Cancer du testicule

2008


ANALYSE

37-

Incidence et évolution

Les tumeurs du testicule sont des tumeurs rares. Cependant, leur incidence est en augmentation depuis plus de 50 ans dans la plupart des pays industrialisés. Ces tumeurs représentent 1 à 2 % des cancers chez l’homme : il s’agit des tumeurs les plus fréquentes chez l’homme âgé de 20 à 35 ans. Les progrès thérapeutiques majeurs réalisés au cours des 30 dernières années ont permis de diminuer considérablement la mortalité.

Incidence dans le monde

L’incidence des cancers du testicule n’est pas la même dans les différentes régions du monde, elle varie aussi en fonction de l’origine ethnique des populations. L’Australie, l’Amérique du Nord et surtout l’Europe présentent les taux les plus élevés (généralement supérieurs à 4/100 000, standardisés sur la population mondiale) (Parkin et coll., 2002renvoi vers). En Asie, Amérique du sud et Afrique les taux sont généralement inférieurs à 2/100 000. Lorsque l’origine ethnique des populations est prise en compte, on observe les taux les plus élevés dans les populations blanches. Aux États-Unis l’incidence est 3 à 4 fois plus faible chez les noirs et les asiatiques que chez les blancs et 2 fois plus faible chez les hispaniques (Ries et coll., 2007renvoi vers) (figure 37.1Renvoi vers).
C’est en Europe du Nord et en Suisse que l’on observe les taux les plus élevés : 9,9/100 000 au Danemark, 8,4/ 100 000 en Suède, 8,2/100 000 en Norvège, 10,1/100 000 dans le canton de Zürich en Suisse. Mais, il existe des variations importantes entre des régions géographiquement proches (2,7/100 000 en Finlande).
La carte de l’Europe (figure 37.2 Renvoi vers; Huyghe et coll., 2007renvoi vers) permet de mettre en avant la grande disparité dans les taux d’incidence du cancer du testicule entre les pays européens. Apparaît un gradient Est/Ouest dans les régions baltiques, et Nord/Sud dans les région de l’Europe de l’Ouest.
Figure 37.1 Incidence par âge et origine ethnique aux États-Unis (17 registres du programme SEER de 2000 à 2004)

Incidence en France

En France, en 2000, le taux d’incidence pour l’ensemble des cancers du testicule était de 4,82 pour 100 000, correspondant à environ 1 500 nouveaux cas diagnostiqués chaque année. L’incidence des séminomes est estimée à 2,46 pour 100 000 et celle des non séminomes à 1,95 pour 100 000 (Hedelin et Remontet, 2002renvoi vers).
Le pic d’incidence se situe entre 25 et 35 ans. Il est très rare avant 15 ans comme après 50 ans. L’âge de survenue présente cependant des variations en fonction du type histologique. Les tumeurs germinales du testicule non séminomateuses sont pratiquement toujours des tumeurs de l’adulte jeune (âge médian au diagnostic 30 ans), alors que les tumeurs germinales du testicule séminomateuses peuvent également s’observer après la cinquantaine (âge médian au diagnostic 38 ans).
Figure 37.2 Carte de l’Europe montrant les taux d’incidence du cancer du testicule et leur augmentation moyenne annuelle (d’après Huyghe et coll., 2007renvoi vers)
Figure 37.3 Incidence et mortalité en France estimées par âge pour l’année 2000
Concernant le taux d’incidence du cancer du testicule par type histologique, une récente étude menée dans le sud de la France, montre que le taux pour les tumeurs séminomateuses était de 1,24 pour 100 000 et de 1,80 pour 100 000 pour les tumeurs non séminomateuses, pour la période 1995-1999 (Walschaerts et coll., 2008renvoi vers).
Les taux d’incidence observés dans les registres français sont très différents d’un département à l’autre. Il existe un gradient nord-sud et est-ouest, les taux les plus hauts se trouvant en Alsace (Haut-Rhin et Bas Rhin). Ces taux varient du simple au double et le Bas-Rhin approche les taux très élevés que l’on trouve en Europe du Nord (12,0 pour 100 000 au Danemark ; 8,5 pour 100 000 en Norvège ; 10,5 pour 100 000 en Suède) (Levi et coll., 2001renvoi vers; Bray et coll., 2002renvoi vers; Jacobsen et coll., 2006renvoi vers).
Actuellement, la mortalité par cancer du testicule est très faible : le taux standardisé sur la population mondiale est de 0,25 pour 100 000 (Remontet et coll., 2003renvoi vers).
La figure 37.3 Renvoi versreprésente l’incidence (et la mortalité) des cancers du testicule en France en fonction de l’âge et du type histologique.

