III. Déficiences, mécanismes et modèles explicatifs

2019


ANALYSE

10-

Neuro-imagerie : des apports
encore limités à la compréhension
du TDC

Ce chapitre s’intéresse aux régions cérébrales qui pourraient sous-tendre le TDC telles qu’elles sont identifiées par la neuro-imagerie. Le contrôle sensori-moteur et les aspects cognitifs du fonctionnement cérébral des personnes atteintes de TDC sont présentés dans les deux chapitres précédents. Plusieurs hypothèses sur les corrélats neuronaux ont émergé, notamment concernant l’implication potentielle du cervelet, du cortex pariétal postérieur et du cortex frontal inférieur ou encore de la voie dorsale (occipito-pariétale) ou des boucles cortico-cérébelleuse et cortico-striatale. Néanmoins, seulement quinze articles ont été publiés sur les régions cérébrales qui pourraient sous-tendre le TDC (revue dans Biotteau et coll., 2016renvoi vers). De plus, les quinze articles ne correspondent pas à quinze études indépendantes, certains articles utilisant les mêmes échantillons et certaines études étant publiées en plusieurs parties. Ces études sont relativement récentes puisque les premières publications datent de 2008. Les études sont séparées en deux catégories : 1) l’imagerie fonctionnelle par résonance magnétique, qui permet d’identifier les différences de fonctionnement de régions cérébrales lors de la réalisation d’une tâche cognitive ; 2) l’imagerie structurale, qui s’intéresse à l’anatomie du cerveau. Au sein de la première catégorie, les articles sont présentés par ordre chronologique. La deuxième catégorie est séparée en trois sous-parties regroupant les études utilisant a) des mesures d’épaisseur corticale ; b) l’imagerie par diffusion et c) des mesures de volumes cérébraux. Pour chaque article, sont précisées les caractéristiques de l’échantillon étudié avec les critères d’inclusion et d’exclusion, la méthodologie choisie, et les principaux résultats1 .

Imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf)

