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Med Sci (Paris). 2008 June; 24(6-7): 572–574.
Published online 2008 June 15. doi: 10.1051/medsci/20082467572.

Fin de l’orphelinat pour les récepteurs nucléaires REVERB

Fabienne Guillaumond* and Michèle Teboul

Laboratoire de Biologie et de Physiopathologie des Systèmes Intégrés, CNRS FRE 3094, Université de Nice-Sophia Antipolis, 28, avenue Valrose, 06108 Nice Cedex 2, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Rythme circadien, Protéines de liaison à l'ADN, Hème, Humains, Ligands, Membre-1 du groupe D de la sous-famille-1 de récepteurs nucléaires, Récepteurs cytoplasmiques et nucléaires, Récepteurs aux stéroïdes, Protéines de répression

 

Identifiés depuis une vingtaine d’années, les récepteurs nucléaires REVERB, REVERBα (NR1D1) et REVERBβ (NR1D2), sont dépourvus du domaine de transactivation AF2 dépendant du ligand et ont été classés parmi les récepteurs orphelins c’est-à-dire sans ligand connu. Ce sont des répresseurs transcriptionnels constitutifs qui se fixent sur des éléments de réponse de type WAWNTRGGTCA, appelés RORE [ROR (retinoid acid related orphan receptor) response elements]. Initialement, ce motif a été décrit comme le site de liaison des récepteurs nucléaires orphelins ROR, qui, eux, sont des activateurs transcriptionnels. L’activité répressive des REVERB résulte de la fixation du corépresseur N-CoR sur leur domaine de liaison au ligand (LBD), ce qui conduit à l’activation de la protéine HDAC (histone désacétylase) qui désacétyle les histones et rend ainsi la chromatine transcriptionnellement inactive.

REVERB, régulateurs du métabolisme lipidique et constituants des oscillateurs circadiens

Les gènes Reverbα et β présentent un patron d’expression spatio-temporel. Ils sont exprimés dans la plupart des tissus et sont particulièrement abondants dans le foie, le muscle, le tissu adipeux et le cervelet. Leur expression est rythmique dans de nombreux tissus. Les REVERB ont été impliqués dans divers processus biologiques, leur expression est induite au cours de la différenciation adipocytaire [ 1, 2] et diminuée au cours de la différenciation musculaire [ 3, 4]. Des expériences de génétique ont de plus montré que les REVERB ont un rôle important dans la régulation du métabolisme lipidique : des souris déficientes en REVERBα présentent une dyslipidémie avec des VLDL (very low density lipoproteins) élevées ainsi qu’une augmentation de l’expression de l’apolipoprotéine CIII [ 5]. Par ailleurs des cellules exprimant un dominant négatif de REVERBβ présentent une diminution de l’expression des gènes impliqués dans le métabolisme lipidique [ 6]. Outre leur rôle dans la régulation du métabolisme lipidique, les REVERB sont des constituants de l’oscillateur moléculaire des mammifères et donc des régulateurs du système circadien. L’invalidation du gène Reverba chez la souris induit une diminution drastique de l’amplitude du rythme d’expression de Bmal1, un composant moléculaire essentiel au fonctionnement de l’oscillateur circadien [ 7]. Celui-ci est constitué de boucles d’autorégulation transcriptionnelle et post-traductionnelle négatives mettant en jeu des gènes spécifiques (dits gènes-horloges) et leurs protéines respectives (BMAL1, CLOCK, CRYPTOCHROME 1 et 2, PERIOD 1 et 2) [ 8]. La robustesse de ce système est assurée par les récepteurs nucléaires, REVERB et ROR qui, respectivement, répriment et activent rythmiquement la transcription de Bmal1 [ 9]. Ces oscillateurs moléculaires imposent une rythmicité circadienne à de nombreuses fonctions physiologiques et comportementales de l’organisme, comme par exemple, le métabolisme lipidique et glucidique, la sécrétion hormonale (corticostérone, leptine, insuline) et le cycle veille-sommeil.

