard peut être considérée comme une forme de prévention et une volonté des pouvoirs publics de réduire radicalement les effets négatifs du gambling (en termes de coût social et de santé publique), en interdisant les jeux d’argent. Cependant, cette politique « liberticide » fait débat car elle favorise les jeux clandestins. Par ailleurs, la situation de monopole (loteries, paris hippiques) et de délégation de service public (casinos) que connaît la France peut également être considérée comme une tentative des pouvoirs publics de contrôler et de limiter le jeu (et donc de lutter en amont contre le jeu excessif) tout en préservant l’ordre public. Cet argument, qui fait aussi débat, a été repris ces derniers mois par les responsables politiques et les dirigeants des sociétés de jeu (Française des jeux et PMU) dans leur « dialogue » avec les autorités européennes.
Pour la période contemporaine, à la suite des travaux précurseurs de quelques chercheurs sur le jeu problématique et le gambling (à l’Université Lyon 2, au Centre Marmottan, qui par ailleurs organise depuis plusieurs années des « journées d’études sur le jeu excessif »), des messages d’alerte de l’association « SOS joueurs » (voir annexe 7), des actions de la Sous-direction des courses et jeux (SDCJ) concernant les interdits de casinos et à la suite des deux rapports du sénateur Trucy (2002renvoi vers et 2006renvoi vers) qui ont joué un rôle décisif, un débat s’est amorcé sur la question du jeu « pathologique » et ses conséquences.
Ensuite, dans le contexte d’une demande européenne forte sur la question de la modernisation du secteur des jeux de hasard et d’argent, le gouvernement a amené les trois opérateurs historiques et les syndicats professionnels de casinos à prendre différentes mesures et décrets pour lutter contre le jeu excessif et promouvoir le concept de « jeu responsable » : actions d’information, de prévention, de formation ; financement d’une association et de quelques recherches ; expertises et colloques sur le jeu. Un « Comité pour la mise en œuvre de la politique d’encadrement des jeux et du jeu responsable » (Cojer) a été installé au ministère de l’Économie et des Finances. Il est consultatif et concerne les activités de la Française des jeux.
Les mesures réglementaires de protection, notamment envers les interdits de casino (contrôle d’identité systématique à l’entrée des casinos mis en place en novembre 2006) et les mineurs (interdiction de vente des jeux de la Française des jeux aux mineurs en 2007) ont été renforcées. Les premiers textes éthiques qui engagent les opérateurs en matière de jeu responsable (protocole pour la promotion du jeu responsable pour les casinos, charte déontologique pour les trois opérateurs) ont été rédigés.
Les actions d’information mises en œuvre sont les suivantes : information des personnels et revendeurs au contact des joueurs sur les caractéristiques du jeu excessif, diffusion de numéros verts et de supports (affiches, plaquettes, brochures, flyers…) dans les espaces de jeu, vulgarisation de différents slogans et logos « jeu responsable », actions de communication dans les médias (communiqués de presse, articles, tribunes dans les journaux…) pour faire connaître la politique de jeu responsable du gouvernement et des opérateurs de jeu.
Plus récemment, les pouvoirs publics français ont engagé d’autres démarches sur le jeu problématique. En 2006, l’addiction au jeu a été inscrite dans le plan 2007-2011 du ministère de la Santé, qui concerne la prise en charge et la prévention des addictions. Les premières recherches sur le jeu pathologique ont été lancées en 2006 et 2007, dans le cadre des « appels à projets Mildt, Inserm, Inca sur les drogues et conduites addictives ». Une mission Mildt concernant le problème des addictions au jeu a été confiée au Professeur Jean-Luc Vénisse (CHU de Nantes) en 2006 (Vénisse, 2007renvoi vers). Un colloque, présidé par le sénateur François Trucy, a été organisé à Paris à la Maison de la Chimie en octobre 2007. La Française des jeux (FDJ) et le PMU ont signé le 20 décembre 2007 une convention avec le CHU de Nantes, en vue de la création du « premier centre de référence sur le jeu excessif ». Cette convention a été signée pour trois ans pour un montant global supérieur à 1 million d’euros (dont 750 000 euros de la FDJ et 250 000 euros du PMU). Signalons également outre la présente expertise demandée par la Direction générale de la santé sur le jeu problématique, trois autres rapports ou missions qui concernent directement la question du jeu excessif et l’évolution du gambling contemporain :
• le rapport d’information de la délégation de l’Assemblée Nationale pour l’Union Européenne sur le monopole des jeux au regard des règles communautaires (paru en février 2008) ;
• le rapport de la Commission gouvernementale sur les jeux d’argent en ligne pilotée par Bruno Durieux et mise en place fin 2007 (paru en avril 2008) ;
• la mission sur la conséquence des jeux sur Internet confiée par le ministre du budget Éric Woerth au criminologue Alain Bauer (à paraître).

