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Med Sci (Paris). 2008 January; 24(1): 95–96.
Published online 2008 January 15. doi: 10.1051/medsci/200824195.

Le retour d’un monument
Biologie moléculaire et medecine, Jean-Claude Kaplan, Marc Delpech

Bertrand Jordan*

Marseille-Nice Génopole, case 901, Parc Scientifique de Luminy, 13288 Marseille Cedex 9, France
Corresponding author.
 

En recevant la nouvelle édition de « Biologie moléculaire et médecine » (octobre 2007) [1], la première surprise est de constater que ce tout nouvel ouvrage n’est ni plus grand, ni plus épais que son ancêtre publié en 1989. C’est certes un gros livre, mais il reste maniable par une personne normalement constituée. Il s’agit véritablement là d’un prodige lorsque l’on songe à toutes les avancées dont la biologie moléculaire humaine a été le théâtre au cours des presque vingt années écoulées depuis la première parution : cartographie puis séquençage des génomes, élucidation de centaines de maladies génétiques, invasion des puces et de la biologie à grande échelle, génomique, transcriptomique, protéomique, et j’en passe… On reste rêveur en songeant aux efforts de concision que cela a dû demander aux auteurs, aux choix cornéliens qu’ils ont dû opérer et à la chasse aux redondances à laquelle ils se sont certainement livrés. L’ouvrage est certes un peu plus lourd (2 kg au lieu de 1,3), il a gagné deux cents pages… mais il rassemble toujours l’essentiel de ce vaste sujet en un seul tome que l’on pourrait presque lire dans le métro.

En l’ouvrant, pas de dépaysement. Les figures sont toujours nombreuses, leur graphisme reste simple et clair, sans fioritures inutiles. La mise en page, désormais sur deux colonnes, ne laisse plus la vaste marge de l’ouvrage précédent (propice à l’adjonction de notes personnelles), mais elle permet de gagner de la place pour caser un texte plus long tout en gardant une disposition suffisamment aérée. Au total, le livre doit contenir près de deux fois plus de signes que son prédécesseur - ce qui reste très raisonnable compte tenu du développement du sujet… Et c’est bien un nouveau livre : il a été presque entièrement réécrit. Naturellement, la plupart des notions fondamentales n’ont pas changé, et les images qui illustrent la structure de l’ADN sont les mêmes qu’il y a dix-huit ans ; mais un simple examen du sommaire démontre l’importance des changements. La séparation en trois grandes parties : « Concepts de base » (de base assez avancée, dirais-je), « Biologie moléculaire et pathologie », et « Les outils du génie génétique » garde sa pertinence, décrivant en détail la méthodologie sans encombrer l’exposé des relations entre gènes et maladies. Un glossaire et surtout un index très développé (vingt-quatre grandes pages !) facilitent significativement l’accès aux informations qui sont très complètes malgré la relative concision de l’ouvrage.

Il n’est évidemment pas question dans ce bref article de balayer l’ensemble du volume, je me contenterai de quelques impressions relatives aux chapitres dont le contenu touche le plus directement mes intérêts scientifiques. La description des polymorphismes de l’ADN (page 223) est claire et à jour, elle inclut en particulier les Copy Number Variations (CNV) dont la fréquence avait été largement sous-estimée et qui constituent un nouveau type de diversité génétique dont les implications sont importantes. La discussion sur les maladies complexes et multigéniques (page 433) est elle aussi claire et complète, même si l’essor tout récent des études d’association génome entier (Whole Genome Association studies) est, par la force des choses, un peu sous-estimé : les premiers résultats concluants sont parus en 2007… Le chapitre sur la thérapie génique (page 548) a été judicieusement regroupé avec les « Thérapies ciblées dérivées de la connaissance des gènes », ce qui permet de décrire le relatif échec des tentatives de thérapie génique tout en les situant dans un ensemble plus vaste et à certains égards plus prometteur. Le chapitre sur les puces et nanotechnologies (page 679) m’a légèrement déçu par le choix des techniques et des entreprises mentionnées qui (à part Affymetrix) ne sont sans doute pas les plus dynamiques - mais ce secteur est en évolution si rapide que l’art est vraiment difficile. Enfin, pour conclure cet examen très parcellaire, le chapitre sur la séquence (page 689) va comme je l’espérais jusqu’au next-generation sequencing, le séquençage de nouvelle génération qui est en cours d’arrivée massive dans les grands centres (environ trois cents machines vendues fin 2007 par les trois premiers arrivés sur ce marché, Roche/454, Illumina/Solexa et Applera/SOLiD…).

Une seule question - mais une question centrale - avant de terminer : quelle est l’utilité d’un tel livre à l’ère d’Internet, alors qu’une interrogation à l’aide de n’importe quel moteur de recherche fournit immédiatement une foule d’informations sur chacun des sujets traités dans cet ouvrage ? Il me semble que c’est justement la concision de cette « somme », la manière dont elle parvient à rassembler l’essentiel dans un volume relativement restreint, qui fait sa valeur. Valeur qui tient aussi, bien sûr, au fait que ces informations sont vérifiées, validées et que l’on peut leur faire confiance… Cet ensemble qui devient vite familier à l’utilisateur, au sein duquel il navigue facilement grâce à sa clarté et à son organisation, permet d’accéder rapidement à des informations complètes bien que concises. Il sera toujours temps ensuite d’aller voir dans Google ou Wikipedia pour un éclairage différent ou pour se tenir au courant des derniers développements - mais un tel manuel me semble garder un rôle fondamental pour le chercheur, le clinicien ou le lecteur éclairé. On ne peut donc qu’être reconnaissant aux auteurs pour le travail colossal qu’ils ont fourni en réalisant cette édition toute nouvelle d’un ouvrage fondamental et unique en langue française.

References
1.
Kaplan JC, Delpech M. Biologie moléculaire et médecine, 3e ed. Collection De la biologie à la clinique. Paris : Flammarion Médecine-Sciences, 2007 : 820 p.