L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle permet d’observer les activations des régions cérébrales pendant la réalisation d’une tâche cognitive. La totalité des études décrites ici comparent un groupe de sujets atteints de TDC à un groupe contrôle. L’objectif général est alors de rechercher des différences d’activations cérébrales entre les deux groupes lors d’une tâche donnée.
En 2008, Querne et ses collèguesrenvoi vers réalisent une étude en IRMf chez neuf enfants (2 filles et 7 garçons) présentant un TDC comparés à dix enfants (3 filles et 7 garçons) contrôles, âgés de 8 à 13 ans. En réalité, douze enfants présentant un trouble de la coordination ont été initialement inclus mais pour trois d’entre eux, les images obtenues n’étaient pas interprétables, les enfants ayant trop bougé pendant leur acquisition. Les critères d’inclusion sont ceux du DSM-IV et se fondent sur un entretien semi-structuré de l’enfant et de ses parents, un examen neurologique, et un bilan neuropsychologique incluant l’échelle d’intelligence de Wechsler (WISC-III), la batterie d’évaluation de Kaufman pour les enfants (K-ABC), la figure de Rey, le test de Stroop et certains items de la NEPSY (fonctions sensori-motrices, exécutives et attentionnelles). À noter qu’il n’y a pas d’évaluation systématique par une échelle standardisée telle que la MABC de l’ensemble des fonctions motrices. Néanmoins, les auteurs affirment que tous les enfants présentent des troubles de la coordination qui perturbent leur vie quotidienne et/ou leurs performances scolaires. Les critères d’exclusion sont les antécédents de pathologie neurologique ou psychiatrique, une lésion cérébrale, un traitement médicamenteux ou un déficit intellectuel (QI verbal ≤ 80). La tâche réalisée par les enfants dans l’IRM est une tâche de go-no go dans laquelle ils doivent presser un bouton quand ils voient une lettre sauf quand la lettre est X. Pour réaliser cette tâche avec succès, ils doivent donc inhiber leur réaction motrice quand la lettre X apparaît. Les performances des enfants dans la tâche ne sont pas différentes entre les deux groupes. En ce qui concerne les aspects de neuro-imagerie, les analyses des régions activées par la tâche sont présentées séparément pour chaque groupe. Il semble que les mêmes régions soient impliquées dans chaque groupe de sujets mais il manque les analyses statistiques de la comparaison entre les deux groupes, ce qui tend à faire penser qu’aucune différence significative n’a été mise en évidence. Les auteurs réalisent ensuite des analyses de connectivité effective en utilisant un modèle statistique (SEM) dans lequel ils incluent quatre régions impliquées dans le réseau attentionnel : le cortex pariétal inférieur (BA40), le cortex frontal médian (BA46), le cingulaire antérieur (BA32) et le striatum. Les résultats mettent en évidence une augmentation de la connectivité entre les cortex frontal médian et cingulaire gauches d’une part et le cortex pariétal inférieur gauche d’autre part chez les enfants présentant un trouble de la coordination comparés aux enfants contrôles et une diminution de la connectivité entre le cortex pariétal et le striatum droits. Il semble que l’inhibition pourrait dépendre d’un réseau cérébral latéralisé à gauche chez les sujets avec un TDC alors qu’elle serait associée à un réseau latéralisé à droite chez les sujets contrôle. Les auteurs suggèrent qu’une perturbation de la spécialisation hémisphérique cérébrale lors du développement pourrait être associée au TDC.
En 2009, Kashiwagi et ses collèguesrenvoi vers publient une étude en IRMf impliquant douze garçons, âgés de 9 à 12 ans, présentant un TDC, et douze garçons sans particularité développementale du même âge. Les critères d’inclusion et d’exclusion des enfants présentant un trouble de la coordination sont ceux du DSM-IV. Ils sont vérifiés via des échelles standardisées (MABC, WISC-III). Néanmoins, huit enfants sur douze présentent des troubles associés : un trouble de l’attention pour trois d’entre eux, une dyslexie pour trois autres enfants et une association entre une dyslexie et un trouble de l’attention pour deux enfants. Dans l’IRM, les enfants réalisent une tâche motrice dans laquelle, à l’aide d’un joystick, ils doivent placer un rond blanc dans un cercle bleu qui bouge horizontalement. Il y a une condition contrôle dans laquelle les enfants regardent un rond blanc se placer dans un cercle rouge qui bouge horizontalement, sans manipuler le joystick et une condition de repos durant laquelle ils fixent une croix centrale. Les enfants présentant un trouble de la coordination ont des performances moins bonnes dans la tâche motrice que les enfants contrôles. Les analyses de contraste mettent en évidence une diminution de l’activation des lobes pariétaux inférieurs et supérieurs dans le cortex pariétal gauche et du gyrus post-central gauche chez les enfants présentant un trouble de la coordination comparés aux enfants contrôle lorsque l’on contraste la tâche motrice à la condition contrôle. Cette diminution d’activation est donc associée à une diminution de performance dans la tâche motrice chez les enfants atteints.
