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Med Sci (Paris). 2007 May; 23(5): 480–482.
Published online 2007 May 15. doi: 10.1051/medsci/2007235480.

Origine des cellules ovales hépatiques

Yannick Laperche*

Inserm U841, Équipe Différenciation et régénération hépatiques, Université Paris XII, Faculté de médecine, 51, avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny, 94010 Créteil, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Animaux, Forme cellulaire, Vésicule biliaire, Foie, Souris, Modèles biologiques

 

Un article, publié récemment dans Gastroenterology, par Oh et al. [ 1] relance la controverse sur l’origine des cellules ovales hépatiques. Ces cellules, qui prolifèrent dans la région périportale du lobule hépatique, ont été initialement décrites chez le rat dans le modèle AAF/HX associant une hépatectomie (HX) des deux tiers (qui induit un signal de régénération hépatique) à un traitement par le 2-acétyl-aminofluorène (AAF) qui prévient la prolifération des hépatocytes résiduels [ 2].

L’origine hépatique des cellules ovales

Les cellules ovales présentent de nombreuses caractéristiques des hépatoblastes, qui sont des précurseurs hépatiques fœtaux. Elles ont aussi la capacité de se différencier en hépatocytes ou en cellules biliaires et peuvent constituer une voie de secours pour la régénération du foie qui se met en place quand la capacité proliférative des hépatocytes est altérée.

Leur présence a aussi été rapportée chez la souris [ 3] et chez l’homme, lors d’atteintes hépatiques aiguës ou chroniques, sous le nom de cellules précurseurs ductulaires ou cellules hépatobiliaires intermédiaires [ 4]. Leur origine reste encore très discutée, mais il est maintenant admis que, dans leur majorité, les cellules ovales résultent de l’expansion de précurseurs qui persistent à l’état de vestige dans le foie adulte au niveau des canaux de Hering [ 6] (Figure 1). La dédifférenciation d’hépatocytes en cellules ovales semble devoir être écartée, au moins dans certains modèles expérimentaux [ 5]. Mais voici que l’hypothèse selon laquelle ces cellules pourrait avoir une origine extra-hépatique et dériver de cellules de la moelle osseuse [ 7], qui n’avait pas pu être confirmée chez le rat [ 8] et la souris [5], est à nouveau proposée [1].

Cellules ovales : une origine médullaire ?

Pour rechercher la présence de cellules ovales issues de la moelle, Oh et al. ont utilisé des rats femelles déficientes pour la dipeptidyl-peptidase IV (DPPIV−/− ), ayant reçu une greffe de moelle de rats mâles DPPIV+/+ . Ces animaux ont ensuite été soumis au protocole AAF/HX. Ils ont également été traités, avant ou après la greffe, par la monocrotaline, un alcaloïde de pyrrolizidine, inhibiteur de la prolifération des hépatocytes et des cellules précurseurs de la moelle.

Lorsque la monocrotaline est administrée 4 semaines avant la greffe, et avant hépactectomie et AAF, l’étude histochimique du foie révèle des cellules ovales - positives pour OV-6 et l’α-fœtoprotéine (AFP) - qui expriment aussi la DPPIV, ce qui démontre leur origine médullaire. L’analyse des cellules non parenchymateuses isolées à partir du foie de ces rats montre que 40 % sont des cellules ovales (AFP+) et que, parmi ces 40 %, la moitié expriment à la fois l’AFP et la DPPIV et viennent donc du greffon.

On note que la monocrotaline n’a pas empêché l’accumulation de cellules ovales d’origine intra-hépatique. Ces cellules ovales ne semblent pas résulter d’évènements de fusion puisqu’elles ont un ou deux chromosomes X, dans un rapport de 1/2 qui correspond au rapport des cellules ovales mâles d’origine intra-hépatique (DPPIV-) et femelles extra-hépatique (DPPIV+).

Lorsque la monocrotaline est administrée après la greffe, aucune cellule ovale DDPIV+ n’est détectée, montrant que la monocrotaline a inhibé la prolifération, la différenciation de cellules ovales issues du greffon ou leur domiciliation vers le foie, tout en n’empêchant pas l’apparition de cellules ovales d’origine hépatique. Les cellules ovales peuvent donc avoir une origine intra-hépatique (cellules des canaux de Hering) ou extra-hépatique (cellules de la moelle osseuse).

