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Med Sci (Paris). 2004 November; 20(11): 951–952.
Published online 2004 November 15. doi: 10.1051/medsci/20042011951.

RGM et néogénine: un jeune couple prometteur

Eiji Matsunaga and Alain Chédotal*

Équipe Développement neuronal, CNRS UMR7102, Université Paris 6, 9, quai Saint-Bernard, 75005 Paris, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Différenciation cellulaire, Éphrine A5, Humains, Protéines membranaires

 

On sait depuis longtemps que la plupart des projections axonales sont organisées de manière précise et ordonnée et que, dans de nombreux systèmes, des neurones adjacents se projettent sur des neurones cibles adjacents. C’est notamment le cas des projections visuelles des vertébrés, constituées par les axones des cellules ganglionnaires de la rétine. Chez les poissons, les reptiles, les amphibiens et les oiseaux, les axones « visuels » se projettent sur des neurones situés dans le toit optique en respectant une organisation topographique précise : les neurones de la rétine antérieure contactent des neurones dans le toit optique postérieur alors que les neurones de la rétine postérieure se projettent sur les neurones du toit optique antérieur. Des travaux d’embryologie expérimentale, effectués dans les années 1960, avaient montré que la mise en place des projections visuelles est orchestrée par des molécules de guidage axonal dont le profil d’expression dans le toit optique préfigure la topographie finale. Ce n’est qu’au début des années 1990 que des molécules appelées éphrines A, capables d’influencer la croissance des axones rétiniens et exprimées de manière topographique dans le toit optique, ont été caractérisées. En 2002, RGM (repulsive guidance molecule), une nouvelle molécule ayant ces propriétés, a été purifiée à partir d’extraits de la région du toit optique de poulet [ 1]. Comme les éphrines A, RGM est ancrée à la membrane des cellules du toit optique par un groupement glycosylphosphatidyl inositol (GPI) et est fortement exprimée par les cellules du toit optique postérieur et faiblement par celles du toit optique antérieur. De même, RGM est capable d’inhiber sélectivement la croissance des axones des cellules ganglionnaires provenant de la rétine postérieure. Trois homologues de RGM (A, B et C) ont été clonés chez les mammifères [ 2]. Il restait à identifier le récepteur de RGM porté à la surface des axones rétiniens. Des travaux réalisés par le groupe du Dr Steve Strittmatter (Yale, USA) en collaboration avec notre équipe ont permis de montrer que le récepteur de RGM est une molécule de la superfamille des immunoglobulines appelée néogénine [ 3]. Une autre molécule de guidage axonal appelée nétrine-1 peut aussi se lier à la néogénine mais avec une affinité beaucoup plus faible que RGM, suggérant que la néogénine n’est pas un récepteur physiologique de la nétrine-1. En revanche, il est possible de bloquer l’activité inhibitrice de RGM pour les axones rétiniens avec des anticorps anti-néogénine. De plus, les axones sensoriels des ganglions rachidiens, qui sont normalement insensibles à RGM, parce qu’ils n’expriment pas la néogénine, y deviennent sensibles si on force leur expression du récepteur. Des travaux en cours dans notre laboratoire tendent à confirmer l’importance de l’interaction RGM/néogénine dans la formation de la projection visuelle chez l’embryon. Nous avions aussi remarqué que, chez le poulet, RGM et néogénine sont exprimées très tôt chez l’embryon, dans de nombreuses régions du cerveau, suggérant que leur fonction ne se restreint pas au seul guidage axonal. Pour mieux connaître le rôle précoce de ces molécules, nous avons choisi de perturber leur expression normale dans le système nerveux en utilisant la technique d’électroporation in ovo [3].

Cette méthode mise au point au Japon permet de faire entrer sous l’effet d’impulsions électriques de l’ADN dans les cellules en division, notamment dans le système nerveux d’embryon de poulet. Nous avons employé différents vecteurs permettant soit d’augmenter l’expression de la néogénine ou de RGM, soit, au contraire, de les faire disparaître. Cette dernière approche fait appel à la technique des petits ARN interférents. Nous avons constaté que la surexpression de la néogénine, mais pas celle de RGM, provoquait une forte élévation de la mort cellulaire apoptotique dans le système nerveux [3]. Ce résultat rappelait ceux obtenus par le groupe de Patrick Mehlen (CNRS, Lyon, France) avec DCC (deleted in colorectal cancer) un récepteur de la nétrine-1 de structure moléculaire proche de la néogénine (→).

(→) m/s 2001, n° 6-7, p. 744 et 2003, n° 11, p. 1062

En effet, diverses études indiquent que DCC appartient à la famille des récepteurs dits à dépendance : quand leur ligand est présent, ces récepteurs agissent positivement sur les cellules qui les expriment, par exemple en stimulant la croissance axonale dans le cas de DCC et de la nétrine-1. En l’absence de ligand, le récepteur n’est pas inactif, mais induit la mort des cellules qui l’expriment. En collaboration avec l’équipe de P. Mehlen, nous avons donc cherché à savoir si la néogénine était un récepteur à dépendance pour RGM. Nous avons montré que, si l’on diminue l’expression de RGM avec des ARN interférents, on peut stimuler la mort cellulaire dans le système nerveux dans des proportions équivalentes à celle de la néogénine. Cet effet pro-apoptotique est dépendant de la présence de néogénine car il est bloqué si on supprime simultanément la néogénine et RGM. L’utilisation de lignées cellulaires a permis de montrer que la mort induite par la néogénine requiert un clivage de son domaine intracellulaire et l’activation de la voie des caspases. Ces résultats montrent que la néogénine est un récepteur à dépendance et que le rôle des molécules dites de guidage axonal dépasse leur stricte fonction de guidage et qu’elles ont une implication plus large dans de nombreuses étapes du développement du système nerveux. En outre, un nombre croissant de travaux suggèrent que ces molécules sont aussi impliquées dans des processus pathologiques dont certains cancers. À ce titre, il vient d’être montré que RGMC est impliqué dans l’hémochromatose juvénile [ 4], ce qui laisse présager d’autres surprises avec ces molécules.

 
Acknowledgments

Ce projet est soutenu par la Fondation Retina France

References
1.
Monnier PP, Sierra A, Macchi P, et al. RGM is a repulsive guidance molecule for retinal axons. Nature 2002; 419 : 392–5.
2.
Matsunaga E, Tauszig-Delamasure S, Monnier PP, et al. RGM and its receptor neogenin regulate neuronal survival. Nat Cell Biol 2004; 6 : 749–55.
3.
Rajagopalan S, Deitinghoff L, Davis D, et al. Neogenin mediates the action of repulsive guidance molecule. Nat Cell Biol 2004; 6 : 756–62.
4.
Papanikolaou G, Samuels ME, Ludwig EH, et al. Mutations in HFE2 cause iron overload in chromosome 1q-linked juvenile hemochromatosis. Nat Genet 2004; 36 : 77–82