L’équipe de Zwicker a mené une étude en IRMf qui a conduit à la publication de deux articles (Zwicker et coll., 2010renvoi vers ; 2011renvoi vers). Il s’agit d’une étude d’entraînement sur une épreuve de graphisme. Le premier article présente les résultats de neuro-imagerie avant la session d’entraînement, le second présente la comparaison entre les résultats d’imagerie avant et après entraînement. L’étude concerne sept enfants (6 garçons et 1 fille) présentant un TDC comparés à sept enfants contrôles (4 garçons et 3 filles), âgés de 8 à 12 ans. Les enfants présentant un TDC ont été identifiés dans les écoles via l’échelle standardisée MABC-2 (5 ont des scores qui les situent en dessous du 15e percentile et 2 ont des scores au niveau du 16e percentile), un test de QI (KBIT-2) dont le score devait être supérieur à 80, un entretien clinique structuré et des questionnaires (DCD-Q) pour évaluer l’impact sur la scolarité et la vie quotidienne. Les enfants présentant un trouble de l’attention évalué par une échelle de Conners (score > 70) ont été exclus. Dans l’échantillon initial, 16 enfants présentant des troubles moteurs avaient été recrutés : cinq présentaient des troubles neurologiques ou psychiatriques associés et 4 n’ont pas passé l’IRM (trop de bruit, claustrophobie etc.). Les enfants contrôles devaient avoir des scores à la MABC-2 qui les situaient au-delà du 25e percentile. Neuf enfants ont été initialement sélectionnés dans le groupe contrôle mais sept seulement ont été inclus. La tâche utilisée était la tâche de traçage de la NEPSY dans laquelle les enfants doivent dessiner le contour d’une fleur en passant entre deux traits déjà dessinés. Les enfants dessinent en utilisant un joystick. Il y a deux sessions IRM (J1 et J5) et 3 sessions d’entraînement à la tâche entre les deux IRM. Chaque session comporte quatre blocs de 4 minutes avec 1 minute de repos, 2 minutes de traçage suivies de 1 minute de repos. Dans les périodes de repos, les enfants doivent juste regarder la même fleur qui apparaît en rouge. Les performances initiales des enfants présentant un TDC ne sont pas différentes de celles des enfants contrôles dans la tâche de traçage. En revanche, on retrouve une activation plus importante chez les enfants présentant un trouble de la coordination dans les régions suivantes : lobe inférieur pariétal gauche (BA 40), gyrus supramarginal droit (BA 40), gyrus frontal moyen droit (BA 46), gyrus lingual droit, gyrus parahippocampique droit, gyrus cingulaire postérieur droit, gyrus précentral droit, gyrus temporal supérieur droit, cervelet droit (VI). À l’inverse, l’activation est moins importante chez les enfants présentant un TDC dans les régions suivantes : precuneus et gyrus post-central gauche (pariétal), gyrus frontal supérieur et inférieur gauche, gyrus temporal supérieur droit. Chez les enfants présentant un TDC, l’entraînement à la tâche de traçage n’a pas d’effet sur le nombre d’erreurs, à la différence des enfants contrôles qui eux, font moins d’erreurs après entraînement. Mais les enfants présentant un TDC deviennent plus rapides pour réaliser la tâche. En ce qui concerne les analyses de neuro-imagerie, les résultats montrent que les enfants présentant un TDC montrent moins d’activation que les enfants contrôles dans les lobes inférieurs pariétaux droit et gauche, le gyrus lingual droit (région occipitale), le gyrus frontal moyen droit, le gyrus fusiforme gauche, le cervelet droit (I) et le cervelet gauche (VI, IX) après entraînement.
Debrabant et ses collègues ont publié en 2013renvoi vers une étude d’IRMf explorant les capacités prédictives sur 17 enfants présentant un trouble de la coordination comparés à 17 enfants contrôles, âgés de 7 à 10 ans. La tâche dans laquelle les enfants doivent réagir aussi vite que possible à l’apparition d’une image au centre de l’écran en pressant un bouton comporte deux conditions : une condition dans laquelle l’image apparaît toutes les 1 200 ms (« prédictible »), et une condition dans laquelle l’intervalle varie aléatoirement (« non prédictible »). Les enfants contrôles sont plus rapides et anticipent plus souvent les réponses lorsque le moment de l’apparition de l’image est prédictible alors qu’il n’y a pas de différence entre les deux conditions chez les enfants présentant un trouble de la coordination. Du point de vue des activations cérébrales, il n’y a pas de différence d’activation entre les deux conditions chez les enfants présentant un trouble de la coordination. En revanche, les enfants contrôle présentent plus d’activation du cortex préfrontal dorso-latéral et du gyrus frontal droits dans la condition où l’intervalle est aléatoire, comparée à la condition prédictive. Si on s’intéresse à ce même contraste chez les enfants présentant un TDC comparés au groupe contrôle, on observe une moindre activation du cortex préfrontal dorso-latéral, du cervelet postérieur gauche, et de la jonction temporo-pariétale droite chez les enfants présentant un trouble de la coordination.
En 2014, McLeod et ses collèguesrenvoi vers rapportent une étude portant sur des groupes d’enfants âgés de 8 à 17 ans et incluant : 7 enfants présentant un TDC, 18 enfants présentant un TDC et des troubles de l’attention, 21 enfants avec un trouble de l’attention isolé et 23 enfants contrôles. Les critères diagnostiques du TDC sont ceux du DSM-IV. Les enfants recrutés ont reçu un diagnostic clinique de trouble de la coordination et doivent avoir un score au MAB-C inférieur au 16e percentile. L’étude s’intéresse à la connectivité fonctionnelle lors d’une tâche de repos. Les résultats montrent une diminution de la connectivité fonctionnelle chez les enfants atteints de TDC entre le cortex primaire gauche d’une part et les gyri frontaux inférieurs, la partie operculaire du lobe frontal droit, le gyrus supramarginal droit, l’insula, les gyri temporaux supérieurs, les noyaux caudés, le nucleus accumbens droit, le pallidum et le putamen.
