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Med Sci (Paris). 2007 January; 23(1): 5–6.
Published online 2007 January 15. doi: 10.1051/medsci/20072315.

Obésité, malbouffe et sédentarité : des inséparables ?

Alain Vanasse,1,3* Marie Demers,2 Abbas Hemiari,3 and Josiane Courteau3

1Département de médecine de famille, Université de Sherbrooke, 3001, 12e Avenue Nord, Sherbrooke (Québec), J1H 5N4 Canada
2Conseil de la Science et de la Technologie, Gouvernement du Québec, Québec (Québec), Canada
3Groupe de recherche PRIMUS, Centre de recherche clinique, CHUS, Sherbrooke (Québec), Canada
Corresponding author.

MeSH keywords: Habitudes alimentaires, Humains, Style de vie, Obésité

 

À l’occasion du 40e anniversaire de la Faculté de Médecine et des Sciences de la Santé de l’Université de Sherbrooke (Québec, Canada), la partie magazine de ce numéro de m/s comporte la 2e partie de la série de Nouvelles écrites par des chercheurs de cette prestigieuse Université. Ces Nouvelles sont identifiées par le logo de l’Université de Sherbrooke (S).

Selon l’OMS [ 1], l’obésité atteint des proportions épidémiques dans les pays industrialisés mais plus particulièrement dans les pays anglophones. Pour celles et ceux qui en sont victimes, le surplus de poids ne relève pas seulement d’une question d’esthétisme ; il contribue largement au développement de maladies chroniques avec leurs conséquences sur la qualité de leur vie [ 2]. L’obésité est directement associée à un apport inadéquat en fruits et légumes, ainsi qu’à un faible niveau d’activité physique [ 35]. Enfin, sa prévalence a doublé au Canada entre 1985 et 1998 [ 6]. Comme certains facteurs démographiques y sont également associés, l’utilisation de cartes thématiques traditionnelles permet une représentation visuelle fort commode pour les gestionnaires des instances de santé publique. De façon complémentaire et parce que les surfaces représentées tiennent compte des densités de population, les cartogrammes [ 7] sont particulièrement utiles pour illustrer des problèmes de santé lorsqu’il existe d’importantes différences de densité démographique entre les régions étudiées, comme c’est le cas au Canada.

Nous avons entrepris une étude dont le but visait à vérifier si des taux régionaux élevés de « malbouffe » (apport quotidien en fruits et légumes inférieur à 5 portions) et de sédentarité (dépense énergétique inférieure à 1,5 kcal/kg/jour) permettent de prédire des taux régionaux élevés d’obésité (indice de masse corporelle d’au moins 30 kg/m2) [ 8].

Selon l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes menée en 2003 (Statistique Canada, 2003), les taux d’obésité étaient considérablement hétérogènes à l’échelle des 106 régions sociosanitaires étudiées (les « régions sociosanitaires » représentent des unités administratives définies par un ministère provincial de la Santé et sont placées sous la responsabilité d’Agences régionales). En effet, considérant un taux canadien d’obésité de 15,2 %, les taux régionaux variaient de 6,2 % dans la région de Vancouver à 47,5 % dans les terres-Cries-de-la-Baie-James. Ainsi, les régions métropolitaines de Vancouver, Toronto et Montréal affichaient des taux d’obésité inférieurs au taux canadien tandis que 41 régions affichaient des taux supérieurs ou égaux à 20 %.

Près de la moitié des Canadiens (49,7 %) étaient sédentaires et les taux régionaux de sédentarité démontraient clairement un gradient Ouest-Est. Ces taux s’échelonnaient de 33,5 % pour la Colombie-Britannique à 71 % pour Terre-Neuve. On remarque également que plus de la moitié de la population canadienne (55,8 %) déclarait manger quotidiennement moins de 5 portions de fruits et légumes. Ici encore, les taux régionaux démontraient un gradient Ouest-Est avec des taux allant de 46,3 % pour la Colombie-Britannique à 79,8 % pour Terre-Neuve. La partie gauche de la Figure 1 présente une carte thématique des taux régionaux d’obésité au Canada. On peut y observer que la surface géographique occupée par les régions présentant des taux élevés d’obésité couvre pratiquement l’ensemble du territoire canadien. Cependant, lorsqu’on ajuste la représentation visuelle des taux régionaux d’obésité en fonction de la densité de la population à l’aide du cartogramme, présenté dans la partie droite de la Figure 1, on constate que la surface des territoires ruraux à faible densité de population se trouve considérablement réduite comparativement à celle des régions métropolitaines. Les régions de Vancouver, Toronto et Montréal (voir les encadrés de la Figure 1) qui comptent une forte proportion de la population canadienne, occupent une importante superficie du cartogramme, réduisant ainsi l’impression donnée par la carte thématique concernant les taux élevés d’obésité.

