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Med Sci (Paris). 2002 October; 18(10): 1027–1029.
Published online 2002 October 15. doi: 10.1051/medsci/200218101027.

La recherche dans le domaine des sciences de la vie au RIKEN

Sophie Vriz

Service pour la Science et la Technologie, Ambassade de France à Tokyo, 4-11-44, Minami-Azabu, Minato-ku, Tokyo 106-8514, Japon
 

Le RIKEN est probablement l’organisme de recherche le plus important au Japon. Il est souvent comparé au Cnrs, et nous allons voir que ces deux organismes présentent beaucoup d’analogies mais aussi de nombreuses différences.

Un peu d’histoire…

Le RIKEN (Institute of Physical and Chemical Research), créé en 1917 en tant que fondation privée dévolue à la recherche en physique et en chimie, a été transformé en 1958 en établissement indépendant sous la tutelle de l’Agence japonaise pour la Science et la Technologie (AST). Il dépend aujourd’hui du MEXT (Ministère de l’Éducation, de la Culture, du Sport, de la Recherche et de la Technologie). En 1974, le RIKEN inaugure son premier département de sciences de la vie. Depuis, la recherche dans ce secteur s’est développée rapidement avec l’ouverture de cinq instituts dont trois ces quatre dernières années (Tableau I).

Les différents instituts (Figure 1)

Le Brain Science Institute
Les neurosciences sont affichées par le Japon comme un domaine de recherche prioritaire pour le XXIe siècle. Dans ce contexte, le Brain Science Institute (BSI), dirigé par le Dr Masao Ito est un des fleurons du RIKEN. Masao Ito a imposé un système d’organisation et de gestion qu’il avait expérimenté dès 1986 en développant les Frontier Research Programs (FRP), une structure très souple, largement ouverte sur la scène internationale, qui recrute des chercheurs sur des programmes très bien cadrés, à court terme (moins de trois ans). Le BSI est construit à cette image : il comprend 459 personnes d’une moyenne d’âge de 35 ans, toutes recrutées pour des contrats de moins de cinq ans. Cet institut comprend 20 % de chercheurs étrangers (dont cinq directeurs de laboratoire), la langue officielle est l’anglais et des séminaires et colloques internationaux sont organisés très régulièrement pour favoriser les collaborations et les échanges (voir encadré). Certains liens sont privilégiés, notamment avec le Massachusetts Institute of Technology (MIT) aux États-Unis, avec le lequel le RIKEN a signé des accords de collaboration. Enfin, l’institut bénéficie d’un budget annuel de 92 millions d’Euros, qui donne l’impression aux chercheurs en place que leurs travaux peuvent être envisagés sans contrainte matérielle.

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Les deux derniers instituts créés, Yokohama Institute et le Center for Developmental Biology, sont bâtis sur ce même modèle et reprennent les thématiques-clés annoncées en 1999 dans le Millenium Project : génomique, transplantation et régénération, immunologie et allergie.

L’Institut de Yokohama
L’Institut de Yokohama comprend quatre centres, le Genomic Sciences Center (GSC), le SNP Research Center (SRC), le Plant Science Center (PSC) et le Research Center for Allergy and Immunology, tous ayant en commun une recherche en génomique et protéomique systématique et centralisée.

Le Genomic Science Center compte 335 personnes réparties dans cinq départements. Un de ses atouts sont les équipements. Par exemple, le département de recherche sur les protéines intègre le plus grand laboratoire de RMN (résonance magnétique nucléaire) du monde (16 systèmes de RMN). Chacun des équipements RMN de haut champ est installé dans une alvéole, ces alvéoles étant elles-mêmes réparties au sommet d’un pentagone dont le centre comprend les systèmes de plus bas champ. Chaque ensemble peut donc contenir cinq systèmes à haut champ et cinq à bas champ. Actuellement, le campus comprend six RMN de 800 MHz et dix de 600 MHz. Trois RMN de 900 MHz seront opérationnelles avant la fin de l’année 2002 et, finalement, ce sont 40 systèmes de RMN qui fonctionneront à Yokohama. Ces infrastructures, couplées à l’utilisation de Spring-8 (synchrotron qui produit la plus grande source de rayon X au monde, localisé à Harima), placent le RIKEN au tout premier plan de la recherche en protéomique. Ces équipements sont jusqu’à maintenant sous-utilisés, le GSC « cherche chercheurs désespérément »…