E75, l’orthologue chez la drosophile des REVERB, est lié à l’hème

La production dans un système hétérologue de récepteurs nucléaires conduit souvent à une co-purification de ces derniers avec de petites molécules qui les stabilisent. Cette approche peut permettre l’identification de ligands. C’est ainsi que Reinking et al., en exprimant dans E. coli le LBD de E75 [ 10], l’orthologue unique chez la drosophile des deux REVERB, ont obtenu une protéine purifiée de couleur rouge, suggérant une co-purification avec un chromophore. Les analyses ont montré qu’il s’agissait de la protoporphyrine IX couplée à un ion Fe2+, communément appelée hème. L’hème est présent dans de nombreuses hémoprotéines (hémoglobine, myoglobine, cytochromes…), c’est un pigment organique rouge qui fixe et transporte l’oxygène et les gaz diatomiques (NO et CO). L’hème n’est pas à proprement parler un ligand de E75, puisqu’il est nécessaire à la stabilité de la protéine qui n’existe pas sous forme d’aporécepteur. L’état d’oxydation de l’hème détermine si E75 peut dimériser avec son partenaire DHR3 suggérant un rôle de senseur redox. De plus, la dimérisation E75-DHR3 est aussi régulée par la fixation de NO ou de CO à l’hème, suggérant que E75 pourrait être également un senseur de gaz diatomiques.

Les REVERB sont aussi des récepteurs de l’hème

En se basant sur les travaux sur E75, les équipes de M.A Lazar [ 11] et de F. Rastinejad [ 12] ont purifié les domaines LBD de REVERBα et β produits chez E. Coli, et ont mis en évidence, par spectrométrie de masse, une interaction de l’hème avec ces deux récepteurs. Contrairement à ce qui se passe chez la drosophile, l’hème semble se comporter comme un ligand des REVERB, puisqu’il lie de façon réversible les LBD. La fixation de l’hème est requise pour le recrutement du co-répresseur N-CoR et une mutation qui empêche la fixation de l’hème empêche également l’interaction avec N-CoR [11, 12]. Contrairement à ce qui se passe chez la drosophile, les gaz diatomiques ne modulent pas l’activité de l’hème [12]. La découverte de l’hème comme ligand des REVERB pose la question du rôle de l’hème dans la régulation du métabolisme lipidique et dans le système circadien. En modulant la concentration intracellulaire en hème, les auteurs ont pu démontrer les effets engendrés par l’hème sur l’expression des gènes cibles de REVERBα. Une déplétion en hème, par le succinyl acétone qui prévient l’incorporation de fer dans l’hème, induit une diminution de l’interaction de REVERBα d’une part avec le complexe N-CoR-HDAC3 [11, 12] et d’autre part avec l’élément RORE présent dans le promoteur du gène Bmal1 [12]. Par conséquent, l’expression du gène Bmal1 est augmentée [11, 12] ainsi que celle d’un autre gène cible de REVERBa, Elovl3 [12], impliqué dans la lipogenèse. Inversement, l’ajout d’hémine induit une interaction stable de REVERBα avec N-CoR-HDAC3 et une baisse de l’expression de Bmal1 [11, 12] ainsi que de deux gènes codant pour des enzymes clés de la gluconéogenèse, la glucose-6-phosphatase (G6Pase) et la phosphoénolpyruvate kinase (PEPCK) [11, 13]. En revanche, l’inhibition de la synthèse de l’enzyme limitante dans la biosynthèse de l’hème, l’acide δ-aminolévulinique synthase 1 (ALAS1), par des ARN interférants induit une augmentation de l’expression de G6Pase [11]. Par cette même technologie, l’équipe de M.A. Lazar a également montré que la diminution de l’expression de PEPCK induite par l’hème est dépendante de REVERBα. De plus, la production de glucose est également diminuée et résulte en partie de la réduction de l’expression de G6Pase et de PEPCK [11].

La synthèse de l’hème suit un rythme circadien

La synthèse de l’hème à partir du succinyl CoA et de glycine se fait en plusieurs étapes (voir synthèse H. de Verneuil, ce numéro). L’étape limitante est catalysée par l’enzyme ALAS (aminolevulinic acid synthase) qui existe sous deux isoformes (ALAS1 ubiquitaire et ALAS2 exprimée seulement dans les précurseurs des cellules sanguines) (Figure 1). L’hème néo-synthétisé va exercer un rétrocontrôle négatif sur Alas1. L’expression d’Alas1 suit un rythme circadien [ 14] et est augmentée par le co-activateur des récepteurs PPAR, PGC-1α (peroxisome proliferator-activated receptor-g coactivator), lui-même régulé par le statut nutritionnel des mammifères (Figure 1).

En conclusion

Cela suggère que des altérations de l’expression d’Alas1 peuvent conduire in fine à une modulation hème-dépendante de l’activité répressive des REVERB sur ses gènes cibles. Sachant que la synthèse de l’hème est rythmique, on peut dès lors envisager que l’hème, par son interaction avec les récepteurs REVERB situés à l’interface entre le système circadien, le métabolisme énergétique et la différenciation cellulaire, va exercer un contrôle rythmique sur les différents acteurs de ces processus physiologiques (Figure 1).

References
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