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Med Sci (Paris). 2008 April; 24(4): 346–347.
Published online 2008 April 15. doi: 10.1051/medsci/2008244346.

Le derme de la peau s’enrichit d’une nouvelle population de cellules dendritiques

Sandrine Henri, Lionel Franz Poulin, and Bernard Malissen*

Centre d’Immunologie de Marseille-Luminy (CIML), Université de la Méditerranée, Case 906, 13288 Marseille Cedex 9, France
Inserm, U631, 13288 Marseille Cedex 9, France
CNRS, UMR6102, 13288 Marseille Cedex 9, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Cellules dendritiques, Derme, Épiderme, Humains, Monocytes, Cellules souches

 

La peau est le théâtre de nombreuses manifestations pathologiques comme le psoriasis, la dermatite atopique et les allergies. La peau est aussi une voie d’entrée pour beaucoup de pathogènes transmis par des insectes, mouches, moustiques et tiques. Elle peut être aussi le siège de transformations malignes comme le carcinome et le mélanome. Le système immunitaire a mis en place des stratégies lui permettant de défendre notre organisme contre le développement de ces différentes pathologies. Parmi ces moyens de défense figurent les cellules dendritiques (DC) qui sont capables, par le biais de récepteurs spécifiques, de détecter la présence de pathogènes ou de cellules anormales, et de déclencher une réponse immune au niveau des organes lymphoïdes drainant les territoires cutanés.

Peau, ganglions lymphatiques cutanés et cellules dendritiques

La peau est un organe composé de trois couches superposées, l’épiderme, le derme et l’hypoderme, de la surface vers la profondeur du corps. L’épiderme contient des cellules dendritiques qui ont été décrites par Paul Langerhans dès 1868 et qui sont appelées cellules de Langerhans [ 1] et le derme contient des cellules dendritiques dites dermiques. Ces différentes populations de cellules dendritiques sont capables de migrer, via les vaisseaux lymphatiques, de la peau vers les organes lymphoïdes secondaires, les ganglions lymphatiques cutanés, afin d’engager la réponse immune adaptative en suscitant l’activation des lymphocytes T.

Les ganglions lymphatiques contiennent deux catégories de cellules dendritiques : l’une dérive de précurseurs ayant directement colonisé les ganglions lymphatiques (et qualifiée de « résidente »), l’autre ayant préalablement résidé dans des tissus avant de gagner les ganglions (et qualifiée de « migrante »). À l’aide de marqueurs de surface exprimés de manière différentielle, au moins cinq populations différentes de cellules dendritiques peuvent être distinguées dans les ganglions cutanés [ 2]. Trois sont des DC résidentes : DC CD8α+, DC CD8α- et pDC (p pour plasmacytoïdes) et deux des DC migrant de la périphérie : cellules de Langerhans (LC) et DC dermiques (DDC). Il est à noter que les cellules de Langerhans sont radiorésistantes et se renouvellent au niveau de l’épiderme à partir d’un précurseur colonisant l’épiderme au moment de la naissance. Ainsi, après irradiation d’une souris et reconstitution de son système hématopoïétique par transfert de moelle osseuse, les LC de la souris hôte persistent alors que toutes les autres populations de cellules dendritiques dérivent de la moelle osseuse transférée.

Souris possédant une modification intentionelle du gène langérine

La découverte du marqueur langérine (CD207) par l’équipe de Sem Sealand [ 3] a permis de distinguer les cellules de Langerhans (langérine+) des DDC (langérine-). La langérine est une lectine de type C exprimée par les cellules de Langerhans et à l’origine de la formation d’organites intracellulaires appelés granules de Birbeck dont la fonction est inconnue. Afin de suivre et d’étudier les LC in vivo et de les distinguer des DDC, nous avons développé une souris génétiquement modifiée dont certaines cellules coexpriment, sous le contrôle du gène langérine, un gène rapporteur fluorescent (la EGFP, enhanced green fluorescent protein) et un gène codant pour le récepteur humain de la toxine diphtérique [ 4]. Ce dernier confère aux cellules de Langerhans de souris une sensibilité accrue pour la toxine diphtérique (DT) et permet de les éliminer « à façon » par injection de DT. Utilisant cette souris, appelée Lang-EGFP-DTR, nous avons étudié, à la suite d’une injection de DT, la cinétique de reconstitution des cellules de Langerhans (EGFP+) présentes au niveau de l’épiderme. Nous avons observé que la reconstitution du contingent de cellules de Langerhans de l’épiderme prenait plusieurs semaines. Puisque l’on admet généralement que les DC langérine+ présentes au niveau des ganglions cutanés proviennent de la migration des cellules de Langerhans présentes au niveau de l’épiderme, nous nous attendions à voir réapparaître ces dernières dans les ganglions avec une cinétique « lente » de l’ordre de plusieurs semaines. De manière inattendue, les ganglions lymphatiques cutanés étaient repeuplés en quelques jours par des DC langérine+, une observation remettant donc en question la relation précurseur dendritique épidermiquecellule dendritique mature ganglionnaire supposée exister entre ces dernières et les cellules de Langerhans de l’épiderme.