Prévention dans les casinos

À la demande de la Sous-direction des courses et jeux, les casinos ont été les premiers à mettre en place des actions spécifiques pour lutter contre le jeu excessif et informer leur clientèle sur les risques liés à l’abus de jeu. Ainsi, dans un premier temps, ont été signés un « relevé de conclusions » et une « charte de déontologie » (2003) où les syndicats professionnels de casinos (Casinos de France et Casinos modernes de France) se sont engagés à mieux surveiller les interdits de jeu volontaires et à mettre en place dans les exploitations des mesures de prévention en matière de jeu problématique. Une enquête interne de la Sous-direction des courses et jeux a été réalisée en 2004 pour mesurer cet engagement. Le résultat a été considéré comme mitigé par la police des jeux, en ce qui concerne la mise en œuvre des interdits de jeu, la formation des personnels, le jeu des mineurs. Suite à cette enquête et après négociations, un « protocole pour la promotion du jeu responsable » a été signé (2005). Il instaure un contrôle aux entrées obligatoire dans tous les casinos à compter du 1er novembre 2006 (ce contrôle concernait préalablement uniquement les jeux de table : roulette, boule…). Une base de données informatique des personnes interdites de casino, actualisée mensuellement, est envoyée depuis cette date à toutes les exploitations. En contrepartie, la durée de l’interdiction volontaire est passée de 5 à 3 ans.
Pendant cette période, des supports (affiches, plaquettes, brochures, flyers…) sur le jeu pathologique ont été diffusés dans les casinos. Le syndicat Casinos modernes de France a organisé un colloque à Paris et financé une recherche sur cette question. Le syndicat Casinos de France a financé « SOS joueurs » et entrepris une collaboration avec cette association, pour sensibiliser les personnels au jeu excessif (séances d’information des personnels dans les exploitations) et permettre aux joueurs qui ont des problèmes de jeu de prendre contact (numéro vert, adresse Internet). Certains grands groupes casinotiers ont créé leur propre structure et numéro vert pour « conseiller » les joueurs en difficulté (Groupe Partouche avec Adictel). La plupart des casinos ont engagé des formations internes pour sensibiliser leurs personnels au jeu problématique. Par exemple, dans les établissements du groupe casinotier Moliflor Loisirs, des « personnes référentes » ont été spécialement formées parmi le personnel d’encadrement pour repérer et informer les joueurs excessifs.
L’information/prévention sur le jeu responsable est reprise sur les sites Internet des casinos ou des groupes casinotiers.

Prévention mise en place par la Française des jeux

Les actions entreprises par la FDJ pour la mise en œuvre de sa politique d’encadrement des jeux et en faveur du jeu responsable sont pour la plupart récentes (2006-2007).
Un « Comité consultatif pour la mise en œuvre de la politique d’encadrement des jeux et du jeu responsable » (Cojer) a été créé en février 2006 avec une mission consultative. Il doit conseiller le ministre du budget dans la mise en œuvre de la politique d’encadrement des jeux exploités par la FDJ.
Les actions concernent le financement de l’association « SOS joueurs » et la rédaction d’une « charte éthique » disponible sur le site de la FDJ (cette charte figure également dans la version papier du « Journal des règlements de jeux de la FDJ », que chaque joueur peut recevoir gratuitement). Des mesures de modération concernant le jeu Rapido ont été mises en place en 2005 : la mise maximale passe de 4 000 à 1 000 euros et le nombre de tirages auquel donne droit un bulletin est diminué. Le magazine des détaillants de la FDJ (« Profession jeux ») consacre un dossier sur le jeu responsable, préparé en collaboration avec Robert Ladouceur et Claude Boutin (Université de Laval, Centre québécois d’excellence pour la prévention et le traitement du jeu, mai 2006). Des mesures de prévention à destination des mineurs de moins de 16 ans ont été mises en place en 2006 pour « ne pas les inciter à jouer ». Une interdiction de tous les jeux de la FDJ au moins de 18 ans est ensuite instaurée à partir du 1er juillet 2007 (un autocollant signale cette interdiction chez les revendeurs FDJ, un flyer est disponible sur cette interdiction). En 2006, un « directeur du programme jeu responsable » est nommé au siège de la FDJ.
Un slogan/logo jeu responsable (« Restez Maître du jeu : fixez vos limites ») est apposé progressivement sur l’ensemble des bulletins, tickets, publications… de la FDJ (2006-2007). Pour informer la clientèle de la FDJ sur le jeu excessif, différentes publications spécifiques sont diffusées depuis fin 2006/janvier 2007, notamment un flyer et une plaquette.
Le flyer « Quel joueur êtes-vous ? 8 questions pour vous tester » permet au joueur de « mesurer » s’il a un comportement responsable face au jeu. Ce document donne également différentes informations sur le jeu excessif (« conseils pour un comportement de jeu responsable », « quand le jeu devient dépendance », « les signes avant-coureurs », « pour que le jeu reste un plaisir »). Un numéro de téléphone permet de contacter « SOS joueurs » pour « le prix d’un appel local » (octobre 2006, 4 volets, 4 millions d’exemplaires). Une nouvelle version de ce flyer est diffusée au 2e semestre 2007. Ce flyer plus lisible et plus maniable que le précédent comporte cependant des modifications qui font sens dans la notation du test d’auto-évaluation (2e semestre 2007, 8 pages).
La plaquette « La Française des jeux et vous » (octobre 2006, 12 pages, 7 millions d’exemplaires) consacre deux pages sur douze au jeu responsable, tout en présentant les principaux chiffres et jeux de l’opérateur : « une société pas comme les autres », « la règle des jeux », « un modèle de jeu responsable », « des jeux pour tous les goûts ».
L’information/prévention de la FDJ sur le jeu excessif est reprise sur son site Internet et sur les écrans présents chez certains revendeurs.

