Tumeurs cérébrales
2008
21-
Classification histologique et pathologie moléculaire
La classification des tumeurs cérébrales selon l’OMS est actuellement la plus utilisée (WHO, 2000
). Elle distingue les tumeurs d’origine neuroépithéliale, dont les gliomes constituent la très grande majorité, les tumeurs développées aux dépens des nerfs crâniens (schwannomes en majorité), les tumeurs des méninges (méningiomes le plus souvent), les tumeurs germinales et les tumeurs de la région sellaire, ainsi que les lymphomes primitifs du système nerveux central (traités avec les hémopathies) (tableau 21.I
).
Tableau 21.I Classification simplifiée des tumeurs du système nerveux central (d’après WHO, 2000)
Tumeurs neuroépithéliales
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Tumeurs astrocytaires
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Astrocytome pilocytique (grade I)
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Astrocytome diffus (grade II)
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Astrocytome anaplasique (grade III)
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Glioblastome (grade IV)
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Tumeurs oligodendrogliales
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Gliomes mixtes
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Oligoastrocytomes
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Tumeurs épendymaires
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Tumeurs des plexus choroïdes
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Tumeurs gliales d’origine incertaine
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Tumeurs mixtes glio-neuronales
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Gangliocytome, gangliogliome
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Tumeur neuroépithéliale dysembryoplasique (DNET)
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Tumeurs neuroblastiques
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Tumeurs du parenchyme pinéal
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Tumeurs embryonnaires
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Médulloblastome
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Tumeurs neuroectodermiques primitives (PNET)
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Tumeurs méningées primitives
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Méningiome
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Tumeurs mésenchymateuses (lipomes, sarcomes, leiomyomes…)
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Tumeurs des nerfs périphériques
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Schwannome
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Neurofibrome
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Périneurome
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Lymphome primitif du système nerveux central et tumeurs hématopoiétiques
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Lymphomes malins
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Plasmocytome
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Sarcome granulocytique
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Tumeurs des cellules germinales
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Tératome
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Carcinome embryonnaire
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Choriocarcinome
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Tumeurs de la région sellaire
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Craniopharyngiome
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Métastases intracrâniennes
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Cérébrales
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Durales
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Méningées
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Tumeurs neuroépithéliales
Les tumeurs neuroépithéliales représentent les tumeurs cérébrales primaires les plus fréquentes. Elles ont pour origine, soit les neurones, soit les cellules entourant les neurones (les cellules gliales). Certaines tumeurs sont mixtes c’est-à-dire qu’elles sont composées d’un mélange de neurones et de cellules gliales. Dans cette catégorie, on trouve des tumeurs plus rares qui proviennent d’autres types cellulaires. La classification de l’OMS (WHO, 2000
) distingue au total 10 catégories principales de tumeurs neuroépithéliales, dont les principales sont les gliomes (astrocytomes, oligodendrogliomes et gliomes mixtes).
Gliomes
La classification de l’OMS, la plus utilisée, résulte d’un consensus (Kleihues, 2000
). Elle repose sur des critères morphologiques qualitatifs et donc hautement subjectifs (tableau 21.II
), d’où le taux élevé de discordances inter-observateurs (Coons et coll., 1997
). En effet, l’origine cellulaire de ces tumeurs demeure encore hypothétique et l’on ne dispose actuellement d’aucun marqueur fiable de lignage, le diagnostic histologique reposant uniquement sur les similitudes des cellules tumorales avec les astrocytes ou les oligodendrocytes normaux.
En se basant sur différents critères histologiques, ces tumeurs sont classées de I à IV selon leur degré de malignité :
• le grade I (tumeurs bénignes) correspond à des tumeurs à croissance lente et normalement bien circonscrites, bien qu’elles puissent envahir de grandes régions du cerveau. Selon la localisation, une ablation chirurgicale ou une biopsie peut être recommandée ;
• le grade II correspond à des tumeurs à croissance lente, mais, contrairement aux tumeurs de grade I, leurs limites sont imprécises. Les entités tumorales appartenant à ce groupe sont moins nombreuses que celles du grade I ;
• le grade III (tumeurs malignes) correspond à des tumeurs anaplasiques. Dans les tumeurs de bas grade (I et II), des foyers de cellules anaplasiques (cellules ayant perdu une partie de leurs caractères propres donc anormales) se développent activement. Leur évolution est plus rapide que celle des tumeurs de bas grade ;
• le grade IV correspond à des tumeurs malignes. Ces tumeurs peuvent contenir divers types de cellules qui se multiplient rapidement et ayant une forte tendance nécrosante spontanée. Elles ne sont pas bien définies et s’infiltrent dans le cerveau.