En 2015, Reynolds et ses collèguesrenvoi vers ont publié une étude d’imagerie fonctionnelle explorant les bases neurales d’observation, d’exécution et d’imitation de séquences digitales chez quinze garçons considérés comme atteints de troubles de la coordination motrice âgés de 8 à 12 ans et douze garçons issus de la population générale. Il est important de noter que si tous les enfants du groupe pathologique présentent des troubles moteurs, aucun diagnostic formel de TDC n’a été porté. Les diagnostics différentiels qui peuvent entraîner des troubles moteurs n’ont donc pas été éliminés. Néanmoins, les enfants sont sélectionnés en raison de l’existence de troubles moteurs (score inférieur au 16e percentile à la MABC) les gênant dans leur vie quotidienne. Tous les enfants du groupe contrôle ont un score supérieur au 20e percentile à la MABC. Dans les deux groupes, les enfants qui ont été diagnostiqués porteurs d’un trouble de l’attention ou du spectre autistique sont exclus ainsi que ceux qui ont des scores indicateurs de pathologie à un questionnaire de trouble de l’attention ou à une échelle évaluant les symptômes autistiques. Dans l’IRM, on présente aux enfants des séquences de mouvements de doigts. Il y a trois conditions expérimentales : une condition d’observation dans laquelle ils regardent la séquence passivement, une condition d’exécution dans laquelle ils réalisent l’ensemble de la séquence, une condition d’imitation dans laquelle ils imitent les mouvements de doigts en même temps qu’ils les regardent. Les performances des enfants dans la tâche comportementale ne sont pas enregistrées et les comparaisons entre les deux groupes au niveau comportemental ne sont donc pas présentées dans l’article. Concernant la neuro-imagerie, les résultats montrent une activation moindre de la partie operculaire du gyrus frontal inférieur droit, des gyri précentraux droit et gauche (LF), du gyrus temporal médian gauche, du cortex cingulaire postérieur gauche et du précunéus droit chez les enfants atteints de troubles de la coordination motrice comparés au groupe contrôle dans la condition d’observation contrastée avec la condition de base. Les analyses des régions d’intérêt retrouvent, chez les enfants avec trouble de la coordination motrice, une diminution de l’activation de la partie operculaire du gyrus frontal inférieur dans la condition d’imitation (contrastée avec la condition d’observation) mais une augmentation de cette activation dans la condition d’observation (contrastée avec la condition de base).
Dans une étude publiée en 2015, Licari et ses collèguesrenvoi vers ont comparé treize enfants présentant un TDC à treize enfants contrôles lors de tâches motrices. Les enfants du groupe pathologique étaient tous suivis pour un TDC et avaient des scores à la MABC inférieurs au 5e percentile. Les enfants du groupe contrôle avaient des scores à la MABC supérieurs au 15e percentile. Les enfants présentant un trouble de l’attention étaient exclus. Il faut noter que trois des enfants présentant un TDC inclus dans cette étude avaient aussi participé à l’étude de Reynolds et coll. (2015)renvoi vers. Les tâches motrices consistaient à toucher le pouce avec chaque doigt et à ouvrir et fermer la main de façon répétée. Les auteurs s’intéressent non pas aux performances lors des tâches motrices mais aux mouvements qui surviennent dans la main controlatérale pendant l’exécution de la tâche. Les mouvements sont enregistrés via des capteurs. Les résultats montrent plus de mouvements controlatéraux dans les deux tâches motrices dans le groupe des enfants présentant un TDC. Dans la tâche impliquant les doigts, on observe une diminution de l’activation des gyri frontaux inférieur et supérieur gauches et une augmentation de l’activation du gyrus post-central droit chez les enfants présentant un trouble de la coordination. En revanche, dans la tâche d’ouverture/fermeture de main, aucune différence significative n’a été mise en évidence entre les deux groupes d’enfants.
En 2017, Biotteau et collaborateursrenvoi vers ont rapporté les résultats d’une étude en IRM fonctionnelle réalisée sur un groupe de 48 enfants, âgés de 8 à 12 ans. Seize enfants étaient porteurs d’un TDC isolé, seize enfants étaient atteints de dyslexie et seize enfants étaient touchés à la fois par une dyslexie et un TDC. Des diagnostics formels de TDC et/ou de dyslexie avaient été portés par des praticiens expérimentés pour l’ensemble des enfants recrutés. Les enfants porteurs de TDC devaient présenter un score à la MABC inférieur au 5e percentile pour être inclus. Les enfants contrôles présentaient tous des scores supérieurs au 15e percentile. Tous les enfants réalisaient deux tâches de « finger tapping » : une tâche dans laquelle ils répétaient une séquence sur laquelle ils s’étaient entraînés auparavant et une tâche dans laquelle la séquence était nouvelle. Les résultats ne mettent pas en évidence de différence au niveau comportemental entre les deux groupes. En revanche, ils montrent une activation plus importante chez les enfants présentant un trouble de la coordination motrice que chez les enfants dyslexiques dans un ensemble de régions qui comporte le gyrus cingulaire droit, le thalamus gauche et droit, le noyau caudé droit, cervelet droit (X), le gyrus cingulaire gauche, le gyrus frontal médian droit, les gyri temporaux supérieurs droit et gauche, le précunéus droit, l’insula droite.