Mesures prises par le PMU

En 2006/2007, le PMU a pris un certain nombre de mesures en faveur du jeu responsable :
• diffusion d’un slogan (« Jouons responsable ! ») sur les différents bordereaux ;
• flyers, publications… avec parfois un sous-titre « Pour que les courses restent un plaisir » ;
• publication d’un dossier de deux pages consacré au parieur responsable (« Pour que le pari hippique reste un plaisir » dans le numéro 11 de « PMU Mag : le magazine des parieurs », mars-avril 2007) ;
• édition de deux flyers « Jouons responsable » dans les bars/PMU comportant le numéro de téléphone et le site Internet de « SOS joueurs » : un flyer simplifié (3 volets, avril 2006) et un flyer plus dense «  Jouons responsable » (3 volets, septembre 2007) qui apporte différents conseils : « tenez-vous informé », « restez vigilant », « fixez vous un budget » et comporte un test en 8 questions. Cette information/prévention est reprise sur le site Internet du PMU.
En l’absence d’autorité unique de régulation de l’ensemble du secteur des jeux, les mesures préventives sont donc, pour l’instant, l’œuvre des opérateurs eux-mêmes, ou de leurs tutelles spécifiques. Les bénéficiaires du marché du jeu sont, en même temps, chargés d’en limiter les risques. Cette approche de type « développement durable » comporte d’évidentes limites, et ne peut suffire à définir une politique de santé publique.

Prévention concernant le gambling sur Internet

Les jeux de hasard et d’argent se développent avec toutes sortes de nouvelles technologies : les machines à sous sophistiquées, les jeux avec la télévision interactive, avec le téléphone. Il n’est plus nécessaire d’avoir recours à des destinations spécifiques, comme Las Vegas ou Atlantic City ou vers des établissements situés dans les villes. Le jeu se déplace vers les lieux de travail et le domicile. Avec Internet, les régulations habituelles du jeu disparaissent.

