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Med Sci (Paris). 2009 November; 25(11): 906–909.
Published online 2009 November 15. doi: 10.1051/medsci/20092511906.

Contribution de l’autophagie dans l’apprêtement d’antigènes viraux endogènes

Luc English,1 Magali Chemali,1 and Michel Desjardins2*

1Département de pathologie et biologie cellulaire
2Département de pathologie et biologie cellulaire, Département de microbiologie et immunologie, Université de Montréal, Pavillon Roger-Gaudry, 2900, boulevard Édouard-Montpetit, Montréal, Québec, H3T 1J4 Canada
Corresponding author.

MeSH keywords: Animaux, Antigènes viraux, Autophagie, Antigènes d'histocompatibilité de classe I, Antigènes d'histocompatibilité de classe II, Humains, Activation des lymphocytes, Protéines virales

Xénophagie, immunité innée et immunité acquise

L’autophagie désigne le processus par lequel la cellule capture du matériel cytoplasmique afin de le dégrader dans des lysosomes. Ce mécanisme permet notamment de recycler les constituants cellulaires et de maintenir l’homéostasie nécessaire au bon fonctionnement de la cellule. Parallèlement à sa fonction catabolique, l’autophagie joue un rôle capital dans différents mécanismes liés à l’immunité. Pour faire face à l’intrusion de micro-organismes pathogènes (bactéries, virus ou parasites), la cellule est en effet capable de détourner l’autophagie de son rôle primordial « d’usine de recyclage » afin de séquestrer l’envahisseur dans une double membrane et de le dégrader [ 1]. Cette élimination des pathogènes par autophagie (appelée xénophagie) constitue un des fondements de l’immunité dite « innée » [ 2]. En revanche, l’établissement d’un lien direct entre la xénophagie et l’immunité dite « acquise », c’est-à-dire une immunité spécifique permettant d’éliminer le non-soi, a été beaucoup plus récent. En effet, ce n’est qu’en 2005 que le groupe de Munz a montré que l’antigène viral EBNA (Epstein Barr virus nuclear antigen), une des protéines du virus Epstein Barr, pouvait être transféré dans des autophagosomes et présenté sur des molécules du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de classe II [ 3]. Ces molécules du CMH de classe II sont pourtant classiquement décrites comme les responsables de la présentation d’antigènes extérieurs à la cellule, par exemple ceux qui sont issus de la dégradation protéolytique d’une bactérie ou d’un parasite internalisé par phagocytose. Ces antigènes dits « exogènes » sont dégradés et apprêtés dans un compartiment vacuolaire avant d’être présentés à la surface de la cellule (Figure 1). Par opposition, les protéines cellulaires ou les protéines virales synthétisées par une cellule infectée sont présentées à la surface par l’autre classe de molécules présentatrices, les CMH de classe I. Ces antigènes dits « endogènes » sont dégradés par le complexe du protéasome dans le cytoplasme de la cellule et non par les protéases de compartiments vacuolaires. Les peptides qui résultent de cette digestion sont par la suite transférés dans le réticulum endoplasmique pour être chargés sur les CMH de classe I (Figure 1).

Rôle de l’autophagie dans la présentation de peptides viraux par les CMH de classe I

Les travaux du groupe de Munz montrent donc que l’autophagie permet de transgresser les lois fondamentales de la présentation antigénique en autorisant la présentation de protéines virales endogènes sur des CMH de classe II. Une question subsiste donc : l’autophagie peut-elle à nouveau enfreindre les lois classiques de la présentation en permettant, cette fois, de dégrader et d’apprêter des antigènes endogènes dans un compartiment vacuolaire avant de les présenter sur des molécules du CMH de classe I ? Jusqu’à récemment, les résultats de nombreux travaux suggèrent cette possibilité, sans pour autant définitivement la valider. En effet, l’autophagie permet d’éliminer des agrégats de protéines cytoplasmiques ubiquitinylées [ 4]. Or, dans les cellules dendritiques, des agrégats similaires appelés DALIS (dendritic cell aggregosome-like structures) influencent fortement le répertoire peptidique présenté par les molécules du CMH de classe I [ 5]. Par ailleurs, plusieurs travaux ont permis de localiser des organismes pathogènes comme Toxoplasma gondii [ 6], Listeria monocytogenes [ 7] ou encore Mycobacterium tuberculosis [ 8] dans des compartiments autophagiques. La découverte parallèle de peptides provenant de ces pathogènes sur des molécules du CMH de classe I (et de classe Ib) laisse entrevoir un rôle possible de l’autophagie dans la génération des peptides servant à cette forme de présentation [ 9]. Afin de répondre aux nombreuses questions soulevées par ces différents travaux, nous avons étudié le rôle de l’autophagie dans la présentation de peptides viraux par les CMH de classe I à la suite de l’infection de macrophages de souris par le virus Herpes simplex de type 1 (HSV-1) [ 10].

Nous avons notamment mesuré les niveaux de présentation d’un peptide immunodominant de la glycoprotéine B (gB) du virus HSV-1 par les molécules du CMH de classe I. Nos résultats montrent clairement que l’infection de macrophages par HSV-1 déclenche une réponse immune organisée en deux phases. Dans la première phase, les cellules infectées présentent en surface le peptide antigénique issu de la dégradation et de l’apprêtement de la gB via la voie classique de présentation par les CMH de classe I (Figure 2). Dans la phase tardive de l’infection, en revanche, la réponse immunitaire devient fortement dépendante de la dégradation de la gB dans un compartiment vacuolaire dont la formation dépend de mécanismes autophagiques. Par ailleurs, notre étude dévoile l’existence d’un nouveau type d’autophagosomes présents uniquement dans les cellules infectées. Ces autophagosomes sont formés par la projection de la membrane nucléaire riche en protéine virale gB dans le cytoplasme, suivie d’un enroulement des feuillets internes et externes de cette membrane, le tout aboutissant à la formation d’une vésicule à quatre feuillets pouvant également englober des particules virales. Malgré tout, le rôle distinct ou complémentaire de ces autophagosomes nucléaires par rapport aux autophagosomes classiques (euxaussi abondants dans la phase tardive de l’infection) dans le processus de présentation de peptides viraux via la voie vacuolaire reste encore à établir. Cependant, la membrane nucléaire, et par conséquent la membrane constituant ces nouveaux autophagosomes, est en continuité avec la membrane du réticulum endoplasmique (RE). Or, ce compartiment contient toute la machinerie nécessaire à la présentation de peptides antigéniques sur des molécules CMH de classe I. Il est donc logiquement envisageable que les autophagosomes que nous décrivons soient particulièrement compétents pour présenter des antigènes viraux sur des molécules du CMH de classe I du fait de leur origine RE/membrane nucléaire jusque-là insoupçonnée.

Conflit d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts concernant les données publiées dans cet article.

References
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English L, Chemali M, Duron J, et al. Autophagy enhances the presentation of endogenous viral antigens on MHC class I molecules during HSV-1 infection. Nat Immunol 2009; 10 : 480–7.