Le SNP Research Center est un centre de recherche hors murs avec, jusqu’à présent, des équipes de recherche dispersées. Il comprend, outre le laboratoire de génotypage dirigé par Yusuke Nakamura, trois laboratoires de génétique humaine (maladies cardiovasculaires, maladies rhumatismales et maladies liées aux os) et un laboratoire de bio-informatique.

Le Plant Science Center, divisé en huit laboratoires qui regroupent 64 personnes, a été créé il y a deux ans. Il vient de publier son premier bilan. C’est le seul institut du RIKEN à présenter les résultats scientifiques obtenus, 35 publications dans des revues internationales et six prises de brevet.

Le Centre de Biologie du Développement
La première partie du Centre de Biologie du Développement a été inaugurée à Kobe cette année. L’ensemble du centre, qui doit regrouper à terme une trentaine de laboratoires ,sera complété avant la fin de l’année 2002. Cet institut affiche trois objectifs : élucider les mécanismes du développement, élucider les mécanismes de régénération et établir les bases d’une médecine régénératrice. Il s’est doté d’un conseil scientifique international et affiche une politique d’ouverture vers les chercheurs étrangers.

Un appel d’offre international pour des chefs de groupe a été lancé en juillet 2001 lors du 14th International Congress of Developmental Biology à Kyoto. Le RIKEN offre un contrat de cinq ans pour créer un laboratoire. Outre le salaire et les frais d’installation et de fonctionnement du laboratoire, le budget nécessaire au recrutement de deux techniciens et de trois chercheurs post-doctoraux est offert. Les thèmes de recherche retenus sont les cellules souches, la régénération des tissus et leurs applications médicales, l’organogenèse, la biologie cellulaire et moléculaire du développement en mettant l’accent sur le cycle cellulaire, la structure de la chromatine et la transcription. Malgré les conditions attrayantes proposées par le RIKEN, les candidatures ne se bousculent pas. Le Japon est loin, géographiquement et culturellement.

Le RIKEN en chiffres… (Tableau II)

En 2001, le RIKEN comprenait 2 524 personnes pour un budget total de 87,9 milliards de Yen soit environ 814 millions d’Euros (soit 15 % d’augmentation par rapport à 2000). Par comparaison, la même année, le Cnrs employait 25 032 personnes et était doté d’un budget de 2 460 millions d’Euros, seulement trois fois plus de moyens pour dix fois plus de personnes, avec une différence de taille : les dépenses de personnel représentent environ 60 % du budget au Cnrs pour seulement 12 % au RIKEN.

Recherche appliquée au RIKEN

Dans un entretien accordé récemment à France Japon Eco [1], Shunichi Kobayashi, président du RIKEN, faisait le point sur les relations entre le RIKEN et les entreprises. Avant 1945, le RIKEN a donné naissance à de nombreuses entreprises comme, par exemple, le fabricant de photocopieuses Ricoh. Ces entreprises continuent à être en relation avec le RIKEN sous la forme d’un « Club des amis du RIKEN » qui se réunit deux fois par an. Depuis 1997, un effort a été fait pour aider à la création de nouvelles entreprises et, en avril 1998, la création du RIKEN venture scheme offre un cadre aux chercheurs tentés par cette aventure. Le RIKEN détient les droits sur 563 licences au Japon et 375 à l’étranger, et nombreuses sont celles qui sont exploitées par des entreprises privées.

Pour En Savoir Plus

References
1.
Kobayashi S. Entretien. France Japon Eco 2001; n°87 : 69–70.