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Med Sci (Paris). 2007 August; 23(8-9): 761–764.
Published online 2007 August 15. doi: 10.1051/medsci/20072389761.

Activité de prélèvement et de greffe d’organes en France en 2006

Fabienne Pessione, Christelle Cantrelle, Emilie Savoye, François Aubin,* and Bernard Loty

Direction Médicale et Scientifique, Agence de la biomédecine, 1, avenue du Stade de France, 93212 Saint-Denis La Plaine Cedex, France
Corresponding author.

MeSH keywords: France, Géographie, Transplantation cardiaque, Transplantation coeur-poumon, Humains, Transplantation rénale, Transplantation hépatique, Acquisition d'organes et de tissus, Transplantation

 

En 2006, 4 400 malades, dont 4 % d’enfants, ont bénéficié d’une greffe d’organe en France. Cette activité est régulée par l’Agence de la biomédecine, créée en 2005, et qui a repris l’ensemble des activités de l’Établissement français des Greffes en matière de prélèvement et de greffe. Elle a pour missions, entre autres, de gérer la liste nationale des personnes en attente de greffe et le registre national des refus de prélèvement, de coordonner les prélèvements d’organes, de répartir et attribuer les greffons et d’évaluer les résultats.

En France comme ailleurs, l’offre de greffons reste inférieure aux besoins même si l’activité de prélèvement et de greffe continue d’augmenter significativement.

L’activité de prélèvement des greffons

Le nombre de donneurs d’organes prélevés augmente d’environ 5 % par an depuis 1996 (n = 889 en 1996, n = 1 442 en 2006) et il est de 23,2 donneurs prélevés par million d’habitants (pmh) en 2006 (Figure 1). Ce nombre place la France parmi les pays les plus actifs, l’Espagne (35 pmh), et les États-Unis (25 pmh) faisant mieux, l’Italie (20 pmh) ou la Grande Bretagne (13 pmh) moins bien.

Cette évolution est d’autant plus notable qu’elle se produit dans un contexte épidémiologique où la mortalité précoce (65 ans ou moins) diminue fortement et régulièrement en France (environ 1 %/an). C’est particulièrement vrai des décès liés aux accidents vasculaires cérébraux et aux accidents de la voie publique (environ 3 %/an), souvent associés à une mort encéphalique1 qui permet le prélèvement d’organes.

Bien que satisfaisants, ces dons restent insuffisants au regard des besoins de greffes d’organe que traduit le nombre de malades inscrits sur la liste d’attente de greffe (12 308 malades inscrits en 2006). Un accroissement du nombre de greffons prélevés passe par une amélioration du recensement des donneurs en état de mort encéphalique et une diminution des refus de prélèvement. En effet, le nombre de donneurs recensés décédés en état de mort encéphalique est deux fois supérieur au nombre de donneurs prélevés : environ 20 % des donneurs recensés ne sont pas prélevés du fait de contre-indications médicales et 30 % du fait d’une opposition au prélèvement.

Les résultats d’enquêtes réalisées dans les hôpitaux et les services de réanimation permettent d’estimer le nombre de donneurs décédés en état de mort encéphalique et donc éligibles pour un prélèvement d’organe. Ce nombre est estimé à 4 500 donneurs (72 pmh) en 2007, soit environ 1 500 donneurs supplémentaires par rapport à 2006 (n = 3067, 49,5 pmh). Cela représente 14 % des décès survenus dans les services de réanimation et 3 % de ceux survenus dans les services hospitaliers de court séjour. Si les taux de refus restaient stables, le taux de prélèvement serait de 36 pmh et le nombre de greffes supplémentaires de l’ordre de 2 250 par an.

Il existe de grandes disparités entre les régions dans l’activité de prélèvement : certaines ont presque atteint le taux attendu de 36 pmh (34 pmh en Alsace, 30 pmh en région Centre) alors que d’autres ont un potentiel d’amélioration encore très important (14 pmh en Midi-Pyrénées, 16 pmh en Picardie) (Figure 2).

Les taux de refus de prélèvement restent stables, environ 30 % des donneurs recensés ou 40 % de ceux pour lesquels n’existe aucune contre-indication au prélèvement. Il est possible d’envisager une diminution puisqu’en Espagne ce taux n’est que de 20 %, et l’objectif est de le réduire à 15 % en quelques années. L’Agence de la biomédecine a mis en place des formations destinées aux personnels hospitaliers dont l’un des objectifs est d’améliorer la prise en charge des proches des personnes décédées en état de mort encéphalique. L’efficacité de ces programmes de formation devrait contribuer à diminuer le taux des refus de prélèvement.

