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Med Sci (Paris). 2003 May; 19(5): 540–541.
Published online 2003 May 15. doi: 10.1051/medsci/2003195540.

Peut-on séparer GVH et GVT après greffe de cellules souches hématopoïétiques allogéniques ?

Mohamad Mohty* and Daniel Olive**

Laboratoire d’Immunologie des Tumeurs et Inserm U.119, Institut Paoli-Calmettes, 232, boulevard Sainte Marguerite, 13009 Marseille, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Régions déterminant la complémentarité, Maladie du greffon contre l'hôte, Réaction du greffon contre la tumeur, Tumeurs hématologiques, Humains, Transplantation de cellules souches de sang périphérique, Sous-populations de lymphocytes T, Conditionnement pour greffe, Transplantation homologue

 

L’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques (allo-CSH) est une thérapeutique validée dans la prise en charge des hémopathies malignes. Classiquement, le pouvoir curatif de l’allo-CSH repose essentiellement sur le contrôle de la maladie par certains effecteurs issus du greffon. Ces effecteurs du greffon sont capables de déclencher une réaction immune dirigée contre les cellules du receveur et responsable de la réaction du greffon contre l’hôte ou GVH (graft versus host). Preuve en est l’existence d’un risque de rechute de la maladie, supérieur en cas d’allogreffe syngénique [ 1]. Si l’on considère le versant bénéfique, cet effet GVH se traduit par une éradication de la tumeur et réalise ainsi une réaction du greffon contre la tumeur ou effet GVT (graft versus tumor) [ 2]. À l’opposé, cette réaction de GVH peut revêtir des aspects délétères quand les cellules normales (peau, foie, tube digestif, etc.) de l’hôte deviennent ellesmêmes la cible de cette réaction; c’est ce qu’on appelle communément la maladie du greffon contre l’hôte ou GVHD (graft-versus-host disease) (→). Comme en témoignent plusieurs observations, les effecteurs impliqués dans les phénomènes de GVT ou de GVHD sont les lymphocytes T. Ainsi, l’inactivation ou encore la déplétion des lymphocytes T du greffon, en vue de diminuer l’incidence de la GVH, s’accompagne d’une augmentation significative du taux de rechute chez les malades ayant reçu une allogreffe de CSH [ 3]. De même, la réinjection de lymphocytes du donneur peut amplifier ou déclencher cet effet GVT, en particulier en cas d’hémopathies myéloïdes [ 4]. Ainsi, les taux de rechute baissent et la survie est améliorée chez les patients présentant une GVH après une allo-CSH par comparaison à ceux qui ne développent pas de GVH [1, 2]. Cependant, des rémissions complètes ont pu être observées en l’absence de GVH, comme cela a été rapporté chez des patients atteints de leucémie myéloïde chronique [ 5] ou de leucémies aiguës myéloblastiques [1]. Ces données suggèrent que les réactions de GVT et de GVH sont intimement liées, mais peuvent être dissociées. En raison du rôle prédominant de la GVT dans le pouvoir curatif de l’allo-CSH, mais aussi de la forte morbidité et mortalité induite par la GVHD, la dissociation des phénomènes de GVT et de GVH apparaît comme un élément critique dans cette approche d’immunothérapie. Dans un récent article, Michalek et al. ont établi un modèle in vitro visant à séparer GVH et GVT [ 6]. Ils ont pu ainsi montrer que des effecteurs T CD4+ alloréactifs de type GVH (obtenus dans une réaction lymphocytaire mixte entre des cellules stimulatrices irradiées non leucémiques et des lymphocytes T CD4+ allogéniques) sont distincts des lymphocytes T CD4+ alloréactifs de type GVT (obtenus dans une réaction lymphocytaire mixte entre des cellules stimulatrices leucémiques issues du même donneur que précédemment, et des lymphocytes T CD4+ allogéniques). L’analyse se fondait sur la clonalité du récepteur de l’antigène des lymphocytes T (TCR, T cell receptor) par la technique du complementarity- determining region 3 (CDR3) pour les différents locus du TCRβ [6]. Malgré les nombreuses limites de ce modèle, ces données laissent supposer l’existence de cibles antigéniques spécifiques des cellules tumorales, que ne partagent pas les cellules saines cibles de la GVH. Cependant, ces antigènes ne sont pas encore clairement identifiés: plusieurs candidats existent comme les antigènes tumoraux, mais aussi les antigènes mineurs d’histocompatibilité, laissant encore le débat ouvert quant à la possibilité d’une séparation GVH-GVT. L’allo-CSH connaît actuellement un essor considérable (855 patients recensés en France en 2001), non seulement dans le traitement des hémopathies malignes, mais aussi dans certaines tumeurs solides [ 7]. Cela est principalement lié au développement de conditionnements dits d’intensité réduite. Dans ces conditions de myélo-ablation courte, ces allo- CSH permettent une prise de greffe rapide avec une toxicité limitée, et leur objectif ultime est de favoriser l’émergence de l’effet GVT par rapport aux autres effets toxiques comme ceux qui sont associés à la GVHD. Plusieurs études pilotes ont démontré la faisabilité, la tolérance et, dans certains cas, l’efficacité de ce type de conditionnement. Ainsi, la mortalité immédiate (< 3 mois) en rapport avec l’allo-CSH est significativement plus faible après un conditionnement d’intensité réduite qu’après un conditionnement classique myélo-ablatif. Cependant, malgré la diminution de la toxicité immédiate, la forte immunosuppression à laquelle sont soumis ces malades (sérum anti-lymphocytaire, fludarabine, ciclosporine, mycophénolate mofétil, etc.), peut inhiber une réponse immune efficace, et met donc l’accent sur la nécessité d’adjoindre à l’allo-CSH d’autres stratégies d’immunothérapie comme la vaccination par cellules dendritiques ou la manipulation des effecteurs avant réinjection des lymphocytes du donneur, capables d’induire à long terme un véritable effet GVT avec contrôle durable et efficace de la maladie.

(→) m/s 1997, n° 3, p. 312

References
1.
Horowitz MM, Gale RP, Sondel PM, et al. Graft- versus - leukemia reactions after bone marrow transplantation. Blood 1990; 75: 555–62.
2.
Weiden PL, Sullivan KM, Flournoy N, Storb R, Thomas ED. Antileukemic effect of chronic graft-versus -host disease: contribution to improved survival after allogeneic marrow transplantation. N Engl J Med 1981; 304: 1529–33.
3.
Maraninchi D, Gluckman E, Blaise D, et al. Impact of Tcell depletion on outcome of allogeneic bone-marrow transplantation for standard-risk leukaemias. Lancet 1987; 2: 175–8.
4.
Kolb HJ, Schattenberg A, Goldman JM, et al. Graft- versus - leukemia effect of donor lymphocyte transfusions in marrow grafted patients. European group for blood and marrow transplantation working party chronic leukemia. Blood 1995; 86: 2041–50.
5.
Falkenburg, JH, Wafelman AR, Joosten P, et al. Complete remission of accelerated phase chronic myeloid leukemia by treatment with leukemiareactive cytotoxic T lymphocytes. Blood 1999; 94: 1201–8.
6.
Michalek, J, Collins RH, Durrani HP, et al. Definitive separation of graft-versus leukemia- and graft-versus host- specific CD4+ T cells by virtue of their receptor beta loci sequences. Proc Natl Acad Sci USA 2003; 100: 1180–4.
7.
Childs, R, Chernoff A, Contentin N, et al. Regression of metastatic renal-cell carcinoma after nonmyeloablative allogeneic peripheral-blood stem-cell transplantation. N Engl J Med 2000; 343: 750–8