Imagerie structurale

Cette section regroupe les articles qui ont utilisé des techniques pour étudier les différences de structure anatomique cérébrale associées au TDC.

Mesure de l’épaisseur corticale

Langevin et collaborateurs ont publié en 2015renvoi vers une étude incluant 14 enfants présentant un TDC, 10 enfants atteints de trouble de l’attention, 10 enfants touchés à la fois par un TDC et un trouble de l’attention et 14 enfants contrôles. Les enfants sont âgés de 8 à 17 ans, ce qui est un problème étant donné les modifications majeures qui interviennent au niveau de la structure cérébrale entre 8 et 17 ans et en particulier en ce qui concerne l’épaisseur corticale. Conscients de ces difficultés, les auteurs ont, lors de leurs analyses, tenté de diminuer l’impact de l’âge en le mettant en covariable dans leurs comparaisons statistiques. Néanmoins, l’évolution de l’épaisseur corticale avec l’âge n’étant pas linéaire, cette tentative de prise en compte de l’âge est peu valide. Les enfants issus de la population générale sont considérés comme porteurs de TDC si leur score à la MABC-2 est en-dessous du 16e percentile. Les résultats de l’étude sont assez confus, des divergences existant entre les résultats présentés dans les tableaux et ceux décrits dans le texte. Dans la partie intitulée « Results » de l’article, la seule différence identifiée entre le groupe des enfants présentant un TDC isolé et le groupe contrôle est une diminution d’épaisseur du cortex orbito-frontal médian droit chez les enfants atteints. Ce résultat est à considérer avec d’autant plus de prudence que séparer la substance grise de la substance blanche dans cette région est particulièrement ardu. Dans le tableau de synthèse des résultats et dans la discussion (mais pas dans la partie « Results »), il est rapporté une diminution d’épaisseur corticale dans le pôle temporal droit chez les enfants présentant un TDC isolé comparés aux enfants contrôles. Au-delà du questionnement sur la validité de ces résultats, leur interprétation est loin d’être évidente. En effet, la maturation cérébrale liée à l’âge s’accompagne d’une diminution de l’épaisseur corticale. Que signifie alors une diminution de l’épaisseur corticale chez des enfants pathologiques ? Doit-on comprendre que leur cerveau est plus mature ou doit-on penser qu’il s’agit du reflet d’un dysfonctionnement cérébral ?
Caeyenberghs et collaborateurs (2016)renvoi vers ont analysé les corrélations entre les épaisseurs corticales de différentes régions cérébrales afin d’étudier l’organisation structurale des réseaux cérébraux chez 11 enfants présentant un TDC comparés à un groupe contrôle de 19 enfants. Les enfants sont âgés de 8 à 12 ans. Les enfants inclus dans le groupe pathologique avaient tous reçu un diagnostic formel de TDC et leurs scores à l’échelle MABC-2 étaient inférieurs au 15e percentile. Les résultats mettent en évidence des différences d’organisation structurale dans le cortex orbitofrontal latéral droit entre les enfants atteints de TDC et le groupe contrôle.