Trois types de gliomes sont distingués : les astrocytomes, les oligodendrogliomes et les oligo-astrocytomes. Les astrocytomes sont divisés en 4 grades : astrocytomes pilocytiques (grade I), astrocytomes diffus (grade II), astrocytomes anaplasiques (grade III) et glioblastomes multiformes (grade IV). Les oligodendrogliomes sont classés en grade II et grade III (ou anaplasiques), de même que les gliomes mixtes ou oligo-astrocytomes. La seule analyse morphologique des gliomes n’est pas pleinement satisfaisante et il est vraisemblable que dans le futur des marqueurs moléculaires seront pris en compte dans la classification de ces tumeurs, en complément de l’analyse morphologique, comme en témoigne dès à présent l’importance de la perte des chromosomes 1p et 19q dans les oligodendrogliomes (cf. infra) (Cairncross et coll., 1998
). D’un point de vue clinique, il convient de distinguer les astrocytomes pilocytiques (grade I) des autres gliomes de bas grade (grade II). De même, dans les gliomes de haut grade, il convient de distinguer les oligodendrogliomes anaplasiques des astrocytomes anaplasiques et glioblastomes, car leur histoire naturelle et leur réponse au traitement diffèrent. Les critères diagnostiques de la classification selon l’OMS sont rapportés dans le tableau 21.II
(Kleihues, 2000
).
Tableau 21.II Classification des gliomes selon l’OMS (WHO, 2000)
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Différenciation
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Densité cellulaire
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Atypies cytonucléaires
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Activité mitotique
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Nécrose
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Prolifération capillaire
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AII
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Élevée
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Modérée
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Occasionnelles
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≤ 1 mitose
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Absente
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Absente
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AIII
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Anaplasie focale ou dispersée
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Augmentée de façon diffuse ou focale
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Présentes
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Présente
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Absente
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Absente
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GBM IV
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Faible
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Élevée
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Marquées
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Marquée
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Présente
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Présente
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OII
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Élevée
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Modérée
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Possibles
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Occasionnelle
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Absente
|
Absente
|
OIII
|
Anaplasie focale ou dispersée
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Augmentée
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Possibles
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Possiblement forte
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Possibles
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Possibles
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OAII
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Élevée
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Faible ou modérée
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?
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Absente ou faible
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Absente
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Absente
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OAIII
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?
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Augmentée
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Possibles
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Possiblement forte
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Possibles
|
Possibles
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AII : astrocytome grade II ; AIII : astrocytome grade III ; GBM : glioblastome ; OII : oligodendrogliome grade II ; OIII : oligodendrogliome grade III ; OAII : oligoastrocytome grade II ; OAIII : oligoastrocytome grade III
L’astrocytome pilocytique de grade I doit être considéré à part. Il survient électivement chez l’enfant et l’adulte jeune, volontiers sur la ligne médiane – voies optiques et hypothalamus (associé alors dans 25 à 50 % des cas à une neurofibromatose de type 1, appelée NF1) – et le cervelet. Souvent kystique, bien limité, et prenant le contraste (mais de façon inconstante au niveau du nerf optique), il dégénère exceptionnellement et l’évolution est le plus souvent indolente. Histologiquement, il est constitué de deux composantes : l’une, compacte, est formée de cellules bipolaires avec fibres de Rosenthal, qui sont des agrégats éosinophiles intracytoplasmiques de protéine gliale fibrillaire (GFAP) ; l’autre a une texture lâche, myxoïde avec aspect microkystique. Une importante anisocaryose et même un aspect de nécrose avec prolifération endothéliocapillaire peuvent être visibles sans que leur signification pronostique soit clairement établie (Kleihues, 2000
). La génétique des astrocytomes pilocytiques est mal connue ; le gène de la NF1 est impliqué dans les astrocytomes pilocytiques de la NF1 mais pas dans les formes sporadiques.
L’astrocytome diffus de grade II (par opposition à l’astrocytome pilocytique, de grade I) est composé de cellules (présumées astrocytes) néoplasiques bien différenciées d’aspect fibrillaire, ou gémistocytique, réalisant une structure lâche, souvent microkystique. Les astrocytomes diffus de grade II présentent fréquemment une mutation du gène P53. Par ailleurs, la mutation germinale du gène P53 prédispose à la survenue (entre autres cancers) de gliomes de type astrocytaire dans le cadre d’un syndrome de Li-Fraumeni (Zhou et coll., 1999
).