Le Tableau I montre que les valeurs prédictives positives (VPP) relatives aux taux régionaux de « malbouffe » et de sédentarité par rapport aux taux régionaux d’obésité sont supérieures à 80 %. La VPP est encore plus forte lorsque des taux élevés de « malbouffe » et de sédentarité sont manifestes dans la même région. Il est cependant important de constater que les taux régionaux de ces deux facteurs de risque d’obésité ne présentent pas de bonnes valeurs prédictives négatives sur les taux régionaux d’obésité. C’est donc dire que les régions affectées de taux élevés de sédentarité et de « malbouffe », déploreront fort probablement des taux élevés d’obésité mais que les régions comptant sur de taux faibles de sédentarité et de « malbouffe », ne bénéficieront pas nécessairement de taux faibles d’obésité [ 9].

Les résultats présentés dans cette étude sont similaires à ceux des études canadiennes publiées antérieurement [ 10]. L’utilisation complémentaire de cartes thématiques et de cartogrammes permet aux gestionnaires de la santé de prendre en compte deux dimensions importantes en santé publique : la dimension géographique et la dimension populationnelle. Ces types d’analyse sont particulièrement utiles pour la prise de décisions éclairées dans des pays qui, comme le Canada, se distinguent par une grande hétérogénéité de leurs densités de population à l’échelle régionale. Bien que notre étude mette en évidence de fortes valeurs prédictives positives des taux régionaux de « malbouffe » et de sédentarité par rapport aux taux régionaux d’obésité, il apparaît qu’à l’inverse, on ne peut pas leur attribuer de fortes valeurs prédictives négatives. Dans certaines régions, comme le Yukon, où le taux d’obésité est élevé malgré de faibles taux de malbouffe et de sédentarité, on peut émettre l’hypothèse que d’autres déterminants comme les prédispositions génétiques jouent un rôle important. Enfin, les provinces maritimes de l’est du Canada se démarquent par des taux élevés d’obésité, de « malbouffe » et de sédentarité. Le statut socioéconomique de leurs populations pourrait également contribuer à expliquer ce phénomène [ 11].

References
1.
Chopra M, Galbraith S, Darnton-Hill I. A global response to a global problem : the epidemic of overnutrition. Bull WHO 2002; 80 : 952–8.
2.
Visscher TLS, Seidell, J. The public health impact of obesity. Annu Rev Publ Health 2001; 22 : 355–75.
3.
Perez CE. Fruit and vegetable consumption. Health Rep 2002; 13 : 23–31.
4.
Bryan S, Walsh P. Physical activity and obesity in Canadian women. BMC Women’s Health 2004; 4 (suppl I) : S6.
5.
World Health Organization. Obesity : preventing and managing the global epidemic. WHO technical report series n° 894. Genève : OMS, 2000.
6.
Katzmarzyk PT. The Canadian obesity epidemic, 1985-1998. Can Med Ass J 2002; 166 : 1039–40.
7.
Gastner MT, Newman ME. Diffusion-based method for producing density-equalizing maps. Proc Natl Acad Sci USA 2004; 101 : 7499–504.
8.
Health Canada. Canadian guidelines for body weight : classification in adults. Ottawa : Health Canada, 2003.
9.
Vanasse A, Demers M, Hemiari A, Courteau J. Obesity in Canada : where and how many ? Int J Obes (Lond) 2006; 30 : 677–83.
10.
Katzmarzyk PT, Ardern CI. Overweight and obesity mortality trends in Canada, 1985-2000. Can J Publ Health 2004; 95 : 16–20.
11.
Vandegrift D, Yoked T. Obesity rates, income, and suburban sprawl : an analysis of US states. Health Place 2004; 10 : 221–9.