IRM de diffusion cérébrale

L’IRM de diffusion s’appuie sur le déplacement des molécules d’eau le long des axones pour reconstruire le trajet des faisceaux de fibres nerveuses entre différentes régions cérébrales. Elle permet ainsi de mesurer la connectivité anatomique du cerveau. Trois études (Zwicker et coll., 2012renvoi vers ; Langevin et coll., 2014renvoi vers ; Zwicker et coll., 2012renvoi vers ; Debrabant et coll., 2016renvoi vers) utilisant cette technique chez des enfants présentant un TDC ont été publiées. Deux de ces études (Zwicker et coll., 2012renvoi vers ; Langevin et coll., 2014renvoi vers) portent sur un nombre très faible d’enfants présentant des troubles de la coordination isolé (7 dans Zwicker et coll., 2012renvoi vers ; 9 dans Langevin et coll., 2014renvoi vers) et leurs résultats doivent donc être considérés avec une grande prudence. De plus, dans l’étude de Langevin et coll. (2014)renvoi vers, l’âge des enfants varie de 8 à 17 ans, ce qui implique des différences importantes de maturité cérébrale. Au niveau technique, le nombre de directions utilisées lors de l’acquisition des images est variable : 16 pour Zwicker et coll. (2012)renvoi vers, 11 pour Langevin et coll. (2014)renvoi vers et 30 pour Debrabant et coll. (2016)renvoi vers. Les résultats retrouvent, dans le TDC, une fraction d’anisotropie2 inférieure dans la partie pariétale supéro-postérieure du corps calleux et dans la partie latérale du faisceau longitudinal supérieur (Langevin et coll., 2014renvoi vers) et une diminution de fraction d’anisotropie et augmentation de la diffusion radiale dans le segment retrolenticulaire gauche de la capsule interne (Debrabant et coll., 2016renvoi vers). L’étude de Zwicker et collaborateurs (2012)renvoi vers ne met pas en évidence de diminution de la fraction d’anisotropie mais indique une réduction de la diffusivité moyenne dans la voie corticospinale. Néanmoins, lorsque l’on regarde séparément la diffusivité radiale d’une part et axiale d’autre part, cette différence entre les enfants présentant un TDC et les enfants contrôles disparaît. Les auteurs suggèrent qu’une réduction de la diffusivité des voies motrices et sensorielles pourrait être impliquée dans le TDC. Ils précisent néanmoins qu’une réplication sur un échantillon plus large est indispensable pour le confirmer.
Dans une étude récente, Williams et collaborateurs (2017)renvoi vers, ont utilisé l’IRM de diffusion chez des adultes considérés comme probablement atteints par un TDC. Le terme probable est utilisé parce qu’aucun diagnostic formel n’a été posé. Néanmoins, les participants qui ont été recrutés par annonce devaient avoir présenté des difficultés motrices dans l’enfance et leur performance motrice évaluée par une échelle spécifique devait être en-dessous de la norme. L’échelle utilisée (Mc Carron Assessment of Neuromuscular Development, 1997) évaluait la motricité fine et la motricité générale et un score inférieur à 85 était considéré comme pathologique. Sur les 21 personnes qui ont postulé pour participer à l’étude, seulement 12 avaient un score inférieur à 85 et ont pu être incluses. Les sujets contrôles devaient eux obtenir un score supérieur à 85. Parmi les 15 qui ont postulé, 3 ont été exclus en raison d’un score trop bas. Les autres critères d’exclusion étaient un diagnostic d’autisme, de trouble de l’attention, de déficit intellectuel et des antécédents de pathologie organique ou neurologique. Douze adultes âgés de 18 à 45 ans présentant probablement un trouble de la coordination ont donc été comparés à 11 sujets contrôles, un sujet ayant dû être exclu des analyses pour des raisons techniques. Soixante-quatre directions étaient utilisées. Les résultats montrent une diminution de la fraction d’anisotropie dans le faisceau cortico spinal gauche supérieur et dans le faisceau longitudinal supérieur gauche et une diminution de la diffusivité moyenne dans le faisceau longitudinal inférieur droit et la branche antérieure de la capsule interne chez les sujets probablement atteints par un TDC comparés aux sujets contrôles. À noter que les résultats de la diffusivité axiale et radiale ne sont pas présentés. L’avantage d’étudier le cerveau d’adultes est que la maturation cérébrale est terminée et que les différences observées ne peuvent pas être expliquées par des différences liées à l’âge. En revanche, les compensations mises en Ĺ“uvre tout au long de la vie peuvent modifier la structure cérébrale. Les différences observées ne reflètent pas alors uniquement les dysfonctionnements liés au trouble mais aussi les stratégies utilisées pour le compenser.