L’oligodendrogliome de grade II, souvent de localisation frontale, apparaît hypodense au scanner (en hyposignal T1 en IRM). La prise de contraste, absente dans les bas grades, traduit le passage à l’anaplasie (grade III). Histologiquement, il est caractérisé par la présence de cellules rondes entourées d’un halo périnucléaire (aspect en « nid d’abeille » ou en « œuf sur le plat »). Les vaisseaux sont volontiers rectilignes (en « bréchet de poulet »). Les critères d’anaplasie sont rapportés dans le tableau 21.II
. L’altération génétique la plus fréquente des oligodendrogliomes est la perte conjointe des chromosomes 1p et 19q, avec translocation (Jenkins et coll., 2006
). Elle est associée à un pronostic favorable (Cairncross et coll., 1998
; Van den Bent et coll., 2006
).
L’oligoastrocytome, ou gliome mixte, est constitué des deux composantes, astrocytaire et oligodendrogliale. Les études de microdissection suggèrent que les deux contingents oligodendrogliaux et astrocytaires dérivent d’un même clone tumoral et possèdent le même profil génétique, soit de type « oligodendroglial » (perte des chromosomes 1p et 19q), soit de type « astrocytaire » (mutation de p53).
Le passage à l’anaplasie s’accompagne d’anomalies génétiques, traduisant notamment l’inactivation du contrôle du cycle cellulaire (transition G1-S exercée par Rb, gène du rétinoblastome), le plus souvent par l’inactivation du gène CDKN2A/P16 sur le chromosome 9p, ou l’amplification du gène CDK4 sur le chromosome 12q, ou l’inactivation du gène RB1 sur le chromosome 13q (Sanson et coll., 2006
).
Le glioblastome (astrocytome de grade IV) constitue la tumeur gliale la plus maligne, caractérisée radiologiquement par une prise de contraste hétérogène. Les deux caractéristiques histologiques majeures sont la présence de plages de nécroses entourées de cellules proliférantes réalisant un aspect en pseudo-pallissades, et d’une prolifération endothélio-capillaire. Le glioblastome peut survenir de novo (glioblastome primaire) ou résulter de l’évolution d’une tumeur de grade inférieur (glioblastome secondaire). Bien qu’elle soit considérée par l’OMS comme une tumeur astrocytaire, la cellule d’origine du glioblastome (comme celle de tous les gliomes) demeure inconnue. En outre, certains glioblastomes présentent des plages d’aspect oligodendroglial et résultent de l’évolution ultime d’un oligodendrogliome. Les principales altérations génétiques sont la perte du chromosome 10q, l’amplification du gène codant pour le récepteur de l’EGF (Epidermal Growth Factor Receptor ou EGFR sur le chromosome 7) (toutes deux étroitement associées), l’inactivation de CDKN2A/P16 sur le chromosome 9p. Les mutations de p53 caractérisent les glioblastomes secondaires (Sanson et coll., 2004
).
Les critères diagnostiques de la classification de l’OMS (tableau 21.II
) laissent une grande part à l’interprétation et à la subjectivité, expliquant le taux élevé de discordance inter-observateurs en terme de grade, mais aussi de lignage oligodendroglial ou astrocytaire (Coons et coll., 1997
). En fait, la relation entre un type particulier de gliome et le lignage, astrocytaire ou oligodendroglial auquel on le rattache, n’a jamais pu être établie, aussi l’absence de marqueur spécifique de lignage explique que la classification des gliomes demeure très controversée. Ainsi, la fréquence des oligodendrogliomes est diversement appréciée, pouvant représenter jusqu’à 30 % des gliomes.
