La maladie de Huntington est la plus étudiée des maladies liées aux « expansions de polyglutamines ». Ces mutations du gène HUNTINGTINE (augmentation des répétitions CAG) entraînent des changements de conformation et de propriétés de la Huntingtine avec en particulier une perte de solubilité de la protéine entière ou des fragments de protéolyse, et des phénomènes d’agrégation. La présence d’agrégats de protéines mal conformées est une caractéristique fréquente des maladies neurodégénératives [ 1].
Dans leurs travaux récemment publiés dans la revue Nature Cell Biology, Ren et al. [ 2] s’intéressent à ces agrégats et s’attachent en particulier à démontrer leur capacité à entraîner l’agrégation de protéines normalement solubles. Ces auteurs ont d’abord montré que des agrégats d’un peptide composé de 44 glutamines (poly-Q-44) pouvaient être internalisés par une grande variété de cellules incubées en leur présence. Les auteurs ont examiné les conséquences de la présence des agrégats poly-Q-44 sur le comportement d’un fragment de la Huntingtine portant 25 glutamines, normalement soluble dans le cytoplasme des cellules, et qui dans cette étude a été associé à un rapporteur fluorescent, la cyaninin fluorescent protein (htt-Q25-CFP). Pour cela, les auteurs ont mis en contact les agrégats poly-Q-44 avec des cellules exprimant de façon stable la htt-Q25-CFP. En suivant la fluorescence de la CFP, ils ont noté l’apparition d’un marquage punctiforme dans les cellules, signe d’un changement de comportement de la htt-Q25-CFP qui, au contact du poly-Q-44 agrégé, forme des agrégats dans lesquels l’on retrouve également le peptide poly-Q-44. Ce résultat n’est pas spécifique au peptide utilisé puisque des agrégats se forment aussi à partir de fragments de la Huntingtine portant 51 glutamines. La capacité d’induction de la formation de nouveaux agrégats est fonction de la longueur des polyglutamines : ainsi, les agrégats portant 18 glutamines n’induisent pas de changement dans la localisation de la htt-Q25-CFP.
Dès lors, la question pouvait être posée de la capacité des agrégats à induire l’agrégation de protéines « hétérologues ». Les auteurs ont répondu de façon claire à cette question en utilisant des agrégats, soit du prion de levure Sup-35, soit du peptide amyloïde Aβ. Aucun de ces peptides n’est capable d’entraîner l’agrégation de la htt-Q25-CFP, alors que les agrégats du prion Sup-35 induisent parfaitement l’agrégation d’un rapporteur Sup-35-GFP. Il n’y a donc pas de possibilités d’induction croisée des agrégats entre différents types protéiques dans ce système.
Enfin, les auteurs ont examiné comment persistait l’agrégation induite lors de l’exposition ponctuelle aux agrégats de poly-Q-44. Pour cela ils ont analysé les générations successives de cellules (80 divisions successives) ; ils ont observé une persistance de l’agrégation des peptides htt-Q25-CFP (dans environ 5 % des cellules en culture), alors même que les peptides poly-Q-44 « initiateurs » sont tellement dilués qu’ils sont indétectables à partir de la génération 20. Ce résultat spectaculaire suggère que les agrégats persistent et sont transmis aux générations cellulaires suivantes. Les auteurs proposent qu’un mécanisme existe assurant une répartition asymétrique des agrégats pendant la mitose, ce qui expliquerait la présence d’une population numériquement faible mais constante de cellules qui en héritent.