Le nombre de greffons disponibles augmente aussi grâce au développement des programmes de greffes à partir de donneurs vivants et de donneurs décédés « à cœur arrêté »2. Le nombre de greffons rénaux prélevès sur des donneurs vivants augmente en moyenne de 16 % par an depuis 1994 (n = 66), et a été particulièrement important en 2006 avec une augmentation de 25 % (n = 247). Ces greffons cependant ne représentent que 9 % de l’activité de greffe rénale, alors que dans d’autres pays, cette proportion peut atteindre 30 % (Scandinavie) voire 40 % (États-Unis).

Le prélèvement d’organes sur des donneurs décédés à cœur arrêté est autorisé en France depuis 2006 (Encadré). Après la mise en place de conventions entre l’Agence de la biomédecine et 9 hôpitaux autorisés pilotes, un premier prélèvement a été réalisé en 2006 conduisant à une greffe rénale. Cette activité s’est poursuivie en 2007 donnant lieu à plusieurs greffes. Ce programme, destiné à se développer, pourrait contribuer à une augmentation importante du nombre des greffons disponibles.

L’augmentation du nombre de prélèvements, malgré la diminution du nombre de donneurs décédés en état de mort encéphalique, s’explique par l’élargissement des critères de prélèvement, en particulier le recensement des donneurs plus âgés. La moyenne d’âge des donneurs prélevés est passée de 37 à 50 ans en 10 ans. En 2006, 29 % (n = 414) des donneurs prélevés étaient âgés de plus de 60 ans contre seulement 6 % (n = 50) en 1996. Il faut cependant noter que le nombre absolu de donneurs de moins de 60 ans ne diminue pas (1 028 en 2006 contre 835 en 1996).

Inscription sur liste d’attente et greffe d’organe

L’importance de la pénurie est classiquement mesurée par l’écart entre le nombre de malades inscrits sur une liste d’attente et le nombre de greffes réalisées au cours d’une année. Mais l’interprétation de cet indicateur doit être nuancée selon l’organe étudié. En effet, les inscriptions sur liste d’attente ne reflètent pas toujours fidèlement les besoins réels de la population. D’une part, le nombre d’inscriptions sur liste d’attente est fonction du nombre de greffons disponibles, et il est plafonné, ce qui explique pourquoi le nombre de malades inscrits augmente parallèlement au nombre de greffes réalisées. Cela suggère que les besoins de la population sont importants et imparfaitement reflétés par la taille de la liste d’attente. D’autre part, dans le cas des greffes de rein, la possibilité du recours à la dialyse augmente le délai avant la greffe et conduit à une accumulation de malades non greffés qui aggrave la pénurie. Cette accumulation des malades en liste d’attente ne s’observe pas pour les autres organes vitaux (foie, cœur, poumons), dont l’aggravation de l’atteinte ne peut pas être suppléée artificiellement et entraîne le décès des patients. Parmi les 12 650 malades en attente d’une greffe d’organe en 2006, 74 % étaient en attente de greffe rénale. Le registre REIN (Réseau Épidémiologie Information Néphrologie) devrait être bientôt en mesure de disposer de données épidémiologiques nationales sur la prévalence et l’incidence de l’insuffisance rénale chronique, ce qui faciliterait l’évaluation précise des besoins de greffes rénales en France.

La greffe cardiaque
Les activités d’inscription en liste d’attente et de greffes cardiaques avaient fortement diminué au début des années 1990 mais elles se sont stabilisées puisque 358 greffes cardiaques ont été réalisées en 2006 (5,8 greffes pmh) contre 339 en 2005 (Figure 3). On observe une évolution assez similaire dans les autres pays développés : aux États-Unis, l’activité de greffe cardiaque continue de diminuer avec une baisse de 19 % sur les 10 dernières années, le taux de greffe étant un peu supérieur à 7,2 pmh en 2005.

En France, le nombre de malades en attente de greffe cardiaque en 2006 était de 708 (455 nouveaux malades et 253 déjà inscrits) soit 2 fois plus que le nombre de greffes réalisées dans la même année. L’incidence des malades en attente de greffe et décédés est relativement stable, 292 pour 1 000 patients-années en 2006 (n = 71).

La durée médiane d’attente avant une greffe cardiaque était proche de 4 mois en 2006, avec de fortes disparités géographiques, en particulier dans le sud de la France où la durée médiane d’attente était de 9, 18 et 28 mois respectivement en Aquitaine, Provence-Alpes-Côte-D’azur et Midi-Pyrénées.

La greffe pulmonaire et cardio-pulmonaire
Résultat des actions conjointes des équipes de transplantation et de l’Agence de la biomédecine, l’activité de greffes pulmonaires et cardio-pulmonaires, longtemps déficitaire par rapport au nombre de malades inscrits, a augmenté de 80 % en 2004 et s’est stabilisé en 2005 et 2006 à 205 et 204 greffes soit 3,3 greffes pmh.

En 2006, 413 malades étaient en attente d’une greffe pulmonaire ou cardio-pulmonaire (293 nouveaux inscrits), soit 2,2 malades inscrits par greffe réalisée (Figure 3).