Épendymomes
Ces tumeurs surviennent à tout âge mais plus fréquemment chez l’enfant, chez qui elles représentent 6 à 12 % des tumeurs intracrâniennes. Macroscopiquement, les épendymomes se développent au niveau des cavités ventriculaires et de l’épendyme. On distingue donc : les épendymomes de la fosse postérieure, développés au niveau du 4e ventricule (V4) qui sont les plus fréquents (70 % des cas), notamment chez l’enfant ; les épendymomes sus-tentoriels ; les épendymomes médullaires, cervicaux ou de la queue de cheval, de meilleur pronostic, notamment pour ces derniers. Microscopiquement, les épendymomes sont composés de cellules épendymaires, volontiers regroupées soit autour d’une lumière centrale réalisant un aspect en rosette et reproduisant le tube neural primitif, soit en pseudorosette périvasculaire (constituée par la convergence de longs prolongements cellulaires vers la paroi vasculaire). On distingue le grade II (épendymomes) et le grade III (épendymomes anaplasiques) et on exclut de ce cadre les épendymoblastomes (grade IV) qui sont des tumeurs embryonnaires proches des médulloblastomes (cf infra). Étant au contact des cavités ventriculaires, les épendymomes, notamment anaplasiques et du V4, peuvent essaimer le long du névraxe.
Le profil moléculaire associé aux épendymomes est fonction de leur localisation (Taylor et coll., 2005
) : délétion du gène CDKN2A dans les épendymome sus-tentoriels, mutation du gène de la neurofibromatose de type 2 (NF2)
1
Maladie génétique autosomique dominante prédisposant au développement de tumeurs du système nerveux, principalement des schwannomes vestibulaires (95 %), des méningiomes (50 %) et des épendymomes.
dans les épendymomes cervicaux.
Médulloblastomes et autres tumeurs embryonnaires
Les tumeurs embryonnaires sont essentiellement représentées par les PNET (tumeurs primitives neuroectodermales). Les PNET, classées grade IV par l’OMS, sont caractérisées par la prolifération de cellules pluripotentes et capables d’exprimer une différenciation aussi bien neuronale que gliale. Les PNET du système nerveux central, dont la principale est le médulloblastome, doivent être distinguées des PNET périphériques (ces dernières, appartenant à la famille du sarcome d’Ewing, sont caractérisées par une translocation spécifique 11/22 avec gène de fusion EWS-FLI1).
Le médulloblastome est une tumeur neuroectodermique développée au niveau du vermis du cervelet. Très rare chez l’adulte, c’est la plus fréquente des tumeurs cérébrales chez l’enfant. Environ 75 % de ces tumeurs surviennent avant 15 ans, le pic de fréquence se situant autour de 5 ans. Le médulloblastome représente 30 % des tumeurs qui se développent dans la fosse postérieure. Son incidence serait d’environ 5 à 10 cas pour un million d’enfants chaque année.
La tumeur se développe dans le toit du 4e ventricule qu’elle finit par obstruer provoquant une hydrocéphalie. Une des particularités de cette tumeur est d’essaimer facilement le long du névraxe par voie méningée, et donc de provoquer des métastases à distance. La cause du médulloblastome n’est pas connue, mais une prédisposition génétique est notée dans le cadre du syndrome Gorlin (gène Patched) et de la polypose rectocolique (gène APC). Histologiquement, le médulloblastome est constitué de petites cellules à noyau dense et cytoplasme pauvre, formant par endroits de petites rosettes (tube neural primitif), caractérisées par une cellularité dense et un index mitotique élevé.
Un grand nombre d’altérations génétiques observées dans les médulloblastomes sont impliquées dans la dérégulation de la voie de Sonic Hedgehog (SHH) et de son récepteur Patched-isochromosome 17q avec perte du 17p, mutation des gènes Patched et Sufu- ou dans la voie de Wnt (mutation de la béta-caténine) (Sanson et coll., 2006
).
Les autres tumeurs embryonnaires sont d’autres PNET du système nerveux central : épendymoblastome, pinéaloblastome, des PNET sus-tentorielles, très proches, hormis leur localisation, des médulloblastomes et de prise en charge identique.
Tumeurs des nerfs périphériques
Les tumeurs des nerfs périphériques sont rares et le plus souvent bénignes. L’association avec une maladie de Recklinghausen est rare pour les schwannomes, plus fréquente pour les neurofibromes et les schwannomes malins.
Schwannomes (neurinomes)
Tumeurs bénignes, les schwannomes ou neurinomes correspondent à une prolifération de cellules de Schwann et se développent donc au niveau des nerfs périphériques crâniens ou rachidiens. Histologiquement, les schwannomes sont formés de cellules allongées avec noyaux en bâtonnets formant des images palissadiques. Le schwannome du nerf vestibulaire représente en fréquence la moitié des neurinomes, 20 % des tumeurs de la fosse postérieure chez l’adulte, et 8 % de l’ensemble des tumeurs primitives intracrâniennes. Sur le plan génétique, il est caractérisé, comme le méningiome (cf. infra), par l’inactivation du gène NF2 sur le chromosome 22 (Sanson, 1996
). Le neurinome est rare chez l’enfant sauf dans le cadre de la neurofibromatose de type 2. C’est une tumeur avec un potentiel évolutif variable mais une croissance faible, de l’ordre de 0,2 mm à 2 mm par an. D’abord intracanalaire, le schwannome vestibulaire menace de compression le nerf auditif donnant ainsi ses premiers signes.