Tendances de l’incidence dans le monde

L’incidence du cancer du testicule est en augmentation depuis plus de 50 ans dans la plupart des pays industrialisés. Cette augmentation varie d’un pays à l’autre, tout en étant moins hétérogène que les taux d’incidence eux-mêmes d’une région à l’autre. La figure 37.2 Renvoi versmet en évidence une augmentation annuelle pour 100 000 qui est inférieur à 0,05 en Roumanie et atteint plus de 0,20 en Norvège. Mais l’augmentation de l’incidence pour la majorité des pays européens se situe entre 0,10 et 0,20 pour 100 000 par an, conduisant à un doublement de l’incidence depuis 1970.
Toutefois plusieurs auteurs en conduisant des analyses par cohorte sur des données de registres d’Europe du Nord observent une baisse du risque pour les sujets nés autour de la seconde guerre mondiale (Møller, 1993renvoi vers; Bergström et coll., 1996renvoi vers).
L’analyse des données du registre du Connecticut et plus largement de l’ensemble des registres du SEER Program (Surveillance, Epidemiology, and End Results)1 montre une augmentation nette chez les blancs alors qu’il n’existe pas d’augmentation significative chez les noirs américains (Zheng et coll., 1996renvoi vers; Ries et coll., 2007renvoi vers) (figure 37.4Renvoi vers).
Figure 37.4 Évolution des taux d’incidence par origine ethnique aux États-Unis (9 registres du SEER Program de 1975 à 2004, taux standardisé sur la population des États-Unis 2000>)

Tendances de l’incidence en France

En France l’incidence a augmenté, passant 3,17 en 1978 à 4,82 pour 100 000 en 2000. Cependant si les séminomes n’ont cessé d’augmenter pour toutes les cohortes de naissances, l’évolution des tumeurs non séminomateuses est moins régulière.
Entre 1978 et 2000, le taux pour les séminomes est passé de 1,50 à 2,46 pour 100 000, soit une augmentation par an de 2,4 %, et de 1,18 à 1,95 pour 100 000 pour les tumeurs non séminomateuses, soit 2,4 % d’augmentation annuelle (Hedelin et Remontet, 2002renvoi vers). Une étude plus récente a montré que le taux pour les séminomes est passé de 0,66 à 1,24 pour 100 000, et pour les non séminomes, de 0,66 à 1,80 pour 100 000 entre 1980-84 et 1995-99 (Walschaerts et coll., 2008renvoi vers). Toutefois, les fluctuations dans les incidences au cours du temps ne permettent pas de conclure à une disparité selon le type histologique. C’est également le cas pour d’autres pays. Par exemple, aux États-Unis, dans la population blanche, bien que le taux d’incidence pour les séminomes augmente plus vite durant les 3 premiers intervalles de temps, il atteint un plateau, et aucune différence n’est observée entre les types histologiques pour la population noire (McGlynn et coll., 2003renvoi vers).
Concernant les tendances de l’incidence pour l’ensemble des tumeurs, bien que les taux observés dans les différents registres soient hétérogènes, il existe un même phénomène : un doublement de l’augmentation de tous ces taux, que ce soit en France ou dans les pays européens, sur les 20 dernières années. Dans le sud de la France, le taux d’incidence du cancer du testicule est passé de 1,27 à 3,04 pour 100 000 entre 1980 et 1999 (voir figure 37.5 Renvoi vers; Walschaerts et coll., 2008renvoi vers). En Italie, le taux d’incidence a augmenté de 2,3 à 3,9 pour 100 000 entre 1976 et 1995 dans la région de Varèse, et de 2,6 à 4,0 pour 100 000 dans la région de Turin entre 1985 et 1995 (Purdue et coll., 2005renvoi vers). En Finlande, l’incidence est passée d’environ 2,1 à 4,2 pour 100 000 entre 1975 et 1995 (Bray et coll., 2006renvoi vers).
Ces observations suggèrent à la fois une grande hétérogénéité géographique dans l’incidence mais une faible variation temporelle dans les tendances.
Figure 37.5 Incidence du cancer du testicule en région Midi-Pyrénées entre 1980 et 1999, par type histologique (d’après Walschaerts et coll., 2008renvoi vers)
L’incidence a diminué pour les cohortes nées entre les deux guerres mondiales avant d’augmenter en se superposant à celle des séminomes. Cette évolution qui n’est pas expliquée, ne semble pas être un artefact d’enregistrement ou de codage des tumeurs testiculaires (Hedelin et Remontet, 2002renvoi vers).
En étudiant la tendance de l’incidence par un modèle âge-période-cohorte, l’effet cohorte de naissance révèle une diminution du taux d’incidence du cancer du testicule pour les cohortes nées dans les années 1930 et au cours de la seconde guerre mondiale (figure 37.6Renvoi vers) (Walschaerts et coll., 2008renvoi vers). Ce phénomène, également observable dans de nombreux pays européens (Danemark, Suède, Finlande…) ne peut s’expliquer par une meilleure détection des cancers du testicule, ou un meilleur enregistrement car il n’existe pas d’effet période.
Cet « effet de cohorte de naissance » souligne un effet générationnel, c’est-à-dire un changement temporel dans les expositions. Etant donné que le pic d’incidence du cancer du testicule survient entre les 20-35 ans, il est alors raisonnable de supposer que ces changements se sont produits au cours de deux fenêtres d’expositions clés : in utero et durant la puberté.
Figure 37.6 Effet cohorte de naissance du cancer du testicule en région Midi-Pyrénées (Walschaerts et coll., 2008renvoi vers)

Bibliographie

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