L’incidence des décès de patients en attente de greffe pulmonaire, qui avait fortement diminué en 2005, 187/1 000 patients-année (n = 23), est revenue à son niveau antérieur autour de 271/1 000 patients-année en 2006 (n = 30).

La greffe hépatique
En 2006, 1 037 greffes de foie ont été réalisées ce qui représente une augmentation de 1 %, dont 36 à partir de greffons prélevés sur des donneurs vivants. Les greffes à partir de donneurs décédés augmentent de 3 %, mais celles utilisant des greffons prélevés sur donneurs vivants diminuent de 29 %. Le nombre de malades inscrits sur liste d’attente a augmenté de 6 % (1 788 malades inscrits en 2006, dont 1 302 nouveaux inscrits), soit 1,7 malades inscrits par greffe hépatique en 2006. La durée médiane d’attente était de 3,7 mois pour les malades inscrits entre 2003 et 2006, et elle reste stable depuis 1999, avec des disparités importantes de 2 à 8 mois selon les équipes.

L’incidence des décès des patients en attente de greffe hépatique a augmenté en 2006 après une diminution amorcée en 2003. Elle est de 297 décès pour 1000 patients-année, qui est le taux le plus élevé depuis 1998. Les modalités d’attribution des greffons hépatiques ont été modifiées en 2007, et permettent de greffer en priorité les malades les plus sévèrement atteints. L’objectif est de diminuer les risques de décès des patients sur liste d’attente et d’assurer ainsi une meilleure équité dans la répartition des greffons.

La greffe rénale
En 2006, 9 226 malades étaient en attente de greffe rénale, dont 3 274 nouveaux inscrits. Le taux d’inscription sur la liste d’attente continue d’augmenter, et atteignait presque 53 pmh en 2006. Ce taux varie fortement selon les régions France : par exemple, en 2005, il était de 31 pmh en Haute-Normandie et de 73 pmh en Ile-de-France. Cependant, le taux national reste inférieur à celui qui est déclaré aux États-Unis (98 pmh en 2005). Cela suggère que la liste d’attente pourrait ne pas refléter l’ensemble des besoins de greffes rénales en France.

Le nombre de greffes rénales était de 2 731 en 2006, dont 247 réalisées avec des greffons issus de donneurs vivants. L’activité de greffe rénale a augmenté de 6 % en 2006, dont + 5 % pour les greffes à partir de donneurs décédés et + 25 % pour les greffes à partir de donneurs vivants. Au total, 3,4 malades étaient en attente par greffe rénale en 2006 (Figure 3).

La durée médiane d’attente était de presque 19 mois pour les malades inscrits entre 2003 et 2006, avec de grandes disparités selon les régions (de 7 à plus de 30 mois pour certaines équipes d’Ile-de-France).

Les grandes variations dans la durée d’attente entre les régions sont expliquées par la pénurie et l’importance des listes d’attente dans certaines équipes, c’est pourquoi un score d’attribution des greffons a été mis en place depuis quelques années dont l’objectif est d’orienter les greffons vers les malades les plus difficiles à greffer et les équipes les plus en difficulté.

Par ailleurs, on note que les activités de greffes de pancréas (n = 90, dont 82 greffes combinées rein-pancréas) et d’intestins (n = 8) restent stables en 2006.

Conclusions

Bien qu’encourageants pour les patients en attente de greffe, le bilan d’activité de l’année 2006 montrent que les besoins en greffons restent importants.

Toutes les possibilités d’augmentation du nombre de donneurs disponibles sont explorées par l’Agence de la biomédecine en collaboration avec les centres de coordination de prélèvement d’organes et les équipes de greffe. Les différentes projections montrent que le nombre de donneurs prélevés et l’activité de greffe peuvent encore augmenter de façon très notable dans les prochaines années.

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Footnotes
1 Cette forme de décès, peu fréquente, s’observe uniquement en milieu hospitalier dans les services de réanimation ou de soins intensifs et fait suite à des événements violents (traumatisme crânien grave, accident vasculaire cérébral, etc.). Ce décès correspond à l’arrêt irrémédiable de la perfusion sanguine du cerveau aboutissant à sa destruction alors que tous les autres tissus sont vivants grâce essentiellement au maintien de la respiration artificielle. Cet état de mort encéphalique est mis en évidence par des examens cliniques répétés puis confirmés par un examen paraclinique défini dans le Décret du 2 décembre 1996.
2 La loi ne permettait jusqu’en 2005 les prélèvements que sur les personnes en état de mort encéphalique à hémodynamique conservée, c’est-à-dire à coeur battant. Un décret 2005-949 du 2 août 2005 autorise désormais les prélèvements d’organes et de tissus « sur une personne décédée présentant un arrêt cardiaque et respiratoire persistant ». Les termes de ce décret ont été soumis au Conseil d’État qui les a validés.