Autres tumeurs des nerfs
Les neurofibromes et les tumeurs malignes des gaines des nerfs (malignant peripheral nerve sheath tumor –MPNST–) siègent généralement sur les troncs nerveux périphériques. Ils doivent faire rechercher une neurofibromatose de type 1.
Tumeurs méningées
Ce sont des tumeurs développées à partir du mésoderme, et plus spécifiquement à partir des méninges. Elles sont relativement fréquentes (environ 30 % des tumeurs cérébrales diagnostiquées). Les méningiomes sont multiples chez environ 5 % des patients. Les méningiomes sont plus souvent rencontrés chez les femmes entre 30 et 50 ans.
Méningiomes
Les méningiomes, dérivés des cellules arachnoïdiennes, sont des tumeurs extraparenchymateuses et sont situés autour du névraxe : convexité cérébrale, base du crâne et rachis. Ils représentent 25 % des tumeurs intracérébrales primitives (soit 2
e en fréquence des tumeurs primitives du système nerveux après les tumeurs gliales, avec une incidence de 6 cas pour 100 000). En fait, ce chiffre sous-estime l’incidence réelle car un grand nombre de méningiomes restent asymptomatiques pendant la vie et ne sont donc pas diagnostiqués. À partir de grandes séries autopsiques, la fréquence des méningiomes dans la population générale serait de 2,3 %, atteignant même 3 % chez les patients de plus de 60 ans. Les méningiomes s’observent principalement entre 30 et 70 ans et sont deux fois plus fréquents chez la femme (70 % des cas), probablement à cause de facteurs hormonaux. En effet, les méningiomes possèdent un taux élevé de récepteurs à la progestérone qui auraient un rôle stimulant la croissance des cellules de méningiome. Cependant, les types histologiques atypiques et anaplasiques, qui représentent moins de 10 % des méningiomes, sont plus fréquents chez les hommes jeunes. Sur le plan génétique, la majorité des méningiomes sont caractérisés, comme les schwannomes, par l’inactivation du gène NF2 sur le chromosome 22. D’autres altérations (perte du chromosome 1p, 10q, 14q) sont liées à la progression tumorale (Sanson et Cornu, 2000
).
On estime que 1 à 2 % de l’ensemble des méningiomes apparaissent dans le cadre de la neurofibromatose de type 2 (NF2) (Sanson, 1996
). La méningiomatose (2 à 3 % de l’ensemble des méningiomes) est définie par la présence de méningiomes multiples avec parfois un caractère familial ; il n’a jamais été retrouvé de mutation germinale ni somatique du gène NF2. Le seul facteur épigénétique identifié est l’exposition à des radiations ionisantes : irradiation du cuir chevelu à faible dose (de 1 à 6 Gray), utilisée pour traiter la teigne capillaire dans les années 1950 (Sadetzki et coll., 2002
), radiothérapie de tumeurs cérébrales (doses supérieures à 20 Gray), irradiation accidentelle comme par exemple chez les survivants aux deux bombes atomiques au Japon (7 fois plus de méningiomes dans un rayon inférieur à 1 kilomètre de l’explosion).
Quatre vingt dix pour cent des méningiomes sont bénins (grade I). Certains sous-types histologiques de grades II et III sont associés à une évolution clinique moins favorable avec une propension élevée à récidiver. Parmi les méningiomes bénins, les sous-types méningothéliaux, fibroblastiques et transitionnels sont de loin les plus fréquents. Les méningiomes bénins sont caractérisés histologiquement par des cellules allongées, formant une architecture lobulée, organisées volontiers en volutes (whorls) formées par l’enroulement de quelques cellules aplaties autour d’une grande cellule ronde ou d’un petit vaisseau à paroi fibreuse. Les volutes peuvent se calcifier et forment alors des masses lamellaires concentriques, appelées « psammomes ».