Spécificités des problèmes de jeu avec les nouvelles technologies

L’auteur le plus prolixe dans le domaine, Mark Griffiths, a examiné l’impact des nouvelles technologies sur le « gambling ». La technologie fournit de nouvelles opportunités de marché non seulement par le fait d’une amélioration technologique des jeux déjà existants (machines à sous beaucoup plus sophistiquées, vidéo loteries, télévision interactive, jeux sur téléphone portable…), mais aussi parce que les jeux arrivent sur Internet ce qui signifie au domicile du joueur (Griffiths, 2003renvoi vers). D’autres facteurs font du jeu en ligne une activité séduisante, en particulier : l’accessibilité physique et financière, l’anonymat (les 3 notions : access, affordability, anonymity ou accessibilité physique et financière et anonymat de Cooper, 1998renvoi vers).
La diffusion d’Internet donne un large accès à ses services, du lieu de travail ou du domicile avec un coût faible ; or la prévalence d’un comportement est liée à son accessibilité. Des études ont montré que lorsque l’accès au jeu est facilité, il y a une augmentation non seulement de joueurs réguliers mais aussi une augmentation de problèmes pour certains joueurs (Griffiths, 1999renvoi vers).
L’anonymat évite au joueur d’être stigmatisé par sa pratique, lui donne l’impression plus grande d’un contrôle sur le contenu. L’anonymat peut accroître le sentiment de confort puisqu’il y a moins de possibilités de voir la désapprobation de l’entourage, il n’y a plus de face à face avec l’autre.
Les jeux qui offrent des gains dans des laps de temps courts et répétés sont particulièrement dangereux. Ces modes de jeux utilisent le conditionnement selon les principes psychologiques de l’apprentissage. Le jeu d’argent sur Internet offre les mêmes excitations visuelles que les machines à sous et VLTs (Video Lottery Terminal). Il a été démontré que l’accélération de l’engagement personnel renforce l’illusion de contrôle, ce qui en retour peut donc augmenter le jeu.
La nature sociale de l’activité de jeu se transforme avec Internet en activité a-sociale. Des observations de joueurs sur machines à sous (Griffiths, 1991renvoi vers; Fischer, 1993renvoi vers), en particulier auprès d’adolescents, vont dans ce sens. La plupart des joueurs excessifs disent qu’il s’agit d’une activité solitaire (Griffiths, 1995renvoi vers). On peut penser qu’à mesure que le jeu d’argent deviendra technologique, les problèmes vont augmenter, en raison de la nature asociale de cette activité de jeu (Griffiths, 2003renvoi vers).
Pour un joueur d’argent, Internet peut être un médium dangereux pour plusieurs raisons : certains logiciels peuvent développer des tendances addictives ; les paris minimum sont moins élevés sur Internet qu’au casino ; les groupes fragiles (adolescents, joueurs excessifs…) qui pourraient être mis en garde par un employé de l’établissement de jeu n’ont personne pour limiter leur accès au jeu. De plus, la banalisation de l’accès à Internet dans l’entreprise augmente la possibilité de pratiques de jeu.
Par ailleurs, la monnaie électronique peut conduire à une « suspension du jugement » ; le joueur n’a plus le sens de la valeur financière. Des sites de jeu apparaissent automatiquement lors de recherches sur Internet, grâce à des incrustations. Le plus préoccupant est la façon dont les sites recueillent des données sur les joueurs (habitudes et pratiques de jeu), ainsi que leurs méthodes de marketing qui donnent l’illusion qu’ils connaissent les joueurs et sont loyaux.
L’utilisation d’outils multimédia : Internet, wap (wireless application protocol) qui permet un usage simplifié d’Internet, assistant digital personnel (PDA), télévision interactive (i-TV), téléphone mobile, permet d’utiliser des services et de payer en ligne.
Le jeu sur Internet permet naturellement des jeux de casino comme les machines à sous, le black jack, la roulette et le poker. Ces jeux requièrent des sons, de l’interactivité, du graphisme, ce que ne peut pas faire le téléphone portable. Seuls les paris sportifs sont possibles actuellement avec le téléphone mobile (wap). Mais, les prochaines générations de téléphones mobiles permettront de jouer aux jeux de casino.
Par ailleurs, le partage d’informations entre services électroniques peut permettre d’inciter aux paris. Par exemple, si un utilisateur a acheté un billet pour un match de foot par un service électronique, ce service peut partager l’information avec une compagnie de paris. La mise en contexte, la simplicité et la rapidité peut convaincre des personnes qui ne sont jamais entrées dans un lieu pour parier.

Utilisation des nouvelles technologies pour améliorer la prévention

Griffiths (2003renvoi vers) suggère des retombées potentielles de l’innovation technologique qui devrait être utilisée pour la prévention. Les sites de jeu d’argent pourraient contenir des liens vers des sites de prise de conscience (relevant awareness). Concernant les sites qui utilisent le « tracking », de telles données pourraient être utilisées pour identifier les joueurs à problèmes et les aider plutôt que les exploiter. Certains joueurs à problèmes pourraient bénéficier d’aide avec la thérapie en ligne.
Depuis 1995, des recherches ont été effectuées au Canada pour développer des sites de promotion de la santé avec les jeunes. Le but du site Internet « YouthBet.net » est de prévenir les problèmes de jeu des jeunes, grâce à un site multimédia fondé sur une approche de santé publique (tableau 18.I renvoi vers). Des jeunes ont participé à sa conception. Les jeunes qui ont consulté ce site ont aimé la façon interactive de présenter des informations sur les jeux au travers de jeux réalistes et de quizzes, ils ont dit vouloir retourner sur le site et le recommander à des amis (Korn et coll., 2006renvoi vers). « YouthBet.net » pourrait être un outil d’éducation amusant utilisé par les enseignants en classe.
Dans un but de promotion de la santé, des informations multiples sur le comportement et les problèmes des joueurs sont présentées, des conseils sur la gestion du temps, la gestion de l’argent, la perception du risque, l’auto-engagement (gambling self assessment) sont donnés. Des numéros de téléphone ainsi que l’aide en ligne sur le jeu sont accessibles pour les jeunes qui sentent avoir des problèmes avec le jeu. Mais Korn et coll. (2006renvoi vers) ne présentent pas l’évaluation de l’outil sur le site et n’expliquent pas comment les attitudes vis-à-vis du jeu changent. Seule est présentée l’évaluation de l’usage du site (accessibilité…) dans laquelle les utilisateurs disent avoir appris des choses sur le jeu et beaucoup affirment qu’ils ont réalisé qu’ils jouaient trop (Korn et coll., 2006renvoi vers).

