L’HPN est caractérisée par la coexistence, chez la majorité des patients, de cellules normales et de cellules mutées (issues d’une ou quelques cellules souches, d’où la dénomination « clone HPN ») [5]. L’importance relative du « clone » HPN et de l’hématopoïèse normale est variable d’un patient à l’autre. Il a été montré que la mutation PIG-A était nécessaire mais non suffisante pour entraîner une HPN. Le modèle retenu propose que la population médullaire dépourvue de GPI possède un avantage de croissance (ou de survie) intrinsèque face à un mécanisme d’agression responsable d’une aplasie médullaire.
La physiopathologie de l’HPN explique en grande partie les signes cliniques de la maladie. L’hémolyse est la conséquence de l’absence de molécules GPI, en particulier du CD55 et du CD59. Cette hémolyse est responsable d’une hémoglobinémie aiguë, saturant les deux voies classiques d’élimination de l’hémoglobine libre que sont l’endocytose et la dégradation par les macrophages. L’oxyde nitrique se lie de façon irréversible à l’hémoglobine libre présente dans le plasma des patients. Le déficit en oxyde nitrique qui en découle entraîne une dysrégulation du tonus des muscles lisses et, par conséquent, des symptômes de dystonie (dysphagie, douleur abdominale et dysfonction érectile). La physiopathologie des thromboses dans l’HPN est pour l’instant méconnue mais un certain nombre d’hypothèses sont évoquées. L’accumulation de l’hémoglobine libre entraîne l’activation des cellules endothéliales, l’activation plaquettaire et, possiblement, l’inhibition de l’activité de l’enzyme ADAMTS131 (a disintegrin and metalloproteinase with a thrombospondin type 1 motif, member 13). Le déficit en oxyde nitrique entraîne aussi une vasoconstriction, une inflammation et la génération de thrombine [ 8]. Le déficit en protéines GPI-dépendantes (surtout le CD59) à la membrane cellulaire des plaquettes, des monocytes et des cellules endothéliales est aussi responsable d’une activation directe par le complément entraînant l’exposition membranaire du facteur tissulaire et donc la génération de thrombine. L’action du complément cause aussi la formation de microvésicules ou microparticules circulantes à partir des plaquettes. Ces microparticules, riches en phospholipides, extrêmement pro-coagulantes in vitro, sont présentes à des fortes concentrations dans le plasma des patients avec HPN [ 9, 10]. D’autre part, chez les patients atteints d’HPN, la diminution de l’expression du récepteur de l’activateur du plasminogène de type urokinase (u-PAR), molécule GPI-dépendante, a été observée à la surface des monocytes, des plaquettes et des cellules endothéliales.
La forme la plus classique, sinon la plus courante, de la maladie est celle d’une anémie hémolytique acquise d’origine corpusculaire2, apparaissant chez un adulte jeune, accompagnée d’urines foncées le matin (hémoglobinurie) et parfois d’un ictère modéré. L’anémie est accompagnée de signes de régénération modérée (réticulocytose) et souvent d’une leucopénie et/ou d’une thrombopénie généralement modérées également. En pratique courante, l’HPN est diagnostiquée dans deux circonstances : celle d’une maladie hémolytique et thrombosante dite « forme classique » que l’on peut appeler l’HPN primitive ou de novo ou celle de la découverte d’un clone HPN chez un patient atteint d’aplasie médullaire traitée quelques mois ou années auparavant par immunosuppression. Cette présentation est plus volontiers appelée syndrome aplasie-HPN ou forme aplasique. Enfin, plus rarement, le diagnostic d’HPN a été associé à un certain nombre d’hémopathies malignes myéloïdes [ 11].