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Med Sci (Paris). 2002 June; 18(6-7): 757–759.
Published online 2002 June 15. doi: 10.1051/medsci/20021867757.

Le coût de la maladie d’Alzheimer : un problème économique délicat

Marie-Ève Joël*

Université Paris IX-Dauphine, place du Maréchal de Lattre de Tassigny, 75775 Paris Cedex 16, France
Corresponding author.
 

La démence de type Alzheimer ne représente pas une maladie nouvelle. Le récent changement de la structure d’âge des populations dans les pays industrialisés en fait toutefois un problème de santé publique important aux conséquences économiques sérieuses puisqu’il faut (et il faudra) financer un volume de soins croissant. La population atteinte de maladie d’Alzheimer correspond à 5 % de la population des plus de 65 ans et à 20 % de la population des plus de 85 ans. L’étude de Pacolet [1] estimait à environ 9 millions les personnes dépendantes qui, en Europe, sont déjà prises en charge, d’une manière ou d’une autre, par la collectivité. Cela veut dire qu’au moins trois millions de personnes sont concernées par la maladie d’Alzheimer en Europe.

Cet article se propose de faire le bilan des conséquences socio-économiques de la maladie et de suggérer quelques lignes prospectives.

Une première approche économique

Une première approche économique du coût de la maladie d’Alzheimer est disponible.

De nombreux travaux - macro-économiques et microéconomiques - ont, selon des méthodologies diverses, essayé d’évaluer le coût de la maladie d’Alzheimer pour les patients et/ou leurs familles, pour la Sécurité sociale et pour la collectivité dans son ensemble. Les résultats de ces travaux sont hétérogènes, largement tributaires des estimations de population dont on dispose et de la méthodologie d’analyse des coûts qui a été retenue. La connaissance économique de la prise en charge de la maladie d’Alzheimer est inférieure à celle de la dépendance des personnes âgées, sur les plans quantitatif et quantitatif (deux revues de la littérature traitent clairement du problème [2, 3]).

Il existe peu d’études en Europe sur ce sujet, à l’opposé des pays anglo-saxons dans lesquels ces travaux sont notablement plus nombreux. Cette pauvreté de l’approche économique contraste avec le caractère prolixe de la littérature épidémiologique et clinique.

Cette situation s’explique simplement. Il n’est pas évident de distinguer les dépenses relatives aux populations atteintes de la maladie d’Alzheimer des dépenses relatives aux personnes âgées dépendantes. Dans la plupart des pays européens en effet, les personnes atteintes de démence de type Alzheimer ne disposent pas de prestations spécifiques attribuées par les systèmes de protection sociale qui soient distinctes des prestations attribuées aux personnes âgées dépendantes. De même, une majorité des services à domicile et des institutions d’hébergement accueillent indifféremment des personnes âgées dont les dépendances sont d’origine physique et psychique. Les filières spécialisées pour les patients atteints de démence de type Alzheimer restent minoritaires dans le système de soins de long terme pour les personnes âgées. Elles ne peuvent pas servir de point de départ à la construction d’une information économique solide.

Les données économiques sur les « aidants » aux patients sont rares

Dans ces conditions, il est logique que les données économiques sur les « aidants » aux patients atteints de démence de type Alzheimer soient rares. Là encore, il faut mettre en équilibre cette rareté de l’approche économique avec l’abondance de travaux sur les caractéristiques sociales des « aidants », la qualité de vie et le fardeau des « aidants ».

Il existe quelques travaux macro-économiques sur le coût de la maladie d’Alzheimer ou sur les comparaisons des différentes prises en charge qui, à titre des sous-produits, proposent une information sur les «aidants » qui est souvent assez sommaire. Ces analyses reconnaissent l’importance de la contribution familiale pour s’attacher ensuite au calcul de la contribution publique.

Études micro-économiques concernant les « aidants »

Parmi les études micro-économiques qui traitent directement des conséquences économiques sur l’ « aidant » d’un patient atteint de la maladie d’Alzheimer, et qui produisent des données économiques sur les « aidants » aux patients atteints de démence de type Alzheimer, deux types de travaux peuvent être recensés.

On recense, d’une part, des études très ponctuelles -telles que l’étude belge - qui ne s’intéressent qu’à un petit nombre de patients et calculent très précisément le coût de la prise en charge, sans qu’aucune généralisation ne soit possible. Il existe, d’autre part, des études plus générales, mais dont les conclusions sont tributaires du mode de calcul des coûts, et de la manière dont on comptabilise en particulier la production domestique. Ces études montrent que le coût a tendance à augmenter avec le degré de démence du patient, que le coût de la démence augmente avec l’augmentation du revenu du ménage.

Les coûts

Tous ces résultats concernant les déterminants des coûts sont issus d’études réalisées sur des données microéconomiques provenant d’échantillons parfois de très petite taille et sur des durées allant de deux à douze mois, alors que la durée d’évolution d’une démence varie de sept à dix ans.

Malgré les comparaisons difficiles à effectuer entre les différentes études, on peut en tirer quelques données sur les coûts (Tableaux I et II).

Les résultats des études de coûts de la démence sont très variables car ils sont tributaires des méthodes de calcul des coûts. De nombreux problèmes méthodologiques se posent.

Conclusions

On peut choisir d’étudier des sujets atteints de démence en général [4] ou plus particulièrement de démence de type Alzheimer [5] en arguant du fait que la maladie d’Alzheimer est la première cause de démence.

Une fois ce premier choix réalisé, quel stade de la maladie étudier ? Tous les stades, ou uniquement les démences modérées à sévères ? Souêtre [6], qui veut étudier l’impact de la sévérité des symptômes de la maladie d’Alzheimer sur la structure des coûts, étudie 51 patients atteints de démence de tous stades. Une dernière option concerne le choix d’une population à domicile ou en institution.

Le calcul de la prévalence de la démence légère, la durée des études, la classification des coûts impliquent également des choix méthodologiques hétérogènes et délicats.

References
1.
Pacolet J, et al. Social protection for dependency in old age in the 15 EU member states and Norway. Leuven: HIVA-Katholieke Universiteit, 1999.
2.
Fagnani F, Severo C, Detournay B. Aspects socio-économiques de la maladie d’Alzheimer : problèmes méthodologiques d’estimation des coûts. Gérontologie et Société mars 1995.
3.
Marissal JP, Selke B, Lebrun T, Frybourg JM. Le coût de la maladie d’Alzheimer : analyse de la littérature et réflexions méthodologiques. La Revue de Gériatrie 1998; 2 : 121–30.
4.
Collins C, Stommel M, Wang S, Given CW. Caregiving transitions: changes in depression among family caregivers of relatives with dementia. Nurs Res 1994; 43 :220–5.
5.
Gray A, Fenn P. Alzheimer’s disease: the burden of the illness in England. Health Trends 1993; 25 : 31–7.
6.
Souêtre EJ, Qing W, Vigoureux I, et al. Economic analysis of Alzheimer’s disease in outpatients: impact of symptom severity. Int Psychogeriatr 1995; 7 :115–22.
7.
The true cost of caring. A survey of carers’ lost income. Caring Costs Alliance, 1996
8.
Kurz X, Dresse A. Démence et maladie d’Alzheimer : un défi pour l’an 2000. Bruxelles : IBES, Institut Belge d’Économie de la Santé, mars 1996.
9.
Max W, Webber P, Fox P. Alzheimer’s disease, the unpaid burden of caring. J Aging Health 1995; 7 : 179–99.