Tableau 18.I Stratégies de santé publique pour « YouthBet.net » (d’après Korn et coll., 2006renvoi vers)

Stratégie
Type d’intervention
Outils
Objectifs
Concept
Promotion de la santé
Gestion du temps
Le temps dans la vie
Promouvoir une gestion du temps équilibrée entre le JHA (jeu de hasard et d’argent) et les autres activités
ContemplationeBalance décisionnellea,e
 
Perception générale du risque
Le risque dans les affaires
Explorer le concept de risque et la perception individuelle du risque
Susceptibilitéa
Sévéritéa
Pré-contemplatione
 
Gestion de l’argent
Dépense ton argent
Simuler le JHA dans un environnement sans risque où les jeunes peuvent choisir de jouer ou non leur argent
Contemplatione
Balance décisionnellea,e
Attentec
 
Compétences en prise de décision
1. Scenarii de paris
2. Changer ou ne pas changer
Décisions éclairées et conséquences du JHA dans trois domaines : relation à l’argent, valeurs et sentiments personnels
Contemplation
Balance décisionnellea,e
Sentiment de la valeur du résultatc
Croyance normativeb
Prévention primaire
Paris, hasard et probabilités
Paris, hasard et probabilités
Démontrer et enseigner les principes des cotes des paris, du hasard et des probabilités
Pré-contemplatione
Prise de consciencee
Capacitéc
Prévention secondaire
Auto-évaluation (SOGS-RA)
Êtes-vous à risque d’avoir des problèmes avec le jeu ?
Donner aux jeunes l’opportunité d’évaluer leur implication dans le JHA et leur risque d’avoir des problèmes
Pré-contemplatione
Préparatione
Actione
Susceptibilitéa
Auto-déterminationd
Réduction des méfaits
Minimiser les conséquences négatives
Si vous jouez, faites-le à moindre risque
Les signes du jeu problématique
Les voies gagnantes vers le jeu sans risque
Les caractéristiques du jeu à moindre risque
Fournir aux personnes concernées des informations sur leurs pratiques de jeu
Actione
Capacitéc
Auto-efficacitéc
Perception du contrôleb
Auto-déterminationd
 
Relais avec des lieux ressources en matière de traitement (référents)
Ligne d’aide aux problèmes de jeu de l’Ontario
Ligne téléphonique d’aide pour les jeunes
Fournir des noms de personnes ressources que les jeunes peuvent contacter à propos de leur dépendance au jeu ou celle de quelqu’un d’autre
Actione
Capacitéc
Auto-efficacitéc
Perception du contrôleb
Auto-déterminationd

aHealth Belief Model (Strecher et Rosenstock, 1997renvoi vers) ; bTheory of Reasoned Action/Planned Behavior (Fishbein et Ajzen, 1975renvoi vers; Ajzen, 1991renvoi vers) ; cSocial Learning/Social Cognitive Theory (Bandura, 1997renvoi vers; Baranowski et coll., 1997renvoi vers) ; dSelf Determination Theory (Ryan et Deci, 2000renvoi vers) ; eTranstheoretical Model (Prochaska et coll., 1992renvoi vers)

Selon Griffiths (2003renvoi vers), les éditeurs de jeu d’argent sur Internet doivent être socialement responsables et devraient pouvoir adhérer à un code de bonne conduite qui permettrait de vérifier un certain nombre de points : âge du joueur, paiement limité aux cartes de crédit de joueurs majeurs, seuil limite de crédit, possibilité d’auto-exclusion et de demande d’aide, notes pour dire aux joueurs de contrôler leur jeu, pages d’accueil avec logo du partenaire responsable socialement et lien vers ce partenaire, information sur les lieux pour avoir de l’aide, obligation de confirmation après un pari pour laisser une chance de changer d’avis, pas d’encouragement à rejouer, restriction des modes d’entraînement et engagement au jeu responsable.