Mais ces résultats sont en contradiction avec ceux de Menthena et al. [8] et de Wang et al. [5]. Menthena et al. n’avaient pas identifié, chez des rats DDPIV−/− , de cellules ovales issues d’un greffon DPPIV+ en bloquant la prolifération des cellules hépatiques par la rétrorsine, un autre alcaloïde de pyrrolizidine. Il est possible que cet alcaloïde, tout comme la monocrotaline, ait un effet inhibiteur sur les cellules d’origine médullaire, et pas (ou peu) sur les cellules précurseurs intra-hépatiques localisées dans les canaux de Hering. De même, chez la souris tyrosinémique, Wang et al. avaient montré que les cellules ovales qui s’accumulent dans le foie après administration de DDC (3,5-diéthoxycarbonyl-1,4-dihydrocollidine) ne viennent pas de la moelle osseuse.

À la lumière des travaux de Oh et al, on peut admettre que le DDC ait aussi un effet inhibiteur sur les cellules médullaires. De plus, on ne peut pas exclure, sur la base des marqueurs utilisés, que les cellules qui prolifèrent dans ce modèle ne soient pas des cellules biliaires matures.

La double origine des cellules ovales

Ainsi, les cellules ovales qui prolifèrent en réponse à une perte hépatocytaire peuvent avoir une origine intra-hépatique ou médullaire. Leur accumulation dans le foie en phase de régénération ne peut intervenir qu’après inhibition de la prolifération des hépatocytes. La controverse sur leur origine extra-hépatique pourrait tout simplement résulter de la toxicité vis-à-vis des précurseurs médullaires des inhibiteurs utilisés dans certains modèles animaux. Dans le modèle AAF/HX, où l’AAF n’est pas métabolisé en dehors des hépatocytes, Oh et al. montrent que des cellules de la moelle et intra-hépatiques participent dans des proportions équivalentes à l’accumulation de cellules ovales dans le foie. On peut envisager qu’après une nécrose hépatocytaire, par exposition du foie à des composés qui auraient une toxicité non seulement pour les hépatocytes mais aussi pour les cellules des canaux de Hering, des cellules d’origine médullaire deviennent la source majeure de cellules ovales et puissent suppléer les cellules des canaux de Hering pour le repeuplement du foie par des cellules ovales.

Conclusions

Cet article souligne à nouveau la capacité de cellules médullaires (dont la nature reste à préciser) à se différencier en cellules hépatiques tout en confirmant que ces cellules n’auront un rôle significatif dans le repeuplement du foie que si elles ont un fort avantage sélectif. De plus, il convient de rester très prudent sur la contribution des cellules ovales, quelle que soit leur origine, à la régénération du foie chez des patients atteints d’hépatopathies. Leur différenciation en hépatocytes dans ces foies fibreux au sein d’un environnement inflammatoire n’a pas été établie. Tout au plus peuvent-elles être à l’origine de cellules avec un phénotype intermédiaire [ 9] dont le devenir reste incertain. Leur accumulation pourrait aussi être le reflet d’une différenciation altérée et contribuer au développement de la fibrose portale par la sécrétion de facteurs fibrogéniques [ 10].

References
1.
Oh SH, Witek RP, Bae SH, et al. In vivo differentiation of rat liver oval cells into hepatocytes. Gastroenterology 2007; 132 : 1077–87
2.
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4.
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5.
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6.
Theise ND, Saxena R, Portmann BC, et al. The canals of Hering and hepatic stem cells in humans. Hepatology 1999; 30 : 1425–33.
7.
Petersen BE, Bowen WC, Patrene KD, et al. Bone marrow as a potential source of hepatic oval cells. Science 1999; 284 : 1168–70.
8.
Menthena A, Deb N, Oertel M, et al. Bone marrow progenitors are not the source of expanding oval cells in injured liver. Stem Cells 2004; 22 : 1049–61.
9.
Falkowski O, An HJ, Ianus IA, et al. Regeneration of hepatocyte buds in cirrhosis from intrabiliary stem cells. J Hepatol 2003; 39 : 357–64.
10.
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11.
Marieb EN. Anatomie et physiologie humaines. Bruxelles : Édition De Boeck, 1999.