Les méningiomes atypiques ou de grade II représentent 8 à 9 % des méningiomes. Ils sont définis soit par une activité mitotique augmentée (supérieure à 4 mitoses pour 10 champs) soit par la présence de certains critères histologiques. Les méningiomes anaplasiques ou malins ou de grade III représentent 1 % des méningiomes. Ils présentent des critères francs de malignité avec un aspect de sarcome, de carcinome ou de mélanome, ou un index mitotique élevé (supérieur à 20 mitoses pour 10 champs). Ils sont le plus souvent d’évolution fatale avec une médiane de survie inférieure à 2 ans.
Autres tumeurs méningées
Les sarcomes méningés (grade III) représentent un groupe hétérogène de tumeurs malignes rares, dérivant probablement des cellules mésenchymateuses des enveloppes méningées, de survenue préférentielle chez l’enfant et l’adolescent. Cette catégorie regroupe les fibrosarcomes, forme la plus fréquente de sarcome méningé primitif, et, entre autres, les hémangiopéricytomes, les chondrosarcomes, les léiomyosarcomes et les rhabdomyosarcomes. Ils peuvent survenir sous la forme d’une tumeur solide isolée ou dans un tableau de sarcomatose leptoméningée primitive. Le pronostic de ces tumeurs agressives est en règle générale très péjoratif, avec des durées de survie réduites. Les hémangiopéricytomes (HPC) (grade III) représentent 2,5 % de toutes les tumeurs des tissus mous. Ils sont le plus souvent localisés aux extrémités inférieures et au niveau du rétropéritoine. Les localisations intracrâniennes sont rares ; elles représentent 1 % des tumeurs du système nerveux, et ont un pronostic plus péjoratif que les méningiomes avec lesquels ils ont été longtemps confondus. Ils présentent un taux de récidive local de 76 % à 10 ans et 85 % à 15 ans ; le taux de métastases à 15 ans est de 65 % environ. Ces tumeurs surviennent en général à un âge médian de 45 ans sans sex ratio préférentiel.
Tumeurs germinales
Ce terme regroupe toutes les tumeurs qui dériveraient d’une cellule germinale totipotente capable de donner naissance soit à d’autres cellules germinales, soit à des cellules somatiques, les unes reproduisant des annexes embryonnaires (sac vitellin, villosités choriales), les autres donnant les trois feuillets embryonnaires et leurs dérivés.
Rares en Occident (0,3 % à 0,5 % des tumeurs intracrâniennes chez l’adulte ; 0,3 % à 3,4 % chez l’enfant), les tumeurs germinales sont beaucoup plus fréquentes au Japon. L’enfant et l’adulte jeune sont principalement affectés. Elles constituent la majorité des tumeurs de la pinéale. Elles peuvent également siéger dans la région suprasellaire plus rarement au niveau des noyaux gris ou du 4e ventricule. Pour le clinicien, il est important de distinguer les germinomes, tumeurs très radio- et chimiosensibles (65 % des tumeurs germinales intracrâniennes), et les tumeurs non germinomateuses (tératomes matures et immatures : 18 % ; choriocarcinomes : 7 % ; carcinomes embryonnaires : 5 % ; tumeurs du sac vitellin 7 %), en soulignant la fréquence des tumeurs mixtes.
Différences adultes/enfants
Les tumeurs de l’enfant présentent certaines caractéristiques par rapport aux tumeurs de l’adulte.
Localisation
Chez l’adulte, les tumeurs cérébrales sont le plus souvent sus-tentorielles, alors que chez l’enfant, les tumeurs de la fosse postérieure constituent près des trois quarts des tumeurs cérébrales, représentées essentiellement par le médulloblastome, le gliome du tronc cérébral, l’astrocytome kystique du cervelet (de type pilocytique et de bon pronostic) et l’épendymome du 4e ventricule.
Type histologique
Certains types histologiques sont plus fréquents chez l’enfant : le médulloblastome, l’astrocytome pilocytique et l’épendymome du 4e ventricule.
Les autres tumeurs, notamment les méningiomes et neurinomes, sont en revanche plus rares que chez l’adulte.
Pronostic
Le gliome infiltrant du tronc cérébral, en dépit de caractéristiques radiologiques et histologique identiques, apparaît chez l’enfant de plus sombre pronostic que chez l’adulte. On ne connaît pas actuellement les caractéristiques moléculaires permettant de différencier les tumeurs de l’adulte et de l’enfant. On sait cependant que dans les oligodendrogliomes de l’enfant, la codélétion 1p19q est exceptionnelle, alors que c’est une altération fréquente chez l’adulte, signature de bon pronostic (Kreiger et coll., 2005
).
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