Amélioration de la connaissance du domaine

Les jeux d’argent qui offrent des gains fréquents, un éventail de jeux variés et la possibilité de rejouer très vite, sont associés à des problèmes d’abus de jeu. Cela a été observé avec les machines à sous. La fréquence des opportunités de jeu est un facteur sans conteste du développement du jeu excessif.
Avoir des données épidémiologiques fiables est indispensable pour faire de la prévention, de même que connaître la typologie de joueurs et les facteurs de risque spécifiques. L’information de la population sur les risques est essentielle. Le contenu doit porter sur les premiers symptômes de l’abus et la dépendance, ainsi que sur les répercussions au niveau relationnel. Le joueur et son entourage doivent prendre conscience le plus rapidement possible du problème. Une réflexion collective pluridisciplinaire sur les risques que comportent certaines offres de jeu pourrait porter sur :
• les risques liés aux modalités de promotion des jeux contribuant à forger certaines croyances ;
• les risques liés à des facteurs situationnels comme l’accessibilité ;
• les risques structurels tenant à la nature du produit-jeu.
De ce point de vue, il y a beaucoup à faire pour comprendre les spécificités des jeux de hasard et d’argent sur Internet (délai entre mise et obtention possible du gain, fréquence de répétition possible du jeu en particulier). Il est important de prendre en compte les différents types de jeu et leurs risques associés.
La pratique des jeux vidéo et des jeux en ligne sur Internet (playing) qui ne concerne pas les jeux d’argent est susceptible de donner lieu également à abus, voire à dépendance, mais avec une problématique qui doit être distinguée du « classique » jeu pathologique, qui concerne les jeux de hasard et d’argent. Elle en diffère notamment par l’absence d’enjeux financiers, de surendettement, et donc de nombre de conséquences négatives. Elle en est aussi très différente, à l’heure actuelle, du fait du profil très différent des sujets concernés, qui sont en majorité des jeunes adultes, encore dépendants du milieu familial. Il s’agit d’une « cyberdépendance ».
Il existe donc une diversification du profil des personnes dépendantes. Un éclairage particulier peut être donné par la clinique autour des questions des formes de socialisation et des pratiques ludiques permises par les nouvelles technologies, mais aussi par des approches sociologique, anthropologique et économique. De telles études pourraient être menées dans le cadre d’un observatoire du jeu en France impliquant les opérateurs de jeux de hasard et d’argent et les opérateurs de jeux sur Internet et jeux vidéo.

Programmes d’accès aux soins des joueurs pathologiques

Un des problèmes majeurs dans la prise en charge des joueurs pathologiques est constitué par la faible demande de soins. Il est ainsi estimé dans la littérature qu’environ 3 à 11 % des joueurs pathologiques demandent de l’aide auprès de services spécialistes (Sullivan et coll., 2007renvoi vers). Cette constatation oblige à mettre en place des actions permettant une meilleure prise en charge de ces patients. Dans certains pays (Canada, Nouvelle-Zélande), des programmes de santé publique centrés sur le jeu pathologique ont tenté d’améliorer, entre autres, l’accès aux soins (Allard et Papineau, 2006renvoi vers) (tableau 18.IIrenvoi vers).
Les barrières limitant l’accès aux soins des joueurs pathologiques sont de plusieurs ordres. Ainsi, dans une étude téléphonique en population générale, Rockloff et Schofield (2004renvoi vers) ont tenté d’identifier « les motifs exprimés » limitant l’accès aux soins. Les barrières potentielles de l’accès aux soins étaient dans cette étude : l’accessibilité des soins, la stigmatisation liée à la prise en charge, le prix et l’efficacité supposée des prises en charge. Il apparaît ainsi qu’il convient, pour espérer améliorer l’accès aux soins, de mettre en place une campagne de déstigmatisation et d’information sur le jeu pathologique et son traitement. La question du coût de la prise en charge doit être discutée (gratuité des soins).
D’autres limites ont pu être mises en évidence dans la littérature. Dans une population de joueurs pathologiques, Sobell et coll. (1991renvoi vers) ont examiné les croyances limitant l’accès aux soins. Ils retrouvaient que la majorité des joueurs pathologiques interrogés pensaient pouvoir s’en sortir par eux-mêmes (82 % d’entre eux). La stigmatisation et la mauvaise connaissance du système de soin constituaient les autres motifs principaux limitant l’accès aux soins.
Parmi les moyens visant à améliorer l’accès aux soins, il est avancé l’idée de ne pas fixer comme seul objectif thérapeutique l’abstinence et de ne pas bâtir les programmes de soins sur ce seul objectif. En effet, chez certains joueurs pathologiques des objectifs thérapeutiques « inaccessibles », comme le sevrage, peuvent constituer une barrière à l’accès aux soins (Robson et coll., 2002renvoi vers). À l’image de ce qui est proposé dans les autres addictions, l’objectif des soins devrait être de proposer des programmes visant à limiter les dommages et les dégâts liés à la conduite de jeu. Robson et coll. (2002renvoi vers) ont ainsi pu montrer, qu’il était possible de diminuer les dépenses et certaines conséquences sociales liées au jeu pathologique, en proposant à certains joueurs pathologiques une intervention centrée sur le contrôle du jeu. Les programmes de traitement fondés sur le contrôle du jeu et non sur l’abstinence s’avèrent, dans la littérature, efficaces et facilement accessibles (Ladouceur, 2005renvoi vers).