Mesure des volumes cérébraux

Reynolds et collaborateurs (2017) ont étudié le volume de différentes régions cérébrales en utilisant l’IRM chez des enfants présentant un TDC comparés à des enfants contrôles. L’échantillon d’enfants étudié regroupe ceux de l’étude de Licari et coll. (2015)renvoi vers et de Reynolds et coll. (2015)renvoi vers. Pour les trois enfants qui ont participé aux deux études, les images acquises lors de la seconde participation n’ont pas été prises en compte. Alors qu’il était écrit que les enfants n’avaient pas reçu de diagnostic formel de TDC dans l’article de Reynolds et coll. (2015)renvoi vers, il est ici mentionné que les enfants étaient adressés par un professionnel de santé pertinent. Les enfants avec un trouble de la coordination motrice présentaient un score inférieur au 16e percentile à la MABC et ceux du groupe contrôle un score supérieur au 20e percentile. Les résultats montrent une diminution du volume des régions prémotrices et frontales droites chez les enfants porteurs de troubles de la coordination motrice comparés au groupe contrôle.

Apports et limites des études de neuro-imagerie dans le TDC

Dans leur ensemble, ces études mettent en évidence un fonctionnement cérébral différent chez les enfants présentant un TDC. Au niveau fonctionnel, les réseaux cérébraux impliqués dans différentes tâches cognitives apparaissent comme dysfonctionnels dans plusieurs études, y compris quand aucune perturbation de performance n’est mise en évidence au niveau comportemental. Ces résultats sont à mettre en lien avec les différences observées dans les études enregistrant des potentiels évoqués pendant la réalisation de différentes tâches cognitives, décrites dans le chapitre Cognition. Si l’existence d’un fonctionnement cérébral différent chez les enfants porteurs d’un TDC semble avérée, il est impossible au vu de ces travaux de déterminer précisément les régions qui sous-tendent ce trouble. En effet, les régions observées comme dysfonctionnelles au travers de ces études sont multiples. Le cervelet et la région pariétale ont été identifiés dans plusieurs études mais on retrouve aussi l’implication des régions frontales, des ganglions de la base, du cortex cingulaire ou du gyrus lingual. À l’heure actuelle, les études de neuro-imagerie ne permettent donc pas de valider ou infirmer les hypothèses sur les corrélats neuronaux co-existant dans la littérature, notamment concernant l’implication potentielle du cervelet, du cortex pariétal postérieur et du cortex frontal inférieur ou encore de la voie dorsale (occipito-pariétale) ou des boucles cortico-cérébelleuse et cortico-striatale.
Par ailleurs, le faible nombre d’études et leur qualité ne permettent pas de conclure de façon définitive. En effet, ces études comportent de nombreuses limites méthodologiques. Les échantillons ont dans une majorité des études des tailles très faibles, ce qui pose des questions quant à la validité des résultats. Certaines études incluent des enfants d’âges très différents alors même que le cerveau change beaucoup avec l’âge. Les critères d’inclusion et d’exclusion sont très variables rendant les comparaisons entre études plus difficiles. Certaines études d’imagerie anatomique ont des limites technologiques. Des travaux supplémentaires seront donc nécessaires afin de pouvoir déterminer de façon plus robuste quelles sont les régions les plus susceptibles de sous-tendre le TDC.
Au-delà des limites liées à ces études, il est essentiel de comprendre que la neuro-imagerie n’est pas un outil de diagnostic du TDC. Aucune étude ne met en évidence de perturbation spécifique à ce trouble qui pourrait être considérée comme une signature. Par ailleurs, les études montrent des différences statistiques entre des groupes de sujets mais ne disent rien au niveau individuel. Il n’est donc actuellement pas envisageable de déterminer, à partir de l’analyse des images de neuro-imagerie d’un seul sujet, s’il est atteint d’un TDC. Dans ces conditions, la neuro-imagerie ne peut pas être utilisée de façon systématique dans le cadre du diagnostic du TDC. Sa seule indication doit être l’élimination d’un diagnostic différentiel.

Références

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