Identification d’une nouvelle population de cellules dendritiques : les DC dermales langérine+

Ces premières observations que nous avions faites dans le modèle Lang-EGFP-DTR ainsi que la radiorésistance des LC ont été ensuite simultanément exploitées par trois groupes de recherche, dont le nôtre, et ont permis la description d’une nouvelle population de cellules dendritiques langérine+ localisée au niveau du derme [ 5- 7]. Ainsi, nous avons montré que si l’on injectait de la moelle osseuse de souris Lang-EGFP-DTR dans une souris sauvage hôte

irradiée, les LC radiorésistantes exprimaient bien un marqueur allélique caractéristique de la souris hôte. Cependant, on trouvait dans les ganglions lymphatiques cutanés une population de cellules dendritiques migrantes qui exprimait un marqueur allélique propre au donneur de moelle osseuse, et qui exprimait la langérine. L’étude de la cinétique de réapparition de cette population langérine+ après traitement par la toxine diphtérique montrait que cette population apparaissait en quelques jours au niveau des ganglions lymphatiques cutanés et correspondait probablement aux DC observées dans

notre étude initiale. L’analyse de la peau nous a montré que cette population inattendue trouvait son origine au niveau du derme et nous avons donc baptisé ces nouvelles cellules dendritiques dermiques langérine+. Ces résultats ont été confirmés par deux autres études qui ont utilisé notre modèle de souris Lang-EGFP-DTR. Nous avons montré que les cellules de Langerhans de l’épiderme et les DDC langérine+ se développaient indépendamment l’une de l’autre. Par ailleurs, les travaux de Ginhoux et al. [ 6] ont montré que les DDC langérine+ avaient la capacité de capturer des antigènes exprimés au niveau cutané et de les véhiculer au niveau des ganglions lymphatiques cutanés. En complément de ces études, les travaux de Bursch et al., [7] ont montré que les DDC langérine+ étaient à elles seules capables de contribuer au développement de réactions d’hypersensibilité de contact.

En conclusion

Ces trois études ont identifié une nouvelle population de cellules dendritiques dermiques qui exprime fortement la langérine et qui se développe indépendamment des LC de l’épiderme. La présence de cette nouvelle population augmente la complexité et la diversité du réseau de cellules dendritiques dans la peau et les ganglions cutanés (Figure 1). Il a été récemment montré chez l’homme que la langérine était capable d’interagir avec le virus VIH-1 et pourrait contribuer à son inactivation. Il sera donc intéressant d’analyser si une population de DDC langérine+ existe chez l’homme et pourrait par exemple constituer, dans le cas de lésions de l’épiderme, une barrière empêchant l’entrée du VIH-1. Ainsi, une meilleure connaissance de cette population devrait permettre de progresser dans la compréhension de certains modèles infectieux et de faire évoluer les approches vaccinales ciblant les antigènes sur la peau [ 8].

References
1.
Valladeau J. Les cellules de Langerhans. Med Sci (Paris) 2006; 22 : 144–8.
2.
Henri, S, Vremec D, Kamath A, et al. The dendritic cell populations of mouse lymph nodes. J Immunol 2001; 167 : 741–8.
3.
Valladeau J, Ravel O, Dezutter-Dambuyant C, et al. Langerin, a novel C-type lectin specific to Langerhans cells, is an endocytic receptor that induces the formation of Birbeck granules. Immunity 2000; 12 : 71–81.
4.
Kissenpfennig A, Henri S, Dubois B, et al. Dynamics and function of Langerhans cells in vivo : dermal dendritic cells colonize lymph node areas distinct from slower migrating Langerhans cells. Immunity 2005; 22 : 643–54.
5.
Poulin LF, Henri S, de Bovis B, et al. The dermis contains langerin dendritic cells that develop and function independently of epidermal Langerhans cells. J Exp Med 2007; 204 : 3119–31.
6.
Ginhoux F, Collin MP, Bogunovic M, et al. Blood-derived dermal langerin dendritic cells survey the skin in the steady state. J Exp Med 2007; 204 : 3133–46.
7.
Bursch LS, Wang L, Igyarto B, et al. Identification of a novel population of Langerin dendritic cells. J Exp Med 2007; 204 : 3147–56.
8.
Le Borgne M, Dubois B, Kaiserlian D. Cellules dendritiques des muqueuses et de la peau : recruter pour vacciner. Med Sci (Paris) 2007; 23 : 819–25