Tableau 18.II Aménagements aux programmes de traitement sur le jeu souhaités par les usagers au Canada (d’après Allard et Papineau, 2006renvoi vers)

Aménagements généraux
Plus de services en région
Ligne téléphonique avec intervenant 24 h/24 et 7 jours/7
Possibilité d’intervention professionnelle de crise à domicile
Meilleur réseautage avec les CLSC (centres locaux de services communautaires)
Avant le traitement
Moins de délais d’attente de traitement
Plus d’information sur les services offerts (joueurs et proches)
Pendant le traitement
Prolongement de la durée (peu importe la durée du traitement suivi)
Raccourcissement de la durée (peu importe la durée du traitement suivi)
Préférence pour le groupe et non l’individuel (en région surtout)
Préférence pour des groupes de joueurs seulement
Besoin d’intervenants qualifiés, crédibles, présents, sérieux, solides, qui ont de l’expérience…
Possibilité d’inviter des proches aux réunions (en l’occurrence, son patron)
Plus de contenu portant sur la motivation
Plus de contenu sur les facteurs familiaux, économiques, culturels
Matériel d’information plus résumé, distinct selon les dépendances
Gratuité ou baisse des frais pour des thérapies internes
Système d’autoexclusion efficace
Diversifier les services
Faire payer la thérapie par les assurances (privées ou assurance maladie)
Visite avec le thérapeute au casino
Après le traitement
Disponibilité d’aide pour les rechutes
Importance de garder le contact, un suivi, des liens…
Suivi post-thérapeutique d’un an payé par le gouvernement
Disponibilités d’arrangements financiers
Maison communautaire d’hébergement, de formation et de réinsertion pour ceux qui ont tout perdu
Programme gouvernemental de réinsertion
Concernant le jeu
Arrêt de la publicité trompeuse
Regroupement des ALV (appareils de loterie-vidéo) dans les casinos
Plus de budget au traitement et à la prévention
Affichage sur les ALV de leur fonctionnement et taux de retour aux joueurs
Colloques sur les dangers du jeu
Employé disponible pour les joueurs à problèmes au casino
Au Québec et en Nouvelle-Zélande, les recommandations insistent sur le fait de pouvoir diversifier l’offre de soins et de développer des programmes de traitements divers reposant sur des méthodes et des techniques validées. Parmi les possibilités de diversification des soins, en dehors des stratégies visant au jeu contrôlé, il est proposé de développer les techniques validées de « prises en charge brève » (Shaffer et Korn, 2002renvoi vers). Ces techniques d’intervention brèves, même réalisées par téléphone, ont montré leur efficacité pour contrôler les manifestations du jeu pathologique (Hodgins et coll., 2001renvoi vers). Le plus souvent, ces techniques reposent sur le modèle transthéorique du changement développé par Prochaska et coll. (1992renvoi vers).
Il est également suggéré de mettre en place des programmes de traitement sur Internet (Griffith et Cooper, 2003renvoi vers; Griffith, 2005renvoi vers). Cette technique permet probablement de diminuer les réticences à accéder aux soins du fait de l’anonymat et de sa facilité d’accès. De nombreux formats de conseils et de soins existent déjà sur Internet comme la thérapie online, la cyberthérapie, la e-thérapie. Ce type de prise en charge constitue une alternative aux modes « classiques » de thérapie. Il semble par ailleurs que le coût de ces méthodes de prise en charge sur Internet soit peu élevé.
La question de la formation des intervenants de première ligne (médecins généralistes) et des intervenants spécialisés constitue un enjeu important pour améliorer l’accès aux soins. Ainsi, en Nouvelle-Zélande, depuis 2006, un plan gouvernemental visant à minimiser les conséquences sanitaires (troubles psychiatriques, suicides, problèmes médicaux) et sociales (surendettement..) du jeu pathologique a été lancé. La formation des acteurs du soin de première ligne (médecins généralistes) au repérage du jeu pathologique est proposée parmi les mesures visant à améliorer la prise en charge et l’accès aux soins. L’étude conduite par Sullivan et coll. (2007renvoi vers) montre que la grande majorité des patients en médecine générale accepte de remplir des auto-questionnaires pour le dépistage du jeu pathologique. Les patients indiquent que le médecin généraliste constitue pour eux la personne appropriée pour les aider avec le problème du jeu pathologique. Ceci est confirmé par l’étude de Goodyear-Smith et coll. (2006renvoi vers), pour qui le médecin généraliste apparaît comme un partenaire majeur dans l’identification et la prise en charge des joueurs pathologiques, surtout chez ceux se plaignant de dépression et d’anxiété. Les médecins généralistes ne sont pas les seuls intervenants de première ligne à former. Des programmes de formation au repérage du jeu pathologique sont proposés dans certains pays (Canada, Australie..) aux intervenants de première ligne en santé mentale (psychologues, travailleurs sociaux...). Ces programmes sont généralement de courte durée (quelques jours au maximum). Le plus souvent la nécessité de mettre rapidement en place, après ces formations, des supervisions et des ateliers de perfectionnement est soulignée par les promoteurs de ces programmes (Ladouceur et coll., 2005renvoi vers).
Si des actions en faveur des intervenants de première ligne sont nécessaires, un travail en direction des intervenants en addictologie doit également être fait. Dans sa revue des actions nécessaires pour améliorer l’accès aux soins et la prise en charge des joueurs pathologiques, Hansen (2006renvoi vers) suggère d’augmenter le niveau de compétence sur le jeu pathologique des thérapeutes en addictologie. Il convient pour lui d’améliorer leurs connaissances des stratégies efficaces dans le jeu pathologique afin de ne plus en référer aux seuls traitements résidentiels ou aux traitements « multimodaux ».
Des actions doivent être menées chez les patients souffrant de troubles psychiatriques ou d’addiction. En effet, parmi les populations de patients en contact avec le système de soin psychiatrique ou spécialisé pour les addictions en Amérique du Nord, on estime que la prévalence vie-entière de jeu pathologique est de 14 % (Shaffer et coll. 1997 cités par Drebing et coll., 2001renvoi vers). Le plus souvent, ces patients ne sont pas repérés et n’ont pas de prise en charge spécifique pour ce problème (Drebing et coll., 2001renvoi vers). Pour la majorité des auteurs, plusieurs éléments concourent à cette sous-évaluation et à la faible prise en charge du jeu pathologique : méconnaissance du trouble, absence de formation des personnels, méconnaissance des stratégies efficaces de traitement possible. L’importance de l’association entre le jeu pathologique et les autres addictions justifie la mise en place de formation des intervenants dans le domaine des addictions au repérage et à la prise en charge du jeu pathologique pour de nombreux auteurs (Orford et coll., 2003renvoi vers).
En conclusion, la prévention du jeu excessif fait suite et complète le cadrage législatif instauré dans différents pays face à la prise de conscience des problèmes posés par les jeux de hasard et d’argent. Des pays tels que le Canada et la Nouvelle-Zélande ont expérimenté des politiques de prévention fondées sur la création de lignes d’appel, l’information et la sensibilisation de la population, notamment des mineurs. Ces stratégies font appel à la formation d’intervenants de proximité et à l’utilisation des médias. En France, l’engagement des pouvoirs publics dans ce domaine est très récent. Les opérateurs de jeux (FDJ, PMU) diffusent des supports d’information sur les risques du jeu excessif et les casinos se sont engagés à renforcer les contrôles aux entrées. Les nouvelles formes de jeu sur Internet touchent une population plus diversifiée que les jeux traditionnels, et les nouvelles technologies pourraient être utilisées pour prévenir les problèmes de dépendance à ces jeux. Enfin, les freins à l’accès aux soins des joueurs pathologiques sont nombreux et des interventions fondées sur le contrôle du jeu plutôt que l’abstinence seraient plus efficaces. Là également, des formations s’avèrent indispensables pour les